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L'anniversaire d'EpiNet dans une actualité qui bouge

Jean-Pierre Archambault
 

   À l'occasion du numéro 150 d'EpiNet, la rédaction de la revue a interviewé Jean-Pierre Archambault, président de l'EPI.

 
La place d'EpiNet

   Les activités éditoriales de l'EPI se font essentiellement sous forme électronique. Depuis une quinzaine d'années, notre magazine électronique gratuit EpiNet y tient une place de premier plan [1]. L'alerteur d'EpiNet est diffusé gratuitement chaque mois à ses adhérents-abonnés à plus de 3 500 exemplaires. Chaque numéro d'EpiNet comprend les rubriques suivantes : Éditorial, Articles, Rapports et documents, ITIC (Enseignement de l'Informatique et des TIC), Nous avons lu et Lu sur le Net, Sites visités, Le libre.

Depuis sa création en 1971, l'EPI accompagne le développement de l'informatique pédagogique dans le système éducatif [2]

   Oui, avec une vision et une approche globales de l'informatique pédagogique. Les articles que nous publions dans EpiNet en sont une illustration. Ils portent sur des sujets variés, de la robotique à l'utilisation du traitement de texte en passant par les logiciels libres, la recherche documentaire, l'enseignement de l'informatique, les usages du web, etc., en France et à l'étranger.

   L'EPI considère qu'il y a des statuts éducatifs distincts de l'informatique et du numérique et qu'il ne faut pas les confondre. L'informatique s'immisce dans les objets, les méthodes et les outils des savoirs constitués, transformant leur « essence » ; leur enseignement doit évidemment en tenir compte. L'informatique (re)devient une discipline scolaire de l'enseignement général. Les TIC sont outil pédagogique, transversal et spécifique, qui enrichit la panoplie des instruments de l'enseignant avec la question essentielle de leur bonne insertion dans les démarches et scénarios d'apprentissage. L'ordinateur et les réseaux sont également outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de l'ensemble de la communauté éducative.

   Pour l'EPI, il existe, et c'est essentiel, une complémentarité entre l'informatique objet d'enseignement et l'informatique outil pour enseigner qui se renforcent mutuellement. Il y a la connaissance de l'informatique, science et technique qui sous-tend le numérique (comme la biologie sous-tend la médecine ou les sciences physiques l'industrie de l'énergie), et les usages éducatifs du numérique.

En cette année scolaire, l'actualité c'est l'enseignement de l'informatique

   Effectivement, la rentrée 2012 a vu la création en Terminale S d'un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et Sciences du numérique ». C'est pour l'EPI, dont on sait les actions menées et le rôle joué en ce sens, un premier pas positif qui en appelle d'autres. Le ministre Vincent Peillon a annoncé l'extension de cet enseignement aux Terminales ES et L. Reste posée la question d'un enseignement de la science et technique informatique pour tous les élèves, élément de leur culture générale, sur l'ensemble de leur scolarité (école, collège, lycée).

Un point sur la mise en oeuvre d'ISN

   Cet enseignement a ouvert dans 727 lycées. Un peu plus de 10 000 élèves l'ont choisi. Parmi les ressources pédagogiques à disposition, on peut mentionner les « grains du SILO » qui proposent notamment les textes officiels et les programmes ; des éléments de formation sur les contenus et les méthodes ; des ressources pour la préparation et l'illustration des cours ; des conseils pour le développement des projets ; des réflexions, des actualités... Fuscia est un site d'aide personnalisée où enseignants et élèves peuvent poser des questions à des chercheurs en informatique de l'INRIA. Le site de l'EPI comporte une rubrique dédiée à l'enseignement de l'informatique, sa pédagogie, sa didactique et ses enjeux. Signalons également, édité par Eyrolles, en partenariat avec INRIA, l'EPI et la SIF, le premier manuel scolaire de cet enseignement. Ce manuel est également en libre accès au format numérique à l'intention des professeurs pour la préparation de leurs cours. Lors du salon Educatice 2012, l'EPI a proposé une conférence « ISN au lycée ».

Une large convergence pour son extension

   Dans l'éditorial d'EpiNet 149, je faisais effectivement état d'une large convergence [3]. En effet, lors du colloque Sillages du 25 octobre 2012, Khalil Rouhana (directeur de la Direction générale des Réseaux de communication, du contenu et des technologies, Commission Européenne), faisant référence aux 500 000 postes de travail non pourvus dans le secteur du numérique (ingénieurs, cadres, techniciens) pour l'ensemble de l'Union Européenne, indiquait qu'« un effort devait être fait pour que le numérique devienne une discipline de base, et cela dès le plus jeune âge ». L'Académie des Sciences considère qu'« une introduction à la science informatique est indispensable dans tous les lycées, possible dès le collège, et sans doute dès le primaire ». Pour l'Inspection Générale des Finances il existe un « manque d'attractivité pour les formations informatiques lié à l'absence d'enseignement de l'informatique comme une matière à part entière dès le secondaire, à l'inverse d'autres matières scientifiques comme les mathématiques ou la biologie ».

   L'EPI partage ces réflexions. Il s'agit d'un enjeu majeur. L'informatique est la forme contemporaine de l'industrialisation. Or, concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport Stratégie nationale de recherche et d'innovation, SNRI, faisait en 2009 le constat que « la majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines ». Imaginons en effet un instant que les futurs ingénieurs, et encore une partie d'entre eux seulement, ne rencontrent les mathématiques ou les sciences physiques qu'en classe de Terminale... C'est pourtant le cas pour la science informatique ! Au moment où l'on parle avec insistance de relances économique et industrielle, il y va de l'intérêt supérieur du pays. La « ré-industrialisation » suppose une forte compétence globale en informatique.

   D'une manière générale, au-delà des informaticiens, l'industrie a besoin de personnels ayant acquis et assimilé une culture générale en informatique leur permettant non seulement de dialoguer efficacement avec leurs collègues informaticiens, mais aussi de prendre le recul nécessaire face à leur outil de travail afin d'être des vecteurs actifs de son amélioration et de sa performance. 

D'autres enjeux qu'économiques ?

   Oui bien sûr. Le numérique et l'informatique sont partout. Dans la vie quotidienne de tout un chacun. Et l'on ne compte plus les débats de société portant sur les transformations engendrées par l'informatique : Hadopi, libertés numériques, neutralité du Net.. Lors des votes sur la transposition de la directive européenne DADVSI et de la loi Hadopi, s'il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, de modèles économiques..., ce fut sur fond d'interopérabilité, de DRM, de code source, de logiciels en tant que tels. Dans un cas comme dans l'autre on n'a pu que constater un sérieux déficit global de culture informatique largement partagé. La question se pose bien de savoir quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances scientifiques et techniques qui permettent à tout un chacun d'être en phase et en prise sur la société dans laquelle il vit.

Comment donner cette culture générale ?

   Comment l'École donne-t-elle une culture générale dans sa triple mission de former l'homme, le travailleur et le citoyen ? Depuis longtemps, nous savons qu'il est indispensable que tous les jeunes soient initiés aux notions fondamentales de nombre et d'opération, de vitesse et de force, d'atome et de molécule, de microbe et de virus, de genre et de nombre, d'événement et de chronologie etc. Notamment parce que les sciences physiques sous-tendent les réalisations industrielles, parce que la biologie sous-tend la santé et l'avenir de la biosphère, pour que le citoyen ait des références pour se faire son opinion sur le nucléaire ou les OGM... Ces initiations se font dans un cadre disciplinaire.

   Aujourd'hui, le monde devenant numérique, il est incontournable d'initier les jeunes de la même façon aux notions centrales de l'informatique, devenues tout aussi indispensables : celles d'algorithme, de langage et de programme, de machine et d'architecture, de réseau et de protocole, d'information et de communication, de données et de formats, etc. Cela ne peut se faire qu'au sein d'une discipline informatique. L'expérience a montré que « cliquer sur une souris » et utiliser les fonctions simples d'un logiciel sont loin de suffire, en clair elle a montré que l'approche B2i est un échec qui était prévisible : imaginons que l'on supprime le cours de mathématiques et qu'on décide de traiter les entiers relatifs en histoire, à l'occasion de l'étude de la période avant/après J.-C., ou encore les coordonnées en géographie quand on parle de longitude et de latitude. Cela ne fonctionnerait évidemment pas. Pourtant, c'est ce que l'on a fait avec l'informatique, et encore pour quelques uns d'entre eux seulement !

En résumé, quelles sont les demandes de l'EPI pour l'enseignement de l'informatique ?

   Dans une montée en charge évidemment progressive, nous demandons :

  • Qu'au lycée, l'option « ISN » devienne un enseignement obligatoire en terminale scientifique puis en première.

  • Qu'une option puis un enseignement obligatoire soient créés dans les séries ES et L, d'abord en terminale puis en première. Enfin que soit mis en place un enseignement pour tous en seconde.

  • Qu'au collège, un enseignement de l'informatique soit assuré pour tous, par exemple selon une modalité où l'informatique représenterait de l'ordre de 40 % des contenus de la discipline Technologie. Une formation complémentaire en informatique devra être donnée aux enseignants de cette discipline.

  • Qu'à l'école primaire, une initiation à l'informatique, science et technique, soit faite pour tous, à la manière de « La main à la pâte ».

  • Que pour les formations initiale et continue des enseignants, soient créés un Capes et une agrégation d'informatique.

Pour terminer, un mot sur les coopérations de l'EPI

   Notre association a toujours développé de larges coopérations au sein du monde éducatif, dans des démarches d'ouverture et de rassemblement. Pour s'en tenir à la période actuelle, nous mentionnerons que l'EPI cogère avec la SIF (Société Informatique de France) le groupe ITIC-EPI-SIF dont la finalité est l'enseignement de l'informatique. Ce groupe comprend une centaine de collègues appartenant à tous les ordres d'enseignement, du primaire au supérieur. Je participe à une commission de l'Académie des Sciences sur l'enseignement de l'informatique de la maternelle à l'université à l'horizon 2020. Notre association comprend comme membres d'honneur deux membres de l'Académie des Sciences : Gérard Berry (Collège de France) et Maurice Nivat. Nous participons à de nombreuses manifestations, du salon Educatice aux Rencontres de l'Orme, en passant notamment par le colloque pour un musée de l'informatique, de nombreuses initiatives de l'institution éducative, le Forum Mondial du libre et Solutions Linux.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI,
association Enseignement Public et Informatique

NOTES

[1] Voir page d'accueil du site, www.epi.asso.fr, et les archives d'EpiNet :
http://www.epi.asso.fr/epinet.htm

[2] « Quelques points de repère dans une histoire de 40 ans : l'association Enseignement Public et Informatique (EPI) de février 1971 à février 2011 », Jacques Baudé, EpiNet n° 132, fév. 2011. http://www.epi.asso.fr/revue/histo/h11epi_jb.htm

[3] « Culture générale et enseignement de l'informatique, une large convergence ! », Jean-Pierre Archambault, éditorial d'EpiNet n° 149, nov. 2012.
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1211a.htm

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Décembre 2012

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