Informatikunterricht planen und durchführen
Planifier et réaliser un cours d'informatique

Werner Hartmann, Michael Näf, Raimond Reichert
Springer Verlag (2006)
 

   Ce livre simple et percutant essaie de préciser ce qu'un enseignement d'informatique peut être, ce qu'il n'est pas, les relations qu'il a (ou n'a pas) avec les usages des outils informatique (TIC) ; il explore aussi assez méthodiquement et à partir de situations concrètes des questions peu traitées ailleurs : existe-t-il une didactique de l'informatique ? une pédagogie vaut-elle mieux qu'une autre ? comment intéresser les élèves ? etc.

   Deux aspects de ce livre peuvent sembler inappropriés pour un public français. D'une part, l'omniprésence du mot « informatique » pour désigner à la fois un domaine large du savoir, une science, un ensemble de technologies et enfin des pratiques ou usages : ce mot polysémique gagnerait à être mieux cerné. D'autre part, l'absence apparente d'une distinction entre connaissances [1] et compétences [2] complique l'adaptation de la pensée des auteurs à nos usages. Par ailleurs, le livre semble ignorer (voire contourner) toutes les réflexions possibles sur ce qu'on appelle la « société numérique » ; cela peut être dû au fait que l'ouvrage fut rédigé en 2005.

   Chaque chapitre commence par une « situation vécue », suivie de la problématique illustrée par cette situation, avant de dégager quelques réflexions fondamentales et de présenter quelques exemples concrets dans un style alerte et vivant.

   Le livre aborde des situations d'enseignement de divers niveaux, correspondant plus ou moins aux années du lycée et au début des études supérieures. On peut en prendre largement connaissance ici :
http://www.swisseduc.ch/informatik-didaktik/informatikunterricht-planen-durchfuehren

   Les auteurs sont des enseignants et formateurs à Zürich et à Berne.

Partie I - Qu'est-ce qu'un professeur d'informatique ? Que fait-il ?

   Le premier chapitre commence directement par le thème principal du livre : l'informatique et l'usage de l'ordinateur ne sont pas la même chose.

« Les cours d'informatique seront mis en place à tous les niveaux ! » Monsieur N. est vivement contrarié par le titre de cet article de journal. Il y a à peine dans chaque classe du lycée un ordinateur capable de faire vaguement du traitement de texte et des recherches sur Internet, et voilà qu'on prétend introduire le cours d'informatique. D'ailleurs, une professeure de musique qui a utilisé un logiciel de composition musicale notation et de temps en temps un programme d'apprentissage prétend qu'elle a intégré l'informatique dans ses cours. Comment peut-il donc convaincre les responsables académiques et de l'établissement du fait que l'enseignement de l'informatique est un « must » pour un lycée moderne ?

Problème. Le terme « cours de sciences informatiques » est souvent compris comme englobant tous les différents aspects de l'informatique, d'autant plus qu'en un sens vague et général on enseigne déjà de « de l'informatique » à tous les niveaux scolaires. Cette confusion conceptuelle complique l'analyse objective et factuelle de la question de l'ordinateur à l'école.

Solution. Les TIC jouent des différents rôles dans le système éducatif : elles servent d'outil dans la vie quotidienne voire administrative, également dans les enseignements professionnels et technologiques, mais aussi en tant que soutien des processus d'apprentissage et enfin comme sujet d'enseignement. Pour éviter tout malentendu, le terme « l'enseignement des sciences informatiques » est à clarifier.

   Les auteurs dégagent cinq domaines qu'ils proposent de distinguer.

  1. Les TIC comme outil quotidien.
  2. Les TIC comme outil pour l'enseignement.
  3. Les programmes éducatifs (ou TICE stricto sensu)
  4. Le « e-learning »
  5. Les TIC comme sujet d'enseignement et sous ce titre :
    • Algorithmique
    • Communication
    • Coordination (ici se trouvent les interfaces de toutes sortes y compris homme-machine)
    • Automatisation (et simulation)
    • Collecte de données (et traitements subséquents, qui aboutissent à des BDD)

   Le chapitre suivant est très court : « les professeurs d'informatique enseignent l'informatique » (sous-entendu, et ne sont pas destinés à faire de l'expertise et de la maintenance).

   Le chapitre 3 a un titre provocateur : « les profs d'informatique ne sont pas fanatiques des TIC » – pour rappeler que l'enseignant en informatique ne doit en aucun cas être chargé des installations de logiciels et de pourchasser les virus, pas même de la maintenance des réseaux.

   Le chapitre 4 est également provocateur : « les profs d'informatique ne sont pas satisfaits de la gestion des TIC » – dans le cadre de leurs interventions ces enseignants ont souvent besoin d'installations de logiciels divers et de possibilités de communication que les réseaux « verrouillés » des établissements scolaires ne permettent pas de faire soi-même.

   Le chapitre 5 insiste sur la nécessité d'une formation [3] solide et renouvelée des professeurs d'informatique, en raison de l'évolution extrêmement rapide de cette science.

Partie II - Quelques contenus proposés

   Le chapitre 6 insiste sur un équilibre entre un travail autour des concepts (généraux) et les produits (spécifiques) – avec pour exemples le copier/coller, les systèmes de fichier, la formation des URL.

   Le chapitre 7 pose la question de l'adéquation des contenus aux groupes d'élèves [4] auxquels ils sont destinés, avec pour exemple les stratégies de sécurité que l'on peut traiter à différents niveaux et de différentes manières selon le public visé. Ce chapitre s'achève avec des questions fondamentales pour la conception des programmes :

  • quels contenus et méthodes doivent apprendre les élèves, et pourquoi ?
  • que doivent-ils maîtriser pratiquement (question des compétences) ?
  • quels exemples tirés de la culture initiale des élèves doit-on utiliser pour illustrer l'enseignement prévu ?

   Le chapitre 8 met en évidence la nécessité des « idées fondamentales » face à l'évolution très rapide des pratiques, méthodes et produits des STIC ; en effet, un enseignement trop dépendant de « l'état de l'art » et trop proche de solutions technologiques particulières risque de devenir rapidement obsolète, ou d'obliger les concepteurs de programmes d'enseignement et les professeurs à des changements incessants. En particulier, l'évolution des métiers de l'informatique, la rareté des manuels, la surcharge des professeurs existants et la courte « durée de vie » des savoirs dans ce domaine complexifient le pilotage des enseignements. Les « idées fondamentales » doivent répondre à cinq critères :

  • « horizontalité » : pertinence dans de nombreux domaines d'application
  • « verticalité » : traitement possible à différents niveaux d'approfondissement
  • « temporalité » : pertinence ancienne et durable
  • « intelligibilité » : liens forts avec la vie et l'environnement quotidiens des élèves
  • « représentabilité » : facilité de représentation cognitive (schématisation, etc.).

   L'importance de cette question justifie le traitement approfondi de trois exemples qui répondent aux cinq critères précédents :

  • données graphiques : bitmap ou vectorielles ? (nature, avantages et inconvénients)
  • la réduction des résultats d'une recherche au moyen des métadonnées
  • le principe « diviser pour régner ».

Partie III - Comment prépare-t-on un cours d'informatique ?

   Le chapitre 9 insiste sur l'intérêt d'une diversité des approches pédagogiques selon les buts poursuivis par les élèves (ainsi, en matière de bases de données on ne présente pas les choses de la même manière selon que l'on veut former des utilisateurs, des administrateurs ou des concepteurs).

   Le chapitre 10 développe la notion de « but poursuivi » [5] : l'enseignant doit toujours garder en tête le but de la formation qu'il propose et ne pas s'enliser dans les détails techniques (qui ne font jamais défaut).

   Le chapitre 11 étudie la nécessaire planification d'un cours d'informatique, tant au plan des contenus et du temps requis qu'au plan des infrastructures nécessaires.

Partie IV - Un peu de pédagogie

   Le chapitre 12 insiste sur le risque de la monotonie des cours soigneusement préparés, appuyés par de nombreuses séances sur machines mais laissant trop peu de place à l'initiative personnelle des élèves. Sont recommandées les devoirs de courte durée, des pédagogies différenciées, des travaux et projets de groupe, ainsi que les « fils rouges » qui donnent un sens plus vaste à une succession de cours grâce à des mises en situation cohérentes entre elles.

   Le chapitre 13 aborde en détail la question des « séances avec machines », pour lesquelles deux écueils sont identifiés : d'une part la concentration n'est pas bonne (la moitié des élèves parlent à leur voisin ou coéquipière), et d'autre part certains finissent rapidement tandis que d'autres ont à peine commencé. Les approches suggérées reposent à nouveau sur une différenciation pédagogique, mais aussi sur une alternance plutôt rapide (à la demi-heure) de temps de cours (présentation de concepts nouveaux) et de temps d'application concrète. Les auteurs suggèrent aussi des devoirs maison écrits intervenant en amont des séances en salle informatique, une claire énonciation des buts et une limitation de la difficulté des sujets proposés.

   Deux exemples intéressants sont proposés : une analyse des performances et limites de l'indexation des documents textuels à l'aide des moteurs de recherche, et une découverte des possibilités et limites des algorithmes de compression à l'aide d'un applet java (interactif) permettant de visualiser la création du code de Huffman.

   Le chapitre 14 aborde le travail en groupe, qui est évidemment très fortement valorisé sous réserve d'une bonne organisation (groupes de 3 à 6 élèves, soutien disponible de la part du professeur ou d'experts, thème de travail du groupe donné comme une sorte de défi à relever, etc.). Trois exemples intéressants ici aussi :

  • les algorithmes de tri, avec une partie « manuelle » avec un jeu de cartes
  • un travail de reconstitution d'un tableau de calcul à partir de données et formules incomplètes
  • une recherche sur le pilotage d'un robot (réel ou virtuel).

   Le chapitre 15 considère les sujets introductifs de moyenne durée [6] (3 à 10 leçons consécutives), pour lesquels un risque de forte disparité des performances des élèves existe. Dans ce cas la différenciation pédagogique n'est pas très efficace, il vaut mieux contrôler soigneusement (au moyen de régulières mais courtes évaluations) la progression et s'assurer que la plus grande part des élèves suivent effectivement. Un exemple stimulant est proposé, autour de la programmation récursive en lien avec la génération de formes fractales.

   Le chapitre 16 traite de la créativité (deux exemples : crée un site web pour malvoyants, découvrir et modifier des algorithmes sur des graphes à l'aide d'applets java).

   Le chapitre 17 aborde la conduite des projets.

Partie V - Pour aller plus loin : techniques pédagogiques

   Le chapitre 18 s'occupe de la nouveauté : trop de concepts nouveaux en même temps sont le meilleur moyen de perdre tout le monde en route ! Illustrations avec les algorithmes de routage et les bases de données relationnelles.

   Le chapitre 19 traite de l'abstraction, de ses avantages et de ses dangers, et suggère fortement l'usage des représentations graphiques ; encore des exemples : recherche du plus court chemin, espace des couleurs, polymorphisme des objets...

   Le chapitre 20 poursuit sur le thème des représentations visuelles, avec par exemple la surveillance du trafic sur un réseau, la simulation d'un protocole P2P, les algorithmes de tri ...

   Le chapitre 21 a un titre un peu à l'ancienne « il faut lire avant d'écrire » [7] ! Il est ici question de séparation du fond et de la forme, de clarté et de documentation des codes-source, de feuilles de style CSS, etc.

Partie VI - Au pied du mur...

   Le chapitre 22 s'intitule « séparer la théorie et la pratique » : il s'agit de réserver dans le temps et dans l'espace de la classe des espaces bien distincts et identifiables pour les apports théoriques et pour la pratique individuelle.

   Le chapitre 23 nous invite à distinguer clairement les outils (des logiciels le plus souvent) et les objets (numériques, des fichiers structurés le plus souvent), et illustre ce principe dans quelques contextes : logiciel de courrier / email, carnet d'adresses ; algorithmes/ structures de données.

   Le chapitre 24 est rassurant : « les professeurs n'ont pas à tout savoir » !

   Le chapitre 25 tente de calmer les angoisses relatives aux séances en salle informatique (difficile de répondre à dix questions simultanées et de dix niveaux différents !), insistant sur l'utilité pour le professeur de ne pas répondre à tout et d'inciter les élèves à chercher eux-mêmes les réponses à leur très légitimes questions.

   Le chapitre 26 conclut l'ouvrage avec la très nécessaire prise en compte et analyse des erreurs des élèves.

Lorenzo B.

NOTES

[1] Kenntnisse.

[2] Fähigkeiten.

[3] Ausbildung (formation initiale), Weiterbildung (formation continue).

[4] Zielgruppen.

[5] Lernziele.

[6] Leitprogramme.

[7] Erst lesen, dann schreiben.

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Association EPI
Octobre 2009

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