Logiciel Libre et enseignement de l'informatique au lycée Gérard Blanchet Je voudrais articuler mon propos aujourd'hui autour de trois questions liées à l'émergence des logiciels libres dans l'enseignement. 1) Logiciel Libre et enseignement de l'informatique 1-1) Historique Pour préparer cet exposé j'ai cherché sur Google si existaient quelques traces de « l'épopée » de l'option informatique. J'ai trouvé quelques liens vers l'EPI et aussi un, que je vous livre, vers la page perso d'un des acteurs de cette option Jacques Mauger intitulé « Requiem pour l'informatique au lycée ». Cet enseignement en Lycée a connu trois phases : celle de la première option informatique à partir de 1983, puis sa transformation en APTIC, et enfin la deuxième option informatique créée par Bayrou et supprimée par Allègre en 1999, pour définitivement mourir en 2001 avec la dernière session du baccalauréat où les élèves pouvaient présenter cette option. Ne pensant pas à avoir un jour à reparler de cela j'ai détruit, à l'occasion d'un déménagement, tous mes documents de l'époque. Je me rappelle malgré tout un certain nombre de choses :
Malheureusement nous étions dans une période de suppression drastique d'horaires. Il aurait fallu faire à cette discipline une place dans les horaires (nous prévoyions un enseignement pour tous en seconde, puis optionnel en première et terminale (b). Les quelques enseignants de l'option étaient retournés dans leur discipline et il n'y a pas eu une mobilisation comparable à celle des mathématiciens quand Allègre disait de leur discipline qu'elle n'était qu'un outil. Et à cette époque on parlait encore très peu des « logiciels libres » et ils n'avaient pas encore percé dans l'enseignement. Le point de départ de ce « renouveau » possible est l'accord-cadre Ministère-AFUL d'octobre 1998. 1-2) en quoi l'émergence des logiciels libres dans l'enseignement repose sous un jour nouveau la question d'un enseignement de l'informatique • Les logiciels libres, comme les Mathématiques, deviennent un bien commun de l'humanité (voir à ce propos la demande faite par April et la FSF-Europe à l'Unesco de classer les logiciels libres dans le patrimoine commun de l'humanité). • Ceux-ci (les logiciels libres) sont basés sur la notion de partage, comme Internet et la recherche scientifique dont ils sont issus. • Par ce fait même et d'autres « logiciels libres et enseignement vont bien ensemble » [1] : intervention de Thierry Stoehr à la Linux-Edu d'Archamps en 2003. • Ces logiciels produisent des documents basés sur des standards ouverts [2] permettant aux générations futures de reconstituer les informations qu'ils contiennent même si les machines et les logiciels qui les ont produits n'existent plus. • On peut avoir, avec les logiciels libres, accès à la boite noire et avoir des formations permettant de comprendre comment les ordinateurs et les logiciels fonctionnent plutôt que des formations « presse-boutons de souris ». • On peut enfin ne plus se contenter de savoirs-faire mais aborder le « savoir-faire-faire en différé », comme l'indiquait dans les années 90 Charles Duchâteau de l'Université de Namur [3]. • On peut enfin ne plus se contenter de créer des générations de « consommateurs » de l'informatique mais des générations d'acteurs qui sauront mettre cette science du 20e siècle au service de leur besoins d'hommes et femmes du 21e et aller vers « l'intelligence collective » telle que l'appelait de ses voeux Pierre Levy dès 1994 dans son livre à La Découverte (article du Monde diplomatique octobre 1995) [4]. 1-3) Propositions Nous sommes entrés dans une société du virtuel. Mais comme le dit Pierre Levy il y a 11 ans, dans l'article déjà cité : « Cessons de diaboliser le virtuel (comme si c'était le contraire du réel !). Le choix n'est pas entre la nostalgie d'un réel daté et un virtuel menaçant ou excitant, mais entre différentes conceptions du virtuel. L'alternative est simple. Ou bien le "cyberespace" reproduira le médiatique, le spectaculaire, la consommation d'informations marchandes et l'exclusion à une échelle encore plus gigantesque. C'est, en gros, la pente naturelle des "autoroutes de l'information". Ou bien nous nous mobilisons en faveur d'un projet de civilisation centré sur l'intelligence collective : recréation du lien social par les échanges de savoir, reconnaissance, écoute et valorisation des singularités, démocratie plus ouverte, plus directe, plus participative. » Avec les logiciels libres et tout le mouvement qu'il a engendré et qui touche maintenant tous les domaines de la culture, donnons à nos élèves les clefs pour, encore une fois, qu'ils soient les acteurs de leur avenir. Et qu'on ne nous dise pas que, dans ce domaine, « il n'y a qu'à cliquer » et « qu'on n'a pas besoin d'être mécanicien pour conduire une voiture ». Comme dans toute connaissance humaine il y a des choses à apprendre et à comprendre. 2007 peut-être l'occasion dans ce domaine, comme dans d'autres, de prendre le bon tournant. Je ferais tout à l'heure à Michel Briand un certain nombre de propositions concrètes dans ce sens. 2) Les logiciels libres pour l'utilisateur « final » Deux façons d'aborder les utilisateurs « finaux » élèves, professeurs, autres personnels : 2-1 En interne à l'Éducation nationale Je n'aborderai pas cette question ici. On parle ici essentiellement des logiciels libres éducatifs. C'est aussi l'objet de la mission que m'a confié le Recteur de Clermont-Ferrand : animer le groupe de travail logiciel libre. 2-2 En liaison avec les collectivités (départements pour les collèges, régions pour les lycées) C'est ce que nous avons fait à la rentrée 2005 avec la distribution de 64 000 packs de deux cédéroms aux lycéens de la région Auvergne. Quelques précisions :
Par contre les contacts sont pris avec la ville de Clermont-Ferrand qui chaque année « fête ses étudiants ». Dans l'édition 2006 nous distribuerons des packs de logiciels libres aux 31 000 étudiants des deux universités d'Auvergne et Blaise Pascal [13]. Le contenu de ces cédéroms sera travaillé en collaboration avec Pierre Bernard vice-président de l'Université Blaise Pascal. 3) Les ENT : l'enjeu libre ou propriétaire Autre façon d'aborder les logiciels libres dans l'enseignement : les serveurs, les services, les ressources. Le dossier des ENT est un enjeu crucial dans la prochaine période. Ainsi en Auvergne, sous l'impulsion du Recteur, les 5 collectivités de la Région (Allier qui aux dernières nouvelles aurait fait provisoirement défection, Cantal, Haute-Loire, Puy de Dôme pour les collèges, Région pour les lycées) ont décidé de mener à bien ce dossier en commun. Cela va toucher sur un plan de trois ans 150 000 utilisateurs. Un appel d'offres va être lancé bientôt. La décision est prise d'externaliser ces ENT. Ce sont donc des entreprises qui devront répondre. Depuis le début de l'année scolaire j'ai réussi à fédérer un certain nombre d'acteurs dont une entreprise bien implantée en Auvergne qui, jusqu'à maintenant, n'avait pas de compétence en logiciels libres mais qui a décidé de les acquérir. Il s'agit d'Aresté-informatique. Ce projet est soutenu par Mandriva. Ces deux entreprises ont décidé d'adhérer à Mutualibre [14] avec l'objectif : développer un ENT libre pour l'Auvergne. Nous ne partons pas de rien. La base de notre travail a été le serveur SLAES que j'ai développé depuis au moins 5 ans. Basé sur une Mandrake il répondait à 80 % des spécifications techniques du SDET . Nous avons travaillé en collaboration avec Éric German développeur de LemonLdap [15] pour offrir à l'ENT le SSO (Single Sign On). Avec les développeurs de Gepi, Grr, PMB... nous avons transformé ces applications pour l'authentification unique. Tous les détails du travail effectué sont sur le wiki de Linux-Arverne [16] qui soutient ce projet. Le résultat de notre travail est sur notre machine de développement qui sert aussi de machine de démo. Si le conseiller Tice du Recteur et le Vice-président de la Région chargé des lycées sont favorables au Libre, il y a aussi des forces hostiles. Nous comptons sur l'aide de tous ceux qui le peuvent. Merci d'avance. Gérard Blanchet Brest le 5 avril Publié dans les actes des journées rencontres Autour du Libre 2006 : « Le développement du libre, éducation et pratiques », Le libre dans l'éducation premier et second degré : http://www.autourdulibre.org/contributions.html. Et depuis... (février 2007) : NOTES (a) Pour un enseignement des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication, EPI, 1997. (b) Pour un enseignement de l'informatique et des technologies associées à tous les élèves de seconde, EPI, 1994. [1] http://www.thematic74.fr/article.php3?id_article=226. ___________________ |
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