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Objet : demande d'audience sur l'enseignement de l'informatique.
Madame la Ministre,
Un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » a été créé en terminale S à la rentrée 2012, un enseignement de l'informatique pour tous les élèves des CPGE scientifiques a été ouvert en septembre 2013.
Il s'agit d'avancées importantes. En effet, l'informatique est au coeur des activités numériques essentielles pour notre pays. L'informatique sous-tend le numérique comme la biologie sous-tend le vivant et les sciences physiques l'industrie de l'énergie. Son impact sociétal et économique explose au XXIe siècle. L'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation. On ne compte plus les débats de société suscités par le numérique et l'informatique (loi Hadopi, neutralité du Net, libertés...).
Il se dégage désormais un consensus pour dire que ces avancées doivent tendre vers la création, dans le secondaire, d'une discipline de science et technologie informatique pour tous et pour l'ensemble des niveaux. Son enseignement – comme le préconise le rapport de l'Académie des Sciences (L'enseignement de l'informatique en France. Il est urgent de ne plus attendre) – doit débuter dès le collège au même titre que celui de la physique ou de la biologie, après une sensibilisation à l'école primaire [1]. Il ne doit pas être à caractère optionnel, puisque ce sont bien tous les citoyens qui sont déjà confrontés à des questions qui ne sauront se résoudre que grâce à une compréhension du monde numérique, rendue possible par une initiation à la science informatique.
L'informatique doit être une composante de la culture générale scientifique et technologique de tous les élèves.
Suite à une rencontre avec Monsieur Alain Boissinot, Président du Conseil Supérieur des Programmes, nous avons adressé deux textes au CSP : « Proposition d'orientations générales pour un programme d'informatique à l'école primaire » [2] et « Esquisse d'un programme d'informatique pour le Collège » [3].
Lors de ses échanges avec la salle, à l'inauguration de l'US French Tech Hub à San Francisco le 12 février, François Hollande a déclaré : « Nous n'avons pas assez de jeunes qui vont vers les métiers d'avenir. (...) Tout doit commencer par le codage à l'école (...) il va y avoir une expérimentation et l'on va mettre du codage au collège (...) il faut le plus vite possible former les enseignants (...) le codage va être progressivement généralisé (...) » [4].
Le Conseil Supérieur des Programmes dans son texte de juin 2014 définissant le projet de socle commun des connaissances propose d'ailleurs : « ... il [l'élève] est initié au fonctionnement, au processus et aux règles des langages informatiques ; il est capable de réaliser de petites applications utilisant des algorithmes simples. » [5].
Ajoutons que les pays autour de nous prennent conscience aussi de ces enjeux et de l'importance d'enseigner l'informatique dès le collège voire l'école. Nous rappellerons les déclarations du président Obama en décembre 2013 appelant tous ses compatriotes à étudier la programmation. « Pourquoi vous satisfaire de l'achat d'un nouveau jeu vidéo : fabriquez en un aussi ! » leur dit-il : utilisateur mais aussi créateur. Avec un enjeu fondamental, pour le moins à méditer. Selon le président des États-Unis, « l'apprentissage des compétences en jeu n'est pas seulement utile pour le futur, il est important pour le futur de son pays. Si nous voulons que les États-Unis restent en tête, nous avons besoin que de jeunes Américains comme vous aient la meilleure maîtrise possible des outils et de la technologie » [6]. Et le Royaume-Uni a effectivement décidé de lancer le processus de l'enseignement de l'informatique de l'école primaire au baccalauréat.
À ce stade, le projet français nous semble encore très en retrait de ce qui devrait être fait et de ce que font des pays développés ou émergents.
Pour être ambitieux en matière de formation à l'informatique il faut des enseignants formés pour cela, et pour recruter des enseignants dont la discipline est l'informatique, il faut qu'un volume d'enseignement le justifie. Or il n'y a quasiment pas d'enseignants formés à l'informatique dans l'enseignement secondaire. Il faut donc créer sans attendre un Capes et une agrégation d'informatique, à l'instar de ce qui existe dans les autres disciplines.
La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République prévoit qu'« une option "Informatique et sciences du numérique" sera ouverte de façon adaptée à chacune des séries du baccalauréat technologique et général ». Qu'en est-il de cette extension d'ISN annoncée pour la rentrée 2014 en cours ?
Enfin, pour ce qui concerne l'enseignement primaire, le recours au périscolaire ne peut être qu'une solution transitoire. Malgré ses mérites, elle ne concernera qu'une faible partie des élèves et sera source d'inégalités due aux moyens très variables des municipalités.
Nous souhaiterions nous entretenir avec vous de ces importants dossiers qui conditionnent en grande partie l'avenir culturel et économique de notre pays.
Nous vous prions d'accepter, Madame la Ministre, l'expression de notre considération distinguée.
- Serge Abiteboul, membre de l'Académie des Sciences, membre du Conseil National du Numérique.
- Jean-Pierre Archambault, Président de l'association Enseignement Public et Informatique (EPI).
- Gérard Berry, Professeur au Collège de France, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies.
- Colin De La Higuera, Président de la Société Informatique de France (SIF).
- Gilles Dowek, Directeur de recherche à l'INRIA, Grand Prix de philosophie de l'Académie Française.
- Maurice Nivat, membre de l'Académie des Sciences.
Contact : Jean-Pierre Archambault
bureau@epi.asso.fr
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