Les logiciels libres dans la pédagogie au Cameroun

Paul Dieudonné Mbock
 

Avant Propos

   Après l'installation d'une distribution GNU/Linux dans les serveurs des Centres de Ressources Multimédia des dix régions du Cameroun et la configuration des serveurs DHCP et Samba il y a quelques temps, nous avons, en ce début d'année, installé et configuré le paquetage XAMPP (Apache, MySQL, PHP, Perl) pour les mêmes serveurs. Le 22 août dernier, nous avons été invité par les responsables de la région du Sud-ouest du Cameroun afin de présenter un exposé portant sur les logiciels « open sources ». Le public cible est essentiellement constitué de jeunes enseignants d'informatique d'expression anglaise. Nous proposons à toute la communauté les grandes lignes de cet exposé.

************************************************

 
Des objectifs

   L'objectif général visé par cet exposé est d'intégrer les logiciels libres dans les actions quotidiennes de traitement d'information.

   De manière spécifique, après avoir participé aux travaux (exposé, échanges, démonstrations, travaux pratiques), les participants seront capables de :

• Faire la différence entre logiciel libre et logiciel propriétaire ;
• Identifier les différentes licences de logiciels ;
• Identifier les équivalences des logiciels ;
• Choisir une distribution GNU/Linux ;
• Utiliser un environnement GNU/Linux de base ;
• Identifier quelques actions que l'on peut mener avec une distribution GNU/Linux ;
• Insérer les logiciels libres dans le système éducatif camerounais.

 
Introduction

   Tous les jours, nous utilisons des ordinateurs avec des dizaines de logiciels. Cependant, combien d'entre nous se préoccupent de l'origine des logiciels utilisés ? Notre naïveté se révèle surtout lors de l'installation de ces logiciels : nous acceptons toujours le contrat de licence sans l'avoir lu et utilisons souvent des versions illégales des logiciels, actions qui entraînent notre condamnation.

   Cet exposé nous propose un regard nouveau en ce qui concerne les logiciels que nous utilisons au quotidien. Le but principal étant d'éveiller notre « conscience informatique » en nous familiarisant avec les logiciels libres. Nous insisterons sur les systèmes Linux, logiciel d'exploitation libre par excellence.

   Des échanges, de nombreuses démonstrations et des travaux pratiques seront menés afin de permettre au plus grand nombre d'utilisateurs avertis de faire le pas vers les logiciels libres.

 
Logiciel libre – Logiciel propriétaire

   Un logiciel libre est un logiciel qui est fourni avec l'autorisation pour quiconque de l'utiliser, de le copier et/ou de le distribuer, sous une forme conforme à l'original ou avec des modifications, gratuitement ou contre paiement. Ceci veut dire en particulier que son code source doit être disponible [1].

   Les programmeurs écrivent les logiciels dans un « langage évolué », c'est-à-dire compréhensible par un être humain. L'ensemble des instructions ainsi obtenues constitue le « code source ». Par un processus appelé compilation, le code source est transformé en une suite de 0 et de 1 appelée « code objet ». C'est cette version qui s'exécute directement sur les ordinateurs.

   Avec les logiciels libres, nous bénéficions de nombreuses libertés. Nous pouvons notamment [2] :

• Les utiliser, pour quelque usage que ce soit ;

• Étudier leur fonctionnement et les adapter à nos propres besoins (l'accès au code source est une condition nécessaire) ;

• Redistribuer les copies de ces logiciels sans limitation aucune ;

• Les modifier, les améliorer et diffuser les versions dérivées au public de façon à ce que tout le monde en tire avantage.

   Un programme est un logiciel libre si les utilisateurs ont toutes les libertés ci-dessus évoquées. Ces libertés ne sont accordées aux utilisateurs qu'à condition d'en faire bénéficier les autres, afin que « la chaîne de vertu » ne soit pas interrompue.

   Les logiciels libres s'opposent aux logiciels propriétaires. Quand on achète ces derniers, on achète en fait le droit de les utiliser dans des conditions très restrictives. Pour cela, seul le code exécutable nous est fourni. Un logiciel est dit propriétaire ou privatif lorsque toute son ingénierie interne est cachée au client.

   Un logiciel est libre du point de vue de la liberté, et non du prix. Mais les sociétés éditrices de logiciel privateur (propriétaire ou non libre) utilisent parfois le terme free software (logiciel libre) pour parler de gratuité. Cela veut parfois dire que vous pouvez en obtenir une copie binaire gratuitement ou qu'une copie de ce logiciel est comprise dans le prix d'achat de votre ordinateur. Ceci n'a rien à voir avec le « logiciel libre », tel que nous le définissons au projet GNU [3].

   La notion de logiciel libre n'est donc pas synonyme de gratuité, même si les tarifs pratiqués dans ce domaine sont sans commune mesure avec ceux de l'informatique traditionnelle. Cependant, il y a toujours la possibilité de se procurer un logiciel libre sans frais à débourser.

 
Licence GPL de GNU

   Afin de permettre la distribution de programmes exempts de droits, la FSF (Free Software Foundation) a développé un projet nommé GNU (acronyme récursif signifiant « GNU is Not Unix »).

   Les utilitaires GNU sont soumis aux termes de la licence d'utilisation GPL (General Public License) décrivant les conditions légales d'utilisation, de distribution ou de modification du code source.

   À titre indicatif, voici quelques points focaux de cette licence :

• La licence GPL permet la modification du programme original, et sa diffusion (sous licence GPL) ;

• La licence GPL autorise la vente du logiciel libre sous sa forme originelle ou modifiée, à condition que le vendeur autorise la diffusion (même gratuite) du logiciel ainsi modifié ;

• La licence GPL autorise l'utilisation du logiciel à des fins lucratives ;

• Les logiciels sous licence GPL restent la propriété de leurs auteurs, personne ne peut donc s'approprier tout ou partie des droits d'auteur ;

• La licence n'implique aucune forme de rémunération des auteurs.

   La version 3 de cette licence, publiée le 29 Juin 2007 est disponible dans le site de la Free Software Foundation [4].

   Cette licence est parfois appelée « copyleft », par opposition avec « copyright », droit d'auteur pour les logiciels propriétaires.

 
Logiciels libres, logiciels propriétaires, freeware et shareware

   Le tableau ci-dessous présente une comparaison des qualités des logiciels. On notera avec satisfaction les droits exceptionnels accordés aux utilisateurs par les logiciels libres.

 
Équivalences des logiciels

   De nos jours, les logiciels libres sont présents dans la quasi-totalité des domaines d'activité. Le tableau suivant donne un aperçu des équivalences des logiciels dans les différents systèmes d'exploitation. Un seul logiciel par catégorie est présenté volontairement dans ce tableau. Une liste complète des équivalences peut être obtenue en visitant l'encyclopédie libre Wikipédia [5]. Il serait aussi utile de consulter la liste des logiciels libres proposée par la même encyclopédie [6].

 
Les systèmes GNU/Linux

   Linux est certainement la réalisation la plus importante parmi les logiciels Libres.

Quelques dates

• 1965 : Naissance du premier système UNIX ;
• 1984 : Naissance du projet GNU ;
• 1991 : Sortie de la version 0.01 du noyau Linux (17 septembre) ;
• 1992 : Première distribution Linux.

Caractéristiques de base du système

   Linux possède plusieurs caractéristiques. À la base, c'est un système d'exploitation :

• Multi plate-forme ;
• Multi utilisateurs ;
• Multitâches ;
• Multiprocesseurs ;
• Libre ;
• Fiable, robuste et puissant ;
• Capable de fonctionner avec très peu de ressources matérielles.

Notion de distribution GNU/Linux

   Linux est organisé autour d'un noyau (kernel) qui prend en charge le matériel. On appelle distribution l'assemblage des logiciels autour d'un noyau Linux afin de fournir un système clé en main.

   Une distribution GNU/Linux est donc un ensemble cohérent de logiciels rassemblant un système d'exploitation composé d'un noyau Linux et de logiciels issus du projet GNU, ainsi que des logiciels supplémentaires le plus souvent libres.

   Puisque Linux est libre, il n'y a pas de distribution d'une version « officielle ». Par conséquent, tout le monde est libre d'assembler tous les programmes composant un système Linux complet et de le diffuser, tant que les conditions requises par la GPL sont observées.

   Il existe de nombreuses distributions GNU/Linux. Ci-dessous, deux données statistiques en début août 2012 peuvent le confirmer :

• 642 distributions (http://lwn.net) ;
• 727 distributions et dérivées (http://distrowatch.com).

   À titre indicatif, nous listons quelques distributions dont nous avons eu le privilège d'expérimenter : Cent OS, Debian, Fedora, Gentoo, Knoppix, Linux XP, Mandriva, Mepis, OpenSuSE, Ophcrack, Parted Magic, PCLinux OS, RedHat, Slackware, Scientific Linux, Ubuntu.

Que peut-on faire avec une distribution GNU/Linux ?

   La réponse à cette question dépend certainement de l'utilisateur. Sans équivoques, nous pouvons dire que toutes les actions possibles avec d'autres systèmes d'exploitation le sont aussi avec les systèmes Linux. De plus, les systèmes Linux vont au-delà des actions habituelles. À titre indicatif et de manière non exhaustive, avec une distribution GNU/Linux, on peut :

• Démarrer normalement un ordinateur même s'il n'a pas de disque dur et travailler en toute convivialité (Interface graphique, Menus, Logiciels, Internet...) ;
• Utiliser un ordinateur avec la quasi-totalité des logiciels voulus ;
• Travailler en toute sécurité dans un système en assurant une protection optimale de vos données ;
• Naviguer sur Internet en toute sécurité ;
• Travailler sans antivirus ;
• Installer à côté d'autres systèmes d'exploitation, notamment Microsoft Windows ;
• Éliminer les dossiers/fichiers « rebelles » dans un support ;
• Utiliser un disque dur alors que d'autres systèmes d'exploitations refusent de s'y installer ;
• Récupérer facilement les données dans un disque dur ;
• Partitionner facilement un volume sans perte de données ;
• Cloner / Restaurer un disque ou une partition de disque ;
• Obtenir les mots de passe des comptes des utilisateurs Windows ;
• Implémenter facilement, gratuitement et de matière efficace des serveurs ;
• Éviter d'avoir les clés des logiciels...

Comment introduire les systèmes Linux dans nos établissements scolaires ?

   En attendant les instructions officielles de la haute hiérarchie, nous proposons ci-dessous une démarche permettant une insertion certaine des logiciels « open sources » dans nos différents établissements :

• Inventorier le matériel de l'établissement ;
• Identifier les besoins de l'établissement en logiciels ;
• Utiliser des distributions GNU/Linux Live (intéressant pour les débutants) ;
• Choisir une distribution appropriée pour installation (vous faire aider pour cette activité) ;
• Installer un système GNU/Linux au moins sur un poste de travail dans la salle spécialisée (Éviter d'installer Linux en dual boot) ;
• Obtenir l'aide et la documentation sur Internet (la communauté Linux est très active) ;
• Se mettre à apprendre de préférence en groupe.

Des démonstrations pratiques

   Avant de laisser libre cour aux participants sur leurs postes de travail pour la suite des travaux, un certain nombre de démonstrations ont été effectuées avec une distribution Live. Les travaux suivants ont été menés en plénière :

• Découverte d'une interface GNU/Linux ;
• Les dossiers du système ;
• Utilisation des mémoires externes ;
• Découverte de la suite bureautique LibreOffice ;
• Récupération des données dans un ordinateur ;
• Partitionnement d'un volume sans perte de données.

 
Des défis à relever

   L'introduction des logiciels libres dans la pédagogie ne peut se généraliser que si certaines conditions sont réalisées. Parmi les défis urgents à relever, quatre nous semblent essentiels :

• La démocratisation de l'utilisation d'une connexion internet haut débit, ce qui passe par la baisse substantielle des coûts dans ce domaine ;

• L'utilisation rationnelle des ressources humaines disponibles dans le domaine informatique. On verra par exemple des ingénieurs informatiques dans les activités de production relative à leur formation spécifique ;

• Le développement et la production des contenus libres propres pour notre émergence économique ;

• La prise en main de l'utilisation des logiciels libres par les pouvoirs publics, activité qui peut se traduire par la promulgation d'une circulaire incitant l'utilisation de ces logiciels dans les structures tant centrales que déconcentrées de toutes les administrations publiques.

 
À titre de conclusion

   Les logiciels libres contribuent à diffuser la connaissance universelle de manière équitable. Pour nos pays qui manquent souvent de moyens, ces logiciels constituent la voie idéale pour le développement de la culture informatique. Au cours de cet exposé, les aspects plus techniques n'ont pas été abordés volontairement, le but principal étant d'encourager l'intégration des logiciels libres dans les actions quotidiennes de traitement de l'information. Nous espérons avoir donné des outils de choix aux utilisateurs afin de faire le pas vers cet univers aux possibilités quasi infinies.

Septembre 2012

Paul Dieudonné Mbock
Inspecteur Pédagogique National d'Informatique
MINESEC – CAMEROUN
pmbockfr@hotmail.com

NOTES

[1] Définition du logiciel libre proposé le projet GNU : http://www.gnu.org

[2] Jean-Pierre Archambault, « Enjeux éducatifs du libre et des standards ouverts », EpiNet n° 143, mars 2012.
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1203c.htm

[3] Idée du projet GNU : http://www.gnu.org/gnu/gnu.html

[4] http://fsf.org

[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Correspondance_entre_logiciels_libres_et_logiciels_propriétaires

[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_logiciels_libres