Face à l'omniprésence de Google,
l'Enseignement supérieur
cherche une alternative souveraine
Alice Vitard
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche veut une alternative à Google pour les besoins des étudiants, enseignants et chercheurs. L'association Framasoft, promotrice du logiciel libre, a été contactée pour avis par les services de Frédérique Vidal. Une initiative qui fait suite à un avis de la Cnil.
De nombreuses institutions de l'enseignement supérieur utilisent la suite gratuite d'outils « Google Workspace for Education Fundamentals », anciennement connue sous le nom de « G Suite for Education ». La liste des clients n'est pas publique. Seules La Sorbonne-Nouvelle-Paris 3 et Sciences Po ont officialisés leur contrat commercial.
La Cnil dit stop
Or, en mai dernier, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a rendu un avis sur le recours par l'enseignement supérieur et de la recherche à des solutions américaines. Elle concluait que « dans certains cas, des transferts de données personnelles vers les États-Unis dans le cadre l'utilisation des suites collaboratives pour l'éducation » peuvent se produire.
Cet avis, sollicité par la Conférence des grandes écoles (CGE) et la Conférence des présidents d'université (CPU), s'inscrit dans le contexte de l'invalidation du Privacy Shield par le juge européen. Ce texte facilitait les transferts de données entre l'Union européenne et les États-Unis en reconnaissant que la législation américaine offrait les mêmes garanties que le droit européen.
Le ministère cherche une solution souveraine
Le ministère de l'enseignement supérieur semble avoir entendu cet appel. L'association Framasoft, qui promeut le recours aux logiciels libre, a été contactée au début de l'été, rapporte Mediapart dans un article publié le 3 octobre. « On nous a demandé des avis consultatifs sur la stratégie numérique de l'enseignement supérieur », confie Pierre-Yves Gosset, le codirecteur de l'association, au média d'investigation.
Ce rapprochement a été confirmé par le ministère. « La feuille de route du ministère (...), qui comprendra des actions allant dans le sens d'un recours privilégié à des solutions numériques souveraines, sera publiée dans les mois à venir. (...) Concernant les classes virtuelles, le ministère travaille à la mise en œuvre d'une solution libre et souveraine pour les établissements », a-t-il déclaré à Mediapart.
Des enseignants critiquent l'omniprésence de Google
La gronde anti-Google s'organise également au sein des universités, à l'image de l'enseignant-chercheur Franck Rebillard à Paris 3 qui critique cette collaboration depuis plusieurs années. « Nous favorisons sur le long terme une entreprise privée, connue pour pratiquer l'optimisation fiscale et pour utiliser les données produites par ses utilisateurs, ici des étudiants, des enseignants, des chercheurs », explique-t-il à Mediapart.
Valérie Robert, enseignante-chercheuse en études germaniques à Paris 3, raconte comment l'université pousse à l'utilisation systématique des services proposés par Google, en particulier pendant les périodes de confinement. « Chez nous, de l'annuaire électronique aux espaces de cours en ligne, tout est relié aux adresses Gmail. Pendant les confinements, on était tout le temps sur Meet », raconte-t-elle. Le recours à Microsoft Teams a même été interdit par l'université « par souci de concurrence vis-à-vis de la maison Google ».
Une période transitoire
Il reste donc à trouver et à mettre en place des solutions souveraines adaptées aux besoins de l'enseignement supérieur. À ce sujet, la Cnil prévoit bien une période transitoire dans son avis, sans fixer de date. Une situation qui rappelle celle du Health Data Hub qui est toujours à la recherche d'un repreneur français ou européen après l'éviction programmée de Microsoft. En novembre 2020, le ministre de la Santé et des Solidarités Olivier Véran s'est engagé à mettre un terme à l'hébergement par Microsoft du Health Data Hub d'ici deux ans.
Contacté par Mediapart, Sciences Po affirme être en train d'examiner des « évolutions » vers une autre solution. De son côté, la Sorbonne-Nouvelle-Paris 3 n'a pas répondu aux sollicitations.
L'omniprésence des solutions américaines dans les administrations françaises est également remise en cause. Le directeur interministériel du numérique (Dnium), Nadi Bou Hanna, a publié une circulaire le 15 septembre dernier interdisant aux ministère d'utiliser Microsoft 365 (suite bureautique hébergée dans le cloud) sauf pour les projets de migration déjà très avancés.
Alice Vitard
Journaliste à L'Usine Digitale
Publié le 4 octobre 2021 sur L'usine Digitale.
https://www.usine-digitale.fr/article/face-a-l-omnipresence-de-google-l-enseignement-superieur-cherche-une-alternative-souveraine.N1146987
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