INTRODUCTION Monique Grandbastien « La formation initiale de tous les personnels, la formation continue indispensable dans un secteur en rapide évolution, un vigoureux effort de recherche pédagogique », tels étaient les trois domaines d'action prioritaires que je suggérais dans le rapport remis en 1989 au ministère de l'Éducation nationale [1]. Je ne pouvais donc que me réjouir de l'initiative de G.-L. Baron, directeur du département des Technologies nouvelles à l'INRP, et du soutien de F. Dugast, directrice de l'INRP, pour l'organisation d'un colloque consacré à l'intégration de l'informatique dans l'enseignement et à la formation des enseignants. Le comité d'organisation a retenu ces trois domaines et a cherché à définir pour ce colloque des objectifs adaptés au contexte de la mise en place des IUFM et à une situation de banalisation de l'informatique dans les établissements scolaires, banalisation qui est dans l'ensemble encore loin de l'intégration. C'est ainsi qu'il a souhaité
Les objectifs ont été largement atteints, l'intérêt et la satisfaction des participants, la diversité des sujets et des débats et le présent volume en font foi. Des contributions générales ont permis de restituer d'une part l'impact de l'informatisation de la production sur l'évolution des métiers comme exemple de transformation profonde de nos sociétés, d'autre part la pénétration de l'informatique dans les objectifs et les programmes scolaires et dans la pratique du métier d'enseignant. Les travaux des ateliers ont constitué une très riche contribution qui permet, par des points d'entrée très divers, mais tous pertinents, d'aborder les pratiques actuelles d'usage de l'informatique à des fins pédagogiques. J'insisterai donc plutôt dans cette introduction sur les perspectives d'avenir. Le colloque a réuni des partenaires des trois domaines :
Cette synergie entre des partenaires de ces trois secteurs me parait exemplaire, il est indispensable qu'elle se poursuive et soit renforcée. Une communauté de formateurs et de chercheurs doit se structurer et l'INRP, la DESUP et la DRED ont à conjuguer leurs efforts pour aider à cette structuration. Cette communauté doit d'abord servir de relais sur le terrain, cela a été dit pendant le colloque et, lors de sa conclusion, chaque participant est reparti porteur de messages à transmettre là où il travaille. Elle doit ensuite élaborer des documents de formation communs. Le peu de temps dont disposent les étudiants en IUFM pour se former à l'usage des technologies nouvelles a été souligné ; il faut donc disposer de stratégies et de supports de formation particulièrement efficaces. Cette communauté doit enfin être partie prenante des actions de recherche à conduire dans le secteur. Je voudrais développer un peu chacun de ces deux derniers points et au préalable insister pour que sur chacun on se donne du temps et des priorités, des moyens pour progresser, des instruments d'observation pour mesurer les progrès, rectifier le tir au fur et à mesure des résultats, évaluer l'ensemble. Les technologies nouvelles ont dans le passé souffert d'à-coups successifs, de modes et de disgrâces pas toujours plus justifiées les unes que les autres. Il est grand temps d'y travailler méthodiquement, avec calme et ténacité dans un souci d'efficacité au service des grandes priorités du système éducatif. C'est ce qui se fait sans bruit dans un certain nombre de lieux ; la même démarche doit présider pour l'organisation de l'ensemble. Un point important est lié à la production de documents de références pouvant servir pour les formations. Il faut entendre par là des documents avec supports papiers, électroniques et audiovisuels, gardant mémoire des démarches, sou vent fondées sur des questions de recherche, qui ont été inventées pour résoudre des problèmes concrets. L'existence de tels documents de qualité me semble fondamentale et demande des moyens spécifiques qui ne se réduiront pas à une somme de bonnes volontés. Ce type de production, qui doit partir de l'expertise des formateurs et des enseignants, exige beaucoup de temps et de professionnalisme pour aboutir. Sa production pourrait être organisée au sein des IUFM et à leur initiative avec le soutien des autorités de tutelle (qui devraient fournir des moyens, indiquer des priorités, permettre les évaluations et régulations nécessaires) et en partenariat avec tous les interlocuteurs et producteurs qui voudraient s'y associer (notamment le CNDP). Il faut aussi identifier la place de chacun dans un continuum qui va de la recherche fondamentale jusqu'à l'innovation pédagogique en passant par la recherche très appliquée ou les « recherches-actions » impliquant des enseignants du terrain dans des démarches de recherche. Il est urgent de définir quelques lignes et programmes prioritaires, d'organiser, d'animer et d'évaluer le travail correspondant en liaison avec les grandes orientations et les programmes spécifiques des organismes de tutelle. Je voudrais souligner deux difficultés qui guettent le domaine et qu'il faut s'employer à surmonter très clairement. La première concerne l'appellation « recherche » qui est donnée à des activités de natures très diverses. La mise en place de programmes aux priorités affichées et de comités d'évaluation scientifique des travaux devrait permettre d'y voir plus clair, la proposition et la diffusion d'autres appellations comme « observation », « innovation », « expérimentation » feront le reste. La seconde concerne la nécessaire participation des enseignants du terrain et le transfert des résultats de recherche dans les pratiques éducatives ; il me semble qu'il faut s'inspirer du passage entre recherche fondamentale et recherche appliquée, valorisation des résultats de la recherche, passage qui est peut-être mieux identifié quand il s'agit de disciplines scientifiques et de partenaires industriels. On sait éventuellement associer un industriel à une recherche appliquée par des mécanismes de contrats entre les laboratoires et les entreprises, on ne sait pas associer institutionnellement et avec souplesse un enseignant ou un établissement à une recherche ; il faut inventer des mécanismes qui le permettent (contrats d'organismes de recherche (notamment FINRP) avec des établissements, partenariat IUFM pour des activités de formation, mais aussi pour du travail avec des équipes de recherche, etc.). Des propositions de thèmes de travail ont été faites et longuement développées dans le rapport précédemment cité. Elles sont liées aussi bien aux rapports entre l'utilisation de l'informatique dans une discipline particulière et les résultats des élèves, qu'aux nouvelles situations d'apprentissage rendues possibles par les simulations et aux hypothèses cognitives qu'elles permettent, à la réorganisation du travail des formateurs dans un contexte d'environnements d'apprentissage interactifs, à la spécification et à la production d'outils adaptés aux besoins. Les programmes de recherche seront donc nécessairement pluridisciplinaires, ce qui les rend plus difficiles à définir et à piloter. C'est une nécessité que l'on retrouve dans beaucoup de secteurs aujourd'hui, l'environnement par exemple, et que l'on commence à savoir prendre en compte dans les institutions avec, par exemple, le programme Cognisciences du CNRS. Encore une fois le domaine est complexe, les acteurs doivent prendre des initiatives et ils comprendraient mal de ne pas être associés à la définition de ces programmes de recherches, mais en même temps l'institution (la DESUP, la DRED, le CNRS, l'INRP d'autres peut-être) doit fournir des structures de pilotage claires et efficaces qui pourront proposer des mécanismes nouveaux répondant aux besoins et caractères spécifiques des travaux relatifs à l'éducation et à la formation et s'assurer de la participation d'experts extérieurs. Il faut enfin favoriser, au moins au démarrage, l'insertion des équipes compétentes dans la communauté internationale. Je voudrais, en conclusion, parler des élèves. Ils utilisent déjà et utiliseront de plus en plus les applications de l'informatique dans leur vie professionnelle et quotidienne. Il est donc important que l'école les y prépare et il en va donc de même pour les enseignants qui doivent maîtriser les concepts et les outils relatifs à leurs tâches éducatives. Nous sommes encore dans une période de relative pénurie de matériels (je veux dire par là que chaque enseignant ou chaque élève n'a pas le libre accès à une machine quand il le souhaite, c'est l'état actuel du développement technologique et de la diffusion des applications de l'informatique dans la société), mais le micro-ordinateur individuel (ou plus vraisemblablement les machines plus spécialisées mais plus conviviales qui lui succéderont) est pour demain. Sachons préparer nos futurs enseignants à exercer leur métier dans ces contextes nouveaux, et anticipons ces contextes dans les IUFM. Les programmes de recherches les mieux conçus et les actions de formation n'auraient guère de sens s'ils ne s'inséraient dans une politique globale incluant les équipements et l'organisation du travail dans les établissements. Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants ; actes du colloque des 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, édités par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé ; coédition INRP-EPI, 1992, NOTE [1] Grandbastien M. Les technologies nouvelles dans l'enseignement général et technique, rapport au Secrétaire d'État chargé de l'enseignement technique, La Documentation française, collection des rapports officiels, 260 p., Paris, 1990. ___________________ |
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