NOUS AVONS LU

 
« L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES MATHÉMATIQUES, RAPPORT AU MINISTRE »

Commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques, sous la direction de Jean-Pierre Kahane. Livre paru en avril 2002 aux éditions Odile Jacob et au CNDP.

Prologue - I. L'informatique - II. Statistiques et probabilités - III. La géométrie - IV. Le calcul - Annexes. En tout, 280 pages environ.

Lu rédigé par Jacques Lucy (commentaires en italiques)

Je n'aborderai pas tous les sujets évoqués dans l'ouvrage, certains sont très mathématiques et pas toujours à la portée du professeur dans l'enseignement secondaire que je suis. Il me semble intéressant de mettre en valeur ce qui est accessible à tous, en privilégiant ce qui à rapport avec l'informatique et les TICE.

Prologue

Un double constat s'impose :

  1. en cette période où tout évolue très vite, la science en général et les mathématiques en particulier sont plutôt « mal-aimées »,

  2. l'utilisation des outils de calcul est de plus en plus importante, parfois elle est devenue décisive, même si elle n'est jamais suffisante [1].

Autrement dit, l'enseignement des mathématiques est condamné à évoluer dans son contenu et dans ses méthodes, la question étant de savoir quelles seront les lignes directrices qui guideront ces changements.

L'informatique

Citons 4 raisons pour introduire une part d'informatique :

  1. l'esprit algorithmique,

  2. un raisonnement formalisé dans un univers défini,

  3. calculabilité et effectivité,

  4. les rapport entre l'informatique et les autres sciences (par exemple les travaux de Jean-Louis Krivine qui rapproche l'exécution d'un programme compilé et le fonctionnement du cerveau).

et des changements qu'elle a apportés, par exemple :

  • l'ordinateur a permis par sa puissance de calcul d'aborder des problèmes sous un jour nouveau (ensembles fractals, simulations pour aider à la recherche d'équations aux dérivées partielles),

  • certains domaines sont revisités et des questions nouvelles sont posées (les problèmes de calculabilité, créer des codes correcteurs d'erreurs efficaces...),

  • les mathématiques discrètes, la logique et l'algorithmique connaissent un nouvel essor,

  • la manière de travailler des mathématiciens change.

D'où des propositions de nouvelles approches concernant les nombres, les erreurs, les méthodes (algorithmes, utilisations d'arbres, de graphes...) qui induisent de nouveaux problèmes (la suite de Syracuse [2] par exemple)

Parmi les propositions faites :

  • intégrer une part d'informatique dans les sciences mathématiques au lycée,

  • infléchir la formation des maîtres, un bloc algorithmique et programmation devrait être commun à toutes les formations,

  • développer la formation continue,

  • installer dans les lycées des laboratoires de sciences mathématiques (comme pour les sciences physiques et les SVT), les IREM jouant un rôle de conseil.

Statistiques et probabilités

Quelle est la place de l'aléatoire dans l'enseignement des mathématiques ?

Le citoyen reçoit une grande quantité d'informations chiffrées. Leur variabilité peut en masquer le sens. Une corrélation forte (par exemple entre nombre de films violents passant à la télé et nombre d'actes de violence dans une cité) traduit-elle une relation de causalité ?

Il va de soi que l'étude de situations statistiques utilise des « indicateurs » (moyenne, médiane, quantiles...) dont le calcul se fait avec des calculatrices ou des ordinateurs dès que la population est importante. D'où l'intérêt des logiciels dédiés à ces usages. La convivialité de ces outils ne dispense pas l'utilisateur d'être expérimenté et averti.

Nombreuses sont les disciplines qui ont à prendre en compte l'aléatoire : les sciences physiques, les SVT sont confrontées au hasard, lequel se manifeste différemment au niveau microscopique et au niveau macroscopique. En économie, on invente des modèles (consommation des ménages, pyramide des âges...) que l'on essaie de faire fonctionner en injectant des données statistiques (espérance de vie).

La formation est souvent insuffisante : faible dans l'enseignement secondaire, on essaie de pallier ses insuffisances à l'Université, dans les écoles d'ingénieurs et dans les entreprises.

Pour les professeurs, le rapport estime que cette formation est à créer. Il rappelle les constats et recommandations de l'Académie des Sciences faites sur ce sujet.

La géométrie

Il ne me paraît pas utile de rappeler les variations de la place qu'elle a connue dans les mathématiques, discipline tantôt « reine », tantôt jugée « dépassée ». Les polémiques qui ont pu être engendrées par les « Mathématiques Modernes » ont laissé des cicatrices encore douloureuses...

Les auteurs sont conduits à argumenter : pourquoi enseigner la géométrie aujourd'hui ?

  • pour avoir une meilleure compréhension de l'espace dans lequel nous vivons,

  • pour favoriser l'apprentissage du raisonnement,

  • pour faire sentir les aspects esthétiques et culturels de la géométrie,

  • pour en comprendre des utilisations dans la vie courante,

  • c'est un élément important dans la formation des ingénieurs et des techniciens,

  • elle a une place importante dans les autres sciences,

  • elle a une place encore importante en mathématiques : il n'y a plus beaucoup de recherches dans ce domaine depuis un siècle, mais sa valeur formatrice est considérable et permet « de penser géométriquement »

Les auteurs du rapport mentionnent l'utilisation des logiciels de géométrie dynamique, mais la réflexion sur leur importance dans la didactique mériterait d'être plus développée.

Il est clair que les mathématiciens professionnels sont trop pris par leur « querelles de familles » pour aborder ce sujet... L'importance des annexes est significative.

Le calcul

Quelques caractéristiques :

  • l'omniprésence du calcul et la diversité de ses facettes

  • le calcul et le lien avec le « réel » la dépendance de que l'on fait par rapport aux outils de calcul dont on dispose,

  • la complémentarité calcul exact - calcul approché,

  • rapport entre calcul et construction de concepts mathématiques,

  • calcul mental,

  • mémorisation et techniques opératoires,

  • le calcul algébrique,

  • du calcul algébrique à l'analyse,

La conclusion

Elle insiste sur l'aspect partiel d'un document qui se veut rapport d'étape et insiste sur :

  • la nécessité d'une réflexion permanente,

  • la formation des enseignants,

  • la demande de création de laboratoires de Mathématiques,

  • la nécessité d'avoir des spécialistes pour assurer la maintenance des équipements,

  • l'importance des CDI qu'il faudrait renforcer.

Trois observations personnelles (JL)

  • S'il est vrai que certains problèmes (en arithmétique par exemple) ou certaines méthodes (itérations pour calculer une limite de suite par exemple) s'enrichissent de l'utilisation de la programmation, on peut se demander si cette formation à une démarche déclarative ne doit pas être équilibrée par une autre façon de poser les problèmes (programmation objet). N'y a t-il pas d'autres concepts informatiques importants à enseigner qui ne trouvent pas forcément place dans le cours de Mathématiques ?

  • Il y a actuellement une grande distance entre des logiciels destinés à l'enseignement et des progiciels mathématiques (disons entre Geoplan et Maple pour fixer les idées). L'utilisation de ces instruments est encore à définir pédagogiquement. On peut en dire autant de l'utilisation de Derive pour faire du calcul algébrique.

  • Concernant l'enseignement des statistiques, on comprend l'intérêt de cette orientation, mais elle manque beaucoup de précision. Sans évoquer le flou de certaines définitions actuelles (les quartiles par exemple) ou de démarches (faut-il se limiter aux statistiques discrètes ou aborder aussi les variables continues), les enseignants de terrain connaissent bien les difficultés qu'il y a pour évaluer les progrès des élèves dans la compréhension des concepts présentés.

NOTES

[1] On peut citer à titre d'exemple la démonstration du théorème des 4 couleurs ou la découverte par Simon Plouffe de la formule BBP qui permet d'obtenir une écriture de p en base 2 et de calculer un chiffre de cette écriture sans avoir tous les précédents. Voir par exemple Le fascinant nombre p par Jean-Paul Delaye chez Belin. (Note JL)

[2] Note JL : Cette suite est définie ainsi : on prend un nombre (2003 par exemple) si ce nombre est pair, le suivant sera sa moitié (ce n'est pas le cas pour notre exemple) sinon le suivant sera la moitié de son triple augmenté de 1 (ici (3*2003+1)/2 soit 3005 et on recommence le processus, on trouvera ensuite 4508, 2254, 1127, 1691, 2537, 3806, 1903, 2855...
Il semble que quel que soit le point de départ, on arrive en un temps fini au mouvement perpétuel 1, 4, 2, 1.

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