L'informatique
« élevée au rang d'une discipline scolaire à part entière »
et « en tant que telle »
 

   Deux rapports importants ont été publiés lors du mois de juillet. Le premier a été remis au début du mois à Nathalie Kosciusko-Morizet par la commission Économie numérique présidée par Alain Bravo (Centre d'analyse stratégique. Premier Ministre), rapport intitulé : « La société et l'économie à l'aune de la révolution numérique – Enjeux et perspectives des prochaines décennies (2015-2025) » [1]. Le deuxième, remis le 23 juillet à Valérie Pécresse, correspond à son souhait « la France se donne une stratégie nationale de recherche et d'innovation » [2].

   La révolution des technologies de l'information est devenue une réalité. À l'orée du XXIe siècle, notre société est confrontée à des défis nouveaux et urgents. Pour les relever, au coeur des réponses à apporter les maîtres mots connaissance, recherche, innovation, formation. Les deux rapports sont pleins d'analyses, diagnostics, hypothèses, propositions, solutions dans moult domaines. L'un et l'autre préconisent un enseignement de l'informatique en tant que tel.

   Concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport « Stratégie nationale de recherche et d'innovation », SNRI [3], fait le constat que d'une façon générale, « le système éducatif ne lui a pas donné une place suffisante en regard des enjeux futurs, industriels et d'innovation pour l'ensemble de l'économie nationale, et de participation à la vie sociale et politique de la part des citoyens. Absentes aux niveaux primaire et secondaire, elles sont inexistantes ou trop limitées dans les classes préparatoires aux grandes écoles. La majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines. Pourtant, ils utiliseront ou pourront avoir à décider de l'utilisation d'outils informatiques sophistiqués. Il est à craindre qu'ils ne le feront pas avec un rendement optimal ou que, en position de responsabilité, ils sous-estimeront l'importance du secteur. »

   En conséquence, le rapport SNRI fait des préconisations précises (page 16) : « Dès les cycles primaire et secondaire, un enseignement d'informatique doit viser l'acquisition de bases solides en matière de programmation et d'algorithmique, de représentations numériques des textes, des images et des sons, d'architecture des machines, de réseaux, de bases de données, etc. Pour être efficaces, ces cursus doivent développer la continuité du raisonnement depuis la conception de l'expression algorithmique jusqu'à sa réalisation effective et prendre au lycée la forme d'une discipline scolaire en tant que telle [4]. L'acquisition de ce socle de base pourrait ensuite attirer les meilleurs étudiants vers ces disciplines et pourrait éviter également que les filles ne se détournent de ce type d'études par méconnaissance de la réalité du domaine. »

   Dans le rapport de la commission Économie numérique à Nathalie Kosciusko-Morizet, fondée sur le fait qu'« à l'aune de la révolution numérique, la connaissance des hommes et des femmes est fondamentale, décisive », figure la recommandation suivante : « ... il convient d'élever l'enseignement du numérique, des réseaux et systèmes d'information, au rang d'une discipline scientifique à part entière. »

   L'on sait que l'informatique « objet d'enseignement » et l'informatique « outil pédagogique » sont complémentaires et que loin de s'opposer, au contraire, elles se renforcent mutuellement [5]. Le rapport de la commission Économie numérique insiste sur cet aspect des choses : « Le numérique ouvre un champ de possibilités et d'innovations en matière pédagogique qu'il faut mettre à profit d'urgence. Ceci ne sera possible que si ces éléments sont pleinement intégrés dans la formation des enseignants, si des outils pédagogiques s'appuyant sur des plates-formes numériques collaboratives sont développés et largement déployés et que les enseignants ont pleinement accès aux ressources de l'Internet. » [6]

   L'EPI, dont on connaît les actions avec le groupe ITIC de l'ASTI en faveur de la création d'une discipline informatique au lycée, se félicite bien entendu de ces deux rapports publiés au moment où sont redéfinies les priorités pour le développement de la société numérique [7].

Le 15 septembre 2009

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/090708v5-Rapport_final-8-7-2009.pdf.

[2] http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/SNRI/69/8/ Rapport_general_de_la_SNRI_-_version_finale_65698.pdf.

[3] Rapport du groupe « Numérique, calcul intensif et mathématiques ».
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid28982/ snri-les-rapports-des-groupes-de-travail.html.

[4] Voir sur ce sujet le site du groupe de travail ITIC de l'ASTI :
http://asti.ibisc.univ-evry.fr/groupe-itic/.

[5] Tout miser sur « l'utilisation » de l'informatique dans les disciplines ce révèle très insuffisant comme en témoigne encore l'enquête réalisée récemment dans les Landes, pourtant département pilote depuis des années :
http://www.landesinteractives.net/pagesEditos.asp?IDPAGE=228.
C'est une approche « exclusive » qui est en cause.
Voir également « Et si la voie suivie n'était pas la bonne ? », Jacques Baudé (15 mai 2007)
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0705a.htm.

Sur cette complémentarité, on pourra se reporter au site de l'EPI, à ses rubriques « Articles », « Documents », « Historique », ses archives, aux coéditions INRP-EPI...

[6] Le rapport comporte d'autres recommandations intéressantes. Ainsi peut-on notamment y lire : « ... en renforçant, dès l'école primaire et au collège, l'apprentissage des techniques usuelles de l'information et de la communication : dactylographie, logiciels de base, en promouvant, en particulier, les logiciels libres, et en formant aux usages de l'Internet. » Et, concernant l'exception pédagogique : « Élargir, et rendre opérationnelle, l'exception aux droits d'auteur pour les documents multimédias utilisés à des fins pédagogiques ».

[7] Les deux associations auront l'occasion de le dire notamment le 24 septembre prochain quand elles seront reçues au cabinet du ministre Luc Chatel par Érick Roser, conseiller du ministre pour les affaires pédagogiques.
http://www.education.gouv.fr/cid2534/les-membres-cabinet.html.

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Association EPI
Septembre 2009

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