NOUS AVONS LU ATTAC S'OPPOSE À L'EXTENSION DE LA BREVETABILITÉ Attac dénonce les tentatives de faire adopter par le Conseil et le Parlement Européen l'extension de la brevetabilité au logiciel, qui, sans aucune justification économique ou autre, n'aura pour effet que de renforcer la marchandisation des activités intellectuelles et le contrôle par quelques multinationales de toutes les infrastructures d'information et de communication de la planète. Depuis près de quinze ans, par tous les canaux de la mondialisation, dont notamment l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle), l'OEB (Office Européen des Brevets), l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et les accords ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce), se poursuit la résistible marche vers la marchandisation de toutes les ressources intellectuelles de la planète et leur mise sous contrôle par quelques groupes multinationaux. La brevetabilité du vivant et la monopolisation marchande des moyens médicaux nous touchent dans notre être et notre chair et soulèvent à juste titre l'indignation. Moins directement perceptible, mais extrêmement inquiétante pour ses effets à long terme, la monopolisation des ressources intellectuelles menace nos libertés fondamentales, nos cultures et le fonctionnement même de nos sociétés. La propriété intellectuelle reste cependant un sujet complexe, mal compris du public et trop souvent de ses représentants politiques, dominé par une caste de juristes qui en tirent profit au service des industries qui la contrôlent. Deux volets essentiels en sont d'une part le droit d'auteur et d'autre part le brevet. Le droit d'auteur concerne traditionnellement la création littéraire et artistique. Héritage humaniste du siècle des lumières, il est originellement destiné à permettre aux créateurs de bénéficier de leurs créations originales en protégeant leur exclusivité dans ce qu'elles ont d'unique et de personnel. Ce caractère personnel fait que le droit d'un auteur ne risque guère de limiter le droit à la création des tiers. [1] Depuis trente ans, le droit d'auteur protège les créations logicielles, qui sont des oeuvres immatérielles au même titre que la création littéraire ou musicale. D'un point de vue économique, cette protection semble bien adaptée au logiciel car elle a permis une forte innovation et une grande dynamique tant dans les entreprises que dans le monde universitaire, et même chez les créateurs indépendants ou associatifs. Protégeant l'investissement créatif que représente l'écriture des programmes, il évite les conflits entre les créateurs indépendants. [2] Le brevet est une protection de procédés ou de réalisations techniques, faisant intervenir des éléments matériels ou des phénomènes naturels. Selon la Convention Européenne du Brevet de 1973 ils peuvent comprendre des éléments immatériels ou logiques, à la condition que ces éléments n'en constituent pas la composante inventive. Le brevet accorde un privilège de monopole sur des techniques dont l'existence est indépendante des personnes qui les proposent [3]. Limitant les droits du reste de la société, il n'a d'autre justification que l'intérêt général - traditionnellement quand il favorise l'innovation, sa publication ou sa mise en oeuvre - comme le rappelle un collectif international d'économistes spécialistes de ces questions dans sa critique des propositions soumises au parlement européen. [4] S'il est admis que la brevetabilité des techniques peut avoir dans certains domaines des effets positifs, il est tout autant reconnu, depuis que les brevets existent, qu'ils ont également des effets négatifs, sur l'innovation elle-même, sur l'efficacité du tissu économique, ou par l'exclusion parfois dramatique - voire intolérable, comme dans le cas des brevets médicaux - de certaines populations des bénéfices de l'innovation. Sur la base d'un projet de directive élaboré par la Commission Européenne en « ligne directe » avec des groupes d'intérêts des grands éditeurs de logiciels dominés par des sociétés américaines [5], projet renforcé par les amendements de la commission juridique du parlement - en charge du dossier - qui choisit d'ignorer les inquiétudes et les propositions tant de la commission culturelle que de la commission entreprise, le Parlement Européen se voit soumettre une proposition extrémiste d'extension de la brevetabilité aux créations immatérielles que sont les logiciels. ATTAC constate que :
À l'évidence, la brevetabilité des logiciels n'est dans l'intérêt de personne - certainement pas de l'Europe - à l'exception de quelques multinationales et des États-Unis dont cela renforcerait la domination planétaire, ainsi que d'un lobby de juristes de la propriété intellectuelle qui en tireraient un avantage financier immédiat [8]. En conséquence ATTAC demande :
[1] Nous rappelons toutefois que les excès actuels de cette protection promus par l'OMPI (1996) et relayés par les directives de l'Union Europénne - notamment la directive EUCD du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur et aux droits voisins - mettent en danger l'indépendance des artistes, la diversité culturelle, l'accès public à la culture, et la préservation des patrimoines culturels. [2] Les problèmes de monopolisation que rencontre l'industrie du logiciel sont surtout dus à divers phénomènes économiques encore mal maîtrisés, notamment les effets de réseau. [3] Les techniques brevetables sont des solutions à des problèmes techniques et non une expression personnelle. Il est relativement courant que la même solution technique soit découverte simultanément par plusieurs personnes, au point qu'il existe des règles pour les départager pour l'attribution des brevets, règles qui d'ailleurs diffèrent selon les pays. [4] A Critique of the Rapporteur's Explanatory Statement accompanying the JURI Report to the European Parliament on the proposed Directive on the Patentability of Computer-Implemented Inventions. Par un collectif d'économistes. [5] « Ce projet a été particulièrement mal accueilli par de nombreux acteurs du logiciel, qui ont notamment fourni la preuve en étudiant les caractéristiques du document informatique diffusé par la direction générale du Marché intérieur que l'auteur de ce projet était de fait extérieur à la Commission, et en réalité membre d un groupe de pression lié aux grands éditeurs de logiciels, .... » Voir page 41 : Économie du logiciel : Renforcer la dynamique française Rapport du groupe de travail présidé par Hugues Rougier, Commissariat général du Plan, 17 octobre 2002. [6] Petition to the European Parliament on the Proposal for a Directive on t he Patentability of Computer-implemented Inventions Pétition 2003/407 des scientifiques Européens. [7] An Open Letter to the European Parliament Concerning the Proposed Directive on the Patentability of Computer-Implemented Inventions Par un collectif d'économistes. [8] Aux États-Unis, les dépenses en brevets logiciels se sont substituées à plus de 10 % des dépenses de recherche et développement des entreprises. Des sommes énormes sont ainsi détournées au profit du lobby de la propriété intellectuelle et aux dépens de l'innovation et des consommateurs. [9] Étant non rivaux (coût marginal nul), les biens informationnels sont plus faciles à dupliquer et à déployer dans les pays pauvres et à faible infrastructure. En outre, leur création initiale est souvent possible avec peu de ressources, comme l'a démontré avec éclat le développement des logiciels libres. Cela permet à tous les pays, riches ou pauvres, de participer au mouvement mondial de création des richesses immatérielles. Enfin, le confinement de certaines évolutions techniques aux composantes logicielles d'équipements matériels banalisés permet aux pays les plus pauvres de suivre ces évolutions sans avoir à renouveler systématiquement des matériels coûteux. ___________________ |