Enseignement des langues : de la langue de spécialité Xavier Sanchez, Christine Bonneville 1.- Introduction Nous allons présenter une expérience de l'enseignement de la langue de spécialité et de la traduction spécialisée scientifique s'appuyant sur les outils informatiques, et qui a été créée et développée au sein du Département de Langues Étrangères Appliquées (LEA) de l'Université d'Évry (France). En effet, dans le cadre du pôle scientifique existant à notre université, en particulier le Génopôle, nous avons mis en place une méthodologie sur corpus électroniques scientifiques permettant aux étudiants, en particulier de Master, d'appréhender ce type des textes électroniques, de sélectionner les mots de spécialités et d'en proposer une traduction la plus proche possible du texte source. L'étudiant ne travaille que sur des corpus de spécialité issus d'Internet. En effet, on trouve à présent énormément de textes de chercheurs en sciences se rapportant aux dernières recherches effectuées dans les différents domaines. Nous en présenterons ici les différentes étapes mises en place pour ce travail d'enseignement et de recherche. 2.- Méthodologie Notre méthodologie s'appuie pour la première étape sur l'utilisation des moteurs de recherche sur internet afin de choisir les corpus électroniques dans les différents domaines scientifiques existants. L'étudiant, une fois les corpus électroniques choisis, les propose pour validation à l'enseignant responsable dans les différentes langues : anglais et espagnol ou allemand. Par conséquent l'étudiant travaille les mots de spécialité et la traduction en trilingue (français et deux langues étrangères). Il effectue donc un travail de thème (français vers les langues étrangères) et de version (langue étrangère vers le français) sous différents outils informatiques : Word, Excel et Trados. La méthode comporte, outre le choix du corpus sur Internet, une première phase de repérage sur poste de travail informatique des mots de spécialité de corpus qui est suivie des différentes traductions trilingues. Pourquoi effectuer d'abord le travail sur les termes de spécialité ? Avant toute traduction, il est indispensable de sélectionner tous les mots de spécialité et de les définir afin de bien comprendre le sens du texte source pour ensuite effectuer la traduction. Nous pourrions schématiser sommairement les différentes étapes de cette méthodologie de la manière suivante :
Ce schéma sommaire recouvre quelques étapes fondamentales que nous allons développer ici :
Les termes de spécialité sont les mots qui sont spécifiques au domaine scientifique et non pas à la langue standard. Ce repérage se fait par l'intermédiaire de mise en relief des mots (gras ou couleur) et avec des renvois numérotés à la fin du fichier Word. Nous avons défini deux types de renvois informatisés :
Ce travail est suivi par la phase de traduction. L'étudiant effectue la traduction avec l'utilisation de deux fenêtres informatiques, l'une comportant le texte source (en haut de l'écran), et l'autre comportant le texte cible (en bas de l'écran) sur Word. Il peut l'effectuer également à partir du logiciel Trados permettant de créer des mémoires de traduction et de terminologie. Le problème est que l'étudiant ne dispose pas chez lui de ce logiciel. Cette phase traductionnelle est encadrée par l'enseignant-chercheur de chaque langue. Outre les difficultés de la terminologie des corpus, l'enseignant travaille en parallèle sur ordinateur avec les différents étudiants afin d'éviter toute mauvaise traduction : problèmes grammaticaux ou de syntaxe, faux-sens ou contresens, etc. Le but est d'accompagner l'étudiant tout au long de son travail afin qu'il puisse aboutir à un mémoire de traduction et de terminologie trilingue informatisé. Ce mémoire comporte entre 160 pages pour le premier niveau de Master et 200 pages pour la deuxième année de Master. Nous présenterons en annexe un exemple d'index chronologique et de glossaire spécialisé trilingue informatisé. Le glossaire de spécialité comporte des renvois avec lien (marqués par une étoile) entre les mots à l'intérieur du glossaire. Cela permet à l'utilisateur de comprendre la définition de façon optimale. 3. La formation du traducteur Cet ensemble méthodologique, s'appuyant sur les outils informatiques et la connaissance de deux langues étrangères, vise à donner à l'étudiant une formation de traducteur professionnel. D'autre part, comme nous l'avons déjà dit, en parallèle avec le travail de terminologie et traduction, l'étudiant apprend à utiliser les outils informatiques dédiés à la terminologie et à la traduction, tels que le logiciel Trados. Il apprend également à construire des sites Web multilingues et à traduire d'autres existants, ce qui complète sa formation. Notre expérience est que le travail de suivi de recherche par l'enseignant-chercheur est indispensable pour la finalisation des mémoires de traduction et de terminologie. En effet, l'étudiant bénéficie de l'expérience et de la compétence d'un traducteur confirmé, ce qui est fondamental pour le bon déroulement de son apprentissage. Le stage en entreprise obligatoire renforce la formation universitaire dont nous avons décrit ici les différentes étapes, d'autant plus qu'il travaille sur des logiciels de traduction et terminologie en milieu universitaire (cursus) et professionnel (stage). Citons pour mémoire quelques exemples des sujets qui ont été traités dans le cadre de cette formation : la synthèse des protéines, la radioactivité médicale, les maladies génétiques, le cancer du sein, le syndrome bipolaire, l'anorexie/boulimie, la recherche spatiale : moteurs à propulsion, l'effet de serre, les maladies du sang et de la moelle osseuse, le HIV, etc. Nous pouvons constater que l'ensemble des enseignements vise à renforcer la formation du traducteur à la fois sur le plan linguistique et informatique. À l'issue des cinq années de formation de Licence et de Master, l'étudiant est bien armé pour affronter le milieu professionnel, d'autant plus, rappelons-le, qu'il bénéficie d'un stage en entreprise d'une durée minimale de quatre mois en Master et six semaines en Licence. La batterie des enseignements informatiques étant un atout indispensable pour l'étudiant. Le mémoire de traduction et terminologie comporte en guise de conclusion une analyse fine des difficultés majeures rencontrées dans ce type de texte scientifique. 4. Formation complémentaire en traduction D'autre part, l'étudiant est également formé à la traduction sous-titrage et élabore un mémoire qui constitue son projet n° 2, le projet n° 1 étant le « mémoire de traduction et terminologie ». Pour le sous-titrage, l'étudiant bénéficie de trois années de formation où il apprend la technique de la traduction audiovisuelle. Il respecte les contraintes du sous-titrage définies en France par les chaînes généralistes : 34 caractères par lignes exposés pendant deux secondes en comptant également la ponctuation et les blancs. La chaîne « Arte » définit 30 caractères par ligne. L'étudiant est confronté à la difficulté de garde le sens initial de la bande audio et de le compresser dans la limite des caractères précédemment cités. En effet, des études prouvent qu'au-delà de ce nombre de caractères (30 à 34), le spectateur ne dispose pas du temps nécessaire pour lire les sous-titres tout en suivant l'action (bande vidéo). À ce niveau l'étudiant peut travailler avec des logiciels d'insertion des sous-titres et de synchronisation de la bande audio avec la bande vidéo. Ces logiciels sont disponibles sur le Web et l'étudiant peut élaborer un cédérom comportant le film et le sous-titrage multilingue. De plus, l'étudiant est initié à la pratique de la traduction consécutive et simultanée qui ouvre la possibilité d'entrer dans une école d'interprétariat telle que l'ESIT et l'ISIT en France. La pratique de la traduction consécutive et simultanée se fait pendant trois ans. En laboratoire de langues, l'étudiant travaille tout d'abord la traduction consécutive : prise de notes, et restitution de la traduction. Ensuite, il est formé à la traduction simultanée, c'est-à-dire la production de la traduction en temps réel. Il faut prendre en compte les trois points essentiels suivants : écoute du message, traitement, élocution/traduction. Ce type de traduction s'appuie sur les connaissances d'ordre cognitif des différentes possibilités du traitement de l'information linguistique et de sa restitution en langue étrangère ou en langue maternelle. Ainsi, il a été prouvé par la psychologie cognitive que le cerveau ne peut retenir que sept items au plus en traduction simultanée. L'étudiant doit donc apprendre en laboratoire de langues des séquences en langue lui permettant de restituer le texte de façon optimale. Le renfort cognitif de l'étudiant se fait progressivement avec une pratique sur trois ans où il acquiert des automatismes, en particulier grâce à la mémorisation des séquences dont nous avons parlé, ainsi qu'à l'accès cognitif rapide des mots. Il est également formé aux différentes « ambiances » dans lesquelles il peut se trouver au cours de son travail : cabine, traduction chuchotée, etc., avec les gênes qu'il peut subir (par exemple le bruit). Il doit donc s'adapter au milieu où il se trouve. Pendant les trois années de formation, nous simulons ce type de gène lors de la traduction consécutive et simultanée. Ce travail s'effectuera bientôt en laboratoire des langues multimédias avec la création d'une salle informatique dédiée au Département des Langues Étrangères Appliquées. 5. Conclusion La réalisation du mémoire de recherche grâce à Internet et aux outils informatiques permet, d'après les élèves eux-mêmes, d'approfondir leurs connaissances dans le domaine scientifique qui les intéressent plus particulièrement. Il leur permet par ailleurs de découvrir les méthodes de travail dans le domaine de la traduction, comme par exemple le travail sur ordinateurs à l'aide d'un logiciel de traduction (Trados) qu'ils déclarent apprécier tout particulièrement puisque cela facilite la rédaction et une plus grande souplesse de travail. Lorsque les étudiants sont amenés à traduire des termes de spécialité, ils utilisent des dictionnaires scientifiques informatisés, bilingues ou multilingues en s'appuyant sur des sites spécialisés sur Internet comme nous l'avons précédemment dit. Ils entrent également en contact avec des spécialistes du domaine qui n'hésitent en général pas à accorder leur soutien aux étudiants, leur donnant ainsi accès à des renseignements extrêmement précis sur le domaine qu'ils étudient. Quand les recherches s'avèrent infructueuses, ils travaillent sur les corpus électroniques dans la langue cible afin d'y repérer le terme qu'ils cherchent. Il arrive également qu'ils proposent une traduction du terme en question dans la langue cible à partir d'un moteur de recherche sur Internet, puisque beaucoup de termes scientifiques se ressemblent en français, en anglais, en espagnol et en allemand. Un grand nombre d'entre eux présentent de grandes similitudes comme par exemple métaphase (français), metafase (espagnol), metaphase (anglais), Metaphase (allemand) du grec -meta = succession, transformation. Certains passages, expressions, mots de vocabulaire scientifique ou général, posent par ailleurs des problèmes de traduction. Une élève les a ainsi classés dans différentes catégories : médiocrité de la langue source, syntaxe, grammaire, vocabulaire général, vocabulaire spécifique, étude comparative. Outre la formation approfondie des outils informatiques, notre expérience est que les échanges entre enseignants-enseignés (enseignement universitaire) et professionnels-stagiaires (stage en entreprise) permettent à l'étudiant d'acquérir une véritable formation qui lui permet de s'insérer rapidement dans le monde du travail. Au-delà du mémoire de Recherche, l'ensemble des enseignements principaux portant sur la traduction scientifique et sa terminologie ainsi sur les enseignements complémentaires, tels que le sous-titrage et la traduction consécutive et simultanée, font que l'étudiant est très bien préparé au monde professionnel dans les différents domaines de la traduction. Grâce à Internet il entre en contact avec les professionnels du domaine d'étude qu'il a choisi, il est arrivé à plusieurs reprises que la qualité de son travail lui permette de recevoir des propositions d'embauche au cours de leurs études. Certains ont ainsi pu enchaîner directement la fin de leur cursus universitaire avec un premier emploi sous forme de Contrat à Durée Indéterminée. Pour conclure nous rappelons l'importance toujours grandissante d'Internet qui constitue une source d'information considérable et que nous avons mis au coeur de notre méthodologie de recherche traductionnelle. Xavier Sanchez, Christine Bonneville Annexes Exemple de lexique chronologique : Nutrition et anti-oxidants 1) Aminoácido / Acide aminé / Aminoacid 2) Oligo-elementos / Oligo-éléments / Trace elements 3) Fitoquímicos / Phytochimique / Phytochemical 4) Sodio/ Sodium / Sodium 5) Hipernutrición / Suralimentation / Overnourishment 6) Hemoglobina / Hémoglobine/ Hemoglobin 7) Hormona tiroidea / Hormone thyroïdienne/ Thyroid hormone 8) Transferrina / Transferrine/ Transferrin 9)Beriberi / Béribéri / Beriberi .../... Exemple de glossaire trilingue : La synthèse des protéines GLOSSAIRE TRILINGUE
A acétate de cellulose, acetato de celulosa, cellulose acetate acide, ácido, acidic acide aminé, aminoácido, amino acid acide désoxyribonucléique (ADN), ácido desoxirribonucleico (ADN), deoxyribonucleic acid (DNA) ADN à double brins, ADN con doble hebras, DNA with double strands ADN gyrase, ADN girasa, DNA gyrase ADN hélicase, ADN helicasa, DNA helicase ADN de jonction, ADN de enlace, linker DNA .../... ___________________ |
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