L'informatique dans les écoles et les collèges
Arrêtés du 15 mai et du 14 novembre 1985
et lettre du ministre Jean-Pierre Chevènement
(29 octobre 1985)
Un épisode oublié
Jacques Baudé
Un exemple de plus de la politique « en dents de scie » qui est une des caractéristiques de la politique du MEN en matière d'informatique au cours des décennies. Au milieu des années 80 Nous étions en droit de penser que la fameuse « complémentarité des approches » proposée par le séminaire de Sèvres [1] et reprise par l'EPI [2] était enfin reconnue. C'était faire preuve de beaucoup trop d'optimisme. La suite va le montrer.
Alors que le séminaire de Sèvres s'était prononcé pour une pluralité des approches l'expérience des 58 lycées-collèges, sous l'égide de W. Mercouroff chargé de mission à l'informatique, donne la place prépondérante à l'outil pédagogique dans les différentes disciplines [3]. L'opération Informatique Pour Tous (IPT) maintiendra cette orientation : il s'agissait d'« Initier tous les élèves de chaque niveau d'enseignement à l'outil informatique » [4]. Même si l'option informatique des lycée, décidée en 1980 et confirmée en 1981 [5] continuait sa progression.
En 1985, le MEN va plus loin avec l'arrêté du 15 mai sur l'école élémentaire, Programmes et instructions (124 pages), dans lesquelles la priorité est nettement donnée à l'informatique au point que le président de l'EPI dans l'éditorial du Bulletin de février 1986 écrivait : « Pourquoi pérenniser l'absurde querelle entre l'informatique moyen et l'informatique objet d'enseignement ? Si cette dernière et ses implications culturelles sont évoquées dans les deux textes, celui des écoles « oublie » l'informatique instrument d'enseignement qui est seulement rappelée dans les compléments et par une note discrète de bas de page annonçant un texte ultérieur ; l'orientation même d'IPT est ainsi contestée. » [6].
Il regrette des textes « bâclés » qui déséquilibrent la complémentarité des approches, fil d'Ariane de l'association.
Alors que l'option informatique des lycées est généralisée à la rentrée 1985 [7] paraît l'arrêté du 14 novembre sur le collège - Programmes et instructions (349 pages)
La présence affirmée de l'informatique témoigne d'un réel progrès. Jusque là, pour les écoles et les collèges, les seuls textes réglementaires étaient ceux d'Informatique Pour Tous (IPT) ; pour le reste, il ne s'agissait que de circulaires, notes... hétéroclites, de portée limitée et pas toujours publiées. Par les deux arrêtés des 23 avril et 14 novembre 1985, l'informatique entre dans la scolarité obligatoire ; pour les écoles elle est même prioritaire – il est vrai qu'à ce niveau, il y a beaucoup de priorités – On passe ainsi de l'expérimental à l'institutionnel et tous les enseignants des écoles et des collèges sont concernés.
La lettre du ministre de l'Éducation nationale Jean-Pierre Chevènement, du 29 octobre 1985, adressée aux recteurs, inspecteurs d'académie, chefs d'établissements et directeurs d'écoles (BOEN n° 39 du 7 novembre, pages 2778 à 2780) reproduite ci-dessous, est beaucoup plus explicite. Le ministre distingue clairement l'enseignement de l'informatique et l'utilisation des moyens informatiques dans les disciplines. « La compréhension de l'informatique est donc inséparable de celle de ses applications. » ... « Aussi l'informatique dans l'enseignement peut-elle être envisagée selon une double perspective : comme matière d'enseignement et comme moyen pédagogique utilisé dans l'enseignement. »
Il y a 33 ans de cela.
L'informatique dans les écoles et les collèges
Quelle est la place de l'informatique dans les trois livres de poche publiés par le Ministère de l'Éducation nationale et le CNDP ? Je reproduis ci-dessous la lecture EPI publiée en 1985 [8].
École élémentaire - Programmes et instructions, 1985 (124 pages), arrêté du 15 mai 1985.
L'informatique apparaît en Français dans les instructions – « le maître n'oublie pas que la lecture se fait aussi sur un écran de télévision ou de micro-ordinateur » (p. 24). « Il initie l'enfant aux divers moyens de produire les signes (imprimerie traditionnelle, dactylographie, informatique) » (p. 26) – et dans le programme du cours moyen : « Initiation à l'écriture non manuelle : machine à écrire, machine de traitement de texte, micro-ordinateur » (p 34).
C'est en Sciences et Technologie qu'on lui trouve la plus grande place : « L'importance de l'informatique justifie qu'au cours moyen cinquante heures au moins lui soient consacrées... » (Instructions p. 51).
Le programme du cours préparatoire inclut le « pilotage des mobiles » (p. 52), celui du cours moyen les « montages électroniques (réalisations mettant en œuvre transistors, diodes, éventuellement circuits intégrés) » et les « objets et systèmes informatiques : le développement de l'informatique dans la société (transformation de l'activité professionnelle et de la vie quotidienne par la télématique, la bureautique et la productique ; problèmes sociaux et éthiques). La technologie informatique (le micro-ordinateur ; automates programmables et robots). Le logiciel (analyse et modification de logiciels simples ; début de programmation dans une perspective logistique) » (p. 55 ).
Sous le titre Informatique (Sciences et technologie) des compléments à ces programmes et instructions ont été diffusés ; ils envisagent l'informatique comme objet d'enseignement et de culture technologiques : l'exemple culturel donné en deux pages reprend une étude réalisée avant la diffusion des micro-ordinateurs dans les écoles, celle de la monnaie et de l'informatisation des banques. Pour le « début de programmation dans une perspective logistique » quatre pages d'un texte embarrassé, au vocabulaire pour le moins approximatif, (conçu « de manière à pouvoir être abordé par tous les enseignants ; néanmoins on ne tirera profit des indications suivantes qu'après une première formation ») mêlent LOGO et le modèle de l'écluse...
En outre, une note en bas de la première page rappelle qu'on peut « envisager également l'informatique comme un ensemble de moyens possibles d'aide à l'enseignement à l'intérieur des disciplines (cf. ci-dessous la lettre du Ministre du 29 octobre 1985. BOEN n° 39 du 7 novembre 1985). Un texte ultérieur abordera cette deuxième perspective ».
Collèges - Programmes et instructions, 1985 (349 pages)
Arrêté du 14 novembre 1985
Voir note n° 9.
Dans la préface le Ministre affirme sa volonté d'introduire « les dimensions nouvelles que requiert la place de l'image, de l'informatique, de la technologie dans notre société » ce que confirment les orientations et objectifs : « En raison de la précision et de la rigueur qu'exige l'analyse algorithmique, l'informatique concourt, avec toutes les disciplines à cet apprentissage (des méthodes) ». « Le travail personnel... consiste également... à utiliser les ressources documentaires et une banque de données... » (p. 19 et 22).
En Français : « L'usage des ordinateurs est ici un atout : il montre l'importance de l'orthographe et d'une présentation impeccable. »
« Outre les logiciels de traitement de texte, des logiciels sont d'ores et déjà consacrés à la consolidation de certaines connaissances grammaticales, à des inventaires de vocabulaire dans un texte, à l'analyse du texte par repérage de mots clefs et de phrases, à l'analyse et à la production de schémas narratifs, etc. En classe de français, l'ordinateur peut conduire l'élève à plus de rigueur et à des efforts d'écriture. » (Instructions pp 27 et 28).
En Mathématiques : Enseigner « en utilisant les moyens modernes de communication (informatique, banques de données, audiovisuel...) ».
C'est lorsque l'élève « programme un ordinateur pour un traitement voulu, que l'obligation de précision doit lui apparaître comme une évidente nécessité. » (Méthodes, p. 81 et 82). En classe de quatrième, le travail doit permettre « d'utiliser rationnellement des calculatrices de poche... L'utilisation d'un ordinateur peut accompagner utilement ces activités. Son usage permettra de dégager progressivement les notions de codage et d'algorithme » et en troisième : « Analyse (et construction) d'algorithmes comme suite d'instructions aboutissant à la résolution d'un problème donné. Application numérique à l'aide d'un ordinateur. » (Programmes p. 87 à 89).
En Langues vivantes étrangères : « Le professeur est invité à utiliser pleinement les ressources des technologies éducatives modernes : magnétophones et magnétoscopes, micro-ordinateur et vidéodisques. » (p. 94). En Allemand « il est possible de faire appel à des exercices informatisés » (p. 98). Pour l'Anglais, l'informatique est présente dans l'environnement linguistique des élèves (p. 113) et le professeur doit « utiliser pleinement les possibilités offertes par les techniques et les appareils modernes : magnétoscopes et magnétophones, mais aussi micro-ordinateurs et, éventuellement vidéodisques » (p. 115).
Pour l'Italien « le laboratoire de langues... et l'atelier informatique donnent à l'élève... la possibilité de se perfectionner » (p. 184).
L'informatique n'est pas citée en Sciences Physiques mais le programme de cinquième comporte l'étude des fonctions et opérations logiques (p. 261).
Les instructions en Sciences et Techniques Biologiques et Géologiques évoquent l'enrichissement des pratiques « par l'emploi de l'informatique qui permet l'assistance à l'expérimentation, la simulation expérimentale, l'exploitation des banques de données, l'apprentissage du travail personnel des élèves » (p. 271).
Pour les deux tiers de l'horaire, la Technologie est centrée « sur les domaines suivants : mécanique-automatique ; électronique et informatique industrielle ; économie et gestion comprenant l'utilisation de l'informatique et la connaissance du milieu du travail.
L'informatique n'est pas seulement un élément commun à ces domaines : dans un grand nombre de secteurs d'activités, elle offre des outils et implique des démarches que l'élève peut être amené à mettre en œuvre dans le cadre des différentes disciplines. Mais il faut aussi la considérer comme un champ scientifique et technologique propre, dont le développement a acquis une large autonomie et qui doit être identifié et enseigné en tant que tel. Il s'agit de permettre à l'élève de connaître les caractères des systèmes informatiques, de comprendre leur rôle dans le monde technologique, dans les activités de la vie quotidienne et plus généralement dans le monde contemporain.
Il s'agit moins de donner un enseignement systématique de la programmation que de permettre à l'élève d'analyser et de construire des logiciels conçus comme des objets techniques.
L'étude des solutions d'un problème déterminé est l'occasion d'expliciter les grandes étapes de son analyse et la décomposition de sa résolution par modules structurés. L'étude critique des résultats montre les difficultés et les limites d'un traitement informatique. Les exemples choisis et étudiés reflètent la diversité des systèmes informatiques : ordinateurs et périphériques usuels (sonores, graphiques, audio visuels, etc.) ; ordinateur et parties opératives de systèmes automatisés (machine-outil à commande numérique, robot, etc.) ; ordinateurs en réseau (local ou télématique), etc. » (Instructions p. 283-284).
Le programme des classes de sixième et cinquième « concerne l'ensemble des domaines : mécanique-automatique, électronique et informatique industrielle, gestion-bureautique, informatique, ainsi que le domaine libre » (p. 286). En informatique : « Identification des différents constituants d'un système informatique usuel, et des fonctions qu'ils remplissent (entrée de données, mémorisation, traitement, commande d'organes de sortie). Mise en œuvre d'un système informatique à l'aide de logiciels ou de langages spécifiques : commande d'un robot, d'une table traçante, utilisation de fichiers et de tableaux, traitement de calculs et de textes en liaison avec des problèmes technologiques ou liés à d'autres disciplines. » (p. 287-288).
En classes de quatrième et troisième : « Recours à l'informatique, à l'utilisation de matériel audiovisuel pour la représentation de pièces, d'éléments et de processus... Programmation d'une machine à commande numérique ou d'un robot sur des applications simples. » (p. 290).
« Distinction dans un système automatisé entre la commande et la partie opérative : connaissance des interfaces nécessaires à leur raccordement.
Démarche d'étude et d'analyse d'un problème de traitement des informations en vue de sa résolution à l'aide de l'informatique (problèmes administratifs et commerciaux).
Réalisation de traitements automatisés dans le cadre des projets.
Exercices simples permettant l'accès à un langage de programmation et à la connaissance des structures de raisonnement les plus courantes, dans le but de permettre aux élèves des traitements automatisés dans le cadre de projets réalisés en technologie ou en liaison avec d'autres disciplines. »
Orientations pour l'informatique dans l'enseignement
Une lettre du ministre de l'Éducation nationale Jean-Pierre Chevènement
Lettre ministérielle du 29 octobre 1985 adressée aux recteurs, inspecteurs d'académie, chefs d'établissements et directeurs d'écoles (B.O. n° 39 du 7 novembre, pages 2778 à 2780).
Cette lettre du Ministre Jean-Pierre Chevènement a été publiée dans la Revue EPI de décembre 1985 [9]. L'association soulignait à l'époque que « malgré ses imperfections et ses lacunes ce texte répond à des attentes de l'EPI. (...) Il est dommage qu'il soit si elliptique sur les formations, qu'il n'envisage pour les logiciels que la procédure d'évaluation et qu'il oublie la recherche pédagogique ». Néanmoins, les lettres ministérielles des successeurs de J.-P. Chevènement atteignirent rarement la qualité de celle-ci.
Le ministre distingue clairement l'enseignement de l'informatique et l'utilisation des moyens informatiques dans les disciplines. : « La compréhension de l'informatique est donc inséparable de celle de ses applications » ... « Aussi l'informatique dans l'enseignement peut-elle être envisagée selon une double perspective : comme matière d'enseignement et comme moyen pédagogique utilisé dans l'enseignement. »
La complémentarité des approches semble avoir gagné les esprits au plus haut niveau.
C'était il y a 33 ans.
BOEN n° 39 du 7 novembre 1985. Le ministre de l'Éducation nationale aux recteurs, inspecteurs d'académie, chefs d'établissements et directeurs d'écoles :
« Je précise les orientations retenues pour le développement de l'informatique dans l'enseignement élémentaire et secondaire. La mise en oeuvre des programmes et instructions pour chaque niveau s'inscrit dans ce cadre général.
1 - Objectifs généraux
L'informatique constitue l'une des plus importantes évolutions scientifiques et technologiques du monde contemporain. Dérivée des mathématiques et de l'électronique, elle a acquis un développement autonome et possède aujourd'hui son propre corps de doctrine.
D'autre part, l'informatique, en fournissant des instruments opérationnels de traitement de l'information et de représentation des connaissances, permet de prolonger la pensée et l'action de l'homme.
La compréhension de l'informatique est donc inséparable de celle de ses applications multiformes à l'industrie, aux services et à tous les secteurs de l'activité humaine : calcul, gestion, commande de machines, conception assistée par ordinateur, systèmes experts, banques de données, etc.
Au cœur des changements technologiques qui interviennent dans nos sociétés, l'informatique modifie dans tous les secteurs, non seulement la nature, l'organisation et les conditions de travail, mais aussi les relations humaines. C'est un phénomène social et culturel que l'école est appelée à intégrer activement. Le système éducatif doit prendre en compte cette réalité complexe de diverses manières. Former les spécialistes dont le pays a besoin est une première nécessité ; le plan en cours concernant la « filière électronique » prévoit à la fois l'expansion des formations d'informaticiens et l'adaptation de nombreuses formations technologiques et professionnelles.
L'effort entrepris aujourd'hui est plus large : il vise à anticiper l'évolution des emplois et des qualifications, et à faciliter l'accès de chacun à une culture technologique moderne fondement indispensable de la culture qui doit être commune à tous. Le plan Informatique Pour Tous a permis un équipement informatique sans précédent de l'ensemble des établissements scolaires (machines et logiciels). Il est possible grâce à lui de faire franchir à l'école française un pas très important.
Il est indispensable pour cela d'assurer la cohérence du développement des technologies nouvelles avec les fondements de la politique suivie en matière de programmes. Deux principes doivent guider l'action entreprise. Il s'agit, d'une part, de la prééminence des disciplines et des connaissances qu'elles transmettent : ce premier fondement a comme conséquence le caractère obligatoire des programmes. Il convient, d'autre part, d'assurer la liberté de choix des méthodes et démarches pédagogiques, tant par refus des dogmatismes pédagogiques qu'en raison de la nécessité de s'adapter aux rythmes et à la diversité des élèves.
Aussi l'informatique dans l'enseignement peut-elle être envisagée selon une double perspective : comme matière d'enseignement et comme moyen pédagogique utilisé dans l'enseignement.
2 - Les contenus de l'enseignement de l'informatique (objectifs de connaissances)
Les connaissances qui doivent être acquises par les élèves au cours de leur scolarité s'organisent autour de trois grands axes :
Découverte et pratique des systèmes informatiques, de leurs différents composants (matériels et logiciels) et des fonctions qu'ils assurent : l'enseignement prendra en compte la diversité de ces systèmes (périphériques divers, robots, banques de données, etc.).
Concepts, structures et méthodes de base de l'informatique : l'enseignement dégagera l'importance fondamentale des méthodes d'analyse et de programmation qui constituent l'apport le plus spécifique et le plus fécond de l'informatique à la démarche scientifique.
Mise en œuvre et réalisation d'applications ; leurs conséquences économiques et sociales. Cette partie de l'enseignement permettra de situer l'informatique dans l'environnement économique et social, d'évaluer ses conséquences et d'examiner les problèmes éthiques et politiques qu'elle peut engendrer. Ces différents aspects sont introduits dans l'enseignement général ; ils figurent au programme du cours moyen à l'école élémentaire, du cours de technologie et d'autres disciplines – notamment mathématiques – au collège, de l'option informatique - en liaison avec les autres disciplines - au lycée.
Ils concernent également l'enseignement technique ; la compréhension et l'appropriation des outils informatiques est en effet partie intégrante des préparations professionnelles.
3 - L'informatique au service de l'enseignement
L'informatique doit également être envisagée comme un ensemble de moyens possibles d'aide à l'enseignement à l'intérieur des disciplines. Ces moyens sont divers et relèvent de principes épistémologiques et pédagogiques différents :
certains sont destinés à aider des actes pédagogiques simples, comme ceux où l'exercice, la répétition, le renforcement ou le contrôle des apprentissages ont une place prépondérante ;
d'autres font davantage appel à l'activité et à l'imagination de l'élève et viennent enrichir la panoplie des modalités d'accès à la connaissance : logiciels illustratifs et de simulation, logiciels permettant le pilotage d'instruments de laboratoire, de parties opératives, ou de moyens audiovisuels, etc.
de nombreux logiciels utilitaires (traitement de textes, gestions de fichiers, tableaux, dessin assisté par ordinateur, etc.) peuvent - en l'état original ou après adaptation - rendre des services pour la langue écrite, la géométrie ou le calcul ;
certains langages enfin, tel LOGO, permettent de mettre en oeuvre des démarches originales de construction des savoirs et de formation du raisonnement.
Il conviendra de veiller à ce que, loin de devenir un facteur supplémentaire d'inégalité entre les élèves, l'emploi des moyens informatiques favorise au contraire la réduction des écarts qui peuvent exister entre eux. En effet ces outils devraient permettre, dans la perspective d'une pédagogie différenciée, de prendre en compte les rythmes différents des élèves, en particulier de ceux qui ont des difficultés, élèves handicapés ou en situation d'inadaptation scolaire.
On se souviendra, dans tous les cas, que ce qui est décisif, plus que le logiciel lui-même, c'est la manière dont il est mis en œuvre. Il faut donc souligner que le choix du logiciel et de son utilisation appartient au maître, qui doit en faire un élément parmi d'autres de sa démarche pédagogique.
L'informatique permet aux classes et aux établissements de communiquer d'une manière nouvelle. La télématique permet la transmission d'informations et de logiciels réalisés par les enseignants et les élèves. L'initiative individuelle est ainsi valorisée par l'échange collectif.
Pour exercer efficacement cette responsabilité, l'enseignant pourra s'appuyer :
sur un dispositif de formation diversifié, présent dans chaque académie, qui doit lui permettre d'acquérir la maîtrise intellectuelle et pratique de ces nouvelles technologies ;
sur une évaluation des logiciels, mise en place progressivement sur le plan national et relayée au plan local par les différentes instances de formation et d'inspection ; cette évaluation portera sur le contenu scientifique des logiciels et les démarches qu'ils impliquent ; elle a pour but d'éclairer et d'aider les maîtres dans leurs choix. »
Jean-Pierre Chevènement |
Tout était dit ou presque. Malheureusement, les ministres suivants s'empresseront d'oublier ces bonnes résolutions. La priorité sera ensuite donnée, pendant deux décennies, à l'utilisation mal maîtrisée des « outils » logiciels dans les disciplines. Cette erreur de prospective conduira notamment à la disparition de la démarche Logo à l'école, à celle des heures d'informatique « fléchées » au collège et à la double suppression de l'option informatique des lycées.
La complémentarité informatique-objet vs informatique-outil, proposée par le séminaire de Sèvres en 1970 , sera oubliée dans l'enseignement général jusqu'à la fin de la décennie 2010.
Mais il est devenu impossible, au XXIe siècle, de faire comme si la science informatique ne s'imposait pas dans la culture générale au même titre que la physique ou la biologie.
Notre pays a besoin d'informaticiens compétents (voir notamment le déploiement de l'IA) mais aussi de citoyens au fait des concepts de base de l'informatique pour une utilisation professionnelle et citoyenne du numérique. Compte tenu du poids de la formation initiale, ces compétences doivent s'acquérir, à des degrés divers, le plus tôt possible [10].
Septembre 2018
Jacques Baudé
Secrétaire général puis président de l'EPI de 1981 à 1995.
Président d'honneur de l'EPI.
jacquesbaude@free.fr
Cet article est paru dans la rubrique « Histoire » de 1024, Bulletin n° 12 (juin 2018) de la Société Informatique de France :
https://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2018/06/1024-no12-Histoire.pdf
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
NOTES
[1] http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2017/10/1024-no11-Baude.pdf
[2] http://www.epi.asso.fr/revue/01/b01p001.htm
[3] http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2014/10/1024-4-baude.pdf
[4] http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2015/04/1024-5-baude.pdf
[5] http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2014/02/1024-2-baude.pdf
[6] http://www.epi.asso.fr/revue/41/b41p003.htm
[7] http://www.epi.asso.fr/revue/histo/h10oi_jb2.htm
http://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b46p032.pdf
[8] https://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b41p017.pdf
[9] http://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b40p039.pdf
[10] Contribution de l'EPI à la mission de concertation sur la réforme du baccalauréat et du lycée :
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1801c.htm
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