Comité Scientifique National Rapport destiné à Monsieur Michel Lucius, BILAN DE SIX ANNÉES D'EXPÉRIMENTATION Rédigé par Monique Grandbastien INTRODUCTION Ce rapport est rédigé au terme de six années d'expérimentation d'un enseignement optionnel d'informatique dans le second cycle long des lycées. Il est le cinquième produit par le Comité Scientifique National chargé, auprès du directeur des lycées, puis du directeur des lycées et collèges, du suivi et de l'évaluation de cette expérience. Il rend compte de l'activité de ce Comité durant les années scolaires 1985/1986 et 1986/1987, met en évidence les caractères originaux de cet enseignement et les facteurs jugés nécessaires à son bon développement, enfin reprend et complète des interrogations plus générales sur l'informatique dans le système éducatif souvent déjà formulées dans les précédents rapports, mais qui ne semblent pas avoir encore reçu de réponse satisfaisante. Cette expérimentation a permis de proposer un ensemble complet et cohérent de programmes pour les classes de seconde, première et terminale, aujourd'hui tous publiés au BOEN, d'élaborer des documents pédagogiques reflétant des pratiques riches de la diversité des travaux académiques et de définir les modalités d'une épreuve au baccalauréat. À l'heure du bilan, il nous semble important d'insister dès cette introduction sur l'essentiel, l'introduction d'une discipline nouvelle et originale dans l'enseignement général des lycées, comme l'une des réponses du système éducatif au formidable défi que l'informatique a lancé à nos sociétés en cette fin de siècle. L'existence officielle d'une enseignement optionnel facultatif d'informatique pour les élèves de lycée, comportant une épreuve au baccalauréat, nous paraît avoir valeur de symbole, même si beaucoup reste à faire pour l'intégration de l'informatique dans les disciplines obligatoires. C'est un symbole, à la fois à cause de la marque profonde des interrogations et des inquiétudes que l'informatique suscite dans la vie de nos contemporains et aussi à cause du caractère quasi mythique du baccalauréat dans notre système éducatif. Une page nouvelle vient de s'ajouter au grand livre de l'éducation de ce pays, que tous ceux qui en ont été les artisans, notamment tous les enseignants de ces années expérimentales, en soient ici remerciés. 1. ACTIVITÉ DU COMITE SCIENTIFIQUE NATIONAL Le Comité s'est donné pour objectifs d'étudier le terrain expérimental grandissant, d'élaborer et de rédiger les programmes qui fixent des objectifs, des contenus et des modalités de validation pour cette option informatique, et enfin de faire des propositions au Directeur des Lycées et Collèges pour les développements de cette option. Il a tenu pour cela une dizaine de réunions de travail et participé à des rencontres plus largement ouvertes. a) Observation du terrain expérimental L'observation du terrain expérimental a été menée à partir des deux enquêtes de rentrée (1985, 1986) réalisées par la Direction des Lycées, des réunions de coordinateurs académiques, des journées d'études tenues à Sèvres, des comptes-rendus établis par des enseignants de l'option pour publication dans le bulletin « Options Informatiques » et de l'expérience personnelle de certains membres du Comité, eux-mêmes impliqués dans des actions d'animation, de formation ou de recherches avec des enseignants de leur académie. L'analyse de l'enquête de rentrée 1986 annexée à ce rapport dresse un tableau complet du double point de vue des élèves et des professeurs, nous y renvoyons le lecteur et attirons simplement son attention sur le fait que l'impression globalement satisfaisante qui se dégage de telles enquêtes ne doit pas cacher l'existence de certaines situations aberrantes qu'il faudra s'attacher à faire disparaître. Les informations générales recueillies ces deux dernières années confirmant celles des années précédentes, nous les rappelons ici en soulignant les points qui nous paraissent largement positifs et ceux qui restent ou deviennent négatifs. Il ne faut pas s'étonner de trouver parfois les mêmes rubriques dans les deux catégories, cela dépend du point de vue que l'on adopte ou signifie seulement que ce qui est réalisé dans certaines académies et dans certains établissements ne l'est pas dans tous. Des données plus nouvelles relatives notamment à l'évaluation des élèves et aux travaux menés dans certains centres de formation longue d'enseignants sont présentées dans le paragraphe suivant. Points positifs
Points négatifs
b) Programmes et épreuve au baccalauréat Le processus de large concertation mis en oeuvre pour l'élaboration du programme de seconde a été reconduit pour ceux de première et de terminale. Ce processus consiste à envoyer des projets de programmes aux académies en début d'année scolaire, à permettre aux enseignants de les étudier et d'en débattre, de formuler leurs critiques, leur expérience, leurs propositions. L'ensemble des remarques recueillies est discuté lors des journées nationales de Sèvres au cours desquelles de nouvelles explications sont données et un consensus recherché. Le CSN prend alors acte des accords, arbitre sur les points où des divergences ont subsisté et propose un texte définitif au directeur des lycées et collèges. Le CSN a ainsi pu proposer des textes bénéficiant d'un large accord de la, communauté enseignante, ce qui est à l'évidence un facteur favorable à leur bonne application. Il a pu largement expliquer les choix qu'il avait été amené à faire, mais il sait qu'en matière d'éclairage à apporter aux enseignants sur les programmes, le travail n'est jamais fini, et il faudra multiplier les occasions (rencontres, formations, documents officiels, publications) à partir desquelles chacun sera mieux informé des objectifs de cet enseignement optionnel et de la façon dont il peut atteindre ces objectifs avec ses élèves dans un contexte donné. En ce qui concerne la proposition d'épreuve au baccalauréat qui a reçu l'approbation du CNESER, nous tenons à signaler, en accord avec une majorité d'enseignants de l'option, que nous aurions souhaité faire une place au contrôle continu, pour prendre explicitement en compte l'importance de l'activité de construction de projets dans l'option. C'était notre première proposition, celle qui résultait du travail mené avec les expérimentateurs ; les services de la DLC l'ont jugée trop complexe et nous avons été amenés à ne conserver que la partie « épreuve écrite traditionnelle » de cette première proposition, en l'assortissant de conseils aux concepteurs de sujets et aux correcteurs. L'informatique n'est évidemment pas la seule touchée par ce problème, mais elle est une discipline de plus qui vient s'y heurter. Il nous semble urgent de réfléchir à une meilleure prise en compte de certaines activités des élèves et donc de certaines capacités au moment de la validation terminale que constitue le baccalauréat. Sinon, il y a inévitablement « effet pervers » de l'épreuve d'examen qui induit un mode d'enseignement orienté vers la préparation à cette épreuve. Nous espérons que l'attrait que les projets représentent pour les élèves, leur intérêt pédagogique, les traditions d'enseignement qui se sont créées autour de l'option nous permettront de préserver les pratiques actuelles, en attendant qu'une meilleure solution soit trouvée en matière de validation. II. L'OPTION, CARACTÉRISTIQUES ET FACTEURS DE DÉVELOPPEMENT Les caractères principaux de cet enseignement ont souvent été décrits, notamment dans la présentation des programmes. Il nous semble donc inutile de les rappeler ici et nous paraît plus important, dans ce rapport, d'insister sur les thèmes qui doivent continuer à faire l'objet d'un travail précis, souvent urgent, si l'on veut assurer à l'option informatique un développement satisfaisant, dans lequel les efforts et les moyens de la phase expérimentale puissent porter tous leurs fruits. Le point le plus important est celui de la formation des enseignants. Viennent ensuite l'analyse des contenus et pratiques pédagogiques, l'évaluation des élèves, les problèmes de matériels et de logiciels. Avant de développer chacun de ces points, nous devons souligner que tout ce dispositif a avant tout besoin de stabilité et de durée, et qu'il en a manqué ces dernières années. On ne savait pas si l'expérimentation conduirait à une généralisation ; une fois la décision prise, la nouvelle grille d'options en lycée (décembre 1986) aujourd'hui retirée a, une fois encore, semé le doute. Les enseignants ont besoin de recevoir de l'institution l'assurance que leur travail n'est pas vain et qu'ils auront les moyens de le mener à son terme ; on sèmerait en l'oubliant une amertume difficile à dissiper. a) La formation des enseignants C'est, nous l'avons dit, un facteur essentiel pour le bon développement de cette option. Il a plus que tout autre besoin de la durée ; l'investissement en formation d'enseignants est un investissement à long terme, un dispositif académique atteint rarement son régime de croisière en une année. Jacques Arsac est chargé d'une mission spécifique sur ce thème auprès de l'Inspection Générale. Le Comité s'en réjouit et ne fait pas dans ce rapport des propositions techniques concernant la formation des enseignants. Il tient cependant à rappeler certaines exigences déjà formulées et qui figurent d'ailleurs dans le cahier des charges d'ouverture d'une option. Le niveau requis pour enseigner dans l'option correspond à celui atteint après au moins un an d'études supérieures en informatique (niveau licence). Cette formation doit être complétée sur le plan de la pédagogie de l'informatique et actualisée chaque année pour tenir compte de la rapide évolution de la discipline. Il faut notamment faire face à l'apparition permanente de nouveaux outils dont certains devront être utilisés avec les élèves. La solution actuelle d'une seconde compétence pour les enseignants de cette option donne satisfaction à la fois sur le plan administratif (possibilité de répartir entre plusieurs enseignants un horaire faible) et sur le plan pédagogique (équipe pluridisciplinaire, expériences et approches différentes, applications diverses). Il faut toutefois que cet enseignement ne pénalise pas, du point de vue de leur carrière, ceux qui le dispensent ; les efforts accomplis devraient plutôt leur apporter des bonifications. Elle doit donc s'accompagner d'un dispositif clair de validation des compétences, qui permettra de plus une application sans équivoque du cahier des charges. Les mécanismes de formation et de validation mis en place dans les académies doivent prendre en compte d'une part le problème des enseignants exerçant actuellement dans l'option, d'autre part celui de la formation d'un nombre suffisant de nouveaux enseignants, sachant qu'il faudra ensuite résoudre la question du mouvement et de l'affectation de ces enseignants en fonction des besoins. Enfin la formation être ouverte à la fois aux professeurs en exercice désireux d'acquérir cette compétence seconde, et aux futurs enseignants, pour résoudre à terme l'épineux problème du remplacement des enseignants en stages de formation. Sur la formation des enseignants, une dernière remarque s'impose. Cette formation fait en grande partie appel aux compétences de l'enseignement supérieur. La résolution de la question de la formation initiale et continue des enseignants à l'informatique suppose donc qu'il y ait une démarche explicite en ce sens de la Direction des lycées et collèges à la Direction des enseignements supérieurs, un travail commun des deux Directions aboutissant à une prise de conscience de l'enjeu, à une ferme volonté du supérieur de répondre à cette demande comme on répond à la demande en matière de formation professionnelle, notamment en incluant ces formations dans les services à assurer prioritairement par les enseignants. Une telle formation doit être nourrie par une recherche active sur la didactique de l'informatique, avec la participation des enseignants de tous niveaux. Les centres de Formation des enseignants à l'informatique et à ses applications pédagogiques (CFIAP) fonctionnent actuellement sur la base d'une simple convention annuelle rectorat-université. Cette situation précaire ne favorise pas les investissements intellectuels et techniques sur la formation ou la recherche didactique en informatique. Il est nécessaire que ces centres soient rapidement érigés en composantes normales des universités. Une tâche de cette envergure ne peut continuer à reposer sur la bonne volonté de quelques universitaires qui animent aujourd'hui les centres de formation à l'informatique, mais sont de moins en moins nombreux à se consacrer à ces tâches. b) Contenus et pratiques pédagogiques Le travail sur les objectifs et contenus proposés dans les programmes doit être poursuivi et affiné, notamment pour mieux expliciter chaque alinéa de programme en termes d'objectifs et permettre ensuite à chacun de voir si de nouvelles pratiques, de nouveaux logiciels permettent d'atteindre les mêmes objectifs. En résumé, si les objectifs de cet enseignement ne semblent pas devoir être remis en cause dans l'immédiat, il est urgent de mieux les expliciter, afin de répondre à une demande grandissante de diversification pédagogique qui se manifeste chez les enseignants ; cette demande est induite par l'inflation des outils disponibles et la seule réponse possible est celle d'un cadre auquel chacun doit se référer. Des travaux entrepris en ce sens, notamment à Toulouse, doivent être encouragés et leurs résultats diffusés dès qu'ils auront atteint un degré de maturité suffisant. Ce travail doit être poursuivi également pour permettre des expérimentations nouvelles, anticiper sur les évolutions de l'informatique et être prêt, le moment venu, à proposer les aménagements qui deviendront nécessaires dans les programmes actuels. Il doit enfin servir à déceler et faire connaître les méthodes et outils qui méritent une diffusion large, académique ou nationale. L'atelier sur l'enseignement aux élèves de seconde, les interrogations des professeurs sur les méthodes à utiliser, ont montré, si besoin était, que dans ce secteur chacun défriche des terres encore vierges, et qu'au fur et à mesure que des constantes se dessinent, les caractéristiques de la population scolaire changent (élèves ayant un micro-ordinateur à la maison, ayant eu une initiation au collège) et exigent de nouvelles investigations. Considérer que les acquis de la phase expérimentale suffisent serait une grave erreur ; il faut au contraire être pleinement conscient du fait que dans ce secteur la vitesse de croisière est loin d'être atteinte. c) Évaluation des élèves Depuis deux ans, le Comité a proposé ce thème de travail aux enseignants. Il nous a semblé important pour deux raisons : l'une était la forme de validation terminale que nous avions à proposer pour le baccalauréat ; l'autre tenait à la forte hétérogénéité des élèves de seconde, et donc à la nécessité de leur proposer des parcours différenciés et des étapes d'évaluation sur ces parcours. On pourrait en ajouter une troisième : des documents d'évaluation échangés entre enseignants sont une occasion supplémentaire de mettre en évidence l'interprétation qu'ils font des programmes et de les interroger sur les capacités qu'ils veulent développer chez leurs élèves et sur les moyens qu'ils se donnent pour y parvenir. En ce qui concerne le baccalauréat, plusieurs académies ont expérimenté des épreuves de styles différents. L'analyse de ces épreuves, de leur facilité de mise en oeuvre, de leur adéquation à vérifier que les objectifs fixés à l'option ont été atteints, ont conduit le Comité à proposer un texte, avec les réserves émises au paragraphe précédent. La version antérieure de ce schéma avait été fournie aux académies, certaines d'entre elles ont donc pu s'en inspirer pour organiser des épreuves et donc doter la collectivité d'annales avec remarques des correcteurs, qui devraient permettre de mettre en place dans de bonnes conditions l'épreuve de 1988. Il faudra cependant rester vigilant pendant les premières années, pour éviter dérives et surenchères, pour donner un maximum d'informations aux enseignants et de recommandations aux commissions académiques de correction. L'épreuve n'a été expérimentée que dans quelques académies, toutes les autres auront à faire face à un travail nouveau et à accueillir les candidats libres, même si elles ont encore peu d'élèves en terminale. À propos de l'évaluation des élèves au cours des trois années, la réflexion à mener concerne évidemment la corrélation entre les exercices proposés par les enseignants (on en a maintenant une banque relativement riche et variée), et les capacités ou connaissances que ces exercices doivent révéler. Cette démarche n'est pas toujours généralisée dans les autres disciplines, il ne faut donc pas s'étonner qu'elle pose problème en informatique ; il nous semble cependant important de profiter de la nouveauté de notre enseignement pour y instaurer des pratiques saines en matière d'évaluation. d) Matériels et logiciels L'enseignement de l'option informatique ne peut se faire sans matériels et logiciels. S'agissant d'une discipline d'enseignement général, les équipements semblent être à la charge de l'État, ce qui n'exclut évidemment pas des politiques régionales de soutien à l'implantation de ces options et donc de dotations en matériels et crédits nécessaires. Au sujet des matériels, il faut insister sur trois points. Dans certains établissements, l'option fonctionne avec des matériels 8 bits, type LX529 ; il faut admettre que ces matériels sont dépassés, démotivent les élèves et qu'il faut les remplacer. D'autres options ont à leur disposition un nanoréseau qui fournit pour l'initiation des possibilités intéressantes, notamment par l'utilisation du son et de la couleur qui permettent des applications originales et attractives. De plus en plus d'enseignants veulent ensuite pouvoir utiliser TURBOPASCAL et TURBOPROLOG, qui nécessitent une salle de compatibles PC. Enfin, une option dans un lycée, c'est au minimum deux secondes, une et demie première, une terminale, soit 9 groupes de TP qui ont besoin des machines pendant bon nombre de plages horaires. S'il y a davantage de classes, il est évident qu'il faut réserver une salle à l'option informatique, il faut alors prévoir ce matériel en plus de celui qui est destiné aux sections professionnelles et de celui qui doit permettre d'utiliser l'informatique dans les autres disciplines d'enseignement général. II faut probablement exprimer clairement ces contraintes et les rappeler aux académies au moment de l'attribution globalisée des crédits d'équipement, à condition évidemment que les options aient été prises en compte dans le calcul des subventions globales. La question des logiciels devra elle aussi être suivie et revue périodiquement. Actuellement, sont recommandés l'usage de logiciels comme BASIC, LSE, LOGO, MULTIPLAN, DBASE ou MULTILOG, TEXTE, a priori possédés par les établissements. Mais, nous venons de citer l'exemple de TURBOPASCAL et TURBOPROLOG spécifiques à l'option, et il est à souhaiter qu'à l'avenir nous puissions recommander des logiciels dont l'usage nous paraîtrait particulièrement bien adapté à ses objectifs. Il faudra alors que les établissements puissent les acquérir. III. OPTION INFORMATIQUE ET INFORMATIQUE DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF Le comité a, en de multiples occasions, affirmé la nécessité d'une cohérence dans l'introduction et le développement de l'informatique au lycée et plus largement dans tout le système éducatif. On ne pouvait, en effet, définir des objectifs et construire des programmes pour des élèves qui recevaient en collège une initiation à la technologie, qui devaient utiliser l'ordinateur dans d'autres disciplines, recevoir une formation à certaines applications professionnelles, puis poursuivre leurs études dans des filières où était aussi posée la question de l'introduction de l'informatique, sans s'intéresser à ces autres aspects & l'informatique au lycée. Les rapports précédents rendent notamment compte de nos travaux en direction des sections F et G, et à propos d'informatique dans les disciplines. Cette année, le Comité a étudié le programme proposé pour les classes préparatoires aux grandes écoles (sections scientifiques), attiré l'attention de ses rédacteurs sur une nécessaire coordination avec ceux de l'option, en particulier dans le libellé de ces programmes. Les responsables du développement de l'option devront considérer avec attention les remarques qui leur seront transmises quant à la mise en oeuvre de ces programmes, à la demande des élèves et au comportement de ceux qui auraient suivi l'option en second cycle. Les suggestions qui suivent concernent donc à la fois l'option informatique et l'ensemble de l'informatique au lycée. a) L'avenir de l'option informatique Comme nous l'avons souligné tout au long du paragraphe précédent, beaucoup de thèmes relatifs à cette option méritent d'être travaillés et approfondis. Il nous semble donc important de maintenir une structure qui aura un rôle de veille et de propositions pour le développement de cet enseignement. Il faudra continuer à observer comment réagissent les élèves, les enseignants, comment l'option s'insère dans les établissements, pourquoi et comment elle est demandée par les familles. Il faudra recenser, favoriser et diffuser les innovations pédagogiques intéressantes (recherches et innovations pilotées par la DLC, recherches académiques déconcentrées, activités des centres de stage long des enseignants, INRP, CNRS), préparer l'évolution des pratiques et des contenus par quelques expériences plus novatrices, noter les difficultés rencontrées au niveau de la didactique de cette discipline nouvelle à ce niveau d'étude et tenter d'y apporter des solutions par un travail patient et obstiné &recherche sur les sujets ainsi identifiés. Dans l'immédiat, l'organisation de la première épreuve au baccalauréat doit se faire avec beaucoup de soin. De nombreuses suggestions ont été faites sur ce point aux journées de Sèvres (choix des sujets, directives à rédiger pour les académies en vue de l'organisation de la correction des épreuves, diffusion des « annales » et remarques faites par les expérimentateurs, réponses rapides aux problèmes qui pourraient voir le jour ici ou là). Selon les dispositions retenues pour une validation de la formation et de la compétence des enseignants, il faudra organiser la mise en place de ce système nouveau, aider les académies à y faire face, suggérer et faciliter des collaborations interacadémiques (cours universitaires par correspondance, sessions de formation continue spécifiques, écoles d'été...). Sur ce même point, il serait important d'apprécier comment ces options se mettent en place dans le privé à la suite des stages de formation organisés à cette fin dans quelques centres spécifiques. L'examen de situations locales montre qu'il faut aussi donner aux académies des directives plus précises en matière d'équipement en matériels et logiciels pour cette option et sur les modes de financement correspondants. La diffusion régulière des informations par le biais d'un bulletin, sorte de trait d'union entre des équipes réparties sur tout le territoire mais animées d'un même souci de construction pédagogique, est à maintenir. Une liaison télématique entre les coordonnateurs ne devrait pas être hors de portée dans un bureau des technologies nouvelles! Mais cette structure de veille et de propositions ne peut remplir ces missions en vase clos ; elle a besoin de communiquer avec les autres acteurs de l'informatique dans le système éducatif ; elle doit aussi connaître les projets d'évolution et de transformation du lycée. Il n'est pas dans les attributions du Comité de se prononcer sur le devenir des seconds cycles longs, il est par contre de son devoir d'attirer l'attention des différents responsables sur les dangers qu'il y aurait à ne pas poursuivre et intensifier les efforts en cours pour l'informatique au lycée, qu'il s'agisse d'informatique dans les disciplines, dans les formations professionnelles ou dans l'option. b) Les autres acteurs de l'informatique au lycée L'informatique au lycée, cela peut être l'ordinateur instrument de laboratoire, de recherche documentaire ou de tracé de courbes : au fur et à mesure que les expériences se multiplient, les commissions chargées d'actualiser les programmes des différentes disciplines doivent s'attacher à mentionner la place que l'informatique doit y prendre au niveau des outils à utiliser, des méthodes de résolution de problèmes à pratiquer et de connaissances techniques à acquérir. Des instructions particulières, des documents et des formations devraient accompagner ces modifications. Cette informatique a besoin de matériels, comme celle de l'option, elle a besoin de logiciels dont certains peuvent être communs à ceux de l'option. Une part de ces logiciels est actuellement évaluée sous la responsabilité de l'Inspection Générale et donnera naissance à un noyau de logiciels recommandés. Une autre part est en train de naître et on ne peut complètement l'ignorer. L'informatique peut être aussi dans chaque discipline un instrument pédagogique, un moyen de varier et de différencier les activités proposées aux élèves, une façon de les habituer à l'autonomie d'apprentissage et d'évaluation. On lui donne parfois le nom d'enseignement assisté par ordinateur ; peu de bons logiciels existent dans ce secteur ; il faudrait en créer car les possibilités des ordinateurs actuels ne sont pas pleinement exploitées. Quant aux machines de demain, elles nous offrirons des tuteurs intelligents auxquels il faut prudemment mais résolument se préparer. Certaines formations professionnelles incluent un enseignement d'informatique dont le volume et l'orientation varient selon l'usage que les professions auxquelles elles préparent font de l'informatique. L'initiation donnée en seconde doit pouvoir en tenir compte ; en première et terminales des collaborations entre élèves et enseignants de sections différentes sont possibles et enrichissantes pour tous, par exemple au niveau de l'utilisation de matériels différents ou de la réalisation de projets communs. En amont du lycée, le programme de technologie des collèges commence à être appliqué ; il comprend une initiation au micro-ordinateur et à quelques progiciels. Il faudra identifier les pratiques des enseignants de collège, observer en seconde les élèves qui auront bénéficié de la totalité du programme de technologie en collège et, actualiser en conséquence les directives données aux professeurs de l'option. Au delà de la classe terminale, des élèves de l'option rencontrent l'informatique en STS, en IUT, en CPGE, en DEUG... Il serait bon que les responsables de ces filières soient avertis des contenus et objectifs de l'option des lycées et puissent proposer à ces élèves une progression cohérente avec celle qu'ils ont connue. Le paysage informatique que nous venons de décrire peut être caractérisé par différents facteurs : son importance, sa diversité, ses degrés de maturité différents selon les domaines, sa quasi absence de stabilité. Son importance : l'informatique, à l'évidence, a un rôle important à jouer dans le système éducatif comme dans toute la société ; l'équipement généralisé des établissements, même s'il est encore insuffisant face aux besoins, permet un développement intéressant. Sa diversité : l'ordinateur intervient dans des secteurs et des fonctions variés, nous venons de citer les principaux sans prétendre à l'exhaustivité. Des degrés de maturité différents : certaines utilisations sont généralisées, c'est le cas de certains progiciels ; d'autres sont au point et attendent une inscription dans les programmes ou sont laissées à la liberté pédagogique de l'enseignant. D'autres applications font l'objet d'expérimentations et certaines ne sont encore qu'à l'état de recherches ou de projets. Une absence quasi totale de stabilité : peu de secteurs ont trouvé leur vitesse de croisière, peut-il en exister une dans un domaine où tout matériel est dépassé cinq ans après son acquisition et où sortent chaque jour des logiciels nouveaux qui viennent interroger ceux qui n'ont pas encore achevé l'analyse du produit précédent ? Ce paysage multiple est aujourd'hui façonné par des acteurs différents qui en composent chacun une part. Il doit être développé. On peut discuter du volume global de moyens à accorder à ce développement, de la priorité à donner à tel secteur, mais on ne doit pas, nous semble-t-il, faire l'économie d'une réflexion organisée et durable pour dessiner le paysage informatique futur. c) Une réflexion globale Cette réflexion doit prendre en compte à la fois l'observation de ce qui se fait dans les établissements du double point de vue des expériences positives à diffuser et des facteurs de blocage à analyser, les buts que l'institution assigne à son système de formation et le rôle que l'informatique peut jouer pour permettre d'atteindre ces buts (avec qui, à quel âge, comment), et l'évolution de l'informatique comme discipline et au travers de ses applications dans la société. Elle ne peut être pleinement féconde que si elle associe des partenaires pouvant apporter une contribution dans chacun des secteurs précités, c'est-à-dire, au minimum, des enseignants et des membres des corps d'inspection, des responsables ayant pour mission de définir la politique éducative de la nation, des universitaires. et chercheurs artisans de l'évolution de la science informatique et des personnalités du monde économique, témoins de son utilisation quotidienne. Des communautés différentes ont aujourd'hui la responsabilité de chacune de ces opérations. Il est important qu'elles aient l'occasion de communiquer entre-elles, qu'elles connaissent les objectifs et réalisations des autres et puissent ainsi, lorsque le besoin s'en fait sentir, établir les liens nécessaires à l'avancée de leur propre travail. Seul un travail de fond sur une période longue permettra de tirer les bénéfices de chacune de ces actions et surtout de préparer au fil des années les évolutions nécessaires. Il faut durer, mais il faut aussi faire vite car le rythme d'apparition des nouveaux concepts et techniques n'est guère celui de l'introduction traditionnelle de nouveautés dans l'enseignement (réflexion, expérimentation, analyse des résultats, formation, diffusion). Ce cycle traditionnel, évalué en années scolaires, donne justement le temps au terme duquel un matériel devient obsolète ! Il faut donc mener en parallèle réflexion à moyen terme et propositions pour le quotidien. Si ceux qui proposent les aménagements nécessaires dans le cadre des objectifs, des structures et des programmes actuels doivent être associés à une réflexion à plus long terme, il semble difficile qu'ils puissent la mener à eux seuls tant la gestion quotidienne est lourde et tant la tâche de réflexion est immense, complexe et nécessite la participation d'experts de domaines divers. Parmi les partenaires potentiels, une place particulière doit être faite à la communauté internationale. Certes, chaque système éducatif porte profondément la marque des traditions et de la culture d'un pays, et il est sans doute plus difficile dans ce secteur que dans d'autres d'importer ou d'exporter des expériences. Il est cependant vital d'observer ce qui se passe dans d'autres pays, notamment ceux de la Communauté Européenne, dans la perspective d'un rapprochement des diplômes et d'une plus grande mobilité géographique des citoyens futurs de ces pays. Cela veut dire que des contacts doivent exister entre les responsables de l'option informatique et ceux qui dans d'autres pays pilotent des actions analogues, qu'il serait bon de permettre des rencontres et des échanges d'enseignants comme cela s'est déjà fait avec le Québec, qu'enfin ceux qui représentent la France dans les différents colloques européens et internationaux qui traitent de ces questions, aient le souci de mettre les informations recueillies à la disposition de tous. Ce rapport a montré que l'option informatique des lycées sort de sa phase expérimentale dans de bonnes conditions, mais que de nombreux problèmes restent à résoudre, tant au niveau du suivi et du développement de cette nouvelle discipline optionnelle que sur le plan de ses liens avec les autres enseignements ou modalités d'utilisation de l'informatique au lycée. Concernant l'option elle-même, il nous semble important de maintenir une structure qui aurait les rôles de veille et de propositions définis au paragraphe précédent, nécessaires à son développement actuel et à son évolution future. Concernant l'informatique dans le système éducatif, plus particulièrement dans les collèges et les lycées, une réflexion à moyen terme, précise et organisée, est nécessaire ; elle doit bénéficier de la collaboration de tous les acteurs qui actuellement oeuvrent dans ce domaine avec des objectifs spécifiques, ainsi que de contributions des secteurs de la recherche et du monde économique. Elle est urgente pour valoriser les efforts faits dans ce pays en faveur de l'informatique éducative, l'option n'en est qu'un exemple, et surtout pour qu'à l'avenir l'école intègre mieux encore les outils proposés chaque jour par l'informatique, sache préparer les élèves aux changements engendrés par ces technologies dans la société et par là même remplisse pleinement son rôle d'éducation et de formation des citoyens de demain. LISTE DES MEMBRES DU COMITÉ Jacques Arsac - Professeur d'informatique, ENS rue dUlm, responsable de la formation des professeurs des académies de Paris, Créteil et Versailles, chargé d'une mission auprès de l'Inspection Générale. Georges-Louis Baron - Professeur de mathématiques, chargé des programmes d'innovations pédagogiques en technologies nouvelles (Direction des lycées et collèges). Jacques Baudé - Professeur de sciences naturelles, secrétaire général de l'association EPI. Jean-François Dufourd - Professeur d'informatique, Université L. Pasteur de Strasbourg, responsable du CFIAP de Strasbourg. Monique Grandbastien - Maître de conférences en informatique, Université de Nancy 1, responsable du CFIAP de Nancy, Présidente du Comité. Pierre Muller - Professeur de lettres, chercheur à l'INRP, représentant Mme la Directrice de l'INRP. Germain Odermatt - Inspecteur général de sciences physiques, représentant le Doyen de l'IGEN. Régine Raynaud - Maître de conférences en informatique, directrice du CFIAP de Toulouse, présidente de l'association regroupant les CFIAP [1]. Jeanine Rogalski - Chargée de recherches au CNRS en didactique des disciplines, MSH Paris. Martial Vivet - Maître de conférences en informatique, Université du Maine, consultant auprès du Directeur des lycées et collèges pour les technologies nouvelles. Paru dans le Bulletin de l'EPI n° 48 de décembre 1987. NOTES [1] CFIAP : Centre de Formation à l'Informatique et à ses Applications Pédagogiques. ___________________ |