Cadre référentiel de la formation continue en TICE
au Maroc
Badoui Touria
Introduction
Cet article porte sur la formation continue des enseignants, un thème crucial et déterminant pour le succès de la politique du système éducatif au Maroc. La formation continue est une réponse aux questions et aux situations d'enseignement-apprentissage que connaissent les professeurs dans l'exercice quotidien de leur pratique professionnelle. L'objectif primordial de la politique de formation continue est de faire de cette dernière un outil permettant aux acteurs éducatifs de s'acquitter plus efficacement des tâches qui leur sont confiées afin de répondre aux besoins des apprenants. Vu que le processus enseignement-apprentissage est positivement influencé par les TIC, la formation est considérée comme étant un des piliers fort du programme GENIE [1]. Son objectif était : « de permettre d'enrichir les aptitudes et les compétences des enseignants dans leurs pratiques d'enseignement. Et ainsi, de les former à l'utilisation et l'intégration des TICE dans leurs modes de pratiques d'enseignement effective en vue d'améliorer les apprentissages des élèves. » [2].
Notre contribution consiste à présenter le cadre référentiel de la formation en TICE tel qu'il a été adopté par les acteurs politiques et figure dans les textes officiels.
1. Vers une nouvelle approche de formation
Thierry Karsenti confirme que, d'après l'expérience de médiatisation de cours sur le Web réalisée à l'Université du Québec à Hull pour les futurs enseignants :
« Un changement s'opère chez les futurs enseignants lorsqu'ils sont confrontés aux TIC dans leur formation pratique ; un changement sur le plan de leur motivation à apprendre avec les TIC, un changement d'attitude face à l'intégration des TIC en pédagogie universitaire, mais aussi un certain changement - pour le quart des étudiants ayant participé à l'expérience – sur le plan de leurs pratiques pédagogiques en salle de classe. » [3].
Dans ces propos, Karsenti insiste sur la formation pratique des enseignants dans l'intégration des TIC ; ce qui sous-entend que le fait d'avancer des propos théoriques aux enseignants sans la moindre opérationnalisation est une formation vide et morte à la naissance. La formation à l'intégration du numérique se fait principalement par l'adoption d'un projet à la fois personnel et professionnel, un projet qui s'étend sur toute la carrière professionnelle, un projet qui connaîtra la participation effective de l'État et de l'enseignant.
La formation initiale aux TIC joue un rôle de modelage, certainement important pour l'insertion professionnelle en début de carrière ; mais cela reste insuffisant pour instaurer les bonnes pratiques intégrant le numérique car il manquera sûrement l'expérience pratique et opérationnelle et aussi le cumul d'actualisation des progrès technologiques. Ceci explique bien l'état de résistance largement remarquée chez les enseignants envers l'usage qui se transforme parfois en une technophobie [4].
Nombreux sont les pays qui investissent dans les TIC, souhaitant des apports positifs dans l'éducation, en visant avant tout à rendre l'apprenant plus actif et plus autonome car les TICE affectent le devenir de l'élève et de l'enseignant en transformant leurs rapports.
Dans ce cadre, la Charte Nationale d'Éducation et de Formation considère que l'intégration des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) comme étant l'un des impératifs stratégiques, pour améliorer la qualité de l'enseignement [5]. Leur introduction dans l'enseignement et leur intégration progressive pour accompagner les programmes scolaires nationaux, à tous les niveaux, ne sont pas seulement au centre des préoccupations du Ministère de l'Éducation nationale, mais aussi un souci majeur de tout le gouvernement. Autant dire que cette même Charte a défini des principes fondamentaux d'orientation dans ce sens.
La COSEF [6] a consacré tout un levier (le levier 10) et trois articles (articles 119,120 et 121) et a recommandé aux autorités de l'Éducation et de la Formation l'utilisation de ces technologies, essentiellement en matière de formation continue (article 119) et d'équipement des établissements en matériels informatiques [7]. Mais certains de ces articles restent flous et émergent timidement sans la compréhension réelle de leur mise en œuvre.
Les systèmes de formation doivent obéir à un paradigme de formation tout au long de la vie des enseignants. La société d'aujourd'hui cherche un enseignant compétent, savant et sensible aux changements du développement.
Pour former ces enseignants, il est nécessaire d'avoir un cadre, pensé et soutenu au niveau national, qui corresponde aux principes suivants [8] :
Un continuum entre les formations : dans les systèmes de formation des enseignants, les étapes – formation initiale, entrée dans le métier, formation continue – sont déjà présentes mais la continuité des actions engagées à ces différentes étapes n'est pas encore construite.
Une formation continue régulatrice : la gestion et l'accompagnement des carrières enseignantes. Il est évident que la participation aux stages et aux sessions longues ou courtes de formation continue ne peut plus rester le seul moyen du développement professionnel des enseignants. Les conditions d'accès des enseignants aux autres dispositifs de formation doivent être envisagées.
Une formation continue ouverte : autoformation, formation à distance, e-learning. La formation continue ne peut pas se limiter à la proposition de programmes ou de plans de formation, elle doit prendre en considération d'autres formes d'apprentissage : formel, non formel et informel en les étudiant et les utilisant pour innover par rapport aux processus habituels.
2. La formation continue dans les textes officiels
La formation continue est un facteur clé pour répondre aux besoins des entreprises en compétences, les maintenir dans le contexte de la mondialisation de l'économie et ouvrir les frontières et leur permettre d'adopter des approches de développement des qualifications en fonction des évolutions technologiques, des nouveaux modes de production et d'organisation. C'est également un élément important pour assurer la compétitivité du tissu productif, facilitant ainsi l'ouverture d'autres horizons professionnels, conduisant à l'amélioration des conditions économiques et sociales des apprenants.
Afin de développer de nouveaux outils pédagogiques et d'améliorer le rendement scolaire des apprenants et celui des enseignants, les responsables du gouvernement marocain étaient obligés d'implanter de nouvelles pratiques professionnelles, de délivrer des formations adéquates aux enseignants et de les accompagner par un soutien qui correspondent à leurs besoins. Dans cette partie, nous allons présenter le cadre référentiel et juridique de la formation continue au Maroc.
2.1. La formation continue dans la Charte Nationale de l'Éducation nationale
La Charte Nationale accorde une place capitale à la formation continue de différents partenaires dans le monde de production en mode d'apprentissage « La vie durant ». Pour ce faire, on a consacré plusieurs articles qui répondent aux impératifs d'amélioration de la qualité de l'éducation [9] :
Il sera procédé, au niveau régional, à l'intégration de l'ensemble des établissements de formation des cadres de l'éducation et de la formation et à leur connexion avec l'université, objet des articles 42 d et 77 de la présente charte, et ce dans le but de mobiliser l'ensemble des potentiels disponibles et d'atteindre les objectifs suivants :
assurer une formation initiale solide aux enseignants, aux conseillers pédagogiques aux orienteurs et au personnel de l'administration, avant leur prise de fonction : les objectifs, les durées, les contenus et les régimes de formation seront réaménagés constamment, en fonction de l'évolution du contexte éducatif et des résultats de l'évaluation pédagogique ;
renforcer la recherche pédagogique dans tous ses domaines, pour qu'elle réponde aux impératifs d'amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation, quant aux objectifs, aux contenus, aux méthodes et aux moyens didactiques, à tous les niveaux ;
monter et réaliser des plans de formation continue pertinente conformément à l'article 136 ci-dessous.
2.2. La formation continue des personnels d'éducation, de formation et de gestion dans l'article 136
Chaque cadre de l'éducation et de la formation, quels que soient sa mission et le niveau où il exerce, devra bénéficier de deux types de sessions de formation continue et de requalification :
des sessions annuelles courtes d'entretien et de mise à jour des compétences, durant une trentaine d'heures judicieusement réparties ;
des sessions clés de requalification plus approfondies, intervenant au moins tous les trois ans.
Les actions de formation continue seront organisées sur la base d'objectifs adaptés aux évolutions survenues dans le domaine, de l'analyse des besoins et des attentes exprimées par les catégories concernées, ainsi que des souhaits et propositions des intervenants dans le processus d'éducation et de formation, notamment les parents et les experts dans les domaines de l'éducation, de l'économie, de la société et de la culture.
2.3. La formation continue dans le programme GENIE
Fin juillet 2007, la première phase de déploiement du Programme GENIE prenait fin avec l'équipement de plus de 2 000 établissements scolaires en salles multimédia, la formation d'environ 50 000 enseignants et la production et l'utilisation de nombreuses ressources numériques sous forme de contributions des enseignants innovants, ainsi que dans le cadre de projets pilotes avec des partenaires internationaux.
En vue d'améliorer son offre à la communauté éducative, la stratégie du Programme GENIE a été actualisée en juillet 2008. Une attention particulière s'est portée alors sur le mode d'équipement des établissements, sur l'ingénierie de la formation et sur les priorités en matière de ressources numériques, en vue d'atteindre deux objectifs majeurs :
L'année suivante, le programme s'est ré-échelonné sur une période de 5 ans (2009-2013) et s'est renforcé de deux nouveaux axes stratégiques :
Le programme GENIE est alors repositionné au cœur de la réforme du système éducatif dans le cadre du Programme d'Urgence (PU) sous le nom de code E1P10 (Intégration des TICE et de l'innovation dans les apprentissages). » [10].
Le bilan des réalisations, selon les données fournies par la DPG [11], peut être résumé ainsi :
Axes |
Réalisations |
Budget |
Infrastructure |
Équipement de 85 % des établissements scolaires avec un environnement multimédia de base :
2 838 établissements équipés en salles multimédia (SMM) et valise multimédia (VMM) et connectés à l'internet.
6 500 écoles primaires équipées en valises multimédia.
100 écoles primaires équipées en TBI et DM. |
650 M DH |
Formation |
Formation de 70 % (146 277) du corps pédagogique :
4 modules spécifiques selon les standards de compétences de l'Unesco.
900 formateurs principaux.
148 centres de formation GENIE créés dans toutes les académies, délégations et centres de formation initiale (CFI, CPR, ENS et ENSET).
Création à Rabat du centre Maroc-Corée de formation en TICE (don de 3 M$).
12 formateurs dédiés.
Formation d'experts en TICE.
Création d'une antenne à Dakhla. |
116 M DH |
Ressources numériques |
Acquisition de 90 % des ressources numériques conformes aux programmes scolaires.
Mise en place du Laboratoire national de ressources numériques (LNRN) :
10 ressources humaines dédiées et équipement avec un budget de 3M DH.
Formation de 600 inspecteurs régionaux à l'usage de ressources numériques acquises.
Diffusion des ressources numériques à tous les établissements scolaires sous format CD ROM et en ligne.
Création du portail TICE (http://www.taalimcice.com). |
60 M DH |
Développement des usages |
Diffusions de 200 ateliers de proximité, 200 000 mallettes d'information sur les usages des TICE et création de l'ONUTICE :
Communication, sensibilisation et accompagnement du corps pédagogique.
Mise en place de l'Observatoire National des Usages des TICE (ONUTICE). |
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Pilotage |
Équipe centrale chargée de la coordination, la normalisation, l'accompagnement et le suivi de la stratégie aux niveaux régional, provincial et local. Staff composé de :
16 coordonnateurs régionaux, 16 conseillers TICE, 83 coordonnateurs provinciaux, 900 formateurs principaux, 6 000 facilitateurs, et progressivement 1 enseignant TICE (ALMORCHID) par établissement. |
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Tableau 1 : Réalisation du programme GENIE 2006/2011 [12].
2.4. Plan d'urgence
Le dit Plan d'Urgence vient pour accélérer et parachever la mise en œuvre des préconisations de la CNEF. Il comprend plusieurs actions promouvant l'introduction des TIC dans la sphère scolaire.
E1P10 contient quatre opérations dont les TIC font partie :
« Utilisation des nouvelles technologies en tant que supports pédagogiques ; installation de 1 à 3 ordinateurs dans chaque classe primaire et généralisation des salles multimédia dans les collèges (programme Génie) ».
E1P8 : recentrage sur les savoirs et les compétences de base. Ce projet appartenant au premier Espace (Rendre effective l'obligation de scolarité jusqu'à l'âge de 15 ans), il privilégie les TICE en les considérant comme une des quatre composantes principales visant l'amélioration des techniques pédagogiques :
L'approche pédagogique. 1- Les Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation (TICE). 2- Le matériel pédagogique. 3- La recherche pédagogique.
Tableau 2 : Organisation des domaines de compétences
selon l'approche par compétence préconisée par la CNEF – Place des TIC [13].
E3P16 : Espace 3 (affronter les problématiques transversales du système) Projet 16
(renforcement des mécanismes d'encadrement, de suivi et d'évaluation du personnel de l'enseignement) : surtout la mesure appelée « Rénovation de la fonction d'inspection » visant la formation en techniques pédagogiques et TICE pour les inspecteurs.
2.5. La formation continue dans la vision stratégique 2015-2030
La vision stratégique n'a pas trop parlé de la formation mais par ailleurs elle a insisté sur [14] :
L'adéquation de la formation avec les besoins économiques du pays et les métiers nouveaux et d'avenir ainsi qu'avec les différentes exigences de l'intégration socioculturelle et d'une bonne insertion économique.
L'accès à la société du savoir, l'adaptation à l'ère numérique, la progression de la recherche et de l'innovation pour le développement, l'encouragement de l'excellence et le renforcement des capacités compétitives du pays.
Il est clair que la Charte de l'Éducation et de la Formation garantit des étapes plus détaillées que celles contenues dans la vision stratégique, sauf pour parler de tirer profit de l'expérience des retraités, ce que nous considérons comme peu pratique, surtout lorsqu'il s'agit de professeurs-chercheurs dont l'âge de la retraite est supérieur à celui des autres.
« À cet égard, il est possible de tirer parti de l'expérience professionnelle, pédagogique et gestionnaire chez les retraités(es) d'Éducation et de Recherche, afin de l'employer à l'appui de la formation continue, et des efforts visant à élever le métier envisagé aux différents acteurs éducatifs et administratifs, avec les conditions nécessaires pour inciter les contributeurs à s'acquitter de cette tâche. » [15].
2.6. La formation continue dans le rapport analytique de Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS)
Après la promulgation de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation, la dynamique de réforme du système éducatif a commencé tout au long de la décennie consacrée au changement. La configuration continue faisait partie de cette dynamique.
Par conséquent, le rapport analytique sur la mise en œuvre de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation 2000-2013 publié par le Conseil Suprême de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique s'est vu attribuer une place importante.
Le rapport indique que la formation continue doit permettre à l'enseignant de compléter et d'améliorer sa formation afin de pouvoir faire face aux réformes définies par le système éducatif et de s'y adapter. D'autant que la réforme touche tous les aspects du système de l'éducation et de la formation. Depuis 2005, le secteur de l'Éducation nationale organise des formations continues que le rapport tente de suivre au cours de ses différentes étapes avant de se confronter aux obstacles les plus importants.
« Après 2005, la formation continue a été axée sur des thèmes nationaux, en particulier sur les approches en matière de compétences, nouveaux programmes, manuels, programme GENIE, nouveaux systèmes d'évaluation et d'examen et la langue amazighe... » [16].
Le Ministère a donc commencé l'institutionnalisation de la formation continue et de sa structure au niveau central, puis l'a transférée aux Académies Régionales d'Éducation et de la Formation, puis aux services régionaux qui prennent en charge la formation des professeurs exerçant sur le terrain.
« Dans ce contexte, chaque académie a mis au point une structure régionale chargée de la formation continue, qui a notamment pour tâche de définir les besoins des cadres de formation continue dans un cadre contractuel, déterminé à l'aide d'indicateurs de résultats. » [17].
Il est également noté qu'il avait repris ce peuplier dans un précédent rapport du Conseil Supérieur de l'Éducation et de la Formation sur la profession d'enseignant pour 2008 :
« La politique adoptée dans le domaine de la formation continue est insuffisante à de nombreux égards. En ce qui concerne la promotion des membres du corps professoral et leur mouvement de transition, ce qui explique le désintérêt des enseignants pour des formations qui n'affectent pas de manière significative leur carrière. » [18].
Nous notons ici que l'analyse ne dépend d'aucune étude de terrain montrant que les enseignants ne sont pas intéressés par la formation continue, nous considérons simplement qu'elle est basée sur une étude de terrain. Après cela, ce paragraphe traite de l'absence d'adoption d'une étude analytique des besoins des enseignants en formation continue sur une méthodologie précise, qui permettrait d'identifier et d'évaluer ces besoins. Si nous excluons certains processus considérés comme stratégiques, la logique à suivre dans la formation continue est la logique comptable, au détriment des besoins réels des enseignants.
« L'unité de formation –- qui a été créée au ministère de l'Éducation – est loin de s'acquitter de ses tâches, notamment en ce qui concerne l'identification des besoins, la planification stratégique, la supervision et le contrôle de la formation et du contrôle en cours. D'autres unités centrales, d'autres centres de décision ainsi que des académies organisent souvent des cours de formation continue sans aucune coordination ou consultation avec l'unité concernée » [19].
L'Instance Nationale de l'Évaluation du Système de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (INESEFR) a souligné le mot « Technologie » à 8 reprises en abordant les noeuds de la conduite du changement :
- La mutation du métier de l'enseignant.
- La menace de la fracture numérique.
En l'occurrence, le rapport a mis l'accent sur la démocratisation numérique par le biais de la restriction de l'écart numérique entre les écoles urbaines et les écoles rurales dans le but de la préparation d'une génération à la culture numérique sans se limiter uniquement à l'accès à la technologie. C'est surtout éduquer les élèves à vivre la révolution 2.0, pour leur donner le profil d'un cyber-citoyen. Cela implique un changement de paradigme éducatif au niveau des méthodes d'apprentissage.
2.7. La formation continue au curriculum révisé
Sous le titre « Formation et Recherche », le programme révisé a consacré un paragraphe à la vision générale du sujet de la qualification des ressources humaines. Le développement de la performance du système éducatif, la réalisation des résultats de sa réforme dépendent de la qualité de la composition et de sa pertinence par rapport aux programmes les plus récents et aux résultats de la recherche en éducation.
Le nouvel élément dans cette révision est de lier la formation continue à la recherche en éducation qui est un point important puisque l'acte éducatif est lié lui-même à l'interaction constante entre l'acteur éducatif et l'équilibre théorique car la réalité pratique n'est pas caractérisée par la stagnation et la stabilité, mais elle change en fonction du contexte social et culturel et économique de l'apprenant. Ce contexte nécessite souvent une mobilisation dans divers domaines de la connaissance lorsque cela est nécessaire. Cela implique qu'une formation continue doit être compatible avec les exigences de la recherche. Ces dernières sont déterminées par les phénomènes et les problèmes éducatifs posés par la réalité de la pratique éducative.
Le nouveau programme est également important pour l'intégration de la formation continue dans le calendrier annuel des enseignants : trois heures par semaine sont allouées à l'appui institutionnel, à la formation et à l'autoformation, offrant ainsi un nouveau cadre juridique à l'inspecteur. L'autoformation joue un rôle de premier plan dans l'amélioration des capacités professionnelles lorsqu'elle est ouverte à diverses innovations et expériences pilotes et les investit conformément aux exigences du système éducatif.
Sur ce point également, les différentes actions entreprises dans le curriculum révisé concernant les quatre premières années de l'enseignement primaire ou pour le nouveau programme de l'éducation islamique ou également le dernier projet dit « Agir autrement pour améliorer l'enseignement-apprentissage du français » pour la 5e et la 6e année de l'enseignement primaire, l'accent est tout le temps mis sur l'utilité et le besoin de faire appel aux TIC en tant qu'outil didactique dans le processus enseignement-apprentissage.
2.8. Portefeuille des projets intégrés
Le portefeuille des projets intégrés est la forme finale des efforts qui ont débuté dès 2014 par une conception et une planification des actions prioritaires qui a fait naître ce que l'on appelle la « vision stratégique 2015-2030 ». Cette conception a été suivie d'une mise en œuvre à travers les actions prioritaires qui, en alignement avec la planification des projets, ont donné lieu au dit portefeuille des projets intégrés. Ce portefeuille comporte 16 projets intégrés. La présence des TIC dans ce portefeuille est aussi bien autonome que transversale.
Le projet 12 marque la forte présence autonome de l'axe des TIC : développement des usages des technologies de l'information et de la communication dans l'École.
L'expression « Technologie de l'information et de la communication » a été aussi mentionnée dans le projet 07 qui concerne le « Développement du modèle pédagogique » et le projet 08 intitulé « Rénovation des métiers d'enseignement et de formation et promotion de la gestion des parcours professionnels ». Toutefois, les TIC, comme les valeurs, ont un aspect transversal et sont alors présentes dans tous les projets de 1 à 16.
S'appuyant sur ce qui précède nous pouvons confirmer que la politique éducative adoptée par le système d'enseignement au Maroc, affiche donc une résolution ferme à prendre en compte les TICE dans l'ensemble de ses projets de réforme mais, dans la réalité, on n'est pas encore arrivé à rendre tous ces projets opérationnels car cette volonté officielle se trouve confrontée à des obstacles de natures différentes. D'après les résultats d'une recherche doctorale que nous avons menée à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines [20], nous avons relevé plusieurs facteurs qui freinent l'intégration des TICE. Nous citons en bref les facteurs les plus importants :
2.8.1 Les facteurs institutionnels
- Le manque de formation (un grand nombre d'enseignants considèrent que le manque de compétences techniques constitue un vrai obstacle à l'intégration des TICE).
- Le manque de logistique, de support de formation (infrastructure) : la plupart des enseignants estiment que les principaux obstacles à leur pratique en classe sont liés à l'absence d'une salle multimédia équipée.
- L'absence d'une politique nationale claire et efficace (des enseignants considèrent que la politique concernant les TICE est mal traduite sur le terrain).
- La menace sur l'identité professionnelle (modification des pratiques des enseignants).
- La structure du système éducatif marocain (les conditions défavorables de travail, les effectifs très élevés des élèves...).
2.8.2. Les facteurs fondamentaux :
- Le manque de motivation (les enseignants ne sont pas motivés. Si l'enseignant n'est pas convaincu d'utiliser les TICE, personne ne pourra le faire à sa place).
- Les problèmes de déplacement (le lieu de formation n'est pas souvent celui où travaille l'enseignant).
- Les frais de séjour (l'enseignant se trouve obligé de prendre en charge les frais de séjour au cours de la formation)
Ces principaux résultats de notre recherche montrent que l'intégration et l'usage des TICE restent encore très limités.
3. En quoi la formation des enseignants en TICE contribue-t-elle au développement des compétences professionnelles ?
Après avoir présenté les différents textes officiels qui favorisent la mise en place des TIC dans le processus enseignement-apprentissage dans le but de développer les compétences numériques des enseignants, nous nous trouvons face à une question très importante : en quoi la formation continue des enseignants en TICE contribue-t-elle au développement des compétences professionnelles ?
La réponse à une telle question n'échappe pas au contexte général de l'évolution numérique en éducation dans le monde. Surtout que le numérique est devenu, petit à petit, une composante essentielle de la vie quotidienne et professionnelle de la grande majorité des citoyens. Depuis l'émergence de l'informatique, les sociétés modernes se sont transformées.
L'utilisation et l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation ont entraîné un changement majeur et important dans le rôle de l'enseignant et dans la méthodologie de son travail en général : il doit faire face aux changements et aux évolutions technologiques afin de développer ses compétences et ses qualifications personnelles pour diriger ses cours et contribuer à la réalisation des objectifs de l'école marocaine.
Par conséquent, l'utilisation optimale de moyens technologiques dans le processus éducatif par l'enseignant a des implications très positives, soit au niveau pratique soit au niveau de la composition, et parmi ces réflexions, rappelons :
- Mettre à jour le rôle actuel en un guide concepteur, conçu pour des scénarii éducatifs en classe d'étude.
- Être au cœur du processus de construction des connaissances instruites dans un temps et un lieu illimités.
- Atteindre des objectifs d'apprentissage mesurables à un niveau rentable en temps, en efforts et en source.
- Diversifier les méthodes d'évaluation pour traiter les différences individuelles entre les apprenants.
- Aider l'enseignant à répartir les apprenants en petits groupes interactifs et harmonieux d'une manière objective en fonction des résultats et des calendriers validés par des logiciels ayant fait leurs preuves.
- Développer ses compétences en communication entre lui et ses étudiants, et entre lui et les professeurs d'autres matières.
- Motiver l'enseignant à maîtiser les utilisations de base des TICE afin d'améliorer l'exercice de son métier et s'engager efficacement dans leur mise en oeuvre.
- Contribuer à la production et à la sélection de ressources numériques éducatives adaptées à l'environnement éducatif.
- Fournir un environnement d'apprentissage interactif multi-sources, simultanément dans la salle de classe ou pas, synchronisé à distance, sans engagement à un endroit spécifique, en fonction de l'auto-apprentissage et de l'interaction mutuelle.
- Participer à des activités de recherche et développement pour obtenir les apports cumulés théoriques et pratiques nécessaires afin d'intégrer les technologies de l'information et de la communication dans l'éducation [21].
Dans cette perspective, nous partageons le positionnement d'Amina Khalil :
« L'avancée technologique des TIC s'impose aujourd'hui comme un outil indispensable pour répondre aux besoins soit de l'enseignant soit de l'apprenant. L'intérêt principal de cette intégration dans le secteur de l'éducation est le fait de faciliter l'accès à l'information et la construction des connaissances, ainsi que l'acquisition du savoir. D'un autre côté, le recours à ces moyens technologiques permet une meilleure interaction entre les acteurs de l'enseignement (enseignant-apprenant). De ce fait, ce progrès apporte une source de motivation auprès des apprenants et développe leurs compétences langagières. » [22].
Conclusion
Le numérique est devenu, petit à petit, une composante essentielle de la vie quotidienne et professionnelle de la grande majorité des citoyens. Dans cet article, nous avons essayé de présenter les différents textes officiels sur la formation continue qui favorisent la mise en place des TIC dans le processus enseignement-apprentissage dans le but de développer les compétences numériques des enseignants. À l'instar d'autres pays et depuis 1996, le Maroc s'est inscrit dans la restructuration du domaine des technologies de l'information par l'adoption de la loi n° 24-96 qui a permis de lancer une première étape de libéralisation du secteur des télécommunications. Dans ce cadre, le Maroc a adopté de multiples stratégies numériques et les textes officiels se sont suivis en traçant comme objectif la vulgarisation de l'utilisation des TICE pour la rendre une pratique habituelle et régulière en classe par les élèves et les enseignants, dans un contexte d'apprentissage actif, réel et significatif, pour soutenir et améliorer la qualité de l'offre pédagogique. Mais en dépit de ces efforts l'impact des TIC dans le système éducatif reste limité voir même absent.
Badoui Touria
Laboratoire Langage et Société CNRST-URAC56
Formation Doctorale Langage et Société
Université Ibn Tofail, Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Kénitra, Maroc
Badoui.touria@gmail.com
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
Bibliographie
Karsenti Thierry, Bugmann, J. (2017). Enseigner et apprendre avec le numérique : enjeux et perspectives. Montréal : Presses de l'Université de Montréal.
Karsenti Thierry, (2001). « Pédagogies et nouvelles technologies : former des enseignants pour le nouveau millénaire », Actes du IXe sommet de la Francophonie, colloque Éthique et nouvelles technologie, l'appropriation des savoirs en question, Beyrouth, 24,28 Septembre.
Khalil Amina, Thèse de doctorat national(2019), Exploitation du potentiel d'Internet pour améliorer les conditions d'apprentissage en milieu informel : Quelles tâches proposées sur Internet pour améliorer la production écrite des apprenants Marocains en français L2 ? Sous la direction de Pr. M. Bahmad. et Pr J.-P. Narcy-Combes.
Pelgrum Willem, Nancy Law (2004). Les TIC et l'éducation dans le monde :
tendances, enjeux et perspectives. Paris : l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
Perrenoud Philippe,(2013), Dix nouvelles compétences pour enseigner : invitation au voyage. ESF Éditeur, 7e édition 2013.
http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/resources/publications-and communication-materials/publications/full-list/unesco-ict-competency-framework-for-teachers
Documents officiels
Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation promulguée en 1999.
Charte Nationale d'Éducation et de Formation, 2000, Article 121, Maroc, p. 48.
Conseil Supérieur de l'Éducation et de la Formation, décembre 2014, rapport analytique du Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche sur la mise en œuvre de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation 2000-2013, p. 37.
Décret du 2 décembre 2005.
Ministère de l'Éducation nationale, septembre 2015, projet de programme révisé pour les quatre premières années de l'enseignement primaire, directive générale.
PortailTice appartenant à la DPG,
http://www.taalimtice.ma/fr/node/14, consulté le 20/10/2017.
Programme Génie, Réalisations comprises entre 2006 et 2011,
http://www.taalimtice.ma/fr/node/170
Programme d'urgence 2009-2012, 2008, Maroc.
Rapport analytique : la mise en œuvre de la Charte Nationale d'Éducation et de Formation 2000-2013 acquis, déficits et défis (décembre 2014).
La Commission Spéciale pour l'Éducation et la Formation, Maroc.
Laboratoire National des Ressources Numériques, p. 9.
Stratégique de la Réforme 2015-2030, « pour une école de l'équité, de la qualité et de la promotion vision ».
Unesco, (2012), Éducation aux médias et à l'information, programme de formation pour les enseignants, France.
NOTES
[1] Généralisation des Technologies d'Information et de Communication dans l'Enseignement(GENIE).
[2] http://www.taalimtice.ma/fr/node/225
[3] Karsenti. T. « Les futurs enseignants confrontés aux TIC : changements dans l'attitude, la motivation et les pratiques pédagogiques », consulté le 23 mai 2017,
http://www.acelf.ca/c/revue/revuehtml/29-1/03-Karsenti.html
[4] Néologisme généralement utilisé pour désigner les opposants, même modérés, à une technologie particulière.
[5] Charte Nationale d'Éducation et de Formation, 2000, Article 121, Maroc, p. 48.
[6] La Commission Spéciale pour l'Éducation et la Formation, Maroc.
[7] Programme d'urgence 2009-2012, 2008, Maroc.
[8] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00260488/document téléchargé le 13/10/2018.
[9] La Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation promulguée en 1999.
[10] Site PortailTice appartenant à la DPG,
http://www.taalimtice.ma/fr/node/14, Consulté le 20/10/2017.
[11] Programme Génie, Réalisations comprises entre 2006 et 2011.
http://www.taalimtice.ma/fr/node/170, consulté le 22/10/2017.
[12] Programme Génie, Réalisations comprises entre 2006 et 2011.
http://www.taalimtice.ma/fr/node/170, consulté le 12/09/2016.
[13] MEN- Maroc , Pour un nouveau souffle de la réforme de l'Éducation-Formation, rapport détaillé du programme NAJAH, 2008, p. 58.
[14] Vision stratégique 2015-2030.
[15] Conseil Supérieur de l'Éducation et de la Formation, décembre 2014, rapport analytique du Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche sur la mise en œuvre de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation 2000-2013, p. 27.
[16] Conseil Supérieur de l'Éducation et de la Formation, décembre 2014, rapport analytique du Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche sur la mise en œuvre de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation 2000-2013.
[17] Idem. p.36.
[18] Conseil Supérieur de l'Éducation et de la Formation, décembre 2014, rapport analytique du Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche sur la mise en œuvre de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation 2000/2013, p. 37.
[19] Conseil Supérieur de l'Éducation et de la Formation, décembre 2014, rapport analytique du Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche sur la mise en œuvre de la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation 2000/2013, p. 37.
[20] http://epi.asso.fr/revue/articles/a1909c.htm, publié le 15 Septembre 2019.
[21] Laboratoire national des ressources numériques, p. 9.
[22] Khalil Amina, Thèse de doctorat national(2019). Exploitation du potentiel d'Internet pour améliorer les conditions d'apprentissage en milieu informel : Quelles tâches proposées sur Internet pour améliorer la production écrite des apprenants Marocains en français L2 ? Sous la direction de Pr. M. Bahmad et Pr J.-P. Narcy-Combes.
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