Intégration des technologies de l'information et de la communication dans le travail enseignant, Abdelouahed Biaz, Ahmed Bennamara, Abderrahim Khyati, Mohammed Talbi Résumé Mots clés : TIC, appropriation, intégration, usage, enseignant 1- Introduction L'éducation et la formation jouent un rôle stratégique pour les pays désirant satisfaire les besoins de la société de l'information et des nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC [1]). Ainsi, l'école nouvelle occupe une place primordiale dans les politiques adoptées par l'ensemble des pays, et plus spécifiquement ceux en voie de développement. Il ne faut en aucun cas négliger les dimensions éducatives et culturelles relativement aux dimensions économiques ou politiques. C'est dans ce cadre que le curriculum a donné une priorité et une dynamique à l'éducation et à la formation au Maroc afin d'améliorer la compétitivité du secteur tout en profitant de l'ouverture et de la technologie éducative. C'est ainsi que l'introduction des TIC s'impose comme un nouveau paradigme d'enseignement (Barbot, 2003). De ce fait, l'intégration progressive de ces techniques pour accompagner les programmes scolaires nationaux représente une étape importante dans la mise en oeuvre de la réforme du secteur de l'éducation. De plus, la mobilisation pour l'intégration des TIC dans l'enseignement doit insister sur le facteur humain en le considérant comme étant le maillon essentiel dans toute mise en oeuvre de politiques et stratégies de développement. Les études concernant l'intégration des TIC dans le travail enseignant sont nombreuses. Certaines ont insisté sur le rôle qui peut être joué par les directeurs d'établissements afin de soutenir une intégration raisonnée des TIC dans la pratique enseignante (Isabelle, Lapointe et Chiasson, 2002). D'autres proposent une approche intégrée de la formation aux TIC basée sur le concept de recherche-action-formation [2] (Daele et Deschryver, 2002). Peu de recherches ont ciblé la formation des enseignants et les problèmes liés au transfert de leurs compétences effectives dans la pratique professionnelle ainsi que les obstacles générés par des aspects purement méthodologiques. 2- Pourquoi l'intégration des TIC dans l'enseignement ? Nécessité pour accompagner l'air international Depuis le milieu du 20e siècle, le monde a connu une révolution de connaissance scientifique accompagnée d'une montée en puissance des TIC ainsi que la montée de l'économie de l'information devenue dominante. Devant ce développement, l'École marocaine ne peut rester inactive ni passive devant les implications générées par ce changement dans les modes de production et de transmission de la connaissance. Devant ce paysage informationnel impliquant des défis d'ordre politiques, socioéconomiques et éducatifs, le système éducatif marocain se trouve confronté à la nécessité de moderniser et de mettre à profit tous les aspects liés aux TIC. De ce fait, l'intégration de l'innovation dans l'enseignement s'avère une nécessité afin d'assurer une cohérence avec les orientations internationales en vigueur. Nécessité d'adoption d'une pédagogie nouvelle Notre société est de plus en plus axée sur la communication, et l'école est considérée comme un lieu de transmission de l'information mais elle n'est plus isolée comme source possible de connaissance du fait de l'abondance des supports et sources d'information : un questionnement s'impose alors sur la légitimité de l'information diffusée par l'École. À partir de ce constat, et dans le nouveau paradigme régi par l'intégration des TIC dans les pratiques enseignantes, l'élève sera toujours considéré comme le noyau de l'opération éducative autour duquel gravitent tous les éléments de l'acte pédagogique. Le professeur n'est plus le détenteur absolu du savoir ni le simple transmetteur de celui-ci, mais il contribue à une construction selon une approche participative qui intègre l'apprenant dans son apprentissage. Aussi les technologies contribuent-elles à la mise en place de nouvelles alternatives ouvrant la voie à l'auto-apprentissage par le multimédia, les techniques de communication, de production et de diffusion de l'information contribuant ainsi à une amélioration du rapport au savoir (Perrenoud, 1998 ; Peraya, 2002 ; Karsenti, Peraya et Viens, 2002). L'ordinateur, un outil incontournable L'ordinateur s'est imposé comme outil d'enseignement par excellence du fait des possibilités qu'il offre en matière de réception, traitement et restitution de l'information ainsi que d'autres opportunités relatives à la création et l'exploitation des logiciels éducatifs, ce qui signifie un gain de temps et d'effort pour l'enseignant et l'apprenant. Grâce à ces possibilités, les ressources peuvent être adaptées pour chaque niveau, la présence de l'interactivité (image, son, texte, vidéo) permet de stimuler les capacités innovatrices chez l'apprenant et de briser la routine de l'apprentissage classique. Néanmoins, l'enseignement par ordinateur requiert de la part de l'enseignant une description préalable des étapes que l'apprenant doit emprunter pour résoudre un problème, un support pédagogique utile en parallèle ainsi que des renseignements sur les critères d'évaluation de l'apprentissage. Améliorer et réformer le système éducatif L'émergence de la technologie dans les différents secteurs d'activité a ouvert la voie à l'innovation. De ce fait, l'école doit agir activement afin de préparer des acteurs capables de s'adapter aux perpétuels changements régis par la mondialisation. C'est dans cette optique que le Maroc s'est considérablement investi pour la reforme de son système éducatif. Il a ainsi entrepris il y a quelques années le projet GENIE [3] qui vise l'intégration des TIC dans les établissements scolaires afin d'améliorer la rentabilité du système éducatif. 4- Quelle pédagogie pour ce changement vers les TIC dans le système éducatif Il faut admettre que les technologies de l'information et de la communication ne se limitent pas uniquement au volet équipement en matériel des établissements scolaires : telle était la vision adoptée par le ministère de l'Éducation nationale durant la première phase de généralisation des TIC sous le projet intitulé GENIE. Mais cette vision s'enrichit de l'adoption d'une méthodologie de travail efficace qui prend en compte de nouvelles approches de l'acte d'enseignement-apprentissage visant la réalisation des objectifs généraux du système. L'approche par compétences demeure le modèle le plus approprié permettant d'accompagner le développement dominé par ces technologies avec toutes les implications qui peuvent en résulter. D'autre part, le besoin de changement vers les TIC s'inspire même du curriculum national de l'éducation et de la formation qui dessine, d'une façon plus globale, certaines spécifications relatives à l'École et l'apprenant, d'autres sur l'ouverture du système éducatif sur son environnement socioéconomique et sur les compétences qui développent l'autonomie, la communication, l'expression et la recherche méthodologique de l'apprenant. C'est ainsi que les TIC s'imposent comme maillon fondamental pour l'amélioration de la qualité de l'éducation et de la formation. 5 - Appropriation des outils TIC et obstacles d'intégration en classe Méthodologie Échantillon Dans cette partie nous présentons les résultats d'une étude menée récemment (septembre 2009) auprès de 129 enseignants du secondaire appartenant à 5 établissements de la délégation El-fida mers sultan de l'académie du grand Casablanca. L'objectif était de mettre en évidence, d'une part, la façon dont les enseignants prévoient l'introduction des TIC dans l'enseignement de leurs disciplines et, d'autre part, de décrire les tendances en matière d'utilisation effective des TIC par ces acteurs, les besoins de formation, ainsi que les obstacles qui entravent une intégration méthodologique de ces techniques en classe. Instrument Pour se faire, un questionnaire d'enquête a été transmis aux enseignants durant le mois de septembre 2009, le questionnaire établi en langue arabe ayant été remis directement aux sondés faute d'avoir leurs courriers électroniques. Un petit mot d'accompagnement chargé d'informer les sondés sur les buts et le déroulement et les objectifs de l'enquête a été joint au questionnaire. Le taux de réponse au questionnaire a été de 100 %. Afin d'éviter toute surcharge inutile, le questionnaire a été construit avec un nombre restreint de questions de type fermé et semi-fermé. Au total, il y avait 7 questions qui ont formé 4 parties : la première concernait les informations personnelles de l'enseignant ; la deuxième partie mettait l'accent sur les représentations personnelles de l'intégration des TICE en classe ; la troisième partie concernait le volet formation ; la quatrième partie était réservée à la question de l'appropriation de l'outil TIC et plus spécifiquement le degré d'expertise en matière d'utilisation de l'ordinateur et d'Internet, tandis que la dernière partie s'intéressait aux obstacles à l'intégration des TIC dans l'enseignement. Nous présentons ci-dessous les principaux résultats de notre enquête : ce sont des données générales relatives à la représentation des enseignants sur l'intégration des TIC en classe, l'utilisation effective de ces technologies ainsi que les obstacles qui entravent leur intégration dans les pratiques d'enseignement. Analyse des résultats Parité Hommes/Femmes Les enseignants qui ont répondu à notre questionnaire sont essentiellement des hommes à raison de 70,5 %. Ce résultat par rapport aux femmes peut être expliqué par le fait que le choix des répondants était aléatoire de telle sorte qu'on ne pouvait pas à chaque moment de l'enquête connaître la répartition entre les deux sexes. Matière enseignée Notre échantillon est polyvalent, constitué d'enseignants de différentes disciplines : cette diversité ne peut qu'être utile afin de dégager les tendances des enseignants selon leur matière de spécialité. Expérience dans l'enseignement En ce qui concerne l'expérience dans l'enseignement des personnes qui ont répondu à notre questionnaire, 72 % ont plus de 20 ans d'ancienneté, ce qui montre la vieillesse de la communauté d'enseignants dans la délégation d'El-fida mers sultan. Ce constat peut être expliqué par le fait que cette délégation est considérée comme la plus ancienne dans l'académie de Casablanca. Il nous parait donc utile de prendre en considération ce facteur d'ancienneté en service dans l'analyse des obstacles à l'intégration des TIC dans l'enseignement. Utilité des TIC Les résultats montrent que 57 % des enseignants jugent que l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines est très importante contre 29 % qui qualifient l'éventuelle utilisation d'importante. Le questionnement sur le degré d'utilité des TIC dans la pratique enseignante permet de révéler une information très importante, à savoir l'aptitude et la prédisposition des enseignants à s'investir pour une bonne intégration des TIC en classe. Quant aux réfractaires au changement, ils représentent 11 %. Nous estimons que ce recul par rapport à l'intégration de l'innovation est peut-être dû à leur méconnaissance totale de l'outil, ce qui induit la peur de l'inconnu et de tout ce qui est nouveau, ou bien à leur idéologie. Formation en TIC La majorité des enseignants n'ont jamais bénéficié d'une formation en matière de TIC et seuls 7,5 % d'entre eux déclarent avoir bénéficié de la dite formation durant leur parcours professionnel initial. Un questionnement sur la formation initiale des enseignants est alors à prendre en considération. Le pourcentage des enseignants qui ont bénéficié d'une formation en TIC « dans le cadre de la formation continue » ne dépasse pas 20 %, ce qui pose la question de la généralisation des formations à l'ensemble du corps enseignant. De plus, compte tenu des formations qui peuvent être financées par les enseignants eux-mêmes, on peut encore réduire davantage ce pourcentage. Ce constat nous amène à réfléchir sérieusement sur les objectifs des formations qui sont minorés au bénéfice des réflexions consacrées aux aspects liés aux contenus. En effet, le volet relatif à l'accompagnement des bénéficiaires après l'achèvement des formations doit être pris en considération. Utilisation de l'ordinateur et Internet Compte tenu des données relatives aux non-utilisateurs de l'ordinateur et d'Internet d'une part, et celles relatives à l'appréciation des « résistants au changement » envers la question de l'utilité des TIC dans l'enseignement d'autre part, ces résultats justifient ceux de la question relative aux représentations sur l'utilité des TIC dans le travail enseignant. En revanche, on constate une prédisposition à s'investir pour une bonne intégration des TIC dans l'enseignement. 17 % des enseignants formulent l'aptitude à utiliser l'ordinateur pour la saisie et la préparation des cours : c'est le début d'une rupture avec les pratiques classiques. Le téléchargement des informations et l'utilisation du courrier électronique constituent des pratiques dominantes, ces résultats viennent confirmer ceux relatifs à l'appréciation sur l'utilité des TIC dans le travail enseignant. De même, l'exploitation des capacités communicationnelles du réseau l'emporte sur l'utilisation effective des services particuliers tels que les forums de discussion. Toutefois, la formation des non-utilisateurs de l'ordinateur et d'Internet s'avère une priorité afin qu'ils puissent mieux exploiter cet outil et ne pas avoir de retard par rapport aux autres collègues. Cette différence ne doit pas exister afin de ne pas mettre en doute les points forts d'Internet qui sont entre autres l'accès à l'information pour tous et l'égalité dans l'usage. Enfin seuls 6 % des enseignants utilisent les forums de discussion. On peut dire que ce service reste encore méconnu par une grande masse des enseignants bien qu'il représente une source importante d'informations, du fait qu'il fait appel à la participation de plusieurs individus (collègues invisibles) qui enrichissent les débats par leurs interventions dans leurs domaines de spécialité. Bien qu'une majorité des enseignants manifestent un besoin de formation en matière de TIC, ils arrivent à utiliser d'une manière raisonnée les ressources offertes par l'ordinateur et Internet, ce qui montre clairement que la question d'intégration des TIC dans la pratique enseignante n'est pas un problème de contenu, mais une question de méthodologie. Ceci peut engendrer un débat sur les contenus numériques qui seront proposés par l'École et plus particulièrement sur leur légitimité par rapport aux contenus proposés par d'autres ressources informationnelles ! Mode de recherche Afin de mettre en évidence les tendances relatives à la discipline de spécialité des enseignants et le degré d'appréciation de l'intégration des TIC dans la pratique enseignant, nous avons croisé les données relatives à la matière d'enseignement d'une part et l'appréciation sur l'utilité des TIC d'autre part. Il ressort des réponses qu'une grande importance est accordée à l'utilisation des TIC par les enseignants (57 %). Un grand intérêt pour ces techniques est accordé par les enseignants des langues, suivi par les enseignants des SVT, physique, mathématique et informatique tandis que les enseignants de philosophie ne sentent pas l'utilité des TIC pour l'enseignement de leur matière. L'intérêt accordé par les enseignants de langues, et plus particulièrement ceux de la langue anglaise, envers l'utilité d'intégration des TIC peut être expliqué par le fait que ces enseignants utilisent quotidiennement dans leur pratiques des outils didactiques sonores (conversations sonores, films et images animés..) : en conséquence, la place de ces outils didactiques favorisent l'appropriation immédiate des concepts. Ainsi, l'intégration de nouveaux outils TIC ouvrira la voie à de nouvelles possibilités pour l'acte d'apprentissage. Matière enseignée/formation en TIC Pour connaître la relation liant la matière de spécialité avec la formation en TIC nous avons croisé les réponses relatives à la question « matière enseignée » d'une part et « la formation en TIC » d'autre part. On constate que les enseignants des matières traduction, philosophie, éducation islamique et SVT n'ont jamais bénéficié d'une formation en TIC durant toute leur vie professionnelle. Face à ces résultats on est en droit de se poser des questions sur les aspects méthodologiques adoptés lors d'une campagne de formation organisée par les services compétents. Ainsi les critères de choix des enseignants devant bénéficier de formations ne doit pas être mis à l'écart. Obstacles à l'intégration Les résultats de cette question viennent encore une fois confirmer ce qui a été dit précédemment sur la question d'intégration effective des TIC dans l'enseignement des disciplines. À part la question de l'accompagnement soulevée précédemment, la problématique de formation s'impose toujours, mais il y a peut-être une confusion concernant le terme formation des enseignants. Il ne s'agit pas à notre avis d'une obligation à maîtriser par exemple les logiciels et dépasser la simple connaissance d'exploitation de ceux-ci pour des fins pédagogiques, cela relevant plutôt de la tâche de l'expert. Les enseignants doivent avoir le minimum de connaissances en matière d'utilisation et d'exploitation des logiciels d'application leur permettant d'interagir aisément avec les applications pédagogiques et contenus numériques qui seront mis à leur disposition durant les prochaines phases de généralisation. Par le terme « manque de formation », les enseignants font peut-être allusion à l'élaboration des ressources utiles pour leurs élèves, des contenus numériques qu'ils croient être dans l'obligation de créer ou de concevoir dans cette période. Il faut comprendre que l'utilisation effective dépasse les difficultés relatives à la conception des logiciels et la création par eux-mêmes des ressources numériques. C'est par des processus d'autoformation et en voulant « se développer » que les enseignants pourront contribuer à l'élaboration des contenus numériques. C'est par un développement professionnel personnel et un suivi des nouveautés technologiques continu que les enseignants arriveront à ce stade. Il faut dire que la question précise qui entrave l'intégration des TIC est le manque de vision globale clarifiant les objectifs de l'intégration et ses bénéfices pour l'enseignant et l'apprenant. En effet, là réside la raison qui fait que les salles sont toujours fermées à cause de manque d'initiatives locales permettant de les rendre opérationnelles. 15 % incriminent le devoir d'achever le programme à temps comme étant un obstacle à l'intégration des TIC : cette représentation reflète ce qui a été soulevé précédemment concernant la question de l'intégration méthodologique des TIC et nous permet de lancer un questionnement sur la réalité de l'intégration en terme de gain de temps dans le processus d'apprentissage. En effet, l'intégration « raisonnée » et « méthodologique » des TIC en classe ne peut être que bénéfique pour l'acte d'enseignement-apprentissage. Le croisement des résultats relatifs à la matière enseignée d'une part et les obstacles à l'intégration d'autre part, montre que les enseignants ressentent différemment les obstacles liés à l'intégration des TIC dan l'enseignement de leurs disciplines. Le manque d'accompagnement pédagogique s'impose comme facteur bloquant une intégration méthodologique et continue dans le temps. 9 - Conclusion Le travail de recherche que nous avons mené auprès des enseignants de la délégation El-fida mers sultan nous a permis de conclure que les implications engendrées par les défis la société de l'information d'une part, et les mutations que connaît le système éducatif marocain d'autre part, ont favorisé l'émergence de nouvelles techniques pour les différents acteurs supposés directement impliqués dans l'acte pédagogique sans que cela n'affecte leurs pratiques effectives en classe. En effet, en plus des nouveautés en matière d'approches d'enseignement qui se succèdent à un rythme laissant de faibles chances à l'enseignant pour maîtriser l'approche en cours, celui-ci se trouve dans l'obligation d'adopter une approche nouvelle alors qu'il s'est à peine familiarisé avec l'approche précédente. C'est dans cette optique que la formation aux usages pédagogiques des TIC pose de nombreux écueils, ce qui rend problématique le transfert de la théorie dans la pratique professionnelle des enseignants. La première constatation tirée des résultats de l'étude est cette prédisposition et cette représentation positive des enseignants vis-à-vis de l'introduction des TIC dans l'enseignement. Il faut signaler que l'intégration progressive de la technique dans la vie courante a contribué d'une façon remarquable à cette modélisation des représentations. Il va sans dire que l'intégration efficace des TIC ne s'apprend pas en un seul cours ou lors d'une courte formation, c'est un processus continu qui nécessite temps et effort (Sheingold et Hadley, 1990) Le deuxième constat concerne le volet formation ; selon l'étude, 71 % des enseignants n'ont jamais bénéficié de formation en matière TIC. Ce chiffre illustre d'une façon plus claire le dysfonctionnement de la première phase de généralisation où la plus grande importance a été uniquement accordée à l'équipement des établissements, tandis que les côtés accompagnement et sensibilisation de l'enseignant ont été négligés. En effet, la nécessité s'impose d'adopter une nouvelle stratégie qui met en relief l'importance des TICE dans le développement professionnel des enseignants et proposant des situations d'intégration des TIC pour l'amélioration de l'enseignement. C'est dans ce cadre que le ministère a entrepris un processus de formation en cascade visant la formation des enseignants par leurs collègues (démultiplication de la formation) et dont nous aurons la possibilité d'en évaluer la pertinence. Il faut insister sur le fait que dans ce nouveau paradigme centré sur les TIC, le contenu des formations doit être remis en question et certains aspects méthodologiques doivent être pris en considération. En effet, finalement, le rôle de l'enseignant ne se limite pas à la simple présentation de l'information à l'apprenant. Il doit aussi gérer les ressources numériques et élaborer des scénarios pédagogiques pour assurer une intégration raisonnée des TIC dans l'apprentissage. De plus, il doit contribuer au développement de certaines compétences transversales des apprenants telles que l'organisation, le traitement, la critique, l'exploitation, la production et le partage de l'information. Voici donc le processus informationnel que l'enseignant se trouve dans l'obligation de maîtriser en premier lieu avant qu'il ne réfléchisse à le graver dans les pratiques des apprenants. Il parait donc essentiel de poursuivre des recherches pour comprendre comment aider les enseignants en exercice à progresser vers une intégration de plus en plus efficace des TIC et ainsi permettre progressivement aux élèves d'apprendre plus et mieux grâce à ces outils. Dans la même perspective, un programme de recherche visant l'étude des effets de l'utilisation des TIC sur l'apprentissage des matières s'impose. Enfin, une nécessité de sensibilisation des enseignants s'impose en terme d'adoption d'une attitude de veille culturelle, sociologique, pédagogique et didactique, pour comprendre de quoi l'école, ses publics et ses programmes seront faits demain. C'est pourquoi les enseignants ne doivent jamais considérer les TIC comme des activités facultatives, superflues, à faire uniquement « lorsque l'on en a le temps » (Perrenoud, 1998). Abdelouahed Biaz UFR Ingénierie et Techniques de l'Éducation et de la Formation, Bibliographie Barbot, M.-J. (2003). « Médiatisation dans l'enseignement supérieur : vers un nouveau paradigme éducatif ? », Revue ALSIC, Vol. 6, n° 1, juin 2003, p. 175-189. Biaz, A. ; Bennamara, A. ; Khyati, A. ; Talbi, M. (2007). « Analyse des pratiques étudiantes sur Internet Cas des étudiants-chercheurs de la Faculté des Sciences Ben M'Sik », EpiNet : la revue électronique de l'EPI, n° 97. Karsenti, T. et Larose, F. (dir.) (2005). L'intégration pédagogique des TIC dans le travail enseignant : recherches et pratiques. Sainte-Foy : Presses de l'Université du Québec, XIV, 245 p. Kessous, E. et Metzger, J.-L. (dir.) (2005). Le travail avec les technologies de l'information, Paris : Lavoisier, VI, 314 p. Ferrero, M. ; Clerc, N. (2005). L'école et les nouvelles technologies en question, Paris : L'Harmattan, 207 p. Isabelle, C. ; Lapointe, C. et Chiasson, M. (2002). « Pour une intégration réussie des TIC à l'école. De la formation des directions à la formation des maîtres » In Revue des sciences de l'éducation, Vol. XXVIII, n° 2, p. 325-343. Charlier, B. ; Daele, A. & Deschryver, N. (2002). Vers une approche intégrée des technologies de l'information et de la communication dans les pratiques d'enseignement, Revue des Sciences de l'Éducation, XXVIII (2), 345-365. Karsenti, T. ; Peraya, D. & Viens, J. (2002). Bilan et prospectives de la recherche sur la formation des maîtres à l'intégration pédagogique des TIC. In J. Viens, D. Peraya & T. Karsenti (Ed.), Intégration pédagogique des TIC : recherches et formation, numéro thématique de la Revue des Sciences de l'Éducation, 28(2), 459-470. Karsenti, T. (2004). Les TIC et les futurs enseignants : les facteurs qui influencent leur utilisation. In D. Biron et M. Cividini (dir.), La formation enseignante au temps des réformes, 263-280. Sherbrooke : Éditions du CRP. : Poellhuber, B. et Boulanger, R. (2001). Un modèle constructiviste d'intégration des TIC, rapport de recherche. Collège Laflèche, 214 p. Programme d'urgence. Nouveau souffle de la réforme : http://www.men.gov.ma/purgence/. NOTES [1] Le terme TIC désigne l'ensemble des technologies faisant appel à un support numérique et servant à traiter l'information (Poellhuber et Boulanger, 2001). [2] Ce concept permet aux enseignants en formation de mener un projet d'action favorisant un apprentissage collaboratif. Les auteurs présentent trois projets de recherche-action- formation : le projet Learn-Nett; le projet Intégration et exploitation d'Internet en classe dans le domaine de l'apprentissage des sciences et le projet Form@Hetice. [3] Projet de généralisation des TIC dans l'enseignement public. Le lancement officiel de ce programme a été procédé par Sa Majesté Le Roi Mohammed VI le 15 septembre 2005. Le financement de ce programme est assuré conjointement par le Fonds du Service Universel des Télécommunications et le Ministère de l'Éducation nationale. ___________________ |
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