INFORMATIQUE ET ENSEIGNEMENT DE LA BIOLOGIE


UTILISATION DE L'INFORMATIQUE EN SCIENCES NATURELLES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

Par Wladimir Mercouroff
Professeur à l'Université de Paris-Sud,
Ancien Chargé de Mission à l'Informatique au Ministère de l'Éducation nationale.
 

     En 1970, le Ministère de l'Éducation nationale a lancé une expérience d'introduction de l'Informatique dans l'enseignement secondaire. L'objectif visé n'a pas été de créer une discipline nouvelle avec ses enseignants spécialisés, ses tranches horaires, ses épreuves d'examens, mais d'illustrer l'apport de l'Informatique aux disciples enseignées traditionnellement, et ainsi de sensibiliser les élèves à l'existence de l'informatique, à ses possibilités et à ses limites.

     Pour répondre à cet objectif, il a fallu naturellement former des enseignants. Des professeurs de toutes disciplines, non seulement des mathématiciens, non seulement des scientifiques, mais aussi des littéraires, ont été formés à l'informatique. Cette opération a été menée avec la collaboration de l'Inspection générale de l'Instruction publique, qui a notamment été associée au choix des enseignants formés. De retour dans leurs établissements, les professeurs formés ont reçu pour mission d'élaborer et de tester devant des classes, des exemples d'utilisation de l'Informatique dans leur discipline. Des mini-ordinateurs munis d'un langage informatique commun (le LSE : Langage Symbolique pour l'Enseignement), ont été installés dans une cinquantaine d'établissements d'enseignement secondaire, là où des équipes pédagogiques s'étaient formées. L'élaboration de ce matériel pédagogique a été coordonnée par la section « Informatique et Enseignement » de l'INRP. À la demande de la Direction des Lycées du Ministère de l'Éducation, l'INRP procède actuellement à une évaluation des résultats de cette expérience, avant d'en décider la généralisation.

     Malgré les difficultés de tous ordres rencontrées par les enseignants qui participent à cette expérience, la moisson pédagogique est très riche. II faut noter que les « programmes » ainsi élaborés ne supposent que peu de connaissances informatiques de la part des utilisateurs ; en revanche, ils apportent beaucoup à la pédagogie des disciplines pour lesquelles ils ont été élaborés.

     L'Association des Professeurs de Biologie et Géologie a accepté de publier dans son Bulletin la description des programmes les plus marquants dans ces disciplines. Les Sciences naturelles offrent un terrain très favorable à l'enrichissement de l'enseignement par l'Informatique. Cette dernière y permet des simulations d'expériences qui ne sont pas réalisables en pratique, ou des simulations de systèmes complexes du type écologique. Elle permet également une introduction aux banques de données, aux problèmes de classification, aux problèmes statistiques qui jouent un rôle de plus en plus important en Sciences naturelles. Naturellement, des programmes plus proches de l'enseignement programmé classique, du type contrôle des connaissances sont également très utiles dans ce domaine, où non seulement l'acquisition de modèles est importante, mais aussi l'acquisition de connaissances.

     L'Informatique, et plus généralement le traitement, l'organisation et la communication d'informations, regroupés sous le terme de Télématique dans le récent rapport Nora, vont jouer un rôle de plus en plus important dans les sociétés contemporaines. II est important que l'enseignement secondaire ne reste pas à l'écart de cette évolution. L'effort de pionniers réalisé par le groupe de collègues qui présente cet ensemble de programmes, s'inscrit ainsi dans le fil de l'histoire. II est d'autant plus remarquable qu'il ne se superpose pas à l'enseignement traditionnel, mais tente de s'y intégrer. II mérite d'être connu, diffusé et encouragé.


INTRODUCTION

Par Jacques Baudé
 

     Si l'expérience d'introduction de l'Informatique dans l'Enseignement secondaire remonte à 1970, ce n'est que depuis 3 ans que les recherches du groupe Informatique et Biologie de l'INRP commencent à prendre forme.

     Nous avons publié (APBG, n° 217) un premier article qui a suscité une certaine curiosité chez nos collègues, ce qui nous conduit naturellement cette année à faire le point plus en détail sur nos travaux.

     Un colloque international organisé en mars 1970 par le Centre pour l'Innovation et la Recherche en Enseignement, dépendant de l'O.C.D.E. est à l'origine de l'expérience d'introduction de l'Informatique dans l'Enseignement secondaire au niveau des différentes disciplines.

     L'idée de départ était que l'ordinateur, dont l'importance ne pourra qu'augmenter dans l'avenir, peut apporter une aide efficace à l'enseignant. Nous sommes en effet un certain nombre à penser que l'Informatique peut être à l'origine du meilleur comme du pire ; ce n'est pas en voulant l'ignorer que l'on évitera le pire, par contre on risque de se priver du meilleur.

     Les débuts furent particulièrement difficiles. Le problème étant beaucoup plus pédagogique qu'informatique, les informaticiens ne pouvaient nous être d'un grand secours. II a donc fallu nous initier aux rudiments de l'Informatique, tout en poursuivant notre enseignement et la réflexion pédagogique sur celui-ci. Contrairement à ce que certains ont pu penser, nous ne « faisions » pas de l'Informatique par je ne sais quelle lassitude de la Biologie, mais au contraire, parce que nous sentions intuitivement que l'ordinateur pouvait nous aider à améliorer, dans certains domaines, l'enseignement de notre discipline. En réalité, notre démarche se caractérise beaucoup plus par une interrogation sur notre enseignement que par un travail purement informatique.

     Notre progression fut lente dans les premières années compte-tenu de l'absence quasi totale de littérature dans ce domaine. Nous avancions en terrain inconnu, comme d'ailleurs nos collègues des autres disciplines. Puis peu à peu un certain nombre d'idées-force apparurent et nous pensons pouvoir donner, cette année, à l'ensemble de nos collègues un aperçu suffisamment exhaustif de nos travaux sans pour autant épuiser le sujet.

     Un problème difficile à résoudre a été de trouver un plan qui permette de présenter les différents articles proposés. Nous avons finalement choisi de les regrouper en fonction de leur utilisation possible dans le cadre des programmes : Physiologie, Génétique. Écologie... Mais d'autres plans étaient possibles ; nous aurions pu regrouper nos programmes en programmes de simulation, programmes de traitement de données... Ce classement était plus délicat, car la plupart de nos programmes appartiennent à plusieurs domaines.

     Précisons néanmoins ce que nous entendons par programme de simulation.

     Si nous ouvrons le Petit Larousse, nous trouvons comme définition du mot simulation : « Action de simuler : la simulation d'une maladie. » ... et à simuler : « Faire paraître comme réelle une chose qui ne l'est point... feindre... déguiser un acte sous l'apparence d'un autre. »

     II serait amusant de faire apparaître que l'hostilité manifestée par certains à l'égard de la simulation provient du fait qu'ils ne connaîtraient le procédé que par cette définition à consonance pour le moins péjorative et suggérant la supercherie !

     Qu'en est-il en fait ?

     La simulation revêt plusieurs formes. Nous ne considérerons ici que la simulation expérimentale, c'est-à-dire l'expérimentation sur un modèle, dit modèle de simulation. Qu'est-ce qu'un modèle ? C'est une représentation conceptuelle d'un phénomène ou d'un ensemble de phénomènes, élaborée de façon inductive à partir d'observations sur le réel. II permet de substituer un système plus simple à un système naturel en général très complexe. Précisons que la modélisation ne débouche pas forcément sur la simulation et qu'elle est une démarche beaucoup plus générale.

     Dans les modèles de simulation qui nous intéressent, les relations entre les différents facteurs étudiés sont de type mathématique et l'ordinateur sera l'outil privilégié pour l'expérimentation sur le modèle. Nous utilisons des modèles parfaitement bien reconnus et la simulation expérimentale comme outil pédagogique.

     Nous simulons des expériences irréalisables en T.P., faute de moyens, faute de temps, ou parce que ces expériences sont trop difficiles à mettre en oeuvre. L'élève libéré des contraintes expérimentales, peut se consacrer à l'élaboration d'une stratégie, à l'exploitation des résultats fournis par la simulation, à la réflexion rigoureuse sur ces résultats... Plusieurs articles développeront ces activités à partir d'exemples concrets. La simulation expérimentale peut permettre à l'élève de redécouvrir les lois sous-jacentes, mais aussi de confronter les résultats obtenus avec les résultats d'une expérience réelle ou de mesures opérées sur le terrain. Nous donnerons également des exemples de ce type d'utilisation. L'élève pourra être conduit à juger de la légitimité du modèle et éventuellement à proposer un modèle plus conforme à la réalité.

     Cet entraînement à la démarche modélisante nous semble très important pour l'acquisition d'une méthodologie valable pour l'ensemble des disciplines. Que ceux qui considèrent que la simulation est une simplification abusive de la réalité, pensent à ce que nous faisons dans le cadre de nos T.P. traditionnels : par exemple, nous utilisons un modèle simplifié par rapport à l'animal normal en expérimentant sur la Grenouille spinale.

     II n'en reste pas moins, et nous le répétons avec force, que la simulation expérimentale n'a de sens que si elle vient en complément de l'expérimentation réelle, toutes les fois qu'elle est possible, faute de quoi les élèves risqueraient de ne manipuler que de l'abstrait.

     Ce serait nous faire un procès d'intention que de prétendre que nous affirmons le contraire.

     Une seconde utilisation très importante de l'ordinateur en Biologie est actuellement le traitement des données. Un certain nombre de programmes l'utilisent à cette fin, en particulier en Écologie mais aussi en Géologie. Les élèves peuvent ainsi exploiter rigoureusement l'ensemble des relevés faits sur le terrain et aboutir à des conclusions motivées.

     Ces programmes peuvent nécessiter l'intervention active du collègue de mathématiques et ceci nous paraît particulièrement positif ; en effet, si l'on parle souvent de pluridisciplinarité, il faut reconnaître que c'est bien souvent par le biais de l'Informatique qu'elle se trouve réalisée dans les lycées.

     Nous ne refusons pas, a priori, d'envisager l'utilisation de l'ordinateur dans le but d'un enseignement assisté traditionnel, nous disposons d'ailleurs de quelques programmes de contrôle ou de révision. Mais nous devons reconnaître que ce type d'activité, beaucoup plus développé à l'étranger, n'est pas pour l'instant notre objectif en Sciences naturelles. Nous pensons que l'ordinateur a un rôle beaucoup plus original et beaucoup plus puissant à jouer dans l'immédiat.

     Ceci étant dit, nous savons parfaitement que les lycées équipés d'ordinateurs ne sont pour l'instant qu'au nombre de 58. C'est très peu. Notre travail ne peut être qu'expérimental, et seul l'avenir nous dira s'il peut être généralisé. Mais nous pensons que l'Informatique est un phénomène de civilisation probablement irréversible ; il nous paraît indispensable que des pédagogues ne négligent pas ce phénomène et s'emploient à le maîtriser.

     Nous publions une partie de nos travaux, surtout à l'intention des collègues restés en dehors de l'Informatique, soumettant à leur critique aussi bien les aspects exemplaires que ceux qui restent encore imparfaits.

     Tous les programmes cités sont disponibles dans les lycées équipés. Tous ont été testés sur de nombreuses classes. La plupart peuvent être utilisés dans le cadre d'un cours traditionnel par des élèves et des collègues sans formation particulière en Informatique.

     Ces programmes s'adressent essentiellement aux élèves du second cycle, parfois aux élèves de Troisième.

     Dans chaque lycée équipé il existe, en salle d'Informatique et/ou au C.D.I., une fiche pédagogique détaillée pour chaque programme. Les articles qui suivent insisteront donc surtout sur les objectifs recherchés, le comportement des élèves et les conseils pratiques d'utilisation.

(Juin 1978)


INFORMATIQUE ET ENSEIGNEMENT DE LA BIOLOGIE

1re partie
(Bulletin pédagogique de l'APBG, n° 3, 1978)
 

  • Avant-propos, par le Président de l'A.P.B.G.

  • Utilisation de l'Informatique en Sciences naturelles dans l'Enseignement secondaire, par M. le Professeur Wladimir MERCOUROFF (voir ci dessus)

  • Introduction, par Jacques BAUDÉ (voir ci dessus)

PHYSIOLOGIE

  • Les besoins alimentaires chez l'Homme. Le programme NUTRIT, groupe INFORMATIQUE ET BIOLOGIE (Paris)

    • Utilisation en classe de Troisième, Mme LASCOURS

    • Utilisation en classe de Première, Mme DESCADEILLAS

  • Les réflexes conditionnels, J.-Y. DUPONT

  • La conductibilité de l'influx nerveux, P. THÉBAULT

ÉCOLOGIE

  • Variations de la teneur en OČ du lac Léman en fonction de la température (Programme POLUT), R. VANDROUX

  • Une utilisation du programme POLUT sur les bords de l'Allier en 1° D, Mme BEAUDONNET

  • Équilibre d'une biocénose, C. BRAVARD
     

2ème partie
(Bulletin pédagogique de l'APBG, n° 4, 1978)
 

  • Conditions de l'insertion d'un ordinateur dans la pédagogie des Sciences naturelles, J. FISZER (Paris VII)

PHYSIOLOGIE

  • Approche de la notion de glycémie, P. ABOUDARHAM-MILLARA et J. BAUDÉ

  • Mise en évidence d'une rétroaction, G. MIRAMONT

  • Cellule animale et cellule végétale, R. LEBRIS et P. THÉBAULT.

GÉNÉTIQUE

  • Redécouverte des lois de l'hybridation, le programme MENDEL, J. BAUDÉ pour le groupe « Informatique et Sciences naturelles » de Paris (INRP)

  • Stratégie expérimentale pour isoler deux élevages monoalléliques de race pure chez la Drosophile, R. VANDROUX.

  • Pour une étude critique fine de la variation, P. VIGNES

TRAITEMENTS DE DONNÉES

  • Exploitation de banques de données, S. DUPOUY

CONNAISSANCES DES ÉLÈVES

  • Essai, P. MITON et J. IMBERT

CONCLUSION

  • Informatique et enseignement de la Biologie à l'école secondaire, P. ABOUDARHAM et C. LAFOND

ANNEXES

  • Lycées équipés d'ordinateurs
  • Bibliographie sommaire
  • Liste des programmes disponibles

NDLR-EPI (2003) : d'autres articles sur les apports de l'informatique à la Biologie-Géologie sont parus au fil des années dans le Bulletin de l'APBG et dans celui de l'EPI. Pour ce qui concerne l'EPI, voir le cédérom « 15 ans d'articles ».

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