Expérimentation de classe inversée en CPGE
Olivier Granier
La classe inversée dans le supérieur : les étudiants en ont-ils besoin ? Ne sont-ils pas tous déjà autonomes, prêts à suivre un cours magistral pendant 2 heures ? Les étudiants de prépas ont-ils vraiment besoin d'une nouvelle pédagogie pour bien se préparer aux concours des écoles d'ingénieurs ?
Bien sûr que cette méthode peut trouver sa place dans le supérieur ! Les étudiants en difficulté trouveront dans cette méthode la possibilité d'apprendre à leur rythme et les meilleurs étudiants, les plus rapides, y verront un moyen d'acquérir encore davantage d'autonomie.
Cet article présente un retour d'expérience de classe inversée sur le thème des « Ondes mécaniques ». L'expérimentation a eu lieu avec une classe d'étudiants de PC* du Lycée Jacques Decour (Paris), pendant deux semaines en janvier 2016, lors de l'enseignement consacré à l'étude des ondes mécaniques.
Les objectifs ayant mené à la mise en place de cette démarche étaient de plusieurs ordres. Tout d'abord, il s'agissait de gérer l'hétérogénéité de mes étudiants, en permettant à chacun d'avancer à son rythme. De plus, je souhaitais que les étudiants prennent mieux en main leur apprentissage et deviennent « metteurs en scène » de leur savoir. Pour finir, je souhaitais que les ressources créées pour cette classe inversée et disponibles sur Internet, puissent être réutilisées par les étudiants lors des révisions pour les concours (aussi bien les épreuves écrites qu'orales), en avril et juin.
Les ressources vidéo, portant sur les « ondes mécaniques » et nécessaires à cette classe inversée, ont été réalisées en collaboration avec Unisciel et l'ENS de Lyon. Elles sont disponibles sur la chaîne Youtube (« La physique animée ») d'Unisciel [1].
Cette chaîne propose trois autres vidéos consacrées à la mécanique des fluides et six autres sont en préparation. Elles seront bientôt publiées (en septembre 2016), sur des thèmes portant sur l'électronique, les battements et les interférences.
Les vidéos réalisées dans le cadre de cette expérimentation abordent les concepts suivants :
- Les vibrations transversales d'une corde, équation de d'Alembert
- Les ondes sonores dans les fluides
- Les ondes dans les solides
Les thèmes choisis regroupent des thèmes niveau L1 - L2 utiles aussi bien aux étudiants qu'aux enseignants au titre de la formation continue.
Ces ressources sont également disponibles sur le site « Cultures sciences physiques » :
http://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/dossiersthematiques/la-physique-animee
Comment s'est organisée la classe inversée ?
Une séquence de « Classe inversée » se déroulait sur deux jours, par exemple le dimanche et le lundi (le synopsis de la classe inversée consacrée aux « Ondes mécaniques » est disponible à l'adresse : http://olivier.granier.free.fr/ci/cordes/co/racine_classe_inversee.html).
Les étudiants ont visionné, le dimanche, chez eux, une première vidéo consacrée aux « Vibrations transversales d'une corde, équation de d'Alembert » [2], d'une durée d'une dizaine de minutes. Les étudiants devaient prendre des notes, comme s'ils étaient en cours. Ils pouvaient évidemment regarder la vidéo à leur rythme, afin de bien comprendre le cours et prendre des notes pertinentes et rigoureuses. C'est bien là l'étape essentielle de la classe inversée : chaque étudiant met en scène, sur son cahier, le cours comme il le souhaite. Il n'est ainsi jamais perdu par un flot de nouvelles connaissances, comme c'est malheureusement souvent le cas dans un cours magistral traditionnel.
Dans une seconde étape, et toujours en autonomie, les étudiants répondaient à un questionnaire sur Internet portant sur la vidéo et devaient résoudre un premier exercice d'application du cours : les réponses étaient portées sur leur cahier de cours.
Vidéo disponible :
http://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/dossiersthematiques/la-physique-animee/
Le lendemain, la séance de cours de 2 h était structurée de la manière suivante :
Un étudiant présentait devant toute la classe un résumé du cours qu'il avait suivi sur la vidéo et répondait au questionnaire devant ses camarades, suscitant alors les questions de la classe.
Les points mal compris de la vidéo étaient alors revus et complétés.
Un exercice simple puis un autre, plus compliqué, étaient ensuite étudiés, sous forme « d'îlots » de 5 étudiants.
Trois séquences sous ce format ont été réalisées. Elles étaient encadrées par des séances plus classiques, composées de cours magistraux, de TD en 1/2 groupes ou en îlots.
Le bilan de l'expérimentation par les étudiants
En moyenne, les étudiants ont travaillé 2 h à distance (une vidéo dure une dizaine de minutes) pour suivre la vidéo, prendre des notes, compléter le questionnaire associé et résoudre un exercice d'application.
Les avantages qu'ils ont retirés de l'expérience sont de trois ordre : flexibilité, appropriation des concepts et adaptabilité :
Il est simple, grâce aux vidéos, de faire un retour en arrière, d'arrêter la vidéo pour réfléchir, voir plusieurs fois les démonstrations et prendre des notes. De plus, les compléments à la vidéo, synopsis fourni sur Internet ou questionnaire, ont été considérés comme fort utile pour s'approprier le cours. Enfin, cette approche différente d'un cours traditionnel a été bien acceptée, considérée comme ludique et adaptée à la génération actuelle au sens où les vidéos pouvaient être visionnées sur ordinateur portable, téléphone et le travail à distance pouvait être fait selon le rythme propre des étudiants.
Pour les redoublants, les vidéos ont permis de revoir rapidement le cours et de préparer les questions de cours en vue des épreuves orales des concours.
Des inconvénients ont été bien évidemment recensés : le travail fait à distance empiétait sur le temps libre, les étudiants auraient souhaité avoir plus d'explications lors de la lecture de la vidéo et avoir la possibilité d'interagir avec leur enseignant sans attendre la séance de questions du lundi.
Finalement, les étudiants trouvent l'approche pertinente pour fournir des méthodes de résolution d'exercices classiques ainsi que pour la présentation de compléments de cours ou de notions simples. La mise en œuvre de modalités de travail adaptées est à tester, comme la création de sous-groupes d'étudiants 3/2 et 5/2 pour répondre à des problématiques différentes en présentiel, ainsi que la mise en place d'un forum associé à chaque vidéo, dont les questions alimenteraient le cours présentiel suivant.
Je suis globalement satisfait de cette première approche de la classe inversée et compte, lors de la prochaine année scolaire 2016-2017, développer cette méthode en utilisant les nouvelles vidéos de la collection la « Physique animée », tournées dans le courant de l'année scolaire 2015-2016.
Certes, cette méthode ne peut pas et ne doit pas se substituer au cours d'un professeur. Mais elle permet, ce qui est déjà beaucoup, de varier les méthodes d'enseignement et de surprendre ainsi les étudiants.
Olivier Granier
Olivier Granier est professeur de physique en classe préparatoire scientifique et utilise les TICE dans son activité pédagogique depuis de nombreuses années (olivier.granier.free.fr). Il réalise des vidéos de physique (en collaboration avec Unisciel et l'ENS de Lyon) et développe un MOOC dédié aux étudiants de CPGE et L1-L2 (en collaboration avec l'Université Paris-Saclay).
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
NOTES
[1] https://www.youtube.com/playlist?list=PLWfc4QDrcvkOJlpp1FCWheBDMTs8Picj6
[2] http://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/ressource/physique-animee-corde-vibrante.xml
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