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À propos du projet de réforme de la formation
des enseignantes et enseignants
 

   Des attaques inquiétantes contre la Fonction publique : tout un chacun est à même de le constater, les services publics se dégradent de plus en plus et n'assurent pas ce que les citoyens sont légitimement en droit d'attendre. La santé, les transports et l'éducation sont en souffrance. Il y a de quoi s'inquiéter. Et les libertés publiques sont remises en cause frontalement et brutalement. Une « nécessité » pour le gouvernement pour mener ses attaques.

   Le projet de texte sur la réforme de la formation des enseignants a été présenté aux syndicats [1]. Après l'annonce faite le 5 avril 2024 par Emmanuel Macron, une présentation en avait été faite le 6 mai par la ministre de l'éducation nationale. Nicole Belloubet. avait confirmé le positionnement des concours à l'issue de trois années de licence suivies de deux années d'un master « professionnalisant » et rémunéré (combien ? Les nombres varient) au sein des nouvelles « écoles normales supérieures du professorat » [2]. Notons que le site vocationenseignant.fr avait publié le 2 mai, « Concours et formation des enseignants : le projet de réforme pour 2025 » [3].

   Dès le 7 mai, suite au rapport remis à la mission d'information parlementaire sur la question du recrutement et de la formation des enseignants, le Collectif Maths&Sciences (par la voix de sa coordinatrice Mélanie Guenais) publie une tribune parue dans la Newsletter du Monde de l'Éducation. Elle permet de donner un aperçu des recommandations issues de nos précédentes analyses et précise quelques points clés : 

Penser toute réforme sur le temps long, à partir d'une évaluation précise de l'existant et de ce qu'on met en œuvre, en y impliquant les personnes expertes et professionnelles du terrain.

Garantir le maintien d'une formation initiale au sein des masters universitaires sans diminuer la part de la formation disciplinaire et didactique, rémunérer les étudiants et renforcer les dispositifs de bourses pour les filières d'enseignement dès la licence. 

Améliorer les conditions de travail des enseignants et les salaires, valoriser la formation professionnelle, et garantir une formation rémunérée des enseignants et enseignantes contractuelles

Développer la formation continue et professionnelle  en renforçant les liens avec la formation initiale et les structures universitaires et en donnant les moyens à la hauteur des besoins [4].

   On ne compte plus les prises de position critiques qui dénoncent ce projet de réforme... Syndicats (SNES-FSU, FO, SNALC, SNESUP-FSU, SNEP-FSU, CGT FERC SUP, CFDT Éducation Formation et recherche Publique, FO ESR, SUP Recherche UNSA, SNPTES UNSA, FAGE, Union Étudiante, FSE, etc.), associations, sociétés savantes... On ne saurait s'en étonner. Les projets de maquettes de Capes qui ont « fuité » réduisent les contenus dans les connaissances et la maîtrise scientifique et épistémologique avec pour les candidats une à deux années de formation disciplinaire en moins. Les épreuves évalueraient davantage la capacité à exécuter une tâche d'enseignement plutôt qu'à la concevoir. Ce projet de réforme est en cohérence avec la vision ministérielle du « Choc des savoirs » et l'amoindrissement de l'autonomie professionnelle qui l'accompagne. Et il n'est pas de nature, c'est le moins que l'on puisse dire, à faciliter le nécessaire enseignement de l'IA à venir [5]. Sans compter qu'il n'est pas non plus de nature à susciter des vocations pour un métier de plus en difficile à exercer dont on ne voit toujours pas venir la revalorisation, au contraire.

Qu'en est-il au 14 juin 2024 ?

   Le gouvernement souhaite donc avancer le concours de la deuxième année de master (M2) à la troisième année de licence (L3). Les lauréats du concours suivraient ensuite deux années de formation avant leur éventuelle titularisation au cours desquelles le projet actuel ne garantit pas l'acquisition de connaissances disciplinaires supplémentaires. On note l'absence de mention du diplôme de master,

   On est face à une réforme à la hussarde malgré l'opposition et les alertes de la totalité des organisations syndicales. Une concertation « à la française » une fois de plus ! La FSU parle de « Mascarade de concertation, cafouillage, impréparation ».

   C'est dans trois mois que devrait être mise en œuvre la nouvelle formation des métiers du professorat et des futurs CPE. Trois mois pour que les INSPE modifient leur enseignement, trois mois pour que les étudiants et étudiantes fassent le choix d'une formation dont il est difficile de saisir toutes les conséquences car de nombreuses questions restent encore sans réponse [6].

   On ne peut que s'inquiéter de l'attaque du statut de la Fonction publique et des incertitudes juridiques de cette réforme. Les étudiants recevraient une gratification malgré l'obtention d'un concours de la Fonction publique et n'auraient pas le statut de fonctionnaire stagiaire. On se demande bien comment des étudiantes et étudiants peuvent-ils s'orienter vers le métier d'enseignant et CPE quand, après avoir réussi le concours, elles et ils seront gratifiés de 900 euros par mois et devront s'engager pour quatre ans pour l'Éducation nationale,

   Quant à l'université, elle n'apparaît pas dans le projet de texte qui évoque, en revanche, « organisme de formation ». Voir le communiqué de France Université qui parle de « ligne rouge » [7]. Voir en fin d'éditorial...

   L'EPI s'associe à la demande de report de plusieurs organisations et appelle à l'ouverture d'une véritable concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Elle est notamment cosignataire de ces motions publiées par le Collectif Maths&Sciences [8].

Fin mai :
« Nous alertons sur les conditions de mise en place d'une nouvelle réforme du recrutement des enseignants présentée dans un projet de décret par le ministère de l'éducation nationale le 29 mai 2024.

Des modifications majeures, décidées sans aucune concertation et dans la précipitation, vont impacter l'ensemble des formations de licence disciplinaires et des masters d'enseignement actuels.

La volonté d'appliquer dès la rentrée 2024 ce texte provisoire, incomplet et fondé sur un cadrage non défini ne peut que mener à l'échec.

Nous demandons le report des arbitrages sur l'architecture d'une réforme néanmoins nécessaire pour une construction efficace et apaisée. »

   et

Le 4 juin 2024 :
Projet de réforme du recrutement des enseignants
Une stratégie politique à haut risque

« Nous alertons sur les conditions de mise en place d'une nouvelle réforme du recrutement des enseignants présentée dans un projet de décret par le ministère de l'éducation nationale le 29 mai 2024.

Des modifications majeures, décidées sans concertation ni évaluation des réformes antérieures, vont impacter l'ensemble des formations de licence disciplinaires et des masters d'enseignement actuels.

La volonté d'appliquer dans la précipitation dès la rentrée 2024 ce texte provisoire, incomplet et fondé sur un cadrage non défini ne peut que mener à l'échec.

Nous demandons le report des arbitrages sur l'architecture d'une réforme néanmoins nécessaire pour une construction efficace et apaisée. »

De l'espoir

   Face à ces attaques violentes contre le service public d'éducation, les mouvements syndicaux et associatifs ont su rassembler la profession, gagner la bataille des idées, convaincre les parents d'élèves, ancrer la mobilisation dans la durée, sous des formes diverses et novatrices.

   Nous terminerons en mentionnant la pression de France Universités, un organisme qui réunit les présidents des universités et des grandes écoles, qui s 'exprime en terme de « ligne rouge » concernant la formation en deux années après le concours en L3 : « Dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants, dont France Universités rappelle qu'elle partage les principales orientations, le projet de décret modifiant les conditions de recrutement des corps enseignants et des personnels d'éducation du ministère chargé de l'éducation nationale vient d'être rendu public. Le projet de décret indique que les lauréats des concours, désormais organisés en fin de licence, suivent une formation dans "un organisme de formation du ressort géographique d'une académie désigné par le ministre chargé de l'éducation nationale".

   Cette formule a été substituée à celle "d'établissement public de formation" figurant dans les textes actuellement en vigueur. Le changement n'est pas anodin et franchit une ligne rouge malgré des mises en garde réitérées de la part de France Universités. »

   Ce projet de réforme de la formation est, répétons-le, en cohérence avec la vision ministérielle du « Choc des savoirs » qui, répétons-le également, comme la réforme dans son ensemble, remet en cause l'École publique, laïque, gratuite et obligatoire, l'idée qu'il est possible et indispensable d'accueillir partout tous les élèves sans distinction d'aucune sorte, d'être ambitieux pour chacun et de les faire grandir et réussir ensemble. Une attaque gravissime !

   Et quid des réformes engagées suite à la dissolution de l'Assemblée nationale ?

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

Cet article est sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International. https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr

NOTES

[1] https://epi.asso.fr/blocnote/ProjetFormation (mai 2024).pdf

[2] https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/05/07/formation-des-enseignants-remuneration-en-master-statut-contenus-de-l-instruction-un-mois-apres-l-annonce-de-la-reforme-les-zones-de-flou-persistent_6231968_3224.html

[3] https://vocationenseignant.fr/reforme-concours-et-formation-enseignants-2025/

[4] https://collectif-maths-sciences.fr/2024/05/07/tribune_formation_des_enseignants/
https://collectif-maths-sciences.fr/wp-content/uploads/2024/05/TribuneNewsletter_LeMonde_7_Mai2024.pdf
(voir la composition du Collectif).

[5] Formation à l'IA. Un défi incontournable : L'intelligence artificielle suscite les mêmes questionnements que lors de l'arrivée de l'informatique éducative au siècle dernier. On constate en effet une tendance à retrouver les mêmes questionnements qu'à chaque époque de l'arrivée d'un saut technologique : informatique, EAO, multimédia, Internet, moteurs de recherche, smartphone et maintenant IA.(voir les éditoriaux d'EpiNet et les nombreux articles et documents signalés au cours de ces derniers mois)

[6] Les nouvelles écoles normales en 26 questions pratiques et encore sans réponse. Collège des Sociétés savantes académiques de France (01-05-2024) :
https://societes-savantes.fr/les-nouvelles-ecoles-normales-en-26-questions-pratiques-et-encore-sans-reponse/

[7] https://franceuniversites.fr/wp-content/uploads/2024/05/2024_05_29_CP_France-Universites_Formation-des-professeurs_une-ligne-rouge-en-passe-detre-franchie_OK.pdf

[8] https://collectif-maths-sciences.fr/

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Juin 2024

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