Un défi et une urgence pour le système
éducatif :
intégrer les technologies modernes
Déclaration de l'Assemblée
Générale de l'EPI
12 octobre 1996
L'Ecole change, mais trop lentement
L'EPI, grâce notamment à ses interventions, a la
satisfaction de constater une évolution des programmes
d'enseignement qui intègrent des apports de l'informatique et
des nouvelles technologies dans le système éducatif.
Des innovations et des réalisations notables se
développent dans les Académies. Ces pratiques de
terrain, auxquelles participent les membres de l'EPI, sont souvent le
fait d'initiatives locales voire individuelles, plus rarement d'une
volonté institutionnelle.
Une dynamique semble donc s'amorcer, mais trop lentement, et
l'ensemble reste très fragile, faute d'une politique
satisfaisante en matière de formation, de matériels et
de logiciels. Que valent les textes officiels pour des enseignants
pas ou insuffisamment formés et non
équipés ?
Non à l'Ecole facteur d'exclusion
Devant les carences du système éducatif, les
familles socio-économiquement les plus favorisées
s'équipent et ont recours aux services de clubs
extra-scolaires payants, franchisés d'une
société américaine à l'occasion. Le
fossé continue à se creuser entre les
élèves, entre l'Ecole et les familles aisées qui
ont compris le "plus" offert à leurs enfants en leur
permettant l'accès aux technologies de l'information et de la
communication (ordinateur, multimédia, réseaux, ...).
L'EPI ne pourra jamais accepter que l'informatique et les
technologies associées soient réservées de fait
à une minorité. L'impérieux devoir du
système éducatif est de tout faire pour compenser -
là comme ailleurs et là plus qu'ailleurs - les
inégalités.
Les responsables, pas seulement politiques, qui s'accommodent trop
facilement d'une école à deux vitesses, dans une
société du même nom, avec "inforiches" et
"infopauvres", prennent une lourde responsabilité devant
l'avenir.
Le défi pour une Ecole du XXIe siècle
Le futur citoyen du XXIe siècle sera amené à
utiliser systématiquement ces instruments complexes que sont
les ordinateurs et les technologies associées.
L'expérience prouve que le "bon sens", le sens commun, sont
d'un maigre secours dans ce nouvel univers technologique et qu'un
certain nombre de connaissances (savoirs et savoir-faire) sont de
nature à éviter des difficultés, à lever
bien des blocages.
Les compétences indispensables sont de nature culturelle
car elles permettent une maîtrise intellectuelle de ces
instruments, elles contribuent à ouvrir quelques "boîtes
noires", elles font que les utilisateurs ne sont pas de simples
consommateurs passifs immédiatement dépassés par
les nouveaux produits mais des citoyens capables de réflexion
critique, d'adaptation, d'évolution, d'intervention,
d'innovation et de création.
Notre pays aura de plus en plus besoin de cette main d'uvre
qualifiée qui ne peut émerger massivement que d'une
société dont la culture générale aura
intégré ces technologies : c'est une
nécessité pour cette fin de siècle. Cette
culture générale solide est un atout indispensable non
seulement pour la vie professionnelle mais aussi face à un
monde de plus en plus complexe. Un pays comme le nôtre et
l'Europe n'ont d'autre solution que l'intelligence, matière
première du siècle prochain, au service du traitement
de l'information dont l'omniprésence ira croissant.
Pour une éducation à la citoyenneté
Il est urgent que les efforts du système éducatif se
portent sur les technologies de l'information et de la communication.
Outre le retard accumulé en matière de formation des
enseignants et des enseignés, ce que des responsables
reconnaissent parfois publiquement, se pose un problème
fondamental de société : celui de la
démocratie et de la liberté de l'individu face à
l'information véhiculée par ces nouveaux moyens de
communication.
Rien n'est prévu, ou si peu, à l'École pour
la formation de l'élève à une lecture nouvelle
combinant images, textes, symboles, sons et au développement
de l'autonomie de la pensée critique, de l'esprit de
synthèse permettant de gérer la réponse au
pouvoir de séduction de l'image et à ses manipulations.
Pour des technologies modernes au service de la
société
Cessons enfin de considérer frileusement l'ordinateur comme
destructeur de travail et fauteur de chômage. Faisons au
contraire qu'il soit vecteur de richesse mais aussi de mieux vivre
dans une société où le temps individuel
consacré au travail continuera de décroître.
L'organisation sociale postindustrielle est à repenser mais
pas indépendamment de ce que les progrès scientifiques
et techniques nous proposent. Il semble que peu de responsables aient
pris la mesure du caractère irréversible du
déploiement des technologies numériques dans les
sociétés développées, or tout retard pris
dans ce domaine crucial accroît le risque pour la France de
domination économique, linguistique et culturelle.
Ce texte se situe dans la continuité de ceux
approuvés par les précédentes Assemblées
générales. L'essentiel des analyses et des propositions
exposées dans "Pour le
développement de l'informatique pédagogique dans le
système éducatif" (1990),
"Pour une culture
générale en informatique à l'école, au
collège et au lycée" (1992), et
"Pour une évolution du
système éducatif à l'aube du XXIe
siècle" (1994) reste valable et continue
d'être promu par l'association.
Paru dans la Revue de l'EPI n° 84 de décembre 1996.
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