QUELLES COMPÉTENCES TRANSVERSALES ? Chantal Richard EN GUISE D'INTRODUCTION, UN CONSTAT Lorsque nous examinons la situation de l'utilisation de l'ordinateur dans les établissements du second degré, nous pouvons faire un constat multiple concernant les Nouvelles Technologies Éducatives (NTE) :
LES OBJECTIFS DE L'ATELIER L'examen des causes de ce constat n'est pas l'objet de l'atelier intitulé « Compétences transversales ». Nous admettons comme une évidence l'utilisation des NTE, que ce soient les logiciels éducatifs, les mémoires optiques... du moins dans certaines disciplines. La question posée alors est double :
Nous centrons le problème sur les compétences transversales que doit acquérir tout enseignant désireux d'utiliser l'ordinateur dans son enseignement. Notre réflexion peut se transposer aisément à la formation des élèves. L'exposé de M. Lucas concernant la formation de tous les élèves à l'informatique, de l'école primaire au lycée, va dans le même sens. Aussi, nous devons essayer de cerner les pistes de recherche des savoirs minimaux et transversaux indispensables à l'enseignant pour l'appropriation des outils conceptuels manipulés par l'informatique. LA NÉCESSITÉ D'UN SAVOIR CONCEPTUEL MINIMAL Quels que soient les progrès réalisés dans la convivialité et les interfaces homme-machine, il y a encore aujourd'hui un savoir qui s'interpose entre l'utilisateur et l'ordinateur. C'est ce savoir minimal, condition nécessaire à une utilisation pertinente de l'ordinateur, que nous devons tenter de définir. L'ordinateur est un outil technologiquement complexe ; l'informatique est une discipline née avec l'ordinateur. Certains la limitent à l'ensemble des techniques mises en oeuvre pour l'utilisation des ordinateurs, d'autres la définissent comme la science du traitement rationnel de l'information. Depuis quelques années, l'informatique tente de s'identifier comme discipline scientifique autonome, de délimiter son champ et de définir sa démarche et ses méthodes, bref de constituer son épistémologie. L'informatique fait souvent l'objet d'une remise en cause en tant que discipline scientifique, car son utilisation dans des secteurs de plus en plus variés aboutit à une confusion entre l'outil et l'objet de l'étude. Le statut encore trop indécis de l'informatique lui est tout à fait préjudiciable. Dans l'enseignement secondaire cette confusion est malheureusement trop répandue, le programme de l'option informatique avait su dépasser l'outil pour s'attacher aux concepts fondamentaux. Il est vrai que la question n'est pas simple. Quand on demande « qu'est-ce que la botanique ? », on répond sans hésitation, « c'est l'étude des plantes » ; de même, la zoologie est l'étude des animaux... Mais la science informatique est-elle l'étude des ordinateurs ? La botanique, la zoologie... ont pour but la compréhension et l'explication du monde réel. Quant à l'informatique, elle s'intéresse à des phénomènes artificiels conçus par l'homme dont la complexité n'est pas toujours aisément maîtrisable. L'ordinateur n'est pas une invention comme les autres, aucun savant n'est tombé un jour au cours de ses recherches sur un phénomène qui contiendrait en lui ce qui a été ensuite appelé « computer ». L'informatique est née autrement ; l'ordinateur est lui-même un concept, une matérialisation logico-mathématique. Nous avons tendance à l'oublier grâce aux développements des interfaces ergonomiques ; mais seule une reconnaissance d'un statut autre que celui du simple outil, comme la télévision par exemple, peut permettre aux enseignants une maîtrise du savoir qu'ils dispensent grâce à lui. À LA RECHERCHE DES CONCEPTS Aussi pour rechercher les notions fondamentales indispensables à une utilisation pertinente de l'ordinateur dans l'enseignement, il paraît intéressant de s'orienter vers l'épistémologie de l'informatique et ses concepts implicites. Cependant le problème n'est pas simple ; il est relativement facile, chacun de nous l'a fait lorsqu'il organise un plan de formation, de définir des contenus correspondant à des objectifs pédagogiques imposés par un programme ou par les besoins de l'institution. La difficulté commence à apparaître lorsqu'on tente de préciser des contenus minimaux, sachant que le volume horaire accordé est ridiculement faible. Nous avons eu à réfléchir à ce type de problème dans la définition des contenus NTE du Tronc Commun des IUFM. Il est fort décevant, après des jours de réflexion sur la recherche des concepts utiles, de constater que tout le travail est balayé par la nécessité d'enseigner aux futurs professeurs au moins l'usage du traitement de texte. Ceci est à peine caricatural ! La difficulté s'accroît encore lorsqu'on ajoute le qualificatif « transversal ». La tension monte quand on cherche à faire coller ces contenus minimaux et transversaux aux concepts sous-jacents de l'informatique, concepts encore mal définis et pas toujours bien appréhendés par les formateurs eux-mêmes. Sans être exhaustif, nous avons retenu, comme base de réflexion, les quelques concepts suivants :
Certains de ces concepts ont été évoqués dans l'atelier, durant lequel nous avons eu trop peu de temps pour les approfondir. Cependant il est important de ne pas oublier que seuls les concepts résistent au temps et aux modes alors que les contenus perdent leur pertinence au fil des années. Pour exemple, un cours de programmation basé sur l'algorithmique, ne vieillit pas, alors qu'un cours de programmation s'appuyant sur un langage doit suivre, non seulement la mode des langages, mais aussi l'évolution des versions. EN GUISE DE CONCLUSION, LA RECHERCHE PÉDAGOGIQUE Cet atelier a véhiculé l'idée, présente dans toutes les interventions de ce colloque, de la nécessité d'une formation des enseignants, en formation continue, mais aussi en formation initiale, dans les IUFM, basée sur l'appropriation des concepts généraux et pas seulement sur l'apprentissage d'un outil. La simple présence d'un ordinateur dans une classe ne peut suffire à modifier des pratiques pédagogiques. La machine est un élément moteur et innovateur à condition que la recherche pédagogique construise sa place dans les séquences pédagogiques. C'est un travail que des équipes de FINRP, des MAFPEN, des CFIAP... ont déjà entrepris. Nous devons donc poursuivre, comme le précise M. Bérard, la réflexion entamée dans cet atelier au sein des équipes déjà existantes, mais aussi lors de rencontres du type de ce colloque. Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants ; actes du colloque des 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, édités par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé ; coédition INRP-EPI, 1992, BIBLIOGRAPHIE J. Arsac, La science informatique, Dunod, 1970. C. Hoffsaes, Épistémologie de l'informatique, AFCET/INTERFACES n° 101, mars 1991. J.-L. Lemoigne, La science informatique va-t-elle construire sa propre épmitémologie ?, Culture technique n° 21, 1990. J. Perriault, L'empreinte de l'ordinateur sur les modes de pensée des utilisateurs, Culture technique n° 21, 1990. C. Richard (sous la direction de), La formation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, IUFM de l'Académie de Créteil, juin 1991. UCAFIAP, Les nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'IUFM, juin 1990. NOTES [1] Dictionnaire de l'informatique, Larousse. [2] J.-L. Boissier, Université Paris 8. ___________________ |
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