Évolution de l'enseignement de l'informatique au Lycée Pilote Innovant de Poitiers
1987-2007

Jean-François Billaud
 

1987-1992. Option informatique des lycées

   C'est un enseignement optionnel sanctionné par une épreuve écrite au baccalauréat avec un horaire de 2 h en seconde, première et terminale.

   Le programme comporte une partie analyse-programmation (algorithmique et structures de données), technique (matériel, architecture...) et « informatique et société » (aspects sociaux, juridiques...).

   Les enseignants ont une formation lourde (CFIAP = Centres de formation à l'informatique et à ses applications pédagogiques ou formations universitaires).

   Localement (académie de Poitiers) il y a 5 jours annuels de regroupement pour la formation continue pour tous les enseignants de l'option. Au menu : formation en informatique théorique, didactique de la discipline, comptes-rendus d'expériences pédagogiques, droit...

   Il est question pendant un temps de CAPES et d'Agrégation d'informatique, avec une inspection générale d'informatique (l'informatique étant considérée comme une discipline à part entière), puis d'un rattachement aux mathématiques (voir ce qui se passe dans l'enseignement supérieur sur les relations fortes entre informatique et mathématiques dans certaines universités), puis il n'est plus du tout question de tout ça...

   À la fin de cette période les centres de formation ferment les uns après les autres (Poitiers fin 1992).

   Voir le site EPI pour plus d'informations : http://www.epi.asso.fr/.

1992-1995. Nouvelle option, ateliers et option au LPI

   L'option informatique des lycées sanctionnée par une épreuve de bac est supprimée. Raison officielle : « élitisme ». Raison officieuse le plus souvent évoquée : récupération de moyens.

   On entre alors nationalement dans une période transitoire où l'horaire est diminué, le programme modifié avec mise en avant du paradigme de l'informatique outil : l'informatique n'est pas une discipline en soi, c'est un outil au service des autres disciplines. On se demandera au passage 1) comment il se fait que dans l'enseignement supérieur l'informatique est un champ disciplinaire autonome 2) pourquoi les lettres et les mathématiques n'ont pas ce statut d'outil dans l'enseignement secondaire.

   L'option informatique nationale va être transformée puis remplacée par une « mise à niveau » de certains élèves de seconde :
http://eduscol.education.fr/D0056/miseaniveauinformatique.htm.

   Au LPI est conservé quelque temps un enseignement d'informatique dans l'esprit initial de l'option des lycées (technique et « informatique et société ») uniquement pour des élèves volontaires.

1995-2006. Informatique outil et informatique programmation

   Le milieu des années 90 voit la généralisation des réseaux au LPI et il est décidé de modifier l'enseignement de l'informatique : cet enseignement deviendra obligatoire et comportera les éléments suivants :

- 2 h en seconde par demi-classe : a) 1 h d'informatique outil incluant fichiers, réseau, bureautique, droit... b) 1 h d'informatique programmation algorithmique et programmation graphique (pour le côté motivant et créatif) objet (sans le dire) avec comme langage support le Pascal (plus quelques bibliothèques graphiques fournies aux élèves).

- 1 h en première d'informatique outil incluant entre autres l'usage d'un logiciel de traitement d'images, de composition de pages HTML, des logiciels de montage de son et de vidéo, typographie et mise en page, droit et autres divers sujets permettant d'aborder quand même quelques concepts informatiques intéressants (histoire du HTML et notion de document électronique, SPAM et propagation du courrier électronique, client-serveur, etc.).

   Les logiciels utilisés sont de préférence des logiciels libres, à défaut des logiciels gratuits ou fournis avec le système d'exploitation (ce qui permet aux élèves d'utiliser les mêmes chez eux).

   On notera le problème majeur de la formation des enseignants : les mutations et départs en retraite des enseignants à formation lourde font que l'enseignement d'informatique est de plus en plus confié à des professeurs dont les connaissances se limitent souvent à l'usage personnel des outils bureautiques.

   Au niveau académique il n'existe plus pour les enseignants que des formations de bureautique et une unique formation à la conduite de projets multimédias.

Informatique production et communication

   L'informatique programmation est remplacée par l'informatique communication, et l'informatique outil est remplacée par l'informatique production.

   Le nouveau paradigme est « La formation en informatique et la certification par le B2i pour tous les élèves à travers des projets inter et transdisciplinaires ».

   Si l'on y regarde de plus près, il s'agit de supprimer l'informatique conçue comme discipline autonome (de toute façon les enseignants d'informatique ont quasiment tous disparu) et de créer un enseignement TIC rattaché à la documentation : c'est une revendication d'un certain nombre de documentalistes et de membres de l'inspection générale de documentation qui d'ailleurs vient d'être satisfaite par le ministère de l'Éducation nationale. Notons que contrairement à l'enseignement supérieur où la documentation a du mal à trouver sa place entre un pôle lettres et communication et un autre pôle mathématiques et informatique dans le secondaire la documentation incluant travail documentaire, production multimédia et communication a trouvé un espace libre.

Perspectives

   Il est toujours difficile de faire des prévisions, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir (sagesse populaire).

   La mise en place à la rentrée 2008 de l'option « informatique et réseau » des nouvelles filières techniques va réintroduire de l'informatique dans le second cycle pour un petit nombre d'élèves : comme d'habitude reste le « petit » problème de la formation et de la mise en place de ces programmes.

   L'enseignement des TIC par la production risque de montrer ses limites : utilisation d'outils alors que les concepts mis en oeuvre dans ces outils ne sont ni assimilés ni même explicités, impossibilité de montrer les caractéristiques des différents outils et donc de choisir (par exemple pour faire de la mise en page faut-il utiliser OpenOffice.org, Scribus, LyX ou autre chose ?), transférabilité faible, concepts généraux pas abordés (en gros pas assez de contenu informatique, et ça va trop vite pour que ce peu de contenu soit assimilé).

   On peut espérer une réflexion sur les contenus et la didactique au moins sur le volet de l'éducation à l'information :
http://www.cndp.fr/archivage/valid/89418/89418-14447-18257.pdf
mais il est regrettable que tous les travaux didactiques de l'option informatique des lycées soient complètement ignorés (voir les archives du site EPI).

   Notons qu'il est possible qu'il y ait d'ici quelque temps un peu de changement dans les programmes :
http://www.candidats.fr/documents/reponses-candidatsfr-nicolas-sarkozy.pdf
(voir à la fin la section « Industrie logicielle, diversité et formation numérique »).

Jean-François Billaud
Enseignant d'informatique au lycée innovant
Bureau national de l'EPI
Membre de l'AFUL et d'APRIL

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Association EPI
Décembre 2007

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