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E-duquons l'e-citoyen ! (extraits)

Roberto Di Cosmo (http://www.dicosmo.org), professeur à l'université Paris 7.

   « ... Or, nous portons la lourde responsabilité de la formation des citoyens de l'ère numérique : on peut s'en acquitter en faisant de l'enseignement, comme dans le cadre certes intéressant du B2i et du C2i, ou alors par le biais d'initiatives comme celle du portable à 1 euro par jour, qui a raté la grande occasion d'apprendre à nos étudiants la différence entre le matériel et le logiciel, (...) Mais il ne suffit pas d'enseigner, il faut aussi éduquer, pour former nos étudiants à l'e-sens critique : il n'y a pas assez d'éducation, et pourtant les enjeux sont de taille.

     Prenons par exemple l'e-vote, ou vote électronique : je ne peux cacher ma stupéfaction (qui tourne vite au désespoir) devant le manque absolu de recul et d'e-sens critique de la grande majorité des personnes, allant du quidam au haut responsable politique, qui se prononcent sur les bienfaits de cette "révolution technologique" pour la démocratie, sans prendre la peine de regarder quelques instant à quoi cela ressemble l'e-vote qu'on nous propose. (...)

     Un e-citoyen auquel on a bien e-nseigné l'informatique saura sûrement déposer son vote, et sortira alors de l'isoloir avec la sensation d'un devoir bien accompli, sans se poser d'autres questions.

Mais seulement un e-citoyen que l'on a bien e-duqué à l'informatique se posera la question de savoir comment il peut bien s'assurer que le logiciel embarqué dans le joli terminal d'e-vote enregistre bien les choix que l'on vient d'y déposer (et dont notre e-citoyen doté d'e-sens critique s'inquiète de n'avoir vu aucune trace physique) : il est soudainement saisi par le doute qu'un programmeur malchanceux aurait pu introduire dans ce code la déclaration d'une constante AndTheWinnerIs, initialisée, à l'insu de son plein gré, avec le nom d'un des candidats.

     Fort heureusement, en Europe il y a encore un bon nombre de personnes qui se rappellent vivement des raisons pour lesquelles le dépouillement des bulletins de vote se fait publiquement, pourquoi on rentre dans un isoloir, et pourquoi les urnes sont toujours placées de façon à être bien visibles par tous. (...)

     À quoi bon avoir des chercheurs au meilleur niveau mondial qui se penchent sur des problèmes à la pointe de la recherche en informatique (y compris le problème très difficile du vote électronique anonyme et sans AndTheWinnerIs), si les citoyens, les média et les décideurs sont laissés seuls, sans éducation informatique, face à une révolution de la société civile dont ils ne savent pas démêler les enjeux techniques qui peuvent déléguer aux autres, des choix de société qu'ils ont le devoir d'assumer ?

     En tant qu'enseignants, nous assurons quotidiennement la formation d'étudiants qui vont bientôt devenir des décideurs à différents niveau, et devrons évoluer dans une société où l'informatique ne sera plus un outil comme les autres, mais l'outil par lequel des réformes de société passeront : nous avons le devoir de leur donner les moyens de comprendre l'impact de ce qu'ils feront, et nous ne pouvons plus nous borner à former des simples techniciens. » ...

Texte complet sur : http://www.pps.jussieu.fr/~dicosmo/Papers/Specif-3-3.pdf

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Association EPI
Janier 2005

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