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Création d'un Capes et d'une agrégation
d'informatique toujours (pas)
 

   Dans son interview à 20 minutes, le 15 octobre 2015 [1], à la question « Quel est l'intérêt d'initier les élèves à la programmation », Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l'Éducation nationale, répond : « En apprenant à programmer, ils atteignent une véritable maîtrise de l'ordinateur. Coder, c'est aussi acquérir plus de rigueur dans la construction de la pensée. Car une ligne de code n'a de sens que par rapport à ce que l'on veut en faire. Le codage donne ainsi des bases de logique utiles dans bien d'autres disciplines. » De bonnes et essentielles raisons en effet.

   L'intérêt que revêt la programmation est partagé. Pour Cédric Villani, médaille Fields en 2010 (l'équivalent du Prix Nobel) : « La programmation est – presque – la seule discipline où l'enfant réalise son auto-correction » [2]. Il s'étonne : « Je ne sais pas pourquoi on fait tout un foin en France de la programmation à l'école. Ce devrait être obligatoire pour tout le monde depuis longtemps. Et d'autant plus, à notre époque où il y a des logiciels de programmation, très appréciés des enfants, tels que Scratch. Scratch est très apprécié parce qu'il donne beaucoup d'autonomie aux enfants. Un enfant de dix ans est en mesure de commencer à programmer en Scratch... ». Auteur du livre Le jour où mon robot m'aimera. Vers l'empathie artificielle [3], Serge Tisseron, psychanalyste, spécialiste des nouvelles technologies, déclare dans une interview : « Il y a un travail d'éducation à lancer auprès des jeunes générations pour les préparer à la révolution de la robotique. Cela passe, dès l'école primaire, par le développement d'un esprit critique afin que les élèves prennent le recul nécessaire. Puis plus tard, par la maîtrise du langage de programmation, qui doit devenir une discipline à part entière au même titre que le français ou les mathématiques, pour agir sur ces technologies. Il y a urgence à enseigner à nos enfants comment rester maître des robots. Parce que, eux, à coup sûr, les fréquenteront au quotidien » [4].

   Mais, toujours dans son interview à 20 minutes, à la question « Ne faudrait-il pas créer un Capes et une agrégation d'informatique pour avoir de vrais experts du sujet ? », la ministre répond : « Cela reviendrait à créer une discipline à part entière. Or, le numérique traverse toutes les disciplines et nous voulons que tous les enseignants puissent l'utiliser dans leurs cours... » [1]. En la circonstance, la ministre parle de deux choses complémentaires mais de natures différentes, à savoir l'informatique objet d'enseignement et l'informatique outil d'enseignement. Et, parenthèse, bien que le français traverse toutes les disciplines, il y a un cours de français et des professeurs de lettres [5].

   Comment espérer enseigner l'informatique à tous les élèves, leur donner la culture générale scientifique et technique de leur temps, sans qu'elle devienne une discipline en tant que telle avec des professeurs spécialisés titulaires d'un Capes et/ou d'une agrégation d'informatique ? La demande de ces créations se renforce tant elle relève de l'évidence. Déjà, en mai 2014 dans un rapport présenté à l'Assemblée nationale, deux députées, Corinne Erhel et Laure de La Raudière préconisent la création de ces deux concours [6].

   À l'occasion de la récente consultation sur le projet de loi « République numérique »[7], l'EPI a déposé une proposition en ce sens, proposition qui a rencontré un public. Idem pour la proposition de Julien Bernard, très proche de celle de l'EPI [7]. Et pour celle de l'APRIL demandant que « dans le cadre de cet enseignement de l'informatique, les logiciels libres, les ressources libres, les matériels libres et les formats ouverts soient utilisés. » [7]. L'utilisation du logiciel libre dans les écoles, les universités et les administrations, proposée et très soutenue par les contributeurs, n'a pas été retenue par le gouvernement. « Ce n'est pas du domaine législatif » a estimé Axelle Lemaire [8]. En définitive, une « République numérique » où il n'est question ni de logiciels libres, ni d'éducation, ni d'enseignement de l'informatique...

   Poursuivant nos démarches, le 14 octobre 2015, Serge Abiteboul, Jean-Pierre Archambault et Gilles Dowek, au nom de l'EPI et de la SIF, ont été reçus par le Recteur Jean-Marc Monteil, nommé, en mars 2015, à la tête d'une mission sur la politique numérique pour l'Éducation nationale par le Premier Ministre, et Alain Séré, IGEN [9]. À cette occasion nous avons renouvelé notre demande de création d'un Capes et d'une agrégation d'informatique. Nos interlocuteurs nous ont exposé les grandes lignes de l'appel à projets pour le numérique éducatif e-FRAN, qui se situe dans le cadre du déploiement du plan numérique. Cet appel vise à fédérer autour d'un projet innovant différents acteurs de l'éducation, constituant un territoire d'expérimentation délimité et comportant un potentiel de transformation des pratiques pédagogiques reproductible dans d'autres établissements.

   Enseignement de l'informatique et formation des enseignants toujours, la PEEP (Fédération des Parents Élèves de l'Enseignement Public) a réalisé une enquête auprès de 3 077 de ses adhérents, du 17 au 21 octobre 2015 [10].

   Selon les résultats, 3 parents sur 4 sont favorables à ce qu'une initiation à l'informatique soit mise en place dès le primaire, la majorité estimant toutefois qu'elle ne doit pas se faire au détriment d'autres matières. Pour près de la moitié des parents (46 %), cette initiation doit se faire dans le cadre scolaire et être obligatoire pour tous (49 %) afin d'assurer un enseignement de qualité et une égalité territoriale.

   Dans le secondaire, l'intérêt des parents pour l'informatique est encore plus grand. En effet, 86 % sont favorables à ce que les élèves abordent l'informatique au collège et 92 % au lycée. Par ailleurs, 70 % d'entre eux estiment que l'enseignement de l'informatique doit y être obligatoire, et 2 sur 3 sont favorables à ce que celle-ci devienne une discipline à part entière enseignée par des professeurs ayant suivi une formation spécifique (Capes, agrégation). Les parents ne sont que 20 % à penser qu'un autre enseignant peut assurer l'apprentissage de cette matière dans le secondaire après une rapide formation.

   Enfin, nous signalerons, pour terminer provisoirement sur ce thème, la table ronde « L'enseignement de l'informatique et le libre » qui se déroulera dans le salon POSS (Paris Open Source Summit) le mercredi 19 novembre 2015 [11].

Le 15 novembre 2015

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] http://www.20minutes.fr/societe/1710175-20151015-numerique-ecole-2018-100-colleges-connectes

[2] http://www.atelier.net/trends/articles/cedric-villani-programmation-seule-discipline-enfant-realise-auto-correction_436613

[3] Le jour où mon robot m'aimera. Vers l'empathie artificielle. Serge Tisseron, Albin Michel, 208 pages.
http://epi.asso.fr/revue/lu/l1510m.htm

[4] Interview dans l'Express du 28 septembre 2015.
http://www.lexpress.fr/assets/740/sommaire_379033.pdf

[5] « Enseigner la discipline informatique avec un Capes et/ou une agrégation d'informatique »
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1511e.htm
http://www.enseignerlinformatique.org/2015/11/02/enseigner-la-discipline-informatique-avec-un-capes-etou-une-agregation-dinformatique/#more-151

[6] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1936.asp

[7] https://www.republique-numerique.fr/consultations/projet-de-loi-numerique/consultation/consultation/opinions/section-1-competences-et-organisation/l-enseignement-de-l-informatique-pour-tous
http://www.enseignerlinformatique.org/2015/10/19/la-consultation-pour-une-republique-numerique-est-terminee/
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1511p.htm

[8] http://www.lcp.fr/IMG/pdf/LEMAIRe-.pdf
http://www.lcp.fr/actualites/politique/176466-axelle-lemaire-devoile-son-projet-de-loi-numerique-co-construit-avec-les-internautes
Axelle Lemaire dévoile le projet de loi « enrichi » par les internautes
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1511q.htm

[9] L'EPI et la SIF reçues en audience par le Recteur Jean-Marc Monteil et Alain Séré
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1511a.htm
http://www.enseignerlinformatique.org/2015/10/19/audience-de-lepi-et-de-la-sif-avec-le-recteur-jean-marc-monteil-et-alain-sere/#more-142

[10] Les parents Peep pour un véritable enseignement de l'informatique à l'École.
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1511b.htm
Pour accéder à l'intégralité des résultats de cette enquête :
http://peep.asso.fr/actu/infos-peep/resultats-du-questionnaire-l-informatique-a-l-ecole/

[11] http://www.opensourcesummit.paris/
http://opensourcesummit.paris/preinscription-conferences.html?orderby=time&step=1

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Association EPI
Novembre 2015

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