Langues et culture de l'antiquité... Clicare or not clicare ? Patrick Voisin Cette question n'a rien d'existentiel, mais c'est pourtant l'existence des langues anciennes qui en dépend très probablement. Et la réponse qu'elle appelle est une évidence ; pour tous ceux qui veulent faire vivre les langues anciennes au XXIe siècle elle ne se pose même pas ! L'Europe plurilingue et plurilinguiste montre la route à suivre aux pays de langue romane et en particulier au nôtre, à l'image du site web de la Présidence finlandaise du Conseil de l'Union européenne en 2006 – eu2006.fi – avec ses news en latin, son Conspectus rerum Latinus : En août 2006, a eu lieu à Oxford, au Corpus Christi College, le premier cours de formation européenne sur les usages TIC pour l'enseignement des langues anciennes, dans le cadre du projet CIRCE (Classics and ICT Resource Course for Europe / Cours et ressources TIC européennes pour la formation des professeurs de Langues Anciennes) : Trente cinq professeurs de langues anciennes de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur, originaires de 9 pays d'Europe, furent en quelque sorte les pionniers de ce projet qui a connu une suite à Nyborg (Danemark) en 2007 puis à Rome (Italie) en 2008, et qui verra sa 4e édition à Ljubljana (Slovénie) en 2009. Je rentrais de ce cours européen d'Oxford, et ce fut une évidence. J'élaborai aussitôt – durant le voyage même ! – une sitographie pour l'enseignement des langues anciennes intitulée Nunc est clicandum ! « Maintenant il faut cliquer ! », reprise ensuite par de nombreux sites académiques et d'associations ; je citerai de manière non exhaustive : Aujourd'hui, en 2008, les TICE sont déjà un outil efficace pour l'enseignement des langues anciennes dans le 2nd degré, tout particulièrement dans les collèges, comme le montrent les nombreuses expériences pédagogiques partagées sur les forums ou dans les listes de diffusion des sites suivants : Est-ce à dire que la partie est gagnée ? Non. Quelle réflexion peut donc encore être menée ? TICE et langues anciennes dans les CPGE littéraires Il s'agit d'envisager comment les TICE peuvent s'articuler avec l'enseignement des langues anciennes dans les classes préparatoires littéraires, domaine où des pratiques dorénavant acquises dans le 2nd cycle sont loin d'être courantes et sont même assez rares. Pourquoi cet écart ? Les obstacles existent, soyons réalistes.
Mais des éléments nouveaux sont intervenus, qui changent notablement la donne.
Telle est la situation des langues anciennes dans ces classes de l'enseignement supérieur ; et telle est donc notre obligation : « Maintenant c'est l'heure de cliquer dans les classes préparatoires littéraires ! ». Le discours de la méthode - Le cadre fixé par l'Inspection générale Puisqu'il n'est pas question de « surfer-hors-piste » dans des classes aux missions élevées et clairement définies, le point de départ pour cette exploration reste les textes officiels, c'est-à-dire les nouveaux objectifs définis par le Ministère et l'Inspection générale des lettres. On distinguera deux types de textes qui présentent de façon complémentaire : - l'esprit : - la lettre : Et l'on peut encore ajouter, document fort utile pour certains aspects, le Guide Pédagogique de langues anciennes, même s'il a été écrit pour le 2nd degré : Le professeur de « lettres classiques » d'autrefois est dorénavant professeur de « langues et culture de l'antiquité », dénomination d'ailleurs étendue des CPGE (rentrée 2007) au 2nd cycle (rentrée 2008).
- Les voies d'exploration Il y a deux manières de procéder pour le professeur néophyte ou même déjà initié.
- Les besoins pédagogiques Dès lors, face à un immense réservoir d'outils et de pratiques, quelle peut être la démarche du professeur de « langues et culture de l'antiquité » au niveau des classes préparatoires littéraires ? Nous discernerons trois besoins prioritaires, qui peuvent constituer les bases d'une nouvelle pédagogie des langues anciennes dans ces classes de l'enseignement supérieur :
- Les pistes de travail Puis, une fois ces besoins définis, rendons-nous sur le site Helios !
Trois pistes peuvent être explorées, clicando... « par quelques clics », dès la page d'accueil ; les routes numériques offertes par le site sont celles des leçons, des espaces et des dispositifs, certes conçues pour le 2nd degré (collèges et 2nd cycle), mais n'avons-nous pas dans les classes préparatoires littéraires d'aujourd'hui un pourcentage majoritaire de grands débutants et/ou de reprenants – et plus seulement de continuants, en latin comme en grec ?
Ce champ d'investigation, cette carrière de matériaux et ce dépôt d'outils sont à la disposition du professeur de « langues et culture de l'antiquité » pour lui permettre de remplir les objectifs pédagogiques d'un enseignement de classes préparatoires littéraires. Les objectifs que peuvent servir les TICE Dans une ultime étape, il s'agit d'envisager l'utilisation des TICE – qui resteront un outil et ne seront jamais une finalité en soi – au service des objectifs de la pédagogie des classes préparatoires littéraires. L'on peut dénombrer quatre objectifs majeurs auxquels les TICE peuvent contribuer. - Explorare / « explorer » Les latinistes ont leur moteur de recherches www.google.com/intl/la/...Google latina, même si les pages que l'on obtient ensuite sont les pages normales accessibles par google.fr ou google.com dans une recherche généraliste ; l'interface donne l'impression que l'on fait partie des pauci beati, des happy few ou des « quelques heureux » ! Mais pour les antiquisants il existe de nombreux portails spécifiques qui permettent de réduire le champ des recherches et de gagner du temps : - Vertere / « traduire » La Toile offre les ressources suivantes pour mener à bien cet objectif :
La liste, dans cette rubrique comme dans les autres, ne saurait être exhaustive. - Se exercere / « s'entraîner » Le site Helios présente une boîte à outils très vaste pour une pratique d'autocorrection de la part des étudiants : http://helios.fltr.ucl.ac.be/outils.htm. Mais pour ne pas perdre de temps tout en prenant son temps, festinare lente selon l'adage prêté à l'empereur Auguste, l'on peut encore conseiller : Il y a également la possibilité de s'exercer sur des juxtalinéaires en ligne : Des documents didactiques sous forme de diaporamas facilitent parfois la compréhension, véritables tutoriels : Et il existe même un manuel complet de grec ancien, Hellénis'TIC : - Commentaria componere / « commenter » Dans une perspective encyclopédique on peut se tourner vers des répertoires généraux de liens (littérature, civilisation...) : Vicipaedia Latina (en étant vigilant !) est également un point de départ intéressant : Mais l'on peut vouloir cerner des domaines plus spécifiques, et leur nombre est immense : histoire ancienne, numismatique, militaria, atlas divers, sciences, religions, archéologie, arts..., comme les recense partiellement ma sitographie déjà évoquée. Quid aliud ? What else ? Quoi d'autre ? Resterait-il autre chose à envisager ? Oui. Ne jamais oublier que la pratique pédagogique est un ludus, à la fois « école » et « jeu » en latin ! Or certains sites permettent de faire du « petit latin » en suivant l'actualité, avant de revenir à Cicéron ou à Sénèque pour une version latine sur feuille !
D'autres pays que le nôtre n'ont pas jugé stupide l'idée que l'actualité immédiate du monde contemporain soit donnée de manière quotidienne sur la Toile dans un latin classique irréprochable qui permette de se familiariser avec la langue, visuellement et auditivement – en mp3 ! Le latin, langue ancienne, ne serait-il pas même une langue de communication latente pour l'Europe, au-delà de son identité reconnue de langue de culture ? Mais c'est une autre question : Latine loqui or not latine loqui ? L'évidence Ainsi l'enseignement des langues anciennes doit-il s'ouvrir aux nouvelles technologies dans les classes préparatoires littéraires – et non plus dans le seul 2nd degré –, comme l'invitation en est donnée sur plusieurs sites rattachés au Ministère de l'Éducation nationale :
Faut-il encore ajouter, à l'heure où le handicap est un sujet de réflexion majeur dans l'Éducation nationale, que l'apprentissage des langues anciennes, qui nécessite des dictionnaires volumineux et des ouvrages difficiles à traduire en braille ou à scanner, devient plus accessible pour les déficients visuels grâce au site Vitellus vitellus.ifrance.com/ « Du français, du latin, du grec du braille » ? Oui, disons-le franchement, vouloir au XXIe siècle n'envisager les langues anciennes – comme tout autre domaine d'ailleurs, puisque les langues anciennes n'ont aucun statut particularisant – que dans un rapport au livre, avec la nostalgie des pages découpées et du parfum d'une vieille édition, c'est comme en rester aux manuscrits et aux lettres gothiques en plein XVIe siècle ! C'est s'en tenir à la « peau de Pergame », le parchemin. C'est refuser les grandes découvertes et l'imprimerie de notre « Nouveau Nouveau monde ». C'est, en affirmant sa fidélité à Gutenberg, trahir l'esprit de Gutenberg. Voilà un combat vital pour les professeurs de langues anciennes, qu'il leur faut mener tournés vers l'avenir sans nostalgie régressive, sorte de militia docendi sur le nouveau limes, sur la « Nouvelle Frontière » des langues et de la culture de l'antiquité. Patrick Voisin Professeur de littérature française (khâgne A/L Ulm) Contact : patrick-voisin@wanadoo.fr Le présent texte correspond à l'intervention de M. Voisin à la session 4 « Les TICE : un outil efficace pour l'enseignement des disciplines littéraires » du colloque international ePrep 2008. Publications récentes - Il faut reconstruire Carthage. Méditerranée plurielle et langues anciennes, Paris, L'Harmattan, 2007, - « Langues et cultures de l'antiquité : manifeste pour une Nouvelle Frontière », in Revue Cause Commune, Cerf, printemps 2008, n° 3, p. 121-197 (dossier), Directeur du Concours Européen Cicero : ___________________ |
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