Informatique et partage de ressources au Vietnam Thai Nguyen Thi Hong, Kien Quach Tat, Éric Bruillard 1. Introduction L'informatique joue un rôle important dans l'enseignement général au Vietnam. Elle est à la fois une discipline et un outil pour l'enseignement. En particulier, l'internet haut débit, gratuit dans l'enseignement général, est un atout dans le développement de l'utilisation des TIC. L'internet devient un outil de plus en plus important pour l'apprentissage des élèves et pour l'enseignement des enseignants. Deux travaux de thèses au laboratoire STEF [1] sont actuellement consacrés à l'étude et au développement de l'utilisation des TIC, en partie au Vietnam. Le premier concerne la recherche d'information sur le web (RIW) et les moteurs de recherche dans un contexte éducatif : nous souhaitons étudier les facteurs influençant la RIW et les démarches de recherche d'information des lycéens. Le second a trait aux outils de partage en ligne des ressources et des signets pour l'enseignement : nous voulons trouver les meilleures manières de faciliter le partage entre les enseignants et développer des outils spécifiques pour cela. Dans cet article, nous commençons par présenter le système scolaire vietnamien et la place de l'informatique et des TIC dans l'enseignement au Vietnam. Ensuite, nous donnons les principaux résultats d'une enquête effectuée auprès enseignants vietnamiens sur les outils de partage en ligne et nous en discutons ensuite. 2. Présentation de l'enseignement de l'informatique au Vietnam 2.1. Chiffres clés de l'éducation En 2008, le Vietnam comprenait environ 86 millions d'habitants, élèves et étudiants correspondant environ au quart de la population. Le ministère de l'éducation et de la formation (MEF) est l'organe principal de gestion éducative. Sous le MEF, il y a 63 départements de l'éducation et de la formation (DEF) correspondant aux 63 régions (5 villes et 58 provinces). Sous les DEF, il y a 697 bureaux de l'éducation et de la formation (BEF) correspondant aux 697 districts. Les BEF administrent directement les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges dans leur district. Les lycées, les écoles secondaires techniques et professionnelles et les BEF sont gérés par leur DEF. Le MEF gère directement les universités et les DEF. Le système éducatif vietnamien a été rénové en 1993. Il s'est composé de quatre cycles :
Tableau 1. Effectifs d'élèves, d'enseignants et d'écoles au Vietnam en 2009 [2]. Il y a un programme national commun pour tous les élèves des écoles primaires (les écoles élémentaires) et écoles secondaires inférieures (collèges). À l'école secondaire supérieure (au lycée), les lycéens peuvent choisir entre trois programmes nationaux : formation de base, programme avancé en sciences (que l'on appelle sciences naturelles) ou programme avancé en sciences sociales et humaines. Dans le secondaire supérieur, on distingue deux types de lycées : les lycées généraux et les lycées d'excellence. Pour entrer dans un lycée d'excellence, les élèves doivent passer un concours régional difficile. Ces lycéens sont, en général, de bons élèves. Quant aux lycées généraux, ils scolarisent tous les élèves. En 2009, le Vietnam compte 76 lycées d'excellence qui scolarisent environ 50 000 lycéens [3]. Chaque région a un lycée d'excellence ; les deux grandes villes (Hanoi et Ho Chi Minh ville) ont deux lycées d'excellence et des lycées d'excellence existent aussi dans des grandes universités : l'université des sciences naturelles de Hanoi, l'école normale supérieure de Hanoi, l'école normale supérieure de Vinh ville, l'université des sciences naturelles de Ho Chi Minh ville. En dehors des trois programmes nationaux réservés aux lycées, un lycéen d'un lycée d'excellence suit un programme supplémentaire dans une discipline qu'il a choisie. Selon la norme officielle, le nombre des élèves d'une classe ne dépasse pas 35 pour les écoles élémentaires, et 45 pour les collèges et les lycées [4], mais en réalité, les classes sont plus chargées (environ 50 élèves). Dans une classe, la surface standard moyenne par élève est de 1,1 m2 à 1,25 m2 [5], mais, la plupart des classes ne satisfont pas ce critère (moins de 1m2/élève). Officiellement, un enseignant doit enseigner 23 cours par semaine à l'école élémentaire (1 cours dure 45 minutes), 19 cours au collège et 17 au lycée [6]. Mais en fait, le nombre de cours d'un enseignant est plus élevé. Ces charges supplémentaires rendent plus difficile l'essai de nouvelles méthodes pédagogiques et l'utilisation des TIC. Actuellement, 100 % lycées sont équipés d'une à trois salles informatiques comportant 25 ordinateurs connectés à l'internet. Environ 25 % collèges et 10 % écoles élémentaires ont une salle informatique. La plupart du temps, les salles informatiques sont utilisées pour l'enseignement de l'informatique. Peu d'écoles sont équipées de vidéoprojecteurs. En général, les lycées d'excellence sont mieux équipés que les lycées généraux. Le manque d'équipements informatiques est un obstacle important pour la diffusion des TIC dans l'éducation. 2.2. Formation des enseignants Formation initiale : Les écoles normales supérieures nationales forment la plupart des enseignants des lycées. La durée de la formation initiale est de 4 ans. Les enseignants des collèges, des écoles élémentaires sont formés dans les écoles normales supérieures régionales, sur une période de 2 à 3 ans. Depuis 1993, tous les enseignants en formation initiale doivent suivre un cours sur l'informatique. Formation continue : Tous les trois ans, chaque enseignant suit un cours de formation continue, organisé par son DEF, pour mettre à jour ses connaissances. Le cadre du programme de formation continue est donné par le MEF. Les DEF précisent les contenus pour les adapter à leur contexte régional. Pour diffuser un nouveau programme comme le renouvellement des méthodes, l'utilisation des TIC ou le renouvellement du programme national des disciplines, la formation des enseignants est faite « en cascade ». Des enseignants pivots des régions sont formés par le MEF. À leur tour, ces enseignants forment leurs collègues dans leur région. Cette méthode de diffusion permet de former un grand nombre d'enseignants dans une période courte. Mais un écart est souvent observé entre la vision du MEF et les enseignants de « terrain ». Le MEF dispose d'un site web (www.edu.net.vn) réservé à l'ensemble public pour discuter sur différents thèmes liés à l'éducation et pour partager des documents éducatifs. Mais ce site web n'a pas encore été utilisé pour améliorer la qualité de la formation des enseignants ou pour limiter l'écart entre le MEF et les enseignants. 2.3. Place de l'informatique Au Vietnam, l'informatique est un domaine prioritaire du point de vue du MEF qui joue un rôle très important dans l'éducation. 2.3.1. Enseignement de l'informatique De 1993 à 1996, l'informatique a été introduite dans l'enseignement général au secondaire supérieur mais seulement comme une partie de la discipline mathématique (15 cours). De 1997 à 2005, elle est devenue une discipline indépendante mais optionnelle dans le secondaire supérieur. Depuis 2006, l'informatique est une matière à part entière de l'enseignement général. À l'école élémentaire, l'informatique est facultative ; elle est enseignée de la troisième classe à la cinquième classe (du CE2 au CM2), à raison de deux cours par semaine (45 min/cours). Dans l'enseignement primaire, l'informatique est considérée comme des jeux et des outils pour l'enseignement. Les élèves l'apprennent en jouant. Au collège, l'informatique est une matière optionnelle pour toutes les classes, à raison de deux cours par semaine. L'informatique est à la fois un outil pour l'enseignement et une discipline scientifique. Le choix par les élèves de l'option informatique ne peut se faire qu'à deux instants, avant d'entrer en classe de troisième à l'école élémentaire et au début de la classe de sixième pour les collèges. Environ 10 % des élèves des écoles élémentaires et 30 % des collégiens choisissent cette option d'informatique. Au lycée, l'informatique est une matière obligatoire pour tous les élèves et pour toutes les classes, à raison d'un à deux cours par semaine. Au secondaire supérieur, on considère l'informatique comme une discipline scientifique plutôt qu'un outil.
Tableau 2. Contenus principaux de la discipline informatique dans l'enseignement général [7] L'étude des réseaux et d'internet constitue une partie essentielle comportant 14 cours (de 45 minutes) en collège et 11 cours en lycée. La recherche d'information sur le web y est incluse. Durant les trois ans de lycée, il y a deux heures consacrées à l'utilisation d'un navigateur sur internet. L'interaction entre un moteur de RIW et l'utilisateur via une requête et les résultats fournis par le moteur est introduite. Les lycéens pratiquent la recherche d'information avec un moteur pendant seulement une heure dans la salle informatique. Aucune connaissance de fonctionnement des moteurs de recherche n'est enseignée. 2.3.2. Formation des enseignants d'informatique Depuis 1998, une faculté de technologies de l'information a été ouverte dans chaque école normale pour former des enseignants d'informatique. Le programme de la formation comprend principalement : les bases de données, la programmation, les systèmes d'exploitation, l'architecture des ordinateurs, UML, ainsi que des méthodes générales d'enseignement. On peut considérer qu'un lycée a besoin de trois enseignants d'informatique en moyenne. Actuellement, les enseignants d'informatique formés officiellement ne sont pas en nombre suffisant pour couvrir les besoins d'enseignement dans les lycées. Environ la moitié des enseignants d'informatique en service dans les lycées ont une autre origine disciplinaire (souvent mathématique, physique). Ces enseignants ont suivi des cours informatiques supplémentaires pendant quelques mois pour devenir des enseignants d'informatique. Cela conduit à des limites dans l'enseignement informatique dans les premières années. 2.3.3. Utilisation des TIC pour l'enseignement Les TIC jouent un rôle important dans le renouvellement des méthodes pédagogiques au Vietnam. L'enseignement assisté par l'ordinateur est encouragé, en particulier, par le MEF. Un grand projet nommé Edunet est mis en oeuvre depuis 1998 avec pour objectifs de :
En 2006, la discipline informatique a été introduite officiellement dans le programme d'enseignement général. Cette introduction a été pour le MEF une manière d'introduire l'informatique à l'école et d'inciter à l'utilisation des TIC dans l'enseignement. En 2008, un colloque national sur l'utilisation des TIC dans l'éducation a été organisé par le MEF. Au cours de ce colloque, il a été décidé d'organiser une rencontre annuelle nationale sur l'utilisation des TIC dans l'enseignement. En particulier, le MEF a décidé que l'année scolaire 2008-2009 serait placée sous le signe du « renforcement de l'application des technologies de l'information ». Un contrat a été signé avec la Compagnie générale de télécommunication Viettel pour l'accès à internet à haut débit, par ligne spécialisée ou fibre optique. L'objectif est de connecter toutes les écoles à l'internet. À l'heure actuelle, 100 % des lycées sont équipés d'au moins une salle d'informatique comportant 25 ordinateurs connectés à l'internet ; 50 % des collèges et environ 20 % des écoles élémentaires sont connectées à l'internet. L'accès à internet est gratuit pour toutes les écoles maternelles, primaires et secondaires. D'autre part, pour minimiser les dépenses, le MEF a demandé également aux établissements concernés d'utiliser des logiciels libres et gratuits comme OpenOffice.org, Mozilla Firefox, Unikey [8]. L'utilisation des TIC dans l'enseignement est une composante importante des projets dans l'enseignement général. Depuis 1995, plusieurs projets ont eu pour objet l'équipement en dispositifs informatiques (ordinateurs, projecteurs et accès à internet) et la formation des enseignants à l'utilisation des TIC. On peut citer ici des grands projets récents et actuels dans l'enseignement général : le projet de développement à destination des enseignants des écoles élémentaires (2002-2007), le projet de formation des enseignants des collèges (2002-2007), le projet Vietnam-Belgique (2005-2009, pour la formation des enseignants des écoles élémentaires et des collèges des montagnes au nord du Vietnam), le projet de développement de l'enseignement secondaire inférieur (1998-2010), le projet de développement de l'enseignement secondaire supérieur (2003-2009), le projet de développement des enseignants des lycées et des écoles secondaires technique et professionnel (2007-2012) et le projet de l'enseignement secondaire inférieur pour les régions pauvres (2008-2014). De plus, des coopérations ses sont établies entre le MEF et des entreprises nationales et internationales pour aider à l'utilisation des TIC dans l'enseignement. Dans le programme « Avance avec les TIC », les entreprises Lawrence S. Ting et Phu My Hung équipent 65 salles d'informatique (un projecteur et 20 postes/salle), organisent des festivals régionaux de compétition pour sélectionner des bons cours en utilisant des TIC et donnent des cours informatiques aux enseignants d'informatique des lycées participants. Les entreprises Violet et Schoolnet aident à former des enseignants à l'utilisation des logiciels pour préparer des cours utilisant les TIC et pour gérer l'enseignement. En 2008, le MEF a coopéré avec la société française Cabrilog pour développer des logiciels Cabri pour l'enseignement des mathématiques. La coopération avec Intel a pour but de former des enseignants et sélectionner, partager les meilleures cours avec les TIC. Environ une quarantaine de milliers d'enseignants ont été formées selon le programme « Intel Teach ». Les documents du programme et les cours électroniques sélectionnés sont déposés sur le site web www.dayhocintel.net/diendan/. Dans le cadre de ce programme, Intel a offert environ 80 salles d'informatiques (25 postes/salle). Enfin, dans le programme « Partner in learning » en coopération avec le MEF, Microsoft a formé environ cinquante mille enseignants [9]. 2.3.4. Le partage de ressources Actuellement, le MEF utilise le site web officiel www.moet.gov.vn/ pour diffuser des documents administratifs. Le deuxième site web www.edu.net.vn a été créé pour le partage de ressources et pour la discussion sur différents sujets intéressant l'éducation. À l'heure actuelle, très peu des ressources y sont déposées par discipline, soit environ une vingtaine de documents en mathématiques, physique, chimie et biologie (consultation en avril 2010). En dehors des sites du MEF, les enseignants peuvent partager des ressources et discuter sur le site du projet www.atl.edu.net.vn du projet Vietnam-Belgique ou sur le site www.dayhocintel.net du programme « Intel Teach ». En avril 2010, sur ces sites, seulement environ une vingtaine de cours électroniques sont disponibles. Les sites de Violet (www.violet.vn) et Centea (www.giaovien.net) sont deux sites privés connus pour le partage de cours électroniques et de logiciels éducatifs entre enseignants. En avril 2010, sur le site de Centea, il y a environ mile de ressources disponibles. À l'heure actuelle, le site Violet est le site de partage le plus connu au Vietnam. Sur ce site qui comprend 2 409 527 comptes, on trouve 259 730 cours, 330 909 leçons électroniques et 212 286 sujets d'examens (consulté en avril 2010). Cette popularité nous a conduits à enquêter sur les modes de participation des enseignants à ce site web et leurs opinions sur ce site (voir ci-dessous). 2.3.5. Application de technologies de l'information dans la gestion L'informatique est aussi utilisée pour gérer les écoles, les enseignants, les élèves, les infrastructures et la qualité de l'éducation. Le projet SREM (Support to the Renovation of Education Management) qui couvre la période 2006-2010 (www.srem.com.vn) a été initié par la Communauté européenne pour soutenir la rénovation de la gestion éducative du Vietnam. 3. Enquête sur l'utilisation et le partage des ressources 3.1. Objectifs Comme nous l'avons signalé en introduction, l'une des thèses a pour objectif de trouver comment les enseignants peuvent partager des ressources pour leurs enseignements et développer des outils de partage qui soient adaptés à leur contexte de travail et à leurs souhaits. Pour cela, nous avons mené une enquête sur le partage de ressources pédagogiques auprès d'enseignants vietnamiens. Les objectifs principaux de cette enquête sont de :
3.2. Méthode et déroulement 3.2.1. Méthode Les enseignants d'informatique (EI) ont étudié l'informatique plus en profondeur et on peut penser qu'ils utilisent des TIC (surtout ce qui est lié à l'ordinateur) comme des experts. Leurs opinions sur le partage des ressources, sur le site Violet et sur des critères d'un bon site de partage peuvent nous aider à développer un outil de partage efficace pour les enseignants vietnamiens. En outre, nous voulons comparer leur utilisation des TIC dans l'enseignement avec des enseignants d'autres disciplines (NI). Après des entretiens informels avec des collègues de lycée, nous avons ainsi conçu deux questionnaires : l'un pour des EI et l'autre pour des NI des lycées. Ces questionnaires ont été déposés en ligne en utilisant Google Documents et imprimés sur papier. Les questions portent sur :
Le questionnaire pour les EI comprend 11 questions fermées et 2 questions ouvertes. Celui destiné aux enseignants d'autres disciplines comprend 13 questions fermées et 2 questions ouvertes. Il y a très peu de différences entre les deux questionnaires : dans le questionnaire pour les EI, il n'y a pas de question sur l'équipement à domicile ni sur les types d'échange des documents. Pour les NI, il n'y a pas de question portant sur les types d'application des TIC dans l'enseignement et sur la liste de critères d'un bon site de partage de ressources éducatives. Les réponses aux questions fermées ont été entrées dans un tableau Excel. Nous utilisons le logiciel Modalisa pour recenser et analyser les liens entre les réponses aux questionnaires. Les réponses des questions ouvertes sont agrégées pour indiquer les opinions principales. 3.2.2. Caractéristiques des répondants Nous avons envoyé le questionnaire par courriel à 286 enseignants de lycées. Ce sont des enseignants pivots qui ont participé à une formation d'utilisation des TIC organisée par le MEF. Nous avons reçu 30 réponses. Le questionnaire papier a été envoyé à 225 enseignants. Nous avons reçu 39 réponses d'enseignants du lycée d'excellence Hung Vuong. Rappelons que les enseignants de ce type de lycées ont fait l'objet d'une sélection et qu'ils actualisent leurs connaissances très souvent. Le taux de réponse est donc faible et on peut conjecturer que les répondants sont des enseignants les plus actifs dans l'utilisation des TIC dans l'enseignement. Les résultats que nous avons obtenus sur l'utilisation des TIC peuvent donc être considérés comme largement supérieurs à ce qui a cours dans la population générale des enseignants. Malgré tout, nous avons cependant obtenu des indicateurs qui permettent de tirer certaines conclusions. Au total sur les 69 répondants, il y a :
3.3. Principaux résultats 3.3.1. Utilisation des matériels d'enseignement avec les élèves Comme nous pensions que les enseignants d'informatique disposent tous d'un ordinateur et d'un accès internet à domicile, ce qui est en effet nécessaire dans leur travail, nous ne leur avons pas posé la question. Quant aux autres enseignants (NI), environ 90 % déclarent avoir un ordinateur et un accès à internet chez eux. Tous les répondants disent que leur lycée est équipé des dispositifs informatiques (projecteurs, accès Internet, salle informatique). Mais une grande majorité (près de 90 %) a précisé qu'ils n'utilisent pas souvent des TIC dans l'enseignement à cause du manque d'équipement informatique. En effet, dans les lycées, en général, les classes ne sont pas équipées d'ordinateur, de projecteur et d'accès à internet. Il y a quelques dispositifs informatiques communs à utiliser par roulement. Les enseignants doivent les réserver avant leur utilisation. Le manque d'équipement informatique et les contraintes d'utilisation expliquent l'utilisation très majoritaire du tableau noir dans l'enseignement des non informaticiens. Les EI utilisent les projecteurs et les salles d'informatique massivement plus que les NI. Cela provient du fait que, dans la discipline informatique, il y a des cours pratiques obligatoires en salle d'informatique. Les EI sont souvent les responsables de salle informatique, des projecteurs et d'autres dispositifs informatiques de leur lycée. Ils ont également pour mission de faciliter l'utilisation des TIC dans leur lycée. Nous avons comparé les répondants par courriel avec les répondants sur papier. La moitié des répondants par courriel dit utiliser un projecteur tous les jours, alors que seulement 8 % des répondants sur papier le font. Cela est logique : les répondants par courriel sont des actifs dans l'utilisation des TIC des leur lycée, ils ont été sélectionnés pour participer à la formation organisée par le MEF. 3.3.2. Préparation des cours et échanges entre enseignants Au Vietnam, les manuels scolaires sont publiés par le MEF. Ils sont nécessaires aux enseignants qui utilisent aussi des documents supplémentaires comme des ouvrages de référence, leur cours de l'an dernier, les cours d'un autre enseignant et des informations recueillies sur internet. Le résultat le plus net est que la presque totalité des répondants disent utiliser des manuels et des ouvrages de référence, mais aussi internet. Environ trois quarts d'entre eux disent utiliser leurs cours de l'an dernier pour préparer leur cours. Cela leur permet de gagner du temps. Les répondants non-informaticiens discutent de leur travail avec leurs collègues hors ligne Au lycée, les enseignants doivent discuter avec leurs collègues d'une même discipline sur leurs méthodes, leurs expériences, leurs idées (une réunion de 2 heures chaque quinzaine). L'échange des cours n'est pas vraiment indispensable pour les enseignants d'un même lycée. En général, des cours sur l'internet ont été bien préparés par des auteurs et sélectionnés. Ces cours d'enseignants d'autres lycées reposent sur des idées différentes. Ils sont souvent plus intéressants. De plus, chaque semestre, le DEF peut inspecter les documents de préparation de cours des enseignants. La copie à l'identique des documents d'autres collègues est interdite. C'est en partie pour cette raison que les enseignants préfèrent utiliser des cours sur internet. 3.3.3. Recherches de logiciels et de vidéos Les répondants disent rechercher des sites spécialisés dans leur champ disciplinaire, des exercices, des images, des vidéos, des sujets d'examen, des logiciels sur internet. Les EI recherchent des logiciels plus qu'autres enseignants. Les EI recherchent des vidéos moins que les autres enseignants. En dehors du besoin de logiciels pour leur enseignement, on leur demande souvent de télécharger des logiciels pour leur lycée et leurs collègues. De plus, ils sont responsables du système informatique de leur établissement. En outre, ils sont intéressés à essayer des nouveaux logiciels. Cela explique leur recherche importante des logiciels. Les NI disent rechercher plus souvent des vidéos car il y a plusieurs vidéos disponibles sur internet pour illustrer leurs cours. Au contraire, dans l'enseignement informatique, l'illustration est réalisée souvent grâce aux logiciels. L'utilisation des vidéos n'est indispensable que dans peu de cas. 3.3.4. Formes de partage des ressources avec le site Violet Les répondants déclarent rechercher des informations sur internet et télécharger plus qu'ils ne déposent. Le partage de ressources apparaît faible. Près de 45 % d'entre eux (30/69) ne déposent pas encore leurs documents. Cela est justifié par le fait que la plupart des répondants confirment qu'ils ne veulent pas partager leurs cours sur Internet. On peut penser que certains enseignants ont fait beaucoup d'efforts sur leurs cours afin d'avoir un bon produit et qu'ils ne veulent pas que les autres prennent facilement ce qu'ils ont mis beaucoup de temps à produire. 56 % répondants sur papier et 20 % répondants par courriel disent n'avoir encore déposé aucun document. Cela pourrait s'expliquer par le fait que les enseignants du lycée d'excellence veulent garder leurs trucs pour gagner de l'argent en donnant des cours complémentaires. De plus, ce sont eux qui entraînent leurs lycéens à participer aux concours nationaux. Toutes ces raisons peuvent expliquer pourquoi ils ne souhaitent pas partager leurs documents. 3.3.5. Difficultés rencontrées dans l'utilisation des TIC Nous nous sommes intéressés aux difficultés rencontrées dans l'utilisation des TIC dans l'enseignement, en listant des propositions dans le questionnaire. La plupart des répondants sont d'accord avec les difficultés mentionnées. Ils ont trouvé que le manque d'équipement dans les lycées, le niveau d'informatique des enseignants et l'habitude des méthodes d'enseignement traditionnelles sont les obstacles majeurs dans l'application des TIC. Ces résultats rejoignent ceux qui ont jusqu'ici été publiés. 3.3.6. De jeunes enseignants sont-ils plus disposés envers les TIC ? Les enseignants plus jeunes disent déposer leurs cours davantage que les autres. Ils semblent aussi est davantage disposés à partager que les autres enseignants. Ceux qui ont moins de 15 ans d'ancienneté ont étudié l'informatique dans leur université, contrairement aux autres. Les enseignants jeunes participent aux séminaires de l'application des TIC dans l'enseignement du MEF. Ils veulent intégrer les TIC dans leur enseignement et comprennent bien les avantages de partage des ressources. 3.3.7. Enseignants s'intéressent au partage On rappelle que tous les répondants pensent que le partage des ressources est indispensable. Nous avons choisi de les interroger sur le site de partage Violet, car il est le plus utilisé et aussi celui qui contient le plus de ressources. Ce site de partage utilise un système à points. Quand un utilisateur créée un compte, il obtient 99 points. Quand il télécharge un document de ce site un point lui est retranché et quand il en met un, un nombre de points lui est ajouté (une image : un point ; un fichier de Flash : 2 points ; un fichier de vidéo : 2 points ; un cours ou une leçon électronique : 5 points ; un cours utilisant logiciel Violet ou Cabri3D : 10 points). Mais il est possible de créer plusieurs comptes et donc de contourner le système sans déposer de document. Ceci peut expliquer pourquoi il y a plus de comptes que d'utilisateurs. Neuf répondants sur dix déclarent avoir utilisé le site ; mais seulement un tiers se dit satisfait de ce site. Sept d'entre eux précisent des avantages :
Treize répondants ont mentionné des limites :
Les opinions exprimées sur un site de partage efficace indiquent :
De plus, les enseignants d'informatique affirment que des mises à jour fréquentes, des documents catégorisés, un guide d'utilisation clair et bien organisé du site sont des aspects très importants. On constate qu'ils sont d'accord avec l'ensemble des critères proposés. En effet, ce sont des critères classiquement acceptés pour un bon site web et un bon site de partage. 4. Discussion et perspectives Dans cet article, nous nous sommes intéressés au partage de documents entre enseignants, notamment sur Internet. Nous avons ainsi abordé cinq sites différents de partage, les plus représentatifs : (1) un site du MEF (www.edu.net.vn), La participation des enseignants à ces différents sites web est très variable. En avril 2010, le site web du MEF comprenait environ 300 participants, le site du projet Vietnam – Belgique 400, le site web de Centea 1 000 et le site de « Intel Teach » 14 000, alors qu'il y a plus de 2 400 000 participants pour le site privé de Violet. Pourquoi ce dernier attire-t-il un si grand nombre de participants ? D'après nous, une première explication réside dans l'activité de Violet. Cette société commercialise un logiciel de présentation assistée par ordinateur (nommé aussi Violet) qui aide à préparer des cours. Cela a permis de mettre rapidement en ligne un grand nombre de cours. Actuellement, ce site web met à disposition un grand nombre de ressources (environ 260 000 cours, 330 000 leçons électroniques et 212 000 sujets d'examens). Ces ressources intéressent non seulement les enseignants mais aussi les élèves et les parents. Ensuite, ce site web est consacré uniquement au partage de ressources. Les ressources sont bien catégorisées selon les disciplines et les sujets scolaires (certainement mieux que les autres sites, même si certains répondants à notre enquête souhaitent des améliorations). Ce site web incite les participants à déposer leurs documents (accumulation de points, liste des participants les plus actifs). En particulier, les enseignants ne craignent pas d'envoyer leurs documents au site de Violet ; ce n'est pas le cas pour les sites du MEF et des projets. Enfin, Violet a bien introduit son site web dans les écoles, en particulier auprès des enseignants, dans des séminaires, des colloques et des formations pour les enseignants. On peut noter qu'au cours des formations organisées par Violet, les enseignants doivent produire des cours. À l'issue de ces formations, Violet peut alors choisir les meilleurs cours et les mettre en ligne. Marquage et indexation sont deux aspects importants pour le partage de ressources et l'on comprend que ces sujets peuvent être l'objet d'interrogations et de consultations. Ainsi, l'enquête VocabNomen [10] sur les questions d'indexation des ressources est en cours en France (du 16 avril au 14 mai 2010), Cette consultation s'intègre dans une volonté « d'améliorer la qualité et la pertinence de l'indexation ; de contribuer à de meilleurs résultats de recherche pour l'utilisateur final (recherches transversales...) ; d'accroître la visibilité des documents et ressources pédagogiques ; d'améliorer l'interopérabilité entre les bases de ressources pédagogiques ; d'assurer la continuité en prenant en compte les travaux et réalisations des équipes académiques et nationales. » Le supplément éducatif du Times (Times Educational Supplement) a lancé en 2008 un réseau social en direction des enseignants (TESConnect, www.tes.co.uk), qui devrait être un des plus gros réseaux sociaux visant une seule profession [11]. En effet, une étude qu'il a commanditée, portant sur 5 000 enseignants montre que les enseignants disent rechercher constamment de nouvelles idées pour améliorer leurs cours, mais qu'ils sont souvent isolés. Or, partager des ressources en ligne aurait un impact positif non seulement sur la vie des enseignants, mais aussi sur les élèves. Les enseignants passeraient moins de temps à imaginer et créer de nouvelles ressources et pourraient être inspirés par les idées et ressources d'autres enseignants. À la suite de cette première enquête, nous comptons approfondir l'analyse des sites de partage et proposer une plate-forme spécialisée pour les enseignants vietnamiens. Nous souhaitons également étudier le comportement de participants actifs à des sites de partage pour connaître leurs démarches dans les processus de participation aux sites de partage, les éventuels cycles de partage ainsi que les raisons pour lesquelles ils deviennent des participants actifs. Nous comptons en particulier utiliser le système développé par Huyn Kim Bang, dans sa thèse (2009), notamment SemanticScuttle [12]. Cet outil de partage de signets a été traduit par Nguyen Thi Hong Thai pour qu'il puisse être utilisé en vietnamien. Enfin, le partage peut être un instrument intéressant pour faciliter la diffusion des innovations parmi les enseignants. Il pourrait ainsi compléter les dispositifs de formation en cascade adoptés au Vietnam et réduire certaines inégalités régionales, ce qui pourrait intéresser l'administration éducative. Remerciements Nous remercions chaleureusement beaucoup Georges-Louis Baron et François-Marie Blondel pour leurs judicieuses suggestions d'amélioration de versions précédentes de ce texte. Thai Nguyen Thi Hong Laboratoire STEF, ENS Cachan / INRP, UniverSud 6. Références [1] Unité mixte de recherche, Sciences Techniques Éducation Formation, [2] Statistique éducative de l'année scolaire 2008-2009, [3] Nombre de lycées d'excellence et de lycéens des lycées d'excellence, [4] La règle des collèges et lycées est attachée à la décision numéro : 07/2007/QÐ-BGD&ÐT du 02/04/2007 du Ministre du MEF, [5] La règle de l'hygiène scolaire collèges et lycées est attachée à la décision numéro : 1221/2000/QÐ-BYT du 18/04/2000 du Ministre du ministre de la santé, [6] La règle de régime de travail des enseignants est attachée à la décision numéro : 28/2009/TTB-GD-ÐT du 21/10/2009 du Ministre du MEF, [7] Le programme national de la discipline informatique dans l'enseignement général est attachée à la décision numéro : 16/2006/QÐ-BGDÐT du 05/05/2006 du Ministre du MEF, [8] La règle de l'utilisation des logiciels libres et gratuits dans les établissements éducatifs, numéro : 08/2010/TT-BGDÐT du 01/03/2010 du Ministre du MEF. [9] http://www.mspil.net.vn/Default.aspx?mod=news&atv=news&idtype=1&idnews=30. [10] VocabNomen, un projet d'indexation des ressources académiques, sur Éducnet, 14/04/2010. [11] TSL launches the TESconnect social networking website, in TSL Education, August 22nd 2008. [12] Huynh Kim Bang, Benjamin (2009). Indexation de documents pédagogiques : Fusionner les approches du web sémantique et du web participatif. Thèse de doctorat de l'université de Nancy, soutenue le 29 octobre 2009. ___________________ |
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