La pédagogie de LIRA Le logiciel LIRA est un entraînement à la lecture visuelle. Le public visé s'étend théoriquement du primaire à l'age adulte, la technique de lecture ‚tant fondamentalement la même. Seuls changent les textes à lire : ils doivent être adaptés au niveau culturel et linguistique des lecteurs Les textes propos‚s sur la disquette diffusée actuellement s'adressent pour une part au 1er cycle, et pour une autre part au 2e cycle. Les élèves vivent LIRA comme une nouvelle approche de la lecture. 1/ Le texte est présenté en fragments et non dans son ensemble. La lecture d'une tranche de 10, de 15 caractères parait une tâche parfaitement surmontable même pour des lecteurs peu entraînés ; mais ce faisant, ils consentent à l'effort d'interpréter cette tranche en une seule fixation. Tel est le fonctionnement de la lecture visuelle : l'oeil se fixe de place en place et reste immobile ; pendant ce temps le cerveau reconnaît le sens sur une zone qui est souvent limitée à un mot, mais qui s'étend avec l'entraînement, et atteint six mots chez des lecteurs rapides. 2/ Le rejet social est aboli. S'il est vrai que l'ordinateur mesure la performance et si au début sa rigueur peut surprendre, ce n'est pas le professeur ni la classe qui jugent. Voilà pourquoi les résultats doivent rester secrets si l'élève le souhaite. Le poids affectif et social qui est inconsciemment attaché aux difficultés de lecture est remplacé par le jeu, qui est une autre fonction sociale et culturelle. Et la les choses sont généralement intactes et les chances encore entières. 3/ Jeu et travail. Le sentiment du jeu est souvent prépondérant « J'aime bien les jeux comme Lira », a déclaré un élève de 6e. Un élève de 2de, qui n'était pas encore décidé à entreprendre un cycle d'entraînement, avec ce que cela comporte de ténacité et de répétitivité, a demandé s'il pouvait « changer de jeu ». Les premiers essais suscitent la curiosité, mais ensuite « c'est toujours la même chose ». Effectivement, mais avec une différence de taille : comme le sportif ou comme l'artisan, on élabore pour ainsi dire des gestes qui deviennent peu à peu plus efficaces et plus élégants. Joie profonde de provoquer et de constater son épanouissement. 4/ Juste ou faux ? Les réponses justes, c'est-à-dire la correction des exercices, ne sont pas communiquées, bien que ce soit techniquement très facile. C'est un choix délibéré qui peut surprendre, mais il se justifie en toute rigueur. D'abord une considération négative : le but principal n'est pas ici de faire l'étude d'un texte d'un auteur, ou une acquisition autre que le savoir-faire spécifique de la lecture. Intervient alors une considération fondamentale. L'élève qui n'a pas obtenu un résultat suffisant à la compréhension est forcé de réfléchir sur sa manière de procéder, de mieux prendre en compte les consignes préliminaires, de se concentrer. La rage de gagner donne l'énergie nécessaire pour progresser. Les essais successifs, et améliorés d'une fois à l'autre sont au coeur de l'entreprise. D'où la nécessité de passages réguliers et rapprochés pendant une période sur ce programme. 5/ LIRA n'est pas perfectionniste, même s'il est vrai qu'une compétition est provoquée. Non perfectionniste, car un score de 50 % est présenté comme un gain de 50 %, non comme une insuffisance. Non perfectionniste, car une compréhension à 80 % ou 70 % est considérée comme très bonne. Une compréhension parfaite, si elle existe, pourrait par exemple demander, dans l'exercice du « verger », la consultation du dictionnaire pour « acacia », ou la lecture d'un chapitre de sciences naturelles. Et cette ouverture, c'est-à-dire cette insatisfaction momentanée est bonne en soi : la lecture qui est faite n'est qu'un début, et une suite est souhaitée. Non perfectionniste, mais perfectionneur car un résultat de 30 % est très intéressant, car il peut être amélioré et les progrès sont visualisés sur l'écran et mis en lumière par un graphique en forme de V. 6/ La lecture demande toujours une concentration. LIRA y conduit par le fait que la lecture proprement dite est précédée d'une petite introduction et d'une mise en condition : une question préalable éveille et oriente la curiosité. Une autre condition favorable à la concentration. L'effort est limité dans le temps, car les exercices sont courts. Enfin troisième et principal facteur de la concentration : la performance est mesurée quasi instantanément. Ainsi l'utilisateur est amené à faire une compétition avec lui-même et à se surpasser d'un essai a l'autre. Voilà pourquoi une séance à l'ordinateur occupe 15 à 20 minutes en classe de 6e, 20 à 30 minutes dans le 2e cycle. Corrélativement à cet effort, l'élève est rapidement récompensé par ses progrès. Ceci s'observe dès la 3e ou la 4e séance. Ensuite les progrès s'accélèrent. On a, au cours de ces heures, une impression de travail intense et de concentration réelle. 7/ Prendre conscience de ses possibilités. Au début du cursus les élèves perçoivent l'enjeu comme la remise en question d'une affairé fondamentale, la lecture, considérée comme le fondement sacré de la culture. Les élèves cherchent à faire le mieux possible. Et pensant miser sur la prudence, ils sont freinés par la timidité. Ils prennent une vitesse moyenne, et ainsi font peu d'exercices en une demi-heure, moins de 5 en moyenne. Il se trouve que dans ces conditions les résultats en compréhension sont moyens aussi, autour de 50 %. Mais une fois que l'inquiétude du début est passée, apparaît une découverte très importante : si on augmente la vitesse, le texte a plus de chances d'être compris. Cela se vérifie par l'observation : vers la 10e séance on observe des tableaux de résultats très différents des premiers. Les exercices sont alors nombreux, plus de 12 en une demi-heure. Les vitesses les plus hautes sont sélectionnées dès le départ. Et les résultats oscillent entre 80 % et 100 %, sauf quelques ratages spectaculaires, mais rares. Ce phénomène s'explique : la compréhension demande des vues d'ensemble, synthèse qui est favorisée par la rapidité du parcours, elle bénéficie aussi d'un tri des informations de façon que la mémoire immédiate (de 8 à 20 mots) ne soit pas encombrée d'informations accessoires. La voie est ainsi ouverte vers une lecture coulée, une lecture ajustée à la ligne directrice du sens. 8/ L'autonomie de l'élève et le rôle du professeur. L'autonomie de l'élève est favorisée et systématiquement cultivée. Celui-ci choisit sa vitesse, la modifie en fonction de ses expériences successives et selon son libre arbitre ; il prend les exercices qu'il veut (suggérons-lui tout de même que la meilleure stratégie est de commencer par les exercices où il est le plus à l'aise). Mais l'autonomie doit être payée à son juste prix. Les bonnes réponses ne sont pas fournies même après échec : il faut les conquérir, et comme on est réduit à ses propres moyens, on ne peut pas faire l'économie de la concentration, on est amené à mettre au point des techniques efficaces. Dans ces conditions le rôle du professeur change aussi. Au lieu de réclamer le maternage, les élèves ne recourent à lui qu'en cas de difficulté réelle ou si le camarade le plus proche n'a pas pu fournir le renseignement voulu. Pour le professeur il y a parfois la difficulté de changer l'image qu'il a de son rôle : il est un recours en cas de blocage, il vérifie que le parcours a été correctement suivi. Au début il peut aussi y avoir la difficulté de conduire deux demi-classes, mais des habitudes de prise en charge autonome viennent assez rapidement aux élèves sur machine. 9/ Adaptation. Le but est de faire réussir les élèves. Et pour cela tous les atouts sont mis dans leurs mains, à savoir l'intérêt, la proximité culturelle, la disponibilité des moyens d'expression. L'effort qui reste à faire est assez difficile par lui-même : la maîtrise des techniques de lecture. Si les exercices proposés n'étaient pas tout à fait adéquats, le maître pourrait créer ses propres textes. Il suffit pour cela de consulter la documentation qui figure sur la disquette et de se laisser guider. La partie informatique est facile, et, après les tâtonnements de rigueur, tout à fait accessible à quelqu'un qui débute en informatique. Il est possible ainsi de mettre sur machine et de faire traiter par LIRA des textes répondant à des demandes particulières, soit par leur centre d'intérêt, soit par leur niveau de compréhension et la nature des moyens d'expression. Témoignages d'élèves Après cinq mois d'utilisation, 19 élèves de 6e ont donné par écrit leurs impressions sur l'utilisation du logiciel LIRA. Ils affirment presque tous éprouver un certain plaisir. C'est tout d'abord le plaisir d'utiliser l'ordinateur.
Il y a aussi le plaisir de lire d'une manière nouvelle.
Certains cependant ont des reproches à faire. Le matériel informatique est concerné.
D'autres reproches concernent la nature des exercices.
LIRA a désormais sa « boite aux lettres ». En l'occurrence c'est l'Équipe du collège Anne Frank, qui est animée par Dominique Laval et Maïté Courtois. Elle se propose de servir d'intermédiaire entre les utilisateurs. Adresse : Frais : Joindre à son envoi une enveloppe affranchie à son adresse et éventuellement une disquette pour le transfert de fichiers dans un sens ou dans l'autre. Cette équipe reçoit le courrier et y répond dans la mesure de ses moyens. Elle peut éventuellement mettre en rapport les uns avec les autres, dans un secteur géographique donné, les utilisateurs qui se sont fait connaître. Elle répond aux demandes de renseignement qui n'auraient pas été satisfaites par la documentation sur disquette. Elle recueille aussi les suggestions pour de nouveaux développements. Elle désire être informée sur la manière dont l'activité est vécue par les élèves et les professeurs. Elle collecte les fichiers qui auront été créés par des gens inspirés et qui pourront faire partie d'un nouveau stock destiné à la diffusion. L'organisation du travail Le nombre de machines L'organisation d'une séance dépend du nombre de machines : a/ il est possible de travailler avec une seule machine. Un élève ou deux sont en place. A noter qu'en 6ème la structure idéale est d'un élève par machine. Un élève travaille de 15 à 20 minutes en 6ème, et dans le 2e cycle de 20 à 30 minutes. Le programme LIRA est conçu pour être utilisé en libre-service. b/ S'il y a assez de machines pour que tous les élèves y trouvent place, à un ou deux, tant mieux. Le maître pourra observer leur évolution, et homologuer leurs progrès. Mais attention ! il y a des élèves qui n'aiment pas, pour des raisons profondes qui tiennent à la culture et au statut social, que leurs résultats soient connus, au début du moins : les résultats faibles sont affectivement et socialement lourds à porter. c/ Le troisième cas de figure est de loin le plus fréquent. La moitié de la classe travaille sur machine, L'autre moitié est occupée, dans une salle attenante, par une autre activité. Mais ce fonctionnement est impossible lorsqu'on ne dispose pas d'une deuxième salle ou lorsque l'effectif impose plus de deux élèves par machine. La demi-classe qui travaille sur papier peut faire une lecture guidée avec relevé de champ lexical par exemple ; ou bien un travail sur fiches Atel, sur fiches d'orthographe, ou bien la rédaction d'un compte rendu concernant le travail sur machine. d/ La période d'initiation demande un dispositif particulier. Au début, L'idéal est de mettre un élève seulement par machine, et cela pendant 2 à 4 séances, avec la présence du maître, après quoi les élèves peuvent travailler à deux et en autonomie. Ce dispositif suppose que les autres élèves ne soient pas présents et que des aménagements particuliers soient réalisés, en collaboration avec l'administration, dans l'emploi du temps et dans l'encadrement. Par exemple dans tel collège la documentaliste prend en charge le groupe qui n'est pas sur machine. Le maître peut dans ces conditions faire connaître au mieux l'utilisation de l'ordinateur et du logiciel ; le démarrage est progressif et harmonieux, surtout pour de jeunes élèves. Le cursus Comment placer le cursus de LIRA dans l'année scolaire et comment l'articuler avec les autres activités pédagogiques ? LIRA est utilisable à n'importe quel moment de l'année, de la journée, ou de l'heure. Il n'est, par sa conception, lié à aucun autre exercice, qu'il s'agisse de vocabulaire, de grammaire ou de notions culturelles particulières. Il met en oeuvre les opérations spécifiques et pose les problèmes propres à la lecture visuelle. Cela est indépendant de la nature des textes. Les textes étant classés par séries, le professeur choisira celles qui sont accessibles à ses élèves. Et si elles ne l'étaient pas, il pourrait créer ses propres exercices, en se reportant à la rubrique correspondante dans la documentation. Néanmoins plusieurs opportunités interviennent : 1/ Le développement de la lecture présente un intérêt particulier au début de l'année scolaire. Les élèves auront acquis plus de confiance en eux-mêmes et le professeur pourra exploiter dans les travaux de l'année un savoir-faire fondamental. Cela est particulièrement vrai en 6e où le démarrage de l'année avec un cycle de LIRA est une bonne hygiène pédagogique ; en plus des bénéfices spécifiques, c'est une prise en main de la classe. 2/ On peut avoir besoin de renouveler l'attention. C'est le cas quand deux heures de français se suivent. Le travail de la lecture sur machine offre alors des particularités intéressantes, comme l'individualisation, la liberté, l'activité, la conduite de la machine. 3/ Prolongements et élargissements. LIRA peut s'intégrer à un ensemble d'activités concernant la lecture, à côté d'ELMO, d'ATEL d'exercices de lecture rapide sur papier, ou d'exercices de lecture à haute voix. Dans ce cas les découvertes et l'approche fondamentale de LIRA sont exploitées et élargies. Il est possible d'autre part de prolonger les exercices en amont et en aval. En amont une préparation portera, s'il y a lieu, sur le vocabulaire de tel ou tel champ lexical ; ainsi la lecture sur machine sera plus sûre et aura une fonction de contrôle. En aval le travail peut se poursuivre par l'étude d'un thème sur des textes complémentaires. Bien que ce ne soit pas l'objectif principal du logiciel, il est possible de l'utiliser en fonction de ce choix pédagogique. Dans ce cas il faut évidemment vérifier si le thème existe sur la disquette (faire lister par la machine le contenu de tous les fichiers), ou bien créer soi-même des exercices d'application en se chargeant d'un travail de préparation non négligeable (voir dans la documentation sur disquette les indications concernant l'élaboration des questions, le découpage des tranches de texte, etc., pour la création de fichiers.). Enfin ce logiciel est ouvert à toutes les disciplines, grâce à la variété des thèmes et à la possibilité de les multiplier. On peut faire des exercices sur une recette de cuisine, sur les mesures de longueurs, etc. Le logiciel LIRA se veut souple et ouvert : souple pour s'adapter au plus grand nombre de choix et de progressions pédagogiques ; ouvert pour accepter le plus grand nombre de matières et de niveaux. Bertrand Ott Paru dans le numéro spécial 1986, Informatique est pédagogie. Des outils pour tous, supplément au Bulletin de l'EPI n° 42 de juin 1986, pages 157-164. ___________________ |