LISTES DE DIFFUSION ET FORUMS POUR LES PROFESSEURS DE LETTRES

Jacques MAUGER

 

Une liste de diffusion (ou de discussion) regroupe des personnes qui communiquent par courrier électronique. Son accès peut être libre ou soumis à autorisation. L'abonnement permet à chacun de recevoir tous les messages envoyés à la liste ; en général gratuit, il suppose qu'on se conforme à la "charte" de la liste (ses règles de fonctionnement).

Un modérateur (souvent le "propriétaire" de la liste, c'est-à-dire son créateur) veille au respect de la charte. Cette modération peut se faire a priori : c'est le modérateur qui reçoit chaque message et qui décide ou non de le diffuser vers l'ensemble des abonnés. Elle se fait parfois a posteriori : un abonné ayant enfreint la charte peut être exclu de la liste. Si une liste est privée, les échanges entre ses membres ne doivent pas être reproduits à l'extérieur sauf autorisation expresse.

Le propriétaire de la liste est seul habilité à la supprimer, changer son hébergeur, modifier sa charte, ce qui lui confère un certain pouvoir si la liste comporte beaucoup d'abonnés.

Un catalogue des listes francophones est disponible à : http://www.francopholistes.com.

QUELLES LISTES ?

Profs-L

Liste privée créée en mars 1998, accessible par http://www.lettres.net/, Profs-L se veut un lieu d'échange constructif sur l'enseignement littéraire au lycée. Avec plus de 1 000 abonnés, le nombre moyen de messages est supérieur à 10 par jour.

Quel est leur contenu ?

  1. Les demandes d'aide sont parfois élémentaires, mais abordent aussi des problèmes complexes comme le montage d'une progression annuelle.
  2. Les analyses grammaticales et stylistiques peuvent donner à lieu à des échanges nourris.
  3. De nombreuses discussions se situent à la limite du pédagogique et de l'administratif. Parfois c'est une mise au point du modérateur (renvoyant aux textes officiels) qui clôt le débat. On ne peut s'empêcher de penser que le modérateur joue ici un rôle para-institutionnel parce que l'institution... ne répond pas.
  4. Certains débats prennent beaucoup d'ampleur, par le nombre des réponses mais aussi par la qualité de l'argumentation. Leurs sujets sont très variés. Quelques exemples : débat grammatical et stylistique à propos de la valeur d'un conditionnel chez Flaubert ; problème de didactique (la définition de la lecture méthodique) ; controverse sur le comportement de certains examinateurs à l'oral de l'E.A.F. ; discussion pédagogique : le choix des œuvres complètes à étudier en première (28 contributions sur ce sujet).
  5. Le modérateur et quelques abonnés aiment donner un ton plaisant à leurs messages. Certaines contributions mêlent un peu de narcissisme à un solide humour, avec de beaux exemples d'autodérision. Mais l'humour est aussi la porte ouverte à la contestation. Est-ce qu'une des clauses non (encore) écrites de la charte serait : pas de critique de l'institution, sauf si elle est faite avec humour ?

Suivant un sondage de 1999 disponible sur http://vega.fr.fm, les abonnés trouvent en Profs-L, par ordre d'intérêt décroissant : une source de documentation pédagogique, d'informations culturelles et de renseignements ponctuels, un outil de travail collaboratif, un moyen de documentation administrative, un point de départ pour des échanges privés et enfin un lieu d'expression personnelle.

Les commentaires spontanés des abonnés révèlent un fort attachement à la liste et parfois un isolement professionnel mal vécu. Ce sentiment est objectivement justifié dans certains cas (enseignement à l'étranger, titulaires-remplaçants...), mais on est surpris de découvrir qu'il peut être plus facile de communiquer par Internet que dans la salle des professeurs.

Ceux qui craignent l'encombrement de leur boîte aux lettres peuvent s'abonner non à la liste, mais au journal électronique Episto.Net qui présente plus ou moins mensuellement une synthèse des discussions et compte plus de 13 500 abonnés en novembre 2000.

Lettres-collège

Cette liste créée en juillet 1999, est hébergée par un serveur commercial à l'adresse http://www.egroups.fr/group/lettres-college. Modérée a posteriori, elle a pour objet de "mettre à disposition des enseignants de français (et langues anciennes) de collège une liste de diffusion qui leur sera essentiellement consacrée". Avec plus de 130 abonnés, elle diffuse en moyenne deux messages par jour. Le nombre d'abonnés est encore peu élevé, mais les questions posées reçoivent en général des réponses constructives. Des outils annexes (site web, zone d'échange de documents) sont disponibles.

Profs-fr

Cette liste hébergée par Educnet, modérée a priori et créée en juillet 1999, est accessible à http://ldt.proto.education.gouv.fr/wws/info/profs-fr. Avec près de 200 abonnés, le nombre moyen de messages est de 2 à 3 par jour et il semble actuellement en augmentation régulière.

Son objet est le même que celui de Lettres-collège et cette concurrence directe est pour l'instant néfaste aux deux listes, qui n'ont pas encore atteint la "taille critique" nécessaire pour une pleine efficacité. Les tentatives de fusion ont achoppé sur le problème de l'hébergement et du type de modération.

On a relevé récemment sur cette liste des interventions plus fréquentes de représentants de l'institution s'exprimant en tant que tels.

Plp-lhg

Les professeurs de lettres en lycée professionnel ont un contexte de travail et des objectifs spécifiques. Pour rejoindre cette liste, consulter la page de présentation à : http://www.educnet.education.fr/listes_educnet/plp_lhg.htm.

Lors d'une consultation récente, le formulaire d'abonnement ne fonctionnait plus. Ce défaut était peut-être transitoire, puisque la liste diffuse toujours des messages à ses abonnés.

Lettres & Débats

Cette liste privée a été créée en septembre 1999 par des abonnés de Profs-L pour aborder des questions exclues par la charte. Elle propose aux professeurs de lettres de débattre librement sur l'exercice de leur métier, sans exclure les polémiques. Avec plus de 130 abonnés, elle diffuse 5 messages par jour en moyenne. Inscription par le modérateur en écrivant à ld-moderation@autonomie.org.

Diverses sensibilités politiques et pédagogiques s'expriment sur Lettres & Débats, qui a joué un rôle non négligeable dans le mouvement de protestation du printemps 2000. A côté d'anathèmes virulents on y trouve des réflexions structurées mais toujours combatives.

Est-elle aussi un lieu de propagation de rumeurs, voire d'intoxication comme l'ont écrit quelques (rares) adhérents avant de se désabonner ? D'autres proclament que Lettres & Débats est un espace de liberté contre l'emprise du discours dominant.

Après avoir été pendant la période Allègre un vrai laboratoire d'élaboration et de transmission d'analyses contestataires, de slogans et de mots d'ordre, ainsi qu'un outil d'organisation de certaines manifestations, la liste est actuellement le lieu d'un débat animé sur les réformes pédagogiques en cours. On y trouve par exemple des critiques virulentes contre les séquences, rendues responsables d'une destructuration complète de l'enseignement grammatical en collège. Les interventions de militants du site "Sauver les Lettres" sont particulièrement argumentées et virulentes.

À noter : le changement du système de modération (il y a désormais quatre modérateurs qui se partagent la tâche) n'a pas (pour l'instant) causé de problème majeur ni gêné le fonctionnement de la liste.

Interlettres

Créée en mai 2000 à l'adresse http://ldt.proto.education.gouv.fr/wws/info/interlettres (sur Educnet), cette liste publique est destinée d'abord aux "professeurs de français et de langues anciennes et à ceux qui s'intéressent à l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement de ces disciplines". Son trafic est peu important, mais comme elle est alimentée par la Direction des Technologies Nouvelles, on y trouve des renseignements officiels de première main.

Leaweb

Liste belge (lycée et collège) très vivante, complète le site http://www.restode.cfwb.be/francais qui regorge d'informations récentes et utiles sur l'intégration des technologies de la communication dans l'enseignement du français.

Liste de langues anciennes

AgoraClass (Belgique) associée au site : http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/agora.htm.

QUELS FORUMS ?

Les forums (= newsgroups) sont des espaces d'échanges qui ne sont généralement pas modérés.

L'adresse générale des news en français est : http://www.fr.net/news-fr/liste.html
et pour l'éducation : fr.education.divers, fr.education.medias, fr.education.superieur...

Pour les lettres, on recommandera news:fr.lettres.langue.francaise, pour les langues anciennes news:nzn.fr.langue.latine, news://news.wallonie-en-ligne.net/nzn.fr.langue.grecque, news://news.wallonie-en-ligne.net/nzn.fr.langue.latine et news:fr.lettres.langues-anciennes.grec.

Langue française

"Langue française" comporte en fait un forum Usenet plus un site Web alimenté essentiellement par les discussions qui ont lieu sur le forum. Le site "Langue française" accessible par http://www.chez.com/languefrancaise a été créé pour servir de foire aux questions (FAQ) du forum fr.lettres.langue.francaise et rendre compte de ses débats (libre sélection et non compte-rendu).

La sélection mensuelle retient un certain nombre d'échanges publiés (les auteurs en sont informés). Outre la FAQ, des informations peuvent ainsi être conservées (par exemple sur la dénomination du signe "@"). La sélection la plus récente est rappelée sur la page d'accueil du site. Une recherche par thèmes est possible.

Le site contient également des dossiers et des liens intéressant la langue française ou la francophonie. Une lettre d'informations (adressée par courrier électronique) peut vous tenir au courant des nouveautés du site (en particulier de l'évolution de la FAQ et de la sélection des débats).

Ce forum modéré avec efficacité est d'un grand intérêt pour tous les amateurs de la langue française.

QUELS PROBLÈMES, QUELLES ÉVOLUTIONS ?

Les problèmes actuels

Vus du côté des modérateurs interrogés dans le cadre de la préparation de cet article, les problèmes semblent mineurs et presque exclusivement d'ordre technique ou liés aux maladresses des utilisateurs.

Sans doute ne faut-il pas classer parmi les problèmes le fait que, sur toutes les listes, seule une faible minorité des abonnés s'exprime. La proportion des "actifs" varie entre 10 et 15 %. Il ne serait pas concevable que chacun réponde à chaque question, ce qui conduirait un abonné de Profs-L à trouver chaque jour plusieurs milliers de messages dans sa boîte...

Parfois les conflits se règlent assez facilement et sans laisser trop de traces. La création de Lettres & Débats n'a guère gêné le développement de Profs-L et beaucoup d'abonnés sont communs aux deux listes.

Cependant, on peut se demander si la montée en puissance des listes permettra de pérenniser les initiatives lancées par des pionniers en dehors d'un cadre institutionnel ou commercial.

La saga de tpe-tice

Le cas de cette liste est particulièrement intéressant à suivre à l'heure actuelle. Créée au printemps 2000 par la Direction de la Technologie du M.E.N., cette liste très en phase avec l'actualité a connu un succès immédiat, avec environ 1 400 abonnés en octobre 2000. Prévue pour débattre de la liaison entre les technologies de la communication et les Travaux Personnels Encadrés, elle aborde en fait bien d'autres sujets que les TICE.

Rançon du succès, le nombre des messages, les maladresses techniques des co-listiers (qui répondent trop souvent en public à des questions qui appellent des réponses privées), la variété des thèmes abordés indisposent certains abonnés qui se plaignent de l'encombrement de leur boîte aux lettres. De plus l'absence d'un espace de stockage de fichiers est très gênante. Les fichiers joints étant interdits (pour des raisons très valables), celui qui offre un document à partager doit répondre individuellement à toutes les demandes, demandes qui ont encombré les boîtes de courrier de centaines de personnes non intéressées.

Dans un premier temps, il a été demandé aux gestionnaires de la liste de créer cet espace d'échange. Pour des raisons non précisées (techniques et/ou administratives), cela n'a pas été fait dans un délai raisonnable.

Résultat : un groupe d'abonnés de tpe-tice a créé sur le même thème un anneau de listes nommé TPE-RING avec espace d'échanges hébergé sur le serveur américain e-groups. Il a été créé autant de sous-listes qu'il y a de thèmes possibles pour les TPE. Une liste "mère" doit assurer la coordination et le traitement des questions transversales. Une autre liste regroupe l'ensemble des modérateurs des sous-listes.

Les créateurs de TPE-RING espèrent qu'il sera ainsi possible de désengorger les boîtes individuelles de courrier, de permettre à chacun d'être abonné seulement aux sous-listes thématiques qui l'intéressent spécialement, tout en gardant une unité à l'ensemble.

Mi-novembre, il est trop tôt pour dire quelle va être l'issue de cette situation de concurrence.

Quel est l'avenir des listes ?

Tout d'abord, on peut être certain qu'avec le développement de l'équipement personnel des enseignants et la présence de plus en plus fréquente d'outils bureautiques dans leur environnement professionnel, le nombre d'abonnés va continuer d'augmenter. Il est également probable qu'au-delà d'un certain nombre d'abonnés des phénomènes de scissiparité doivent se produire, la liste étant victime de son succès.

On peut observer aussi, par exemple à l'intérieur de la liste Profs-L, un phénomène nouveau : la tendance à la constitution de sous-listes formées d'abonnés qui souhaitent former un groupe restreint consacré à un problème particulier, comme la préparation de tel ou tel concours de recrutement. Il est difficile de prévoir le devenir de ces groupes, encore ponctuels, et dont les échanges ne sont plus visibles pour les autres abonnés.

Cette évolution s'inscrit cependant dans une tendance plus générale qui verra peu à peu l'apparition de structures de travail collaboratif. Les listes ont besoin non seulement d'un lieu de dialogue, mais aussi d'espaces d'échanges de documents. Or souvent l'envoi de fichiers joints est interdit, pour des raisons évidentes (propagation de virus, lourdeur des fichiers, allongement insupportable du temps de récupération du courrier). Par ailleurs, comme on l'a vu, la charge est un peu lourde pour le co-listier qui reçoit cinquante demandes individuelles du fichier dont il vient de proposer l'envoi.

À un premier niveau, comme on l'a vu, le recours à des sites comme e-groups ou Voilà permet de créer un environnement plus pratique, avec la possibilité de garder une liste commune pour la coordination et la discussion des problèmes d'intérêt général. Des sous-listes thématiques peuvent disposer chacune d'un environnement spécifique et pratique d'accès pour le stockage et le partage de documents.

Les plates-formes de travail collaboratif

À un niveau d'intégration supérieur, on parle de plates-formes de travail collaboratif. Des exemples : le système Quick-Place de Lotus, presque gratuit pour le secteur éducatif ; moins évolué, mais totalement gratuit, le système Zapplets, le site Groove.

Il s'agit de coupler d'une part un ensemble de listes de diffusion, d'autre part un système d'écriture très simplifié de pages Web. L'accès au site Internet hébergeant les pages (ou bien à certaines parties du site) peut être protégé par des mots de passe. Des systèmes d'agenda, de répartition des tâches avec rappels automatiques des échéances peuvent être mis en place, ainsi que des zones de stockage et de partage de documents.

Ces systèmes inspirés des outils d'organisation comme Lotus Notes, employés dans les entreprises américaines (ou américanisées) devraient faire prochainement une entrée en force dans le système éducatif, tant au niveau des professeurs qu'à celui des élèves. Ils ont déjà été utilisés ponctuellement, par exemple dans le cadre des Réseaux Buissonniers animés par Hélène Godinet (IUFM de Grenoble).

Par exemple, de même que pour les Travaux Pratiques Encadrés il est judicieux d'attribuer à chaque groupe de travail un espace réservé sur le réseau pédagogique de l'établissement, ces plates-formes permettent de créer facilement des espaces de travail gérés par des enseignants ou même par des élèves sous le contrôle des enseignants et accessibles via Internet ou Intranet, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur des établissements scolaires.

CONCLUSION

Le développement des listes de diffusion n'est donc qu'une première étape d'un processus plus large et plus diversifié.

Tel quel, c'est globalement un phénomène positif.

Comme l'écrivait récemment une collègue, "Je tiens à remercier chaleureusement les abonnés de la liste pour les conseils et les encouragements qu'ils m'ont prodigués. La qualité des réponses, la générosité avec laquelle certains partagent leur travail, enfin la simplicité avec laquelle d'autres avouent leurs hésitations méritent un éloge public !"

Jacques MAUGER

IUFM d'Aix-Marseille

Paru dans la Revue de l'EPI  n° 100  de décembre 2000.

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(9 février 2001)

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