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Robotique pédagogique et concepts préliminaires de la programmation à l'école maternelle :
une étude de cas basée sur le jouet programmable Bee-Bot

Vassilis Komis, Anastasia Misirli
 

Résumé
Dans ce travail nous explorons l'usage des jouets programmables de type Logo pour aborder quelques concepts préliminaires à la programmation dans le contexte de l'école maternelle. Il s'agit d'une étude de cas qui se déroule dans sept écoles maternelles dans le cadre du projet européen Fibonacci. Par une approche d'ingénierie didactique nous avons conçu une série de scénarios éducatifs que nous sommes en train d'explorer dans ces écoles maternelles avec les maîtresses de classes. Les enfants (de 4 à 6 ans) en équipe de quatre à sept personnes utilisent un dispositif robotique (le jouet programmable Bee-Bot, les cartes à programmer le jouet et logiciel associé) dans un contexte d'initiation aux concepts de programmation de type Logo. Les premiers résultats montrent que des apprentissages des concepts préliminaires de programmation sont possibles s'ils s'inscrivent dans un contexte de scénarisation pédagogique adéquate.

Mots-clés : Robotique pédagogique, école maternelle, programmation, algorithmique, jouets programmables, Bee-Bot

 
Introduction

   La robotique pédagogique connaît depuis longtemps des usages intéressants dans l'éducation. Elle est inscrite dans l'approche psychopédagogique du courant Logo dont le dispositif robotique (tortue de plancher) est associé à un simple mais puissant langage de programmation à l'aide desquels les apprenants développent des compétences cognitives de haut niveau. Il s'agit des environnements pédagogiques reposant sur l'usage d'interfaces techniques qui permettront aux apprenants de manipuler des objets tangibles et d'expérimenter à partir de situations réelles. La robotique pédagogique se situe au carrefour de deux approches pédagogiques très fertiles au plan cognitif : les activités de manipulation et de construction des objets tangibles et les micro-mondes programmables. L'activité de robotique consiste principalement à construire et à piloter à l'aide d'un langage de programmation un objet technique (le robot construit). Dans un sens large, il s'agit d'une « activité transversale » faisant intervenir des compétences de divers domaines comme la mécanique pour la conception de l'infrastructure, la technologie pour la construction proprement dite, les sciences physiques pour l'électronique, le dessin technique pour les plans, les arts plastiques pour l'esthétique et l'informatique pour le pilotage du robot.

   La robotique pédagogique constitue une approche didactique originale, fondée sur une méthode d'apprentissage utilisant des dispositifs programmables et la mise en oeuvre d'une « pédagogie par projet » (Denis et Baron, 1994 ; Depover et al., 2007). Elle se définit par l'utilisation des technologies informatiques dans leurs fonctions d'observation, d'analyse, de modélisation et de contrôle de différents processus physiques. La robotique pédagogique s'adresse à différents types d'apprenants (de l'école maternelle à la formation d'adultes) dans un objectif d'initiation à la démarche scientifique et de développement des compétences techniques et informatiques. Cette démarche permet à l'apprenant de se familiariser avec les technologies informatiques au sens large et de les employer pour définir un projet, le structurer et trouver une solution concrète au problème posé en confrontant son point de vue avec d'autres.

   La robotique pédagogique, issue des travaux en Logo, est l'exemple actuel le plus caractéristique de micro-monde matériel et symbolique. Les robots pédagogiques peuvent prendre diverses formes allant d'un simple ordinateur contrôlant un objet périphérique (des maquettes de mesures en sciences physiques, une automobile, des systèmes automatisés) jusqu'à un automate intelligent ou un simulateur d'expérimentation (Leroux, Nonnon et Ginestié, 2005). La robotique pédagogique s'inscrit directement dans une approche constructiviste d'apprentissage. C'est un outil pédagogique apte au développement des compétences cognitives de haut niveau. Le robot programmable constitue un nouvel objet de l'environnement de l'enfant. Il mémorise une suite de commandes et les exécute séquentiellement. Il peut ainsi permettre à l'enfant d'explorer l'espace par l'intermédiaire de la technologie. Le robot incarne une entité douée d'autonomie capable d'accomplir des missions fixées à l'avance dans un environnement variable. Le robot peut être utilisé à l'école comme un outil efficace permettant d'agir sur le développement cognitif des enfants mais c'est aussi un objet technologique dont il ne faudrait pas négliger la portée pédagogique en tant qu'artefact d'appropriation de connaissances techniques. Le robot, par son caractère anthropomorphique, constitue un puissant outil de médiation qui, par un effet de miroir, permettra aux enfants de prendre conscience de la façon dont l'individu fonctionne (Bossuet, 1982). Soulignons également l'aspect ludique des automates programmables, facteur important de motivation à l'école maternelle ou élémentaire.

   Les possibilités de la robotique pédagogique au sein de la petite enfance sont étudiées depuis longtemps. On peut recenser quelques travaux pionniers des années 1980, issus directement du courant Logo, avec des dispositifs expérimentaux dont la mise en oeuvre en classe n'était pas toujours évidente à cause de la complexité du matériel informatique. Plus récemment, on n'en trouve que quelques travaux mettant l'accent sur les aspects de la programmation d'un robot virtuel (Greff, 1998) car des dispositifs robotiques bien adaptés aux petits enfants ne sont disponibles que depuis quelques années. Ces nouveaux dispositifs, actuellement disponibles, nous permettent d'envisager des recherches sur ce domaine peu exploré. Par exemple, la recherche de Beraza et al. (2010) présente des activités de robotique destinées à des maîtres d'écoles primaires et maternelles pour les aider à améliorer leurs pratiques didactiques. Ces chercheurs considèrent les jouets programmables (en l'occurrence le robot programmable Bee-Bot) en tant qu'outils didactiques appropriés pour la petite enfance bien qu'ils n'offrent que des possibilités limitées de programmation.

   Pekarova (2008) étudie le développement des pratiques didactiques efficaces à l'école maternelle à l'aide des jouets programmables. Dans un contexte de design participatif elle montre que le développement des concepts de programmation chez les jeunes enfants nécessite un accompagnement solide et organisé qui se base sur l'usage des objets tangibles tels que les robots programmables. Mais cet usage n'est pas suffisant pour la motivation des enfants. Il doit également être accompagné des situations – problèmes adéquats et des outils appropriés. Des usages plus approfondis du jouet programmable Bee-Bot dans des écoles maternelles en Italie concernant la programmation et les mathématiques (mesurer, additionner, etc.) ont montré que les enfants sont capables de développer des capacités de résolution des problèmes, d'apprentissage par l'exploration, de raisonnement logique et d'énumération (De Michele et al., 2008). D'autres concepts mathématiques (mesures et des transformations géométriques) apparaissent de manière précoce chez les enfants de la maternelle qui utilisent le Bee-Bot, (Highfield et al., 2008). Ces résultats sont en accord avec les résultats des recherches plus anciennes utilisant le dispositif programmable Roamer (Greff, 2001 ; João-Monteiro et al., 2003).

   En résumé, des activités de robotique en maternelle, autour des jouets programmables font actuellement l'objet des recherches scientifiques. Notre recherche s'inscrit dans ce contexte : explorer l'usage des jouets programmables de type Logo (en l'occurrence le jouet programmable Bee-Bot) pour comprendre si des concepts préliminaires à la programmation dans le contexte de l'école maternelle sont envisageables.

Méthodologie

   La recherche en cours utilise la méthode d'étude de cas qui se déroule dans sept écoles maternelles dans le cadre du projet européen Fibonacci (www.fibonacci-project.eu/). Par une approche d'ingénierie didactique nous avons conçu des scénarios éducatifs appropriés que nous sommes en train d'explorer dans ces écoles maternelles avec les maîtresses de classes. Les enfants (de 4 à 6 ans) de ces écoles en équipe de quatre à sept personnes utilisent un dispositif robotique dans un contexte d'initiation aux concepts de programmation de type Logo. Ce dispositif robotique contient le jouet programmable Bee-Bot (figure 1), le logiciel associé, des planchers en carton et les cartes à programmer le jouet conçues spécialement pour l'étude de cas).


Figure 1 : le jouet programmable Bee-Bot et son interface de commandes.

La scénarisation pédagogique

   Dans cette partie nous faisons la description des axes principaux du scénario éducatif. La scénarisation pédagogique s'inscrit dans un contexte d'ingénierie d'ordre socioconstructiviste basée sur les idées initiales des enfants et des difficultés cognitives à surmonter au biais d'une approche par la découverte, dans un contexte de travail collaboratif. Les concepts préliminaires de la programmation et le développement de la pensée algorithmique sont abordés par les enfants à l'aide d'un dispositif robotique (le jouet programmable Bee-bot, les cartes à programmer).

   Les idées initiales et les difficultés cognitives sont étudiées à l'aide de l'activité initiale du scénario. Cette première activité étudie les idées des enfants sur des manipulations du jouet programmable, son fonctionnement, son « langage » de commandes et sa « mémoire ». Il s'agit d'une activité qui se déroule avant que les enfants mettent en marche le jouet programmable. En sa présence, ils expriment leurs idées pour ses usages éventuels. Les deux activités suivantes du scénario consistent à la découverte et à la familiarisation aux commandes de direction et de pivotement du robot (AVANCE, RECULE, TOURNE DROITE, TOURNE GAUCHE) et les commandes pour démarrer (GO) et vider (CLEAR) la mémoire du jouet à l'aide des cartes de programmation conçues pour représenter ces commandes. La quatrième activité est centrée à l'introduction des commandes au robot de manière séquentielle (vider la mémoire (CLEAR), taper une commande (par ex. AVANCE, TOURNE DROITE, etc.) et ensuite taper sur démarrer (GO)) et la cinquième activité consiste à introduire le programme de manière automatique, c'est-à-dire à écrire un algorithme complet et à l'exécuter. Ces activités sont encadrées par d'autres activités concernant des notions mathématiques (mesure, estimation, comparaison directe et indirecte de longueurs) qui ne sont pas décrites dans ce travail. Toutes les activités sont conçues pour accomplir trois objectifs précis : a) se familiariser avec les commandes de direction et de pivotement du jouet programmable avec les commandes de manipulation (mettre en marche et vider la mémoire), b) utiliser les commandes de manière séquentielle et de manière automatisée et c) programmer le jouet pour effectuer des trajets prédéfinis.

Résultats

L'évolution des représentations à propos du jouet programmable

   Le scénario complet a été expérimenté dans quatre classes (nombre d'élèves = 92) parmi 7 (nombre d'élèves = 128) de l'étude de cas. Donc les résultats présentés dans la suite ne concernent que les quatre classes (N = 92).

   Les représentations initiales des enfants ont été détectées à l'aide d'un entretien personnel pendant lequel chaque enfant a été questionné sur le jouet programmable avant d'avoir la possibilité de le manipuler. La première partie concernait les principales images mentales à propos du Bee-Bot : qu'est-ce que tu penses qu'il est, qu'il fait et comment il le fait. La deuxième partie des questions concernait les touches de commandes apparaissant sur le Bee-Bot : pour chaque touche l'enfant a émis une description de sa représentation. Après l'expérimentation du scénario en classe un deuxième entretien personnel a eu lieu. La comparaison des réponses des enfants nous permet d'avancer quelques hypothèses sur l'évolution des représentations des enfants concernant les touches de commandes. Notre hypothèse initiale était que les enfants allaient donner des descriptions plutôt correctes concernant les touches de direction et de pivotement mais pas des descriptions complètes concernant la touche de mouvement (« GO ») et de nettoyage de mémoire (« CLEAR »). Cette hypothèse a été vérifiée en grande partie.

Tableau 1 : Représentations initiales concernant les commandes

Axe 1 : colonne gauche réponses manquantes, colonne droite représentations complètes

Nom de variable
Nom de la modalité

 

Nom de variable
Nom de la modalité

Commande TOURNE DROITE
*Réponse manquante*

 

Commande 'CLEAR'
CLEAR_Imaginaire

Commande TOURNE GAUCHE
*Réponse manquante*

 

Commande 'GO'
GO_Idée imaginaire

Commande RECULE
*Réponse manquante*

 

Commande AVANCE
Avance_Idée complète

Commande AVANCE
*Réponse manquante*

 

Commande TOURNE DROITE
Droite_Idée complète

Commande 'CLEAR'
*Réponse manquante*

 

Commande TOURNE GAUCHE
Gauche_Idée complète

Commande 'GO'
*Réponse manquante*

 

Commande RECULE
Recule_Idée complète

Axe 2 : colonne gauche représentations complètes, colonne droite représentations imaginaires

Nom de variable
Nom de la modalité

 

Nom de variable
Nom de la modalité

Commande RECULE
Recule_Idée complète

 

Commande 'GO'
GO_ Ignorance

Commande AVANCE
Avance_Idée complète

 

Commande RECULE
Recule_DescriptionMotio

Commande TOURNE GAUCHE
Gauche_Idée complète

 

Commande RECULE
Recule_Idée imaginaire

Commande TOURNE DROITE
Droite_Idée complète

 

Commande AVANCE
Avance_Idée complète

Commande TOURNE GAUCHE
*Réponse manquante*

 

Commande TOURNE GAUCHE
Gauche_Idée imaginaire

   

Commande TOURNE DROITE
Droite_Idée imaginaire

   Dans le tableau 1 nous présentons les résultats d'une analyse factorielle des correspondances multiples sur les cinq variables nominales concernant les représentations des enfants par rapport aux commandes principales du robot. Les deux premiers axes représentent 31,63 % de l'information totale de l'analyse. Il y a trois groupes de représentations : le groupe contenant les enfants dont les représentations sont complètes par rapport aux commandes de direction et de pivotement mais imaginaires quant aux commandes GO et CLEAR. Ce groupe est même représenté par les deux axes en ce qui concerne les modalités de direction et de pivotement et contient le plus grand nombre d'élèves (entre 36 et 57 élèves). Le deuxième groupe contient les réponses manquantes à toutes les variables de l'analyse (axe 1) et se réfère à un nombre peu important d'élèves (de 3 à 9 élèves). Ce groupe peut être interprété en tant que le groupe des représentations inexistantes. Le troisième groupe qui ne contient pas beaucoup d'élèves (entre 9 et 19 élèves) se forme en principe par les représentations imaginaires concernant les commandes de pivotement et de direction, l'ignorance de la commande GO (19 enfants) et une description non conforme de la commande RECULE (9 enfants disent que le Bee-Bot se déplace). Les modalités des variables illustratives de l'analyse (sexe et âge) ne sont pas représentées par les deux premiers axes. Il n'y a donc pas une tendance des différents groupes qui puisse être expliquée par ces deux variables.

   Les représentations finales des enfants ont également été détectées à l'aide d'un entretien personnel pendant lequel chaque enfant a répondu aux mêmes questions. Les réponses ont été catégorisées et soumises à une analyse factorielle des correspondances multiples. Les deux premiers axes représentent 68,33 % de l'information totale de l'analyse. On trouve également trois groupes de représentations (tableau 2) : le groupe des représentations complètes concernant les commandes RECULE, AVANCE, GO et TOURNE DROITE, le groupe non exprimé (valeurs manquantes, il s'agit des 12 enfants n'ayant pas répondu) et la groupe des représentations incomplètes concernant les commandes de pivotement (24 enfants) et la CLEAR (45 enfants). Tout ce qui concerne la latéralisation apparaît plus difficile à se construire de manière complète. La construction de la notion de mémoire apparaît également un processus difficile étant donné que 45 enfants n'arrivent pas à lui attribuer une définition fonctionnelle.

Tableau 2 : Représentations finales concernant les commandes

Axe 1 : colonne gauche représentations complètes, colonne droite réponses

Nom de variable
Nom de la modalité

 

Nom de variable
Nom de la modalité

Commande RECULE
Recule_Idée complète

 

Commande RECULE
*Réponse manquante*

Commande AVANCE
Avance_Idée complète

 

Commande 'GO'
*Réponse manquante*

Commande 'GO'
GO_Idée complète

 

Commande TOURNE GAUCHE
*Réponse manquante*

Commande TOURNE DROITE
Droite_Idée complète

 

Commande AVANCE
*Réponse manquante*

Axe 2 : colonne gauche représentations incomplètes, colonne droite représentations complètes

Nom de variable
Nom de la modalité

 

Nom de variable
Nom de la modalité

Commande TOURNE GAUCHE
Gauche_Idée incomplète

 

Commande 'GO'
GO_Idée complète

Commande TOURNE DROITE
Droite_Idée incomplète

 

Commande 'CLEAR'
CLEAR_Idée complète

Commande 'CLEAR'
GO_Idée incomplète

 

Commande TOURNE GAUCHE
Gauche_Idée complète

Commande AVANCE
Droite_Idée incomplète

 

Commande TOURNE DROITE
Droite_Idée complète

Pensée algorithmique et commandes de programmation

   Le déroulement des activités en classe a été enregistré en vidéo. Une étude qualitative des vidéos de séances nous permet de faire quelques remarques par rapport à la programmation du robot de plancher à l'aide des cartes à programmer et du jouet programmable lui-même. Les enfants le manipulent et ils découvrent le processus pour le faire diriger vers la direction exigée. Dans ce contexte, ils apprennent à construire leurs premiers programmes, tant sur le plan de la syntaxe que sur celui de la sémantique : d'abord on doit vider la mémoire (commande CLEAR), ensuite, on doit introduire les commandes de mouvement et, à la fin, on doit exécuter le programme construit (commande GO).

Approche séquentielle ou pas à pas (par essai-erreur)

   La programmation se fait d'abord de manière séquentielle suivant l'approche par essai-erreur, c'est-à-dire par des petits programmes de la forme CLEARcommandeGO. Chaque commande est introduite au jouet et ensuite exécutée pour voir le comportement du robot. Le trajet du robot est donc construit pas à pas. Dans ce cas, les seules aides didactiques offertes par l'enseignante sont les tapis de mouvement non quadrillés, des unités de mesure (petits bouts de bois d'une longueur équivalente à la longueur de Bee-Bot) et des points de repère autocollants qui précisent la distance à parcourir. Les enfants imaginent le prochain mouvement du robot et essaient directement leur pensée.

Visualisation des commandes à l'aide d'un langage graphique et création des programmes complets

   Par la suite, on modifie l'aide didactique en introduisant les tapis quadrillés (le côté du carré est égal au pas du robot) et les cartes de commandes. Chaque carte représente une commande du robot ayant une représentation visuelle similaire de l'interface tangible du Bee-Bot. Dans ce cas, les enfants comptent les carrés correspondant à la distance à parcourir et construisent d'abord l'algorithme à l'aide des cartes de commandes en prononçant de haute voix la représentation du programme construit par les cartes. Ils construisent, par conséquent, selon un algorithme inventé, un programme de la forme CLEARséquence de commandesGO. Ensuite, les enfants transfèrent les commandes au jouet programmable et observent son mouvement. Ils ont la possibilité de modifier leur algorithme d'abord sur le programme construit par les cartes et ensuite sur le robot lui-même. L'analyse qualitative des vidéos nous montre trois « stratégies » de programmation quand les enfants construisent des programmes complets :

a) Bien que les enfants aient construit un programme complet à l'aide des cartes en prononçant les différentes actions de l'algorithme, ils continuent à répéter le modèle initial quand ils introduisent les commandes à l'interface du jouet : chaque commande de pivotement ou de mouvement est précédée d'une commande CLEAR et suivie d'une commande GO. Le transfert du programme « écrit » vers l'interface du robot ne correspond pas à son « écriture ». On peut supposer que ces enfants n'ont pas construit complètement la notion du programme en tant qu'une suite de commandes incluse entre les commandes CLEAR et GO. Ils mettent toujours en oeuvre le modèle mental du petit programme construit à la phase précédente : chaque commande de pivotement ou de mouvement fonctionne de manière autonome (CLEARcommandeGO).

b) Un nombre d'enfants arrive à transférer de manière correcte le programme construit à l'aide des cartes de commandes. Dans ce cas, ils exécutent le programme avec le robot et ils font les ajustements nécessaires de leur algorithme (niveau cartes et niveau jouet).

c) Un petit nombre d'enfants essaye de construire l'algorithme de manière mentale sans faire référence aux cartes de représentation de commandes. Ils essaient leur pensée directement avec le robot en observant son mouvement. Au cas où leur objectif n'est pas atteint (le robot n'a pas fait le trajet demandé par l'activité) ils changent de stratégie et utilisent des cartes de commandes avant de taper leur programme directement sur le Bee-Bot.

Tableau 3 : Programmation par cartes et par commandes

Axe 1 : colonne gauche programmation non correcte, colonne droite réponses

Nom de variable
Nom de la modalité

 

Nom de variable
Nom de la modalité

Programmation Commandes
Commandes_NoCorrect

 

Progammation Cartes
*Réponse manquante*

Programmation Cartes
Cartes_NoCorrect

 

Programmation Commandes
*Réponse manquante*

Axe 2 : colonne gauche programmation non correcte, colonne droite programmation correcte

Nom de variable
Nom de la modalité

 

Nom de variable
Nom de la modalité

Progammation Cartes
Cartes_NoCorrect

 

Progammation Cartes
Cartes_Correct

Progammation Cartes
Cartes_NoCorrect

 

Progammation Cartes
artes_Correct

Age
4_5 ans

 

Age
5_6 ans

   Nous avons évalué les deux programmes (programme par cartes et programme par commandes directement introduites sur l'interface tangible du Bee-Bot) de chaque enfant en leur attribuant deux valeurs : correct et non correct. Les données de l'évaluation sont soumises à une analyse factorielle des correspondances multiples dont les résultats se trouvent dans le tableau 3. Nous remarquons que la plupart des enfants a réussi à construire son programme par carte et par commande. Le nombre d'enfants ayant réussi le programme par carte (N = 58) est supérieur de celui-ci par commande (N = 51). L'analyse nous montre également que les enfants qui réussissent à construire leur programme par carte parviennent, en grande partie, à construire leur programme également par commande directe sur l'interface du robot. L'analyse ne nous donne pas d'information en ce qui concerne le sexe des enfants mais elle nous informe que les enfants plus âgés réussissent mieux au processus de la programmation.

Discussion

   Les résultats de cette recherche montrent que le jouet programmable peut avoir un potentiel cognitif (Depover et al., 2007) pour le développement des compétences relatives à des notions mathématiques, à la pensée algorithmique et aux stratégies de résolution des problèmes. Évidemment, d'autres recherches plus approfondies s'avèrent nécessaires pour avancer des conclusions plus consistantes.

   L'application du scénario pédagogique dans des conditions réelles en classes maternelles montre qu'une approche des concepts préliminaires de la programmation de type Logo soit possible dans le cadre de la petite enfance à l'aide des jouets programmables. L'usage des stratégies et des aides didactiques adéquates conduit à une évolution rapide des représentations des enfants concernant les commandes de base (AVANCE, RECULE, EXECUTE). Le travail de la latéralisation apparaît plus complexe et nos résultats montrent qu'une partie des enfants (30 % des enfants de l'étude de cas) ne réussit pas à maîtriser de manière persistante les commandes de pivotement (TOURNE DROITE, TOURNE GAUCHE). La construction de la notion de mémoire du robot apparaît également un processus difficile étant donné que 45 enfants (58 % des enfants de l'étude de cas) n'arrivent pas à lui attribuer une définition fonctionnelle.

   En règle générale, les enfants sont aptes à construire des programmes séquentiels à la base des commandes visuelles (dispositif de cartes) et à les transférer sur l'interface tangible du jouet programmable dans un contexte de classe encadré par des approches didactiques appropriées. Par conséquent, le développement des compétences de programmation (pensée algorithmique, séquence, notion de mémoire), nécessite un besoin de contextualisation adéquate au biais de scénarisation pédagogique pour motiver de manière efficiente les petits enfants.

Vassilis Komis
komis@upatras.gr

Anastasia Misirl
amisirli@upatras.gr

Département de l'Éducation, Université de Patras, Grèce

Paru dans Sciences et technologies de l'information et de la communication en milieu éducatif : Analyse de pratiques et enjeux didactiques. Actes du quatrième colloque international DIDAPRO 4 - Dida&Stic, 24-26 octobre 2011, Université de Patras, Georges-Louis Baron, Éric Bruillard, Vassilis Komis (éds), Athènes : New Technologies Editions, 2011, p. 271-281.
http://edutice.archives-ouvertes.fr/edutice-00676143/fr/

Toutes les contributions à de ces actes ont été versées à l'archive ouverte Edutice, où elles constituent, avec les posters et autres présentations, l'objet de la collection Didapro 4 - Dida&Stic 2011.
http://edutice.archives-ouvertes.fr/DIDAPRO4/fr/

Bibliographie

Beraza, I., Pina, A. & Demo, B. (2010). Soft & Hard ideas to improve interaction with robots for Kids & Teachers, in workshop Proceedings of SIMPAR 2010 Intl. Conference on SIMULATION, MODELING and PROGRAMMING for AUTONOMOUS ROBOTS (p. 549-557), Darmstadt (Germany), November, 15-16.

Bossuet, G. (1982). L'ordinateur à l' école, L'éducateur : PUF.

De Michele, S. M., Demo, B. G. & Siega, S. (2008). A Piedmont SchoolNet for a K-12 Mini-Robots Programming Project: Experience in Primary Schools, in workshop Proceedings of SIMPAR 2008 Intl. Conf. on SIMULATION, MODELING and PROGRAMMING for AUTONOMOUS ROBOTS (p. 90-99), Venice (Italy), November, 3-4.

Denis, B., Baron, G.L. (1993). Regards sur la robotique pédagogique. Actes du quatrième colloque international sur la robotique pédagogique, INRP : Technologies nouvelles et éducation, Paris.

Depover, C., Karsenti, T. & Komis, V. (2007). Enseigner avec les technologies, Presses de l'Université du Québec.

Greff, É. (1998). Le jeu de l'enfant-robot : une démarche et une réflexion en vue du développement de la pensée algorithmique chez les très jeunes enfants, Thèse de Doctorat de l'Université Paris VII, juin 1996.

Greff, É. (2001). Résolution de problèmes en grande section autour des pivotements à l'aide du robot de plancher, Grand N. (68), 7-16.

Highfield, K., Mulligan, J. & Hedberg, J. (2008). Early mathematics learning through exploration with programable toys, Proceedings of the Joint Conference Psychology of Mathematics Education (PME 32-PMENAXXX), 17-21 July, Morelia, Mexico.

João-Monteiro, M., Cristóvão-Morgado, R., Bulas-Cruz, M. & Morgado, L. (2003). A Robot in Kindergaten, in Eurologo'2003 Proceedings - Re-inventing technology on education - Eurologo'2003, Coimbra : Portugal.
http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00190327/fr/ (05/09/11).

Leroux, P., Nonnon, P., Ginestié, J., (2005). Actes du 8ème colloque francophone de Robotique Pédagogique, Revue Skhôlé : IUFM, Aix-Marseille.

Pekarova, J. (2008). Using a Programmable Toy at Preschool Age: Why and How ? In Workshop Proceedings of SIMPAR 2008 Intl. Conf. on SIMULATION, MODELING and PROGRAMMING for AUTONOMOUS ROBOTS (p. 112-121), Venice (Italy), November, 3-4.

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Avril 2012

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