QUELS NOUVEAUX ENVIRONNEMENTS DE TRAVAIL ? Alain Élie Le texte qui suit est structuré en quatre parties. D'abord, il fournit des éléments de contexte. Puis il fait écho aux interventions de participants exposant leur expérience. Une synthèse du débat est ensuite présentée. Enfin, une annexe présente une expérience visant à équiper les élèves avec des ordinateurs portables. 1. CONTEXTE Le temps n'est plus où un plan d'équipement informatique était élaboré au niveau national et appliqué, localement, de façon uniforme dans tous les lycées et collèges de France. Aujourd'hui, les lois de décentralisation délèguent en partie aux collectivités locales la responsabilité de l'acquisition des matériels ; les crédits sont déconcentrés et, dans le cadre des projets d'établissement, les pouvoirs des établissements scolaires renforcés. On constate donc, selon les régions, les départements et les académies, une grande diversité dans la politique d'intégration de l'informatique dans l'enseignement ; les établissements scolaires, quant à eux, présentent des situations très disparates qui sont la résultante des décisions régionales et académiques et des priorités du projet d'établissement. Cependant, on pressent, à un certain nombre d'indices, qu'une évolution sensible et rapide dans ce domaine est en route : importance du nombre de logiciels acquis directement par les établissements, accélération du câblage et de la mise en réseau des établissements, processus d'intégration raisonné des technologies récentes (CD-ROM, micro-ordinateur portable...), pratiques pédagogiques qui trouvent leur « écosystème »... Nous sommes arrivés à une étape où il ne s'agit plus de se demander s'il est opportun ou non d'introduire ces nouvelles technologies dans l'enseignement : elles font maintenant partie du monde scolaire, mais de façon encore insuffisante si l'on veut que l'école ne soit pas coupée de la vie quotidienne et du monde industriel et commercial qui sera demain le monde professionnel de nos élèves. De plus, partout où ces nouvelles technologies ont été introduites, dans des conditions satisfaisantes, elles sont largement utilisées et on constate que l'environnement nouveau qu'elles créent suscite attitudes nouvelles chez les élèves comme chez les enseignants et l'équipe administrative, éveille des aptitudes nouvelles chez les élèves et ouvre, grâce aux banques de données et aux logiciels de simulation, des perspectives inaccessibles jusque là aux élèves et à leurs enseignants. Mais pour que cet environnement nouveau ne soit pas réduit au rôle d'un simple gadget et ne constitue pas une fin en soi mais devienne véritablement un outil au service de l'enseignement, il est un certain nombre de conditions à définir et à respecter. La formation des enseignants dans ce domaine est la première de ces conditions nécessaires. Mais quel contenu de formation permettra de faire apparaître clairement les objectifs de l'informatique pédagogique et en favorisera une utilisation adéquate ? Au cours de l'atelier, certains participants ont exposé des situations où l'introduction de l'informatique a créé un environnement nouveau qu'ils ont observé malgré les difficultés matérielles souvent rencontrées, cet environnement se révèle le plus souvent propice à une évolution positive des pratiques et des comportements. 2. EXPÉRIENCES EXPOSÉES Quatre expériences ont été relatées : trois sont des études de cas relatives à la situation dans des collèges et la quatrième traite d'une expérience lancée en Lettres par la Direction des Lycées et Collèges. 2.1. Collège de Montpon (Dordogne) : Il s'agit d'un collège rural, dans un milieu pauvre, sinistré sur le plan industriel. L'environnement informatique est constitué du câblage de l'établissement, qui permet le fonctionnement d'un réseau informatique et d'un réseau vidéo. La création de cet environnement de technologie moderne a eu pour conséquence :
Au cours du débat qui s'engage, M. Virfléau précise que :
2.2. Collège de Montmorillon : Ce collège, en matière d'informatique pédagogique, a un passé expérimental. Il commence, avec la DLC 15, une nouvelle expérience : dans une classe de 4e, chaque élève a reçu un portable qu'il aura à sa disposition 24 heures sur 24. Les cinq enseignants de l'équipe pédagogique qui participent à l'expérience (Français, Maths, Biologie, Technologie, Anglais) sont dotés du même matériel. Les élèves ont des logiciels performants : Works 2, Windows 3 et des logiciels disciplinaires. L'expérience se poursuivra en 3e avec la même équipe pédagogique et les mêmes élèves. Aucune formation à l'informatique n'a été donnée a priori : les explications seront données à la demande et toujours en situation. L'expérience a pour but d'observer et d'analyser les modifications entraînées dans le comportement des enseignants et des élèves par ce nouvel environnement, les effets (positifs et/ou négatifs), les conditions pour une utilisation optimale. 2.3. Collège de ZEP de la Courneuve : C'est un collège difficile, où un élève sur deux seulement a en 6e les compétences requises en lecture. Le projet d'établissement a donc pour objectif l'amélioration des compétences en lecture des élèves du collège. Le CDI a été informatisé : il y a trois postes pour l'instant (un poste de consultation équipé aussi d'un traitement de texte et d'un grapheur avec tableur, un poste pour la consultation du CD-ROM, un lecteur de vidéodisques). Ce nouvel environnement a suscité :
2.4. L'utilisation collective de l'ordinateur au cours de Français : Treize équipes de professeurs de lettres de collège et de lycée, enseignant de la 6e aux classes préparatoires, ont reçu en dotation en décembre 1989 à l'initiative de la Direction des Lycées et Collèges (bureau DLC 15) un ordinateur portable, un lecteur de CD-ROM et une tablette de rétroprojection qui permet, avec un rétroprojecteur, de projeter sur grand écran l'écran de l'ordinateur, visualisant ainsi à toute la classe ce qui se passe sur l'écran. Avec ce dispositif, l'ordinateur devient, un outil au service de l'enseignement, disponible à loisir en fonction des besoins, pour un travail collectif. Le choix d'un portable est important : il permet de déplacer le dispositif d'une salle à l'autre et les enseignants peuvent l'emporter chez eux pour préparer leur travail. Les trois principaux outils utilisés dans cette utilisation collective en lettres sont : le dictionnaire électronique, le traitement de texte et les logiciels de lexicométrie. Ne seront évoqués ici que les deux premiers. Le professeur dispose en permanence, dans sa salle de classe, de la possibilité de consulter le dictionnaire Le Grand Robert de la langue française dont les neuf volumes se trouvent sur le CD-ROM Le Robert électronique. Ses possibilités d'emploi sont multiples, de la recherche d'un synonyme à l'exploration d'une notion, et dépassent largement, l'utilisation du dictionnaire imprimé que les établissements scolaires ne possèdent d'ailleurs pas... L'apprentissage de la recherche dans le dictionnaire, qui était si difficile à mener à bien, se fait aisément à l'aide de ce dispositif et les élèves prennent l'habitude d'avoir recours naturellement à cet outil de base pour le travail en français. Avec le traitement de texte, c'est tout le travail sur le texte qui se trouve facilité, et en particulier l'activité d'apprentissage de la rédaction. Il rend possible de montrer clairement aux élèves, en faisant le travail avec eux, les méthodes qui permettent d'améliorer l'expression d'une idée, l'organisation d'un devoir, par exemple. Il joue ainsi un rôle très important dans l'apprentissage des méthodes puisqu'il permet une mise en oeuvre, devant les élèves et avec eux, de l'exercice, ce qui fait bien ressortir le processus de réalisation. Il autorise une pédagogie prenant en compte l'erreur, la recherche par corrections successives. L'outil informatique, ainsi utilisé, devient un instrument, au service de la pédagogie, qui rend possible des activités irréalisables sans lui et en facilite d'autres, très importantes dans le travail de l'enseignant de lettres, comme l'écriture collective (compte rendu, résumé, élaboration d'une synthèse, résumé, etc.) par exemple. Avec ce dispositif d'utilisation collective, l'ordinateur est réellement mis au service de l'enseignement. 3. LE DÉBAT Le débat a permis d'aborder un certain nombre de problèmes liés aux nouveaux environnements technologiques ; il a porté sur quatre points principaux. 3.1. La place et le rôle des outils de traitement de l'information et de la communication dans les activités scolaires des élèves Quels outils seront demain dans le cartable de l'élève ? C'est la première question que le groupe s'est posée. Les participants ont ensuite longuement discuté, dans l'hypothèse d'une prise en compte de ces technologies modernes dans les programmes et les méthodes pédagogiques, des conséquences qui en résulteront sur le travail de l'élève dans le suivi du cours, dans sa façon de prendre des notes par exemple, dans son travail à la maison, dans ses recherches de documentation au CDI ou tout autre lieu, dans la vie scolaire en général (existence d'un journal d'établissement télévisé, télématique ou papier). 3.2. La place des outils de traitement de l'information et de la communication dans l'activité professionnelle des enseignants Deux points ont été particulièrement mis en évidence, qui peuvent constituer des pistes de réflexion, d'expérimentation, de recherche :
3.3. L'évolution de l'espace informatique II y a remise en question de l'existence unique de la salle informatique, la présence de l'ordinateur est sentie comme de plus en plus nécessaire, non seulement au CDI, mais dans toutes les salles de classe (en poste fixe ou en poste mobile) et en salle de professeurs. L'existence de lieux où les professeurs puissent préparer individuellement ou collectivement les cours a été également évoquée. Deux questions essentielles semblent devoir par ailleurs être posées :
3.4. La formation des enseignants Comment prendre en compte cette évolution technologique dans la formation des enseignants ? Quels éléments de formation initiale sont nécessaires ? Quelle formation assurer pour les personnels en place ? Telles sont quelques-unes des questions qui ont été posées. ________________________ Un portable pour chaque élève en classe de quatrième 1. Le contexte Le collège Jean Moulin de Montmorillon pratique depuis de nombreuses années une politique constante d'innovation pédagogique et plus particulièrement dans 1e domaine de l'informatique pédagogique. Quelques dates :
Au travers de divers ateliers, la moitié des élèves du collège utilise un ordinateur pour une activité scolaire. Ainsi, en 1990-1991, quatre numéros d'un journal scolaire ont été entièrement réalisés avec des moyens informatiques (traitement de texte et PAO). Les élèves et leurs professeurs peuvent utiliser :
2. Le nouvel équipement informatique Profitant des acquis de ces expériences, une équipe d'enseignants a déposé, en mai 1991, un projet pour étudier les conséquences de la mise à disposition d'un élève de collège d'un micro-ordinateur portable, véritable « cartable électronique ». Ce projet a été retenu par DLC 15 pour une expérimentation nationale 1991-1993. Ainsi chaque élève d'une classe de 4e (26 élèves, tous volontaires) et les cinq professeurs concernés (français, mathématique, anglais, sciences naturelles, technologie), ont reçu un micro-ordinateur portable. Cet équipement informatique sera en permanence à leur disposition : en cours, en étude, chez eux... jusqu'en juin 1993 (fin de la classe de 3e). Le matériel retenu (type « notebook » 386) est équipé :
Les élèves pourront également utiliser un ensemble de logiciels disciplinaires. Un équipement complémentaire (dotation du Conseil Général de la Vienne) va être prochainement mis en place au CDI :
3. Les objectifs L'équipe expérimentale se propose d'étudier les impacts sur la réussite scolaire, sur le travail personnel et sur la maîtrise de l'écrit, liés à la mise à disposition permanente de ces outils informatiques nouveaux. Au début des années 1970, les calculatrices de poche sont apparues. Des expériences ont été mises en place pour rechercher des exemples d'utilisation et dégager des thèmes de travaux intégrant ce nouvel outil à la pratique des enseignants. Ces expériences se sont heurtées à de nombreuses difficultés :
Qu'en est-t-il 20 ans après ?
Avec la miniaturisation des micro-ordinateurs et l'arrivée des portables, il est vraisemblable que d'ici cinq ans les lycéens et peut-être les collégiens seront équipés de ce « cartable électronique ». Il est donc nécessaire d'étudier les conditions de mise en oeuvre de ce nouvel environnement de travail et de dégager des pratiques pédagogiques. 4. Le dispositif expérimental La collaboration du Laboratoire de Psychologie du Langage de l'Université de Poitiers a été sollicitée pour l'observation de cette expérimentation. Ainsi ce Laboratoire suit (en collaboration avec le DESS « Enfance et Société ») l'expérience mise en place en 4e 1 (classe équipée) et en 4e 2 (classe témoin non équipée). Ce travail doit permettre une évaluation précise des effets de la mise à disposition permanente d'ordinateurs portables auprès des élèves. Parallèlement à l'innovation pédagogique que constitue cette démarche, il y a là l'occasion d'une recherche importante, car très rarement réalisée de façon aussi complète, y compris à l'étranger. La validation d'un investissement matériel non négligeable apparaît en effet très souhaitable. La démarche expérimentale qui a été planifiée implique des évaluations de certaines capacités et attitudes des élèves, avant et après l'introduction des ordinateurs et ce dans les deux classes (démarche pré et post-test, avec groupe témoin) ; elle implique aussi des entretiens avec des utilisateurs. Enfin la production d'un document vidéo a été entreprise en collaboration avec l'Office Audio Visuel de l'Université de Poitiers. Il veut rendre compte de la mise en place de cette expérimentation, des réactions des utilisateurs (élèves mais aussi enseignants, parents d'élèves) avant et après l'arrivée des ordinateurs, des premières impressions après deux mois de pratique. Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants ; actes du colloque des 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, édités par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé ; coédition INRP-EPI, 1992, ___________________ |
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