Trois fois oui, si...

Jean-Louis Malandain

     L'évolution rapide des infotechnologies (informatique, multimédia, Internet) pourrait couper le souffle et faire perdre le nord. Il faut parfois se pincer pour retrouver des repères et poursuivre la réflexion. Parmi d'autres, sans doute, voici trois bonnes raisons de ne pas lâcher pied et de conforter des convictions :

  • un espace de liberté et de création à préserver et à développer ;

  • un auxiliaire didactique précieux pour les enseignants ;

  • une discipline et un instrument pour développer la science et la culture.

     Parlons-en !

1. Espace de liberté et de création

     L'informatique a été un espace de liberté accessible à tous, ce qui justifiait amplement les efforts à consentir pour s'initier puis maîtriser les outils. Si la complexité est devenue (ou voulue ?) telle qu'on ne peut plus apprendre à créer soi-même mais seulement consommer des productions venues d'ailleurs, alors il faut bazarder les ordinateurs, les bouter hors de l'espace éducatif et les renvoyer au supermarché. Nous devons refuser des technologies qui ne seraient que le cheval de Troie du commerce effréné de machines à ingurgiter. Dans le cas contraire, et c'est évidemment l'objectif que nous recherchons, c'est d'abord aux enseignants qu'il appartient de transmettre les connaissances et le savoir-faire. Même s'il faut le faire contre un certain obscurantisme moderne et très « tendance » - comme il a fallu jadis répandre les lumières. De ce point de vue, on peut évidemment s'étonner du tarissement des informations à la portée des non-spécialistes.

2. Auxiliaire didactique

     Les infotechnologies et les productions informatiques sont des auxiliaires précieux pour les enseignants de toutes les disciplines ; elles apportent une aide dans la classe et dans la préparation des cours mais surtout, quand on en maîtrise le fonctionnement, elles permettent d'élaborer des supports didactiques. D'où l'intérêt de valoriser et de diffuser les didacticiels et autres productions multimédias venant des enseignants. Il est donc indispensable que les enseignants de toutes disciplines s'approprient l'outil informatique et s'en servent pour enseigner, osons le mot : pour faire leur cours. Ce faisant, ils montreront les capacités et les fonctions du multimédia et d'Internet, comme ils le font naturellement pour les supports traditionnels tels que le livre.

     Si vraiment l'informatique est entrée dans une ère de complexité telle qu'il faille être informaticien pour s'en servir, alors les enseignants ne servent plus à rien ! Si la complexité crée la dépendance, il faut la fuir et préférer la liberté !

     Il était naguère assez désolant de voir des élèves conduits devant les écrans de « la » salle informatique comme on mène des bestiaux aux mangeoires - au moins était-ce souvent sous la conduite de l'enseignant. Voilà que maintenant c'est la classe entière avec le prof qui se rendent en adoration au pied des tabernacles !

     Le système d'écriture et de traitement de l'information des Égyptiens était tellement sophistiqué que seuls les scribes pouvaient le maîtriser. Ils en étaient les « propriétaires » ! Sera-ce bientôt le cas pour l'informatique ?

     Certains y songent qui proposent carrément de confier l'enseignement à des robots. Il faudra alors s'opposer résolument à une informatique qui ne laisserait pas aux enseignants la maîtrise du processus éducatif.

3. Une discipline et un instrument

     Si la réflexion sur les contenus d'un enseignement de l'informatique se limite à ceux d'une technologie traitant des données, elle ne touchera que les quelques collègues concernés par cette spécialité pointue. C'était peut-être le cas il y a vingt ans mais entre-temps, avec le développement considérable d'Internet, les infotechnologies sont devenues un phénomène majeur qui concerne tous les enseignants. Les « scientifiques » et les « techniciens » parce que c'est une science et un outil, bien sûr, mais aussi les « littéraires » et les « artistes » parce que c'est un des supports privilégiés de l'expression culturelle de notre temps.

     De ce fait, il est encore plus urgent d'imposer l'enseignement de l'informatique et de l'étendre à tous, dès le plus jeune âge. C'est sûrement le seul apprentissage précoce à mettre en place, autrement plus important que les langues. Mais nous ne serons suivis par personne si nous cantonnons notre action et notre discours aux contenus technicistes qui étaient ceux de l'Option Informatique. Nous devons convaincre de l'impérieuse nécessité de connaître et de maîtriser l'instrument par excellence de la science et de la culture. C'est le seul moyen de rallier l'ensemble des enseignants... non pas en rognant sur les autres disciplines ni au détriment des contenus déjà allégés, mais plutôt en prolongeant la scolarité d'autant d'années qu'il le faudra pour entrer vraiment dans le troisième millénaire.

     Mais les convictions ne valent que si elles en rencontrent d'autres. À vous, lecteurs, de prolonger le débat qui doit s'installer au coeur de notre association !

Jean-Louis Malandain

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 100 de décembre 2000.
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