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Débat à l'Assemblée nationale

Histoire d'un amendement retiré
 

   Le projet de loi sur la refondation de l'école de la République est actuellement examiné par l'Assemblée Nationale. Nous nous sommes évidemment adressés aux députés(commission des affaires cultutelles, commission des finances et groupes parlementaires) à propos du numérique et de l'informatique, soulignant les enjeux d'une culture générale et d'un enseignement de l'informatique pour tous.

   Un amendement, le 509, proposait, dans l'article premier (rapport annexé), d'insérer, après l'alinéa 157, l'alinéa suivant : « Pour développer une grande ambition pour le numérique, il est également impératif d'étudier les modalités d'enseignement d'une discipline informatique à part entière, la science informatique et numérique, portant sur les grands domaines de la science et de la technique informatique. Il est également impératif d'étudier les modalités de mise en oeuvre d'un statut de professeur titulaire d'un certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré d'informatique ou d'une agrégation d'informatique. Il est également impératif d'étudier les modalités de mise en oeuvre d'un certificat spécifique à la science informatique et numérique dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation pour les professeurs des écoles afin de faciliter une initiation à la science informatique et numérique dès l'école primaire. » [1].

La discussion sur l'amendement 509 [2]

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement n° 509.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement tend à ce que l'informatique soit non seulement reconnue comme un outil pédagogique mais également comme une discipline scolaire. Cette culture informatique demande une formation spécifique, voire l'ouverture, demain, d'un véritable enseignement de l'informatique dans le cursus scolaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Nous reviendrons sur cette préoccupation lorsque nous aborderons la question du service numérique, mais cet amendement visant à faire de l'informatique une discipline à part entière pose problème. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous dois, je vous demande de me préciser en quoi l'idée d'une discipline informatique poserait problème.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrick Hetzel . C'est bien : vous au moins, vous allez avoir une réponse, madame Buffet !

M. Yves Durand, rapporteur. La création d'une discipline supplémentaire ne relève pas du domaine législatif.

M. Patrick Hetzel. Mais ce texte lui-même n'en relève pas !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Madame Buffet, notre objectif est de faire intervenir le numérique dans l'ensemble des disciplines, sans en faire une discipline à part, ce qui ne traduirait pas notre ambition d'en faire un véhicule qui sert à tous les apprentissages.
Nous avons retenu, à l'alinéa 179, une option « informatique et sciences du numérique » ouverte en terminales, pour chacune des séries du baccalauréat général et technologique.
L'identifier comme une discipline spécifique, au-delà du fait que cela créerait une nouvelle discipline, ne nous semble pas concourir à notre objectif, qui est de l'intégrer dans tous les enseignements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Je prends acte de vos explications, monsieur le ministre, mais autant nous avons besoin d'utiliser le ressort de l'informatique dans toutes les disciplines, autant nous serons amenés dans les prochaines années à traiter d'une véritable science de l'informatique et par conséquent à ouvrir une chaire d'enseignement de l'informatique. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera demain.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Nous pourrions éventuellement nous inspirer de ce qui existe dans d'autres disciplines, et qui est utile pour la qualité de l'enseignement, à savoir la certification, qui n'existe pas aujourd'hui.
De là à créer un CAPES ou une agrégation spécifique, c'est un autre sujet.
Nous pouvons réfléchir à la certification. D'une certaine façon, nous y serons sans doute contraints dès les écoles supérieures. Mais c'est tout de même très différent de prendre déjà l'engagement de créer un CAPES ou une agrégation.
Si vous le voulez bien, je vous invite à retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Je le retire.

(L'amendement n° 509 est retiré.)

   Un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » a été créé à la rentrée 2012 en Terminale S. Il a ouvert dans 707 lycées et plus de 10 000 élèves l'ont choisi. Vincent Peillon a indiqué qu'il sera étendu aux classes terminales pour chacune des séries du baccalauréat général et technologique (mais ce sera en tant qu'option en non comme enseignement de spécialité, ce qui limite son impact, voir amendement 1296) [3]. Il s'agit là de premiers pas qui en appellent d'autres.

   Dans la feuille de route gouvernementale sur le numérique, on peut lire : « Une réflexion sur la place que doit prendre la science informatique, à tous les niveaux d'enseignement, sera prochainement engagée. L'option de spécialité “Informatique et sciences du numérique” sera généralisée en terminale de toutes les séries de l'enseignement général et technologique dès la rentrée 2014 (expérimentation dans une académie à la rentrée 2013) » [4].

   L'informatique est le coeur des activités numériques essentielles pour notre pays. L'informatique sous-tend le numérique comme la biologie sous-tend le vivant et les sciences physiques l'industrie de l'énergie. Son impact sociétal et économique explose au XXIe siècle. L'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation. On ne compte plus les débats de société suscités par le numérique et l'informatique (loi Hadopi, neutralité du Net...). En conséquence l'informatique doit être une composante de la culture générale scientifique et technique de tous les élèves, et pour cela enseignée sous la forme d'une discipline en tant que telle, comme le sont la philosophie, les mathématiques, l'histoire-géographie, les sciences physiques... [5].

   Affaire à suivre.

Le 16 mars 2013

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Amendement 509, présenté par Mme Buffet, M. Asensi, M. Bocquet, M. Candelier, M. Carvalho, M. Charroux, M. Chassaigne, M. Dolez, Mme Fraysse et M. Sansu.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/0767/509.asp

[2] http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html
3ème séance du 14 mars 2013, vidéo pouvant être visionnée jusqu'au 12 juin 2013.
Compte rendu écrit : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013/20130176.asp

[3] Projet de loi pour la « Refondation de l'école de la République »
Deux amendements concernant l'informatique
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1303n.htm#1296

[4] Feuille de route du Gouvernement sur le numérique : des mesures pour l'École
http://www.education.gouv.fr/cid70569/feuille-de-route-du-gouvernement-sur-le-numerique-des-mesures-pour-l-ecole.html

[5] Rappelons que l'informatique pédagogique (expression créée par l'EPI) est tout à la fois : un « outil » auquel l'enseignant recourt dans l'exercice de son métier et dont les nombreuses facettes constituent des apports significatifs pour améliorer la qualité de l'enseignement ; un instrument de travail personnel et collectif des enseignants et des élèves ; un facteur d'évolution des disciplines enseignées, de leurs objets et méthodes, de leur « essence » ; enfin, un objet d'enseignement, élément de la culture générale scolaire car composante de la culture générale de l'« honnête homme » du XXIe siècle. Ces statuts complémentaires se renforcent mutuellement.

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Association EPI
Mars 2013

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