Naissance d'un enseignement

Chris Boissin
 

   Penchons-nous sur le berceau d'une nouvelle discipline.

Quels en sont les objectifs ? Quelles sont les modalités de sa mise en place ?

   Un enseignement d'informatique a été mis en place depuis la rentrée 1995 en classe de seconde, puis en premières générales à la rentrée 1996, avant de s'étendre aux classes terminales de ces mêmes séries cette année. Cet enseignement vise à rendre intelligibles les moyens et systèmes informatiques que chacun est appelé à utiliser dans sa vie quotidienne et il prend appui sur les activités déjà menées au collège, en particulier dans l'enseignement de la technologie.

   Actuellement, cet enseignement n'est pas proposé dans l'ensemble des lycées. Le choix des établissements retenus est de la responsabilité de chaque recteur, auquel il appartient d'apprécier les propositions des chefs d'établissement. Celles-ci doivent préciser les moyens en matériels de l'établissement et le potentiel d'enseignants ayant une formation suffisante en informatique.

Pour le plus grand nombre en classe de seconde

   En seconde générale et technologique, l'objectif de cet enseignement, conçu pour l'ensemble des élèves, est double. II s'agit en premier lieu de permettre aux élèves d'utiliser les équipements informatiques de manière raisonnée dans l'ensemble des disciplines et dans leur travail personnel. II s'agit également de constituer une base de formation qui permette aux élèves de choisir un enseignement de l'informatique au titre d'une future option en première et en terminale.

   II apparaît souhaitable que cet enseignement soit ouvert dans le plus grand nombre de lycées. Son caractère optionnel ne doit donc pas être pris dans un sens restrictif. Dans le cadre du projet d'établissement, il peut être étendu à l'ensemble des élèves des classes où il peut être assuré.

   Cet enseignement prend la forme d'une option facultative ayant un statut particulier puisque, étant donné son horaire limité, elle est prise en supplément d'options prévues réglementairement. L'horaire compte dix séquences composées de 1 heure en groupe classe, puis 1h30 dédoublée, soit un total de 25 heures par élève sur l'année, et de 40 heures pour le professeur (une « heure-année » par classe).

Connaissances et compétences attendues

   Cet enseignement doit amener les élèves à comprendre les possibilités et les limites du traitement informatisé de l'information. Il doit aussi permettre à chacun d'exercer dans ce domaine son esprit critique de jeune citoyen.

   L'ensemble des notions à enseigner s'appuie sur l'utilisation des ordinateurs et des logiciels employés par les élèves (système de gestion de bases de données, logiciel intégré, logiciel de gestion documentaire...) tant dans le cadre des activités scolaires qu'en dehors, en tenant compte des acquis du collège dans la pratique du traitement de texte et du tableur. Les programmes sont construits en termes de connaissances et compétences à atteindre. Les concepts et notions de la discipline sont regroupés en domaines de connaissances. Le programme de seconde comporte quatre domaines : Information et traitement de l'information, Architecture des ordinateurs, Fichiers, Informatique et monde contemporain.

Des options facultatives en cycle terminal

   L'enseignement de seconde se prolonge en classes de première et terminale, pour les seuls élèves volontaires, par des options différenciées (option pour les séries ES et L d'une part, option pour la série S d'autre part). Pour les séries technologiques, il n'est pas envisagé de créer une option, l'informatique étant déjà largement prise en compte dans les programmes d'enseignement.

   En cycle terminal (classes de première et de terminale) de la voie générale, le programme reprend les objectifs et les finalités du programme de seconde, essentiellement l'utilisation raisonnée des moyens informatiques par les élèves, en particulier dans l'enseignement des autres disciplines. II vise à approfondir les concepts et notions relatifs à l'information, son organisation et son traitement, sa nature formelle et finie. Cet enseignement prend fortement en considération les conséquences de l'informatisation dans la société. On y insiste sur les idées suivantes :

  • la machine ne peut effectuer que les traitements pour lesquels elle a été programmée ;
  • les informations sont structurées pour pouvoir faire l'objet de tels traitements ;
  • l'utilisateur doit connaître les méthodes d'accès à ces informations et savoir les mettre en oeuvre ;
  • la machine ne traite que des informations codées et c'est à l'utilisateur qu'il revient d'attribuer un sens au résultat des traitements ;
  • les systèmes informatisés sont intégrés à la vie même de la société, il est essentiel que les citoyens puissent percevoir et évaluer les conséquences de cette informatisation.

   Dans les programmes du cycle terminal, l'accent est mis sur la résolution de problèmes en privilégiant les situations en relation directe avec les dominantes de chacune des séries ES, L ou S.

   Comme en seconde, le programme comporte un domaine intitulé Informatique et monde contemporain de nature à développer chez les élèves leur esprit critique de jeune citoyen. Le thème retenu en première est L'information et la communication informatisées. Les deux thèmes retenus en terminale sont : Histoire de l'informatique et Enjeux sociaux de l'informatisation.

Activités de projets

   En classe terminale, on consacre deux tiers de l'horaire annuel à des activités de projets, conduites en liaison avec une autre discipline. Les projets, de natures diverses, ne se limiteront pas à la réalisation d'un produit informatique. On peut envisager :

  • une analyse de besoin, une analyse fonctionnelle, la réalisation d'un cahier des charges ;
  • un exemple d'utilisation de moyens informatisés dans un domaine ou une discipline « classique » ;
  • une étude (enquête, dépouillement, analyse avec un progiciel) sur une utilisation de l'informatique, en liaison avec le domaine Informatique et monde contemporain notamment.

Contrôle continu au baccalauréat

   L'évaluation de cet enseignement porte sur :

  • la réflexion de l'élève sur la place de l'informatique dans la société et les enjeux liés à l'informatisation ;
  • la connaissance des concepts et méthodes informatiques ;
  • la capacité à mettre en oeuvre, de manière raisonnée, cette réflexion et cette connaissance dans la conduite et la réalisation d'un projet.

   On n'attend pas du candidat une accumulation de connaissances, mais des connaissances structurées au service d'une réflexion nourrie d'exemples. Cette exigence vaut particulièrement pour le domaine Informatique et monde contemporain.

   L'option informatique innove en matière d'évaluation. Elle introduit pour le baccalauréat un contrôle en cours de formation qui repose sur des épreuves écrites en temps limité et la réalisation d'un projet. Pour la notation, la note de projet et la note de contrôles écrits représentent chacune la moitié de la note globale et le ou les contrôles portant sur la partie du programme Informatique et monde contemporain doivent représenter la moitié de la note de contrôle.

Éviter les dérives

   II faut tendre à respecter les recommandations d'organisation en classe de seconde en veillant à ce que l'enseignement reste lié à une ou plusieurs divisions entières où il devient obligatoire, préfigurant ainsi son intégration progressive dans le tronc commun, et ne regroupe pas des élèves de différentes classes sur la base du volontariat. Sinon, des risques de dérive existent.

   Le premier est celui d'une dérive élitiste. Pour éviter la reconstitution de filières, il faut rechercher l'équilibre seconde/cycle terminal. Dans l'académie de Créteil, on souhaite privilégier l'ouverture en seconde qui touche le plus grand nombre d'élèves.

   Un risque inverse existe de voir les moyens affectés à l'informatique de seconde utilisés pour une brève initiation (5 à 6 h) à la manipulation des matériels de l'établissement pour tous les élèves entrant au lycée ce qui ne correspond pas non plus aux objectifs.

   Un autre écueil serait celui de la coupure avec le reste des enseignements. L'objectif est bien celui d'un enseignement s'appuyant sur les usages de l'informatique dans les autres disciplines ou au CDI, donc coordonné avec les professeurs de la classe.

   Une réponse à ces risques consiste à promouvoir et à expliquer les objectifs de l'enseignement à travers des actions de formation des professeurs.

Organiser la discipline

   Sans concours de recrutement ni formation initiale dans les IUFM, l'informatique est enseignée par des professeurs d'autres spécialités d'origine. Ces éléments, auxquels s'ajoute sa jeunesse, montrent la nécessité de construire sa didactique, de définir et d'harmoniser ses stratégies pédagogiques et ses pratiques d'évaluation. En un mot, de créer une « culture de discipline ». C'est à la coordination académique et à la formation continue que revient cette tâche.

   Dans chaque académie, des actions de formation destinées aux professeurs sont à mettre en place. Pour prendre l'exemple de Créteil, deux actions ont été ouvertes au Plan académique de formation. D'une part, des journées de suivi, destinées aux professeurs déjà formés et en charge de l'enseignement, consistent à expliciter les programmes, à apporter des compléments de formation (dans les domaines du multimédia et de la programmation objets notamment) et à élaborer des documents. D'autre part, un stage long vise à former de nouveaux enseignants d'informatique. II s'adresse à des professeurs déjà compétents, souvent autodidactes, et se propose de compléter et de structurer leurs connaissances.

Chris Boissin
Coordinateur de l'enseignement d'informatique,
Mission nouvelles technologies académie de Créteil

Paru dans Médialog n° 30 de novembre 1997.

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Mai 2009

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