DIX ANS APRÈS
(Où en est l'INRP ?)

Georges-Louis BARON

 

     1980/81 : nouvelle distribution des cartes dans le (petit) monde de l'informatique appliquée à l'enseignement. Le ron-ron habituel s'est arrêté, et on voit un apport massif de "sang neuf" (sinon d'idées neuves), et une foule de problèmes nouveaux. Dans cette cohue, où en est l'INRP ; est-elle encore dans la course ?

     Rappelons d'abord quelques dates :

1970, début de l'expérience "historique" des "58 lycées" ; début d'une formation "lourde"

1971, création d'une section Informatique et Enseignement à l'INRP, chargée de la coordination et du suivi pédagogique de l'expérience

1976, fin de la formation lourde, début de l'évaluation

1979/80, arrivée des micro-ordinateurs, début des formations en 4x3 jours. Évaluation non encore publiée.

     Ces dates sont des jalons le long d'une route qui a vu l'INRP assumer une grande variété de taches, dont certaines d'ailleurs n'étaient pas de son ressort.

     Tout était à définir, à inventer. En particulier, la diffusion des logiciels réalisés par les enseignants déchargés a donné lieu à de réelles prouesses : par la force des choses, l'INRP s'est trouvée assurer la gestion d'une bibliothèque de logiciels dont l'importance est rapidement devenue considérable.

     Ainsi, en plus du travail "normal", il a fallu résoudre des problèmes de duplication, de coordination, de diffusion :

  • centralisation des documents pédagogiques et des logiciels, diffusion à l'ensemble des établissements expérimentaux ; pour environ 400 logiciels, il y a eu (en gros) 4 000 copies de ruban, puis, pour les 35 disquettes sur lesquelles tient la bibliothèque, environ 1 000 duplications, pour lesquelles il a fallu mettre au point les logiciels de transfert d'un type de système à l'autre.

  • publication de 16 bulletins de liaison plus 2 numéros spéciaux LSE ;
  • publication de 5 000 pages de fiches pédagogiques ;

  • coordination et animation des recherches dans les différentes disciplines ;

  • gestion de décharges de service (travail très lourd en raison de la complexité des procédures administratives) ;

  • évaluation de l'expérience (le rapport doit être terminé fin février début mars 1981).

     Ce travail considérable a été accompli par un personnel très insuffisant en nombre : - sur l'opération dite des "58 lycées", il n'y a jamais eu plus de 2 postes INRP jusqu'en 1976, puis un seul (celui de Christian Lafond) jusqu'en 1980. Le travail a été réalisé grâce à des décharges de service (deux 1/2 services en 71-72 ; quatre à partir de 1972 ; deux décharges complètes et 5 demi services à partir de 1976 pour la coordination et l'évaluation). En novembre 1980, Christian Lafond quittait l'INRP, il n'est toujours pas remplacé...

     Au point de vue matériel, l'INRP n'ayant aucun matériel propre, il a fallu utiliser celui des lycées, d'où déplacements et pertes de temps ; cependant, depuis un an, l'INRP a 1 micro-ordinateur Logabax ! Ajoutons que l'ex SIE a dû payer ses publications en prélevant sur ses fonds de recherche. En conséquence, et comme il fallait s'y attendre, il y a eu des retards, parfois importants, à la publication, un certain manque de coordination, et donc des collègues mécontents.

PROBLÈMES ACTUELS

     Au stade de la généralisation, l'INRP ne peut plus gérer la production et la diffusion des logiciels. La récente création d'une cellule de production de logiciels regroupant les collègues de l'INRP et des formateurs et des ingénieurs pourrait permettre de trouver une solution à la diffusion de logiciels pour le secteur public. Pour ce qui est de gérer le fonctionnement de tous les lycées équipés, ce n'est pas non plus le rôle de l'INRP ; il lui faut se concentrer sur le suivi de groupes de recherche, et disposer pour cela d'un volant d'heures et de décharges et de postes. Le ministère doit trouver des moyens permettant d'assurer une bonne gestion des centres informatiques dans les établissements.

Pour une recherche dynamique, dotée de moyens !

     Il est deux idées simples qu'il n'est pas inutile de rappeler :

1) En France, dans le domaine de l'informatique appliquée à l'Enseignement Secondaire, il n'y a pas (encore) de traditions pédagogiques établies. L'histoire commence au colloque de Sèvres, en 1970.
Avant, c'est la préhistoire : quelques expérimentations ponctuelles, pour la plupart inspirées de travaux américains.

2) Depuis 1970, l'acquis est considérable ; l'expérience française a vu naître une grande diversité d'approches pédagogiques, un fourmillement d'idées parfois audacieuses, la mise en oeuvre, quoique sur une petite échelle, de méthodes novatrices, sans réel équivalent ailleurs dans le monde. (Exemple : simulation en biologie, programmation par les élèves eux-mêmes, approche-miroir, etc.). Ce fourmillement a été rendu possible par le mode de fonctionnement de l'expérimentation (qui a été quasiment autogéré par les enseignants) et aussi, par la présence d'un institut de recherche, l'INRP, qui a apporté un soutien très important aux enseignants engagés dans cette expérimentation, pas seulement en distribuant des décharges de services. Il y a eu un réel travail d'animation, de coordination, de diffusion de produits expérimentaux, dont il ne faut pas méconnaître l'importance, même si on est très conscient de ses limites. Aujourd'hui, en 1981, l'Ouest est en partie colonisé, les marchands de logiciels ont déjà ouvert leurs boutiques. Mais il n'y a toujours pas de traditions pédagogiques, et les nouveaux "formés" redécouvrent parfois naïvement sans le savoir des territoires déjà explorés. L'heure est plus que jamais à la recherche, une recherche menée de façon rigoureuse, en liaison avec les classes, et en utilisant les acquis un peu épars de dix années d'expérimentations. Il s'agit maintenant d'ordonner les travaux accomplis, de définir les orientations pour l'avenir. C'est un des rôles de l'EPI que de revendiquer la promotion d'un tel secteur de recherches, basé à l'INRP, avec des moyens suffisants, afin de permettre la découverte et la validation de méthodes nouvelles.

     Des méthodes qui pourront rénover en partie certaines de nos pratiques d'enseignement. Une telle chose n'est pas évidente. Les enjeux sont à moyen et à long termes. Ils risquent de ne pas peser très lourd face aux enjeux économiques à court terme. Il n'y a pas de volonté politique nette de faire jouer à l'INRP un rôle moteur dans la situation actuelle ; la structure administrative est lourde ; le manque de moyens ici comme ailleurs est dramatique. C'est bien pourquoi nous devons revendiquer de faire de l'INRP un outil efficace au service de l'innovation informatique dans l'enseignement.

Georges-Louis BARON
février 1981

Paru dans la Revue de l'EPI n° 21 de Mars 1981.

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(1er février 2001)

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