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Plan en faveur des technologies de l'information appliquées à l'Éducation
Discours de Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le 14-09-2006 à Poitiers.
Le Ministre Gilles de Robien a choisi Poitiers pour présenter un énième plan de développement des TIC dans le système éducatif. Le 23ème « chantier », on ne peut vraiment parler de dossier prioritaire...
Près des trois quarts des foyers avec enfants étant équipés d'ordinateur, il est temps pour l'Éducation nationale de passer aussi à la vitesse supérieure, déclare-t-il d'entrée de jeu. L'argument surprend mais passons... On est curieux d'apprendre en quoi consiste « la vitesse supérieure ».
On serait en droit d'attendre un élargissement de l'analyse du ministère sur la place des TIC dans le système éducatif, une réponse aux propositions du récent « rapport du groupe de travail pour le développement des TIC », rapport commandé par le Ministre lui-même [1]. Las, on ne trouve qu'un rappel furtif du socle commun avec la promesse récurrente que « l'Éducation nationale va s'engager sur des objectif précis, détaillés dans le texte du Socle ».
Que nous propose le ministre pour « passer à la vitesse supérieure » ?
Un plan s'appuyant sur trois « grandes mesures » ; excusez du peu : le développement des Espaces Numériques de Travail, l'utilisation des TICE pour l'accompagnement scolaire, la mise à disposition, pour chaque professeur qui sort de l'IUFM, d'une clé pédagogique USB.
Pour ce qui concerne les ENT, le discours est essentiellement axé sur le portofolio (livret scolaire numérique), comme si le ministre, ou plutôt ses conseillers, ne se faisait aucun illusion sur la réalité des ENT. Il s'agit essentiellement de mobiliser les parents et de leur donner un droit de regard sur le travail et la notation des enseignants. On peut se demander si c'est la meilleure façon de mobiliser ces derniers pour l'utilisation des TIC.
Le ministère botte en touche trois fois : sur les contenus pédagogiques, les programmes d'enseignement, la formation des enseignants, et renvoie les problèmes matériels aux collectivités locales.
L'utilisation des TICE pour l'accompagnement scolaire des élèves en difficulté, pourquoi pas, mais il nous semblait que les TICE avaient vocation à irriguer l'ensemble de la scolarité, l'ensemble des élèves, l'ensemble du système éducatif et que là de « grandes mesures » s'imposaient ! De plus, que penser du recours au CNED pour venir en aide aux élèves en difficulté. Les conseillers du Ministre ont-ils déjà eu affaire à cette catégorie d'élèves qui relève plus de la présence d'enseignants attentifs que d'un enseignement à distance ?
Le dernier gadget, tel un cadeau dans un paquet de lessive, une clé USB pour chaque professeur qui sort de l'IUFM. Pourquoi à la sortie ?! La clé USB est-elle censée remplacer une formation initiale insuffisante ? Ces informations usbiennes ne devraient-elles pas être déjà acquises au cours des années de formation ? Là aussi, en matière de formation initiale et continue, de « grandes mesures » étaient attendues !
Bref, la montagne accouche une fois de plus d'une souris.
Certes, les optimistes pourront se féliciter que « la maîtrise (sic) des nouvelles (re-sic) technologies numériques devienne un des piliers de la scolarité obligatoire » et que « l'Éducation nationale va s'engager sur des objectifs précis, détaillés dans le texte du Socle ». Mais n'était-ce pas l'occasion de donner là les orientations ? Ce n'est pas fréquent que le Ministre s'exprime en personne sur un « chantier » concernant les TIC. Las, nous attendons toujours l'essentiel qui répondrait aux propositions des rapporteurs rappelées ci-dessous. Quid de l'insuffisance des financements publics, des nombreux freins disciplinaires à débloquer, du manque d'assistance professionnalisée, de la formation insuffisante des enseignants, de la mise en commun indispensable des richesses pédagogiques, etc.
Nous ne l'attendions pas du Ministre (nous ne sommes pas naïfs à ce point) mais une remise en question de la voie suivie depuis des années, à savoir l'approche exclusive des TIC par les différentes disciplines, ne serait pas inutile. Cette dernière, dont l'EPI a fait la promotion pendant des années, reste indispensable mais bien difficile et lente à mettre en pratique. Il y aurait tout intérêt pour les élèves futurs citoyens à la compléter par un enseignement « informatique et TIC » structuré, progressif, dispensé par des enseignants correctement formés. Ce serait certainement la solution la moins coûteuse et la plus efficace car s'inscrivant dans ce que l'Éducation nationale sait faire.
Paris, 18 septembre 2006
BN-EPI
http://www.education.gouv.fr/cid3949/ plan-en-faveur-des-technologies-de-l-information-appliquees-a-l-education.html
NOTE
[1] Rappelons les nombreuses insuffisances pointées dans le récent Rapport du groupe de travail pour le développement des TIC dans l'Éducation nationale dont nous avons publié récemment la lecture EPI :
Le système éducatif français est en retrait. Dans les financements publics des contenus ainsi que dans les équipements et les usages, la France est largement distancée par ses voisins de l'Europe du Nord.
L'École reste en retrait par rapport à l'explosion de l'image et du son numériques.
Le développement des TIC reste inégal selon les niveaux, les disciplines, les territoires. De nombreux freins existent encore.
L'implication des disciplines dans l'utilisation des TICE est très inégale. Les usages dans le cadre des domaines d'enseignement restent trop timides... Il est évident que les disciplines qui disposent de salles spécialisées et d'effectifs réduits ont des conditions plus favorables.
D'une façon générale, dans les réflexions et les décisions concernant les TICE, le traitement des données numériques ne paraît pas suffisamment affirmé comme objectif important d'enseignement et d'éducation.... le fonctionnement de base (de l'ordinateur), qui repose sur des processeurs réalisant des calculs, est oublié (nul doute que les rapporteurs suggèrent là la nécessité d'un enseignement spécifique, après avoir dénoncé par ailleurs l'insuffisance de l'implication des disciplines existantes...).
Compte tenu du rôle premier des corps d'inspection, qui est l'évaluation individuelle des enseignants, la prise en compte d'objectifs transversaux comme ceux qui concernent les TICE, est « malaisée ». Les corps d'inspection ont un rôle déterminant inégalement assumé. (Ecrit une vingtaine d'années plus tôt et même moins, un tel rapport aurait pu stigmatiser l'hostilité active de la plupart des corps d'inspection à l'égard de l'informatique et des enseignants engagés dans les expérimentations pionnières !)
Le pilotage national de la politique des TICE s'appuie plus sur l'évaluation des conditions matérielles que sur celle de la qualité des usages. (effectivement, et même quand on parle d'usages il est très rarement précisé que quels usages il s'agit).
La difficulté d'accès aux matériels, la mécanique complexe de réservation des salles et l'absence trop souvent d'une « assistance professionnalisée et réactive » restent des facteurs limitants.
Le poids de l'inconfort technique et de l'inconfort pédagogique dû à une insuffisante formation (y compris pour les jeunes enseignants quoi qu'en dise le rapport) est un frein supplémentaire.
L'adhésion encore très limitée des enseignants pas forcément convaincus de la plue-value apportée par les TICE (le manque de formation, toujours). Les TICE continuent de susciter un questionnement quant à leur efficacité (plus de 35 ans après l'introduction d'ordinateurs en lycée d'enseignement général ! Jusqu'à quand se posera-t-on des questions ?)
La mise en commun de la richesse potentielle (des productions logicielles des enseignants) est encore peu organisée. L'indexation des ressources pédagogiques reste une initiative pionnière.
La question d'une plus grande souplesse dans l'organisation des enseignements est posée (certes, et depuis bien longtemps. Gageons que le problème n'est pas près d'être résolu !)
Les usages des TIC scolaires et extrascolaires correspondent pour les jeunes à des univers distincts qu'il est urgent de rapprocher... cette continuité est mal assurée, faute d'une prise de conscience claire des enjeux...
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Association EPI
Septembre 2006
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