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Une double grande ambition pour le numérique

Jean-Pierre Archambault
 

   Le numérique et la science informatique qui le sous-tend constituent une véritable révolution culturelle et civilisationnelle. D'où des obligations et une double grande ambition pour le système éducatif.

   Le système éducatif intègre le numérique à son service comme toutes les entreprises et toutes les administrations, pour la réalisation de ses objectifs et son propre fonctionnement. Cela concerne d'abord son coeur de métier, à savoir la pédagogie, en développant les usages des outils informatiques et l'utilisation des ressources numériques. L'informatique et le numérique sont aussi des outils administratifs, des outils de travail personnel et collectif des élèves, des enseignants, de l'ensemble de la communauté éducative. Tout cela est bien connu.

   Mais le système éducatif a des obligations vis-à-vis de la société, formant l'homme, le travailleur et le citoyen, lui donnant, c'est la mission fondamentale de l'enseignement scolaire, la culture générale correspondant à son époque.

   L'informatisation est la forme contemporaine de l'industrialisation. Ré-industrialiser suppose impérativement de pouvoir s'appuyer sur une forte compétence informatique diversifiée et largement partagée. En effet, l'informatique intervient dans l'économie de plusieurs façons essentielles, aux niveaux suivants :

  • la production de biens manufacturés ou agricoles, de par l'automatisation de plus en plus poussée des processus de production ;

  • la création de nouveaux produits ou l'amélioration de produits anciens par l'introduction de puces et de logiciels dans la plupart des objets ou machines, afin d'assurer des fonctions de plus en plus nombreuses avec plus de précision et de fiabilité que ne pouvaient en donner les hommes ou les mécanismes traditionnels. Ceci est particulièrement visible dans les transports, mais tous les pans de l'activité économique sont désormais touchés ;

  • la gestion des entreprises et des administrations : les programmes informatiques ont depuis longtemps remplacé les méthodes traditionnelles de comptabilité et de gestion des stocks ou des commandes. Ils font place désormais a des systèmes d'information qui gèrent tous les flux d'information nécessaires à chaque acteur, quel que soit son positionnement dans l'organisation. En ce sens le système d'information devient le système nerveux de l'entreprise ;

  • la communication entre les personnes à l'aide de nouvelles formes d'échanges, la transmission des objets culturels, la recherche de tous types d'informations, avec une créativité applicative qui ne fait que grandir, etc.

   Or, concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport Stratégie nationale de recherche et d'innovation, SNRI, faisait en 2009 le constat que « la majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines ».

   Les débats de société sur les transformations opérées par le numérique se multiplient : Hadopi, libertés numériques, neutralité du Net... Lors des votes sur la transposition de la directive européenne DADVSI et de la loi Hadopi, s'il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, de modèles économiques..., ce fut sur fond d'interopérabilité, de DRM, de code source, de logiciels en tant que tels. Dans un cas comme dans l'autre on n'a pu que constater un sérieux déficit global de culture informatique

   Les champs scientifiques et techniques évoluent dans leurs objets, leurs méthodes et leurs outils de par l'informatique : simulation en sciences expérimentales, démonstration assistée par ordinateur en mathématiques, algorithmique en biologie, machines à commandes numériques... Ils demandent des compétences en informatique.

   La question se pose de savoir quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances informatiques scientifiques et techniques qui permettent à tout un chacun d'être en phase et en prise avec la société du 21e siècle. Et aussi celle de savoir quelle est la réponse institutionnelle pour les donner aux élèves. Comment l'École donne-t-elle une culture générale ?

   Depuis longtemps, nous savons qu'il est indispensable que tous les jeunes soient initiés aux notions fondamentales de nombre et d'opération, de vitesse et de force, d'atome et de molécule, de microbe et de virus, etc. Notamment parce que les sciences physiques sous-tendent les réalisations industrielles, pour que le citoyen ait des références pour se faire son opinion sur le nucléaire ou les OGM... Ces initiations se font dans un cadre disciplinaire.

   Aujourd'hui, le monde devenant numérique, il est incontournable d'initier les jeunes de la même façon aux notions centrales de l'informatique, devenues tout aussi indispensables : celles d'algorithme, de langage et de programme, de machine et d'architecture, de réseau et de protocole, d'information et de communication, de données et de formats, etc. Cela ne peut se faire qu'au sein d'une discipline informatique. L'expérience a montré que « cliquer sur une souris » et utiliser les fonctions simples d'un logiciel sont loin de suffire.

   C'est pourquoi un processus a démarré. La rentrée 2012 a vu la création en Terminale S d'un enseignement de spécialité « Informatique et sciences du numérique ». Ce premier pas en appelle d'autres. Vincent Peillon a annoncé l'extension d'ISN aux séries ES et L en Terminale. Une grande ambition pour le numérique.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'association EPI
(Enseignement Public et Informatique)

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Association EPI
Septembre 2012

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