L'EPI, l'enseignement de l'informatique et des TIC, et le logiciel libre

Communication du Bureau national de l'EPI pour le Congrès ASTI 2005
 

Fondée en 1971, l'association EPI (Enseignement Public et Informatique) est un peu la « Vieille Dame » de l'informatique pédagogique. Pionnière en la matière, son action en faveur de l'intégration de l'informatique, science et technique, dans le système éducatif est reconnue de tous. Elle a été de tous les combats, qui n'ont pas manqué, et de toutes les aventures. On pense notamment au Plan Informatique pour Tous (IPT) dont on a fêté cette année le vingtième anniversaire.

On ne va pas se livrer ici à un impossible compte rendu de bientôt 35 années d'action ininterrompue. On pourra se référer à son site. On se contentera de quelques lignes sur deux dossiers qui lui tiennent particulièrement à coeur. L'enseignement de l'informatique, en tant que telle, sous la forme d'une discipline scolaire, parce qu'elle est une composante de la culture générale de notre temps. Les logiciels et les ressources libres, chantier emblématique s'il en est des choix fondamentaux de l'association.

1 - L'enseignement de l'informatique et des TIC

     Dès sa création, l'EPI est soucieuse d'exploiter sans a priori les différentes potentialités de l'ordinateur. C'est ainsi que l'on peut lire dans l'éditorial du Bulletin n° 1 (1971) :
« Notre attitude doit rester accueillante à l'égard des diverses expériences pédagogiques. L'introduction de l'informatique se présente actuellement, semble-t-il, sous trois aspects :
– comme l'enseignement d'une matière nouvelle,
– comme l'enseignement d'une méthode de pensée à l'intérieur des matières existantes, chaque professeur retrouvant dans sa discipline les notions fondamentales de modèle, d'algorithme, d'information,
– comme l'utilisation d'un moyen nouveau, comparable à ce que fut le premier livre imprimé.
     Si la politique du ministère consiste à favoriser la deuxième solution et malgré l'intérêt d'un tel choix qui facilite les rapports entre les différentes spécialités, nous pensons que nous devons nous intéresser à ces trois types d'expériences. L'avenir nous dira quelle est la voie la plus sûre. Mais peut-être s'agit-il de trois aspects complémentaires qui devraient coexister. En tout cas, nous ne pouvons ni ne devons choisir dès maintenant. »

     Au fil des années, l'association s'est très largement impliquée dans l'utilisation de l' informatique dans les différentes disciplines (informatique « outil ») mais également, de façon complémentaire, dans l'enseignement de l'informatique (informatique « objet »). Son rôle dans le développement de l'option informatique des lycées et de ses « retombées » est bien connu.

     En effet, l'expérience nous a montré que la simple utilisation d'un « outil » ne suffit pas et que l'apprentissage exclusif par l'action rencontre vite ses limites.

     Jean-Bernard Viaud, Président de l'EPI, déclarait lors d'Asti 2001 :
« Pour l'Epi, le devoir du système éducatif est de donner à tous les savoirs et savoir faire permettant la maîtrise de l'ordinateur et des logiciels. La culture générale de tous doit intégrer une culture scientifique et technologique portant sur l'informatique et les technologies de l'information et de la communication. Dès l'école élémentaire une première approche doit se faire grâce à une utilisation finalisée de l'ordinateur et des logiciels (journal de la classe, jeux éducatifs, didacticiels, création artistique...). Au collège et au lycée, un enseignement structuré et spécifique est indispensable, complémentaire de l'approche par les différentes disciplines et activités.
     Le Ministère de l'Éducation nationale persiste dans l'orientation qui est la sienne depuis des années : l'informatique ne s'apprend pas au lycée d'enseignement général, elle se pratique dans les différentes disciplines et activités. La démarche est séduisante pour l'esprit. Elle en flatte plus d'un et calme bien des craintes. Est-elle pour autant pertinente ? Par exemple, les mathématiques sont un outil pour les autres disciplines. Tous les élèves doivent donc se les approprier. La réponse institutionnelle, c'est la seule possible, est de les étudier pour elles-mêmes, selon des cheminements didactiques progressifs et cohérents, des détours non spontanés, des pédagogies qui s'appuient sur leurs multiples utilisations dans les autres matières. Il en va de même pour l'apprentissage de la langue maternelle. Pourquoi est serait-il autrement de l'informatique et des TIC ? »

     La position de l'association n'a pas varié.

     D'ailleurs, ce que la France ne fait pas d'autres pays le font, notamment en Europe de l'Est et en Asie, et nous distancent déjà sur le terrain des logiciels et des services.

     Faut-il persévérer dans l'erreur ?

2 – Les logiciels et les ressources libres

     En octobre 1998, le Ministère de l'Éducation nationale et l'AFUL (Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres) signaient un accord cadre, reconduit depuis lors. En substance, il indiquait qu'il y a pour les établissements scolaires, du côté des logiciels libres, des solutions alternatives de qualité, et à très moindres coûts, dans une perspective de pluralisme technologique.

     Les logiciels libres connaissent des développements plus que significatifs dans les établissements scolaires, bénéficiant de la convergence existant entre leurs principes, leur « philosophie » et les missions du système éducatif, la culture enseignante de diffusion de la connaissance à tous. À l'instar de ce que l'on a pu constater dans les entreprises et les administrations, les solutions déployées ont d'abord concerné les infrastructures logicielles, serveurs et système d'exploitation. Elles s'étendent désormais aux postes de travail, aux applications pédagogiques.

     Les logiciels libres présentent des enjeux financiers, le problème posé n'étant pas la gratuité mais le caractère « raisonnable » des coûts informatiques. Les collectivités locales sont de plus en plus sensibles à cet aspect des choses, notamment pour le poste de travail et la suite bureautique OpenOfice.org. La licence GPL permet aux élèves, et aux enseignants, de retrouver à leur domicile leurs outils informatiques, sans frais supplémentaires et en toute légalité. L'enseignement requiert la diversité des environnements scientifiques et techniques. La compréhension des systèmes suppose l'accès à leur « secret de fabrication ». Le libre est en phase avec des formations aux notions (voir 1) et non à des recettes. Des formes de travail en commun des enseignants, de travail et d'usages coopératifs, supposent des modalités de droit d'auteur facilitant l'échange et la mutualisation des documents qu'ils produisent, par exemple des licences de type Creative Commons. Du côté des usages éducatifs des TIC, on retrouve donc l'approche du libre.

     Il existe un degré de transférabilité de l'approche du libre à la réalisation des biens informationnels en général. Aux ressources pédagogiques en particulier. Par milliers, de nouveaux auteurs enseignants investissent Internet. On peut mentionner le caractère exemplaire de Sésamath, association de professeurs de mathématiques des collèges, qui regroupe une cinquantaine d'enseignants. Environ 500 contributeurs proposent régulièrement des améliorations des logiciels développés et des documents pédagogiques les accompagnant, mis gratuitement et librement en ligne. 5 000 professeurs sont abonnés et l'on estime qu'il y a dans la pratique quelque 30 ou 40 000 utilisateurs. L'association a le soutien de l'Inspection générale et d'inspections pédagogiques régionales. Elle est également soutenue par différents Conseils Généraux. Pour pérenniser leur action, ces collègues ont souhaité coopérer avec l'institution éducative, les CRDP éditeurs publics. Cela a débouché sur des documents d'accompagnement « papier » à partir des ressources web de l'association qui se sont très bien vendus, à des prix raisonnables. Ces coéditions s'étendent à des éditeurs privés. La question est posée de savoir si cette approche annonce un nouveau modèle économique de l'édition scolaire : d'un côté des ressources mises gratuitement et librement en ligne, de l'autre l'édition de livrets, de manuels et de cédéroms à partir des ressources mises sur le web.

     Enfin, le libre contribue à la réflexion sur des enjeux de société. John Sulston, prix Nobel de médecine, évoquant les risques de privatisation du génome humain, indique que « les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpréter, les modifier et les transmettre, à l'instar du modèle de l'open source pour les logiciels » (Le Monde Diplomatique décembre 2002). Son propos illustre la question de savoir si le modèle du libre préfigure des évolutions en termes de modèles économiques et de propriété intellectuelle (droit d'auteur, brevets). En effet, il y a relativement de plus en plus de biens immatériels. Et de plus en plus d'immatériel et de connaissance dans les processus de création de la richesse. Où se trouve l'efficacité dans la société du savoir ? Du côté de la coopération, de l'ouverture, du bien commun et du bien public ? Ou de celui de la concurrence, des barrières, de la privatisation ? Les mathématiques sont libres depuis 25 siècles, depuis le temps où Pythagore interdisait à ses disciples de divulguer théorèmes et démonstrations ! Alors...

     La « philosophie » du libre étant en symbiose avec la démarche de l'association, c'est tout naturellement que le site de l'EPI comprend depuis des années une rubrique « logiciels libres » régulièrement mise à jour.

Le BN-EPI
20 octobre 2005

Consulter sur le site EPI www.epi.asso.fr

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Novembre 2005

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