NOUS AVONS LU Bulletin SPECIF n° 62 de décembre 2009 Nous avons particulièrement apprécié l'interview de Serge Abiteboul (membre de l'académie des sciences). Citons deux ou trois extraits : « Comment définir notre domaine ? Pas en allant au rayon informatique de la Fnac ou dans une bibliothèque de quartier. On y trouve surtout comment apprendre à utiliser Word, Excel ou Windows. C'est autant de la science informatique qu'apprendre à faire du vélo participe de la science mécanique. Ensuite il faut oublier le terme anglais : computer science ou science des ordinateurs, c'est hyper réducteur. Notre domaine, c'est le traitement automatique de l'information, donc les algorithmes, le calcul, le raisonnement. On parle d'une nouvelle branche des mathématiques parce que l'informatique tient d'univers immatériels au contraire de la physique, la chimie ou la biologie. Mais ce n'est pas si simple. Le Web par exemple devient un objet physique complexe qu'on peut étudier avec des méthodes statistiques, un peu comme on peut étudie des turbulences dans un plasma. Et l'ADN, c'est aussi de la programmation... » Ou encore à propos des vocations informatiques et notamment celles des jeunes filles : « C'est un fait de société profond. Les jeunes choisissent des carrières plus « faciles », qui leurs paraissent plus lucratives. On doit essayer de les convaincre du plaisir de faire des sciences, de la richesse des carrières scientifiques qui s'offrent à eux. Pour ce qui est des filles, c'est consternant ! Chercher uniquement nos scientifiques parmi les garçons des milieux favorisés, c'est se couper de la plus grande partie des talents. Il faut des actions volontaristes pour attirer les filles, les jeunes de tous les milieux, convaincre les parents, convaincre les profs, convaincre les décideurs, convaincre les employeurs, établir des quotas, offrir des bourses, etc. Je ne sais pas. Mais il faut faire... » Enfin, à propos de la question « Une proposition de définition d'un enseignement d'informatique au lycée a été menée récemment mais n'a pas semble t'il été reprise dans la réforme en cours des lycées. Qu'en penses-tu ? » SA : « C'est une catastrophe nationale et je pèse mes mots. Que dire d'autre ? On attendait cela depuis des années et le programme était à mon avis plutôt intéressant. On est en train de pénaliser sérieusement les générations à venir d'ingénieurs et de scientifiques français » Nous conseillons également la lecture de « Au delà de la pensée informatique » de Peter Denning, directeur de l'Institut Cebrowski à l'École Navale de Monterey (Californie) et ancien président de l'ACM. Il répond à celui de Jeannette Wing publié dans le bulletin de SPECIF n°60 de décembre 2008. C'est la traduction d'une note parue dans les Communications of the ACM, 52,6 (juin 2009) qui critique le point de vue selon lequel la pensée informatique est la seule façon d'analyser les rapports de l'informatique avec les autres sciences. L'auteur s'attache à répondre aux deux questions : Sa réponse personnelle est non, « mais je pense que si on est un tant soit peu doctrinaire on répondra oui aux deux questions. Or en tant que dépositaires d'un corpus profond et puissant nous ne devons pas travestir notre science sous un nom trompeur. » Pour Peter Denning, la pensée informatique n'est pas un principe mais une pratique, une des nombreuses pratiques clés pour laquelle chaque informaticien devrait être compétent. « Nous sommes appréciés parce que nous agissons en informaticiens, pas parce que nous pensons en informaticiens. » Un point de vue qui peut déranger. http://www.specif.org/bulletins/index.html ___________________ |