ÉDITORIAL

Le rythme des textes officiels ne se ralentit pas [1]. Le dossier de presse de rentrée ne contient pas moins de cinq pages sur les NTIC [2].

À l'école, "les élèves sont progressivement amenés à utiliser l'ordinateur, les produits multimédia, le courrier électronique et Internet". Au collège, " à la rentrée ou au cours de l'année scolaire 1999-2000, tous les collégiens doivent pouvoir utiliser des ressources numérisées et bénéficier des potentialités des réseaux (...). Les élèves reçoivent, dans les cours de technologie, une formation spécifique aux techniques d'information et de communication et acquièrent des savoir-faire et des connaissances relatives à leur utilisation. De plus, les nouveaux programmes du collège prévoient une utilisation des technologies dans toutes les disciplines". Au lycée, outre l'utilisation dans les disciplines et l'évolution annoncée des programmes, "un enseignement pour tous les élèves de seconde se met en place progressivement à partir de la rentrée 1999".

Le dossier mentionne également la poursuite du plan de développement en matière d'équipement et de soutien aux projets multimédias et aux équipes innovantes ainsi que les actions de formation tant initiale que continue des personnels.

Le BO n° 25, qui dans son préambule reprend sensiblement les mêmes termes, a retenu également toute notre attention. Il propose une liste d'activités propices, pour les élèves du lycée, à l'acquisition des savoir-faire et explicite les notions relatives au traitement de l'information sous-jacentes à ces activités [3]. "Au-delà de l'acquisition de savoir-faire, l'objectif global est que l'élève, à travers les activités proposées, accède à un ensemble de notions relatives au traitement de l'information qui rendront intelligibles les opérations effectuées".

Dans le prolongement de ces textes, la lettre adressée aux collègues des jurys de l'option informatique par Marc Couraud, Conseiller technique au cabinet de Claude Allègre [4], définit clairement la double approche retenue par le Ministre pour le lycée: "La réforme des lycées entamée en 1998 prévoit en effet que l'enseignement de l'informatique soit délivré à tous les élèves, d'une part, et au travers de nombreuses disciplines d'autre part". Si l'on prend comme base les savoir-faire et surtout les notions sous-jacentes définies dans le BO n° 25, un enseignement conséquent devra être dispensé par des enseignants formés. Ne rejoint-on pas là la proposition du recteur Forestier [5] et même au-delà ? M. Couraud confirme également que les nouveaux programmes de première et terminale intègrent plus largement l'usage de l'informatique. Nous prenons acte. Les Travaux Personnels Encadrés (TPE) feront également appel aux ressources numériques.

Tout cela va évidemment nécessiter des moyens nouveaux dont ces textes ne parlent pas. Faire appel aux enseignants de l'option informatique (déjà sollicités pour assurer la continuité de l'option jusqu'au baccalauréat 2001) pour assurer la mise à niveau, les TPE, l'informatique dans les disciplines et la formation de leurs pairs... est un peu court. On ne fera pas l'économie de former de nouveaux collègues dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres. La proposition de l'E.P.I. de former plus spécifiquement aux NTIC 10% des enseignants est plus que jamais d'actualité. Ainsi que le recensement par les rectorats de toutes les compétences existantes.

Se pose aussi, dans cette phase de généralisation engagée, le problème toujours repoussé de la reconnaissance institutionnelle des compétences. Autant la passion suffisait aux "pionniers" autant l'appel systématique au bénévolat ne peut plus convenir dans la situation actuelle. Les premiers retours de l'enquête de rentrée de l'EPI sont édifiants à cet égard. Beaucoup trop de tâches nouvelles assaillent les collègues compétents et déjà certains, lassés de les assurer le plus souvent bénévolement ou bien au-delà des heures attribuées, ont décidé de ne plus s'investir. Le risque est grand de voir leur exemple suivi par de nombreux autres qui n'en peuvent plus de poser des Rustines sur tout ce qui ne va pas en matière de NTIC dans les établissements. Un statut assorti de moyens s'impose pour ces personnels. C'est ce qu'on attendait aussi avec la mise en place annoncée des personnes-ressources, par le plan Allègre. Faut-il rappeler que chaque établissement devait, pour mars 1998 au plus tard, faire connaître l'enseignant choisi pour cette fonction. On n'en parle plus. Est-ce faute d'en avoir défini le profil, les attributions, les moyens alloués, etc. quand il ne s'agit pas simplement de l'information qui a mal circulé auprès des chefs d'établissement... et pourtant ce n'est pas une idée neuve ! [6]

Il est évident que, compte tenu de l'importance des Technologies de l'Information et de la Communication pour le pays (cf. le discours récent du Premier Ministre à Hourtin [7]), tout effort financier pour une meilleure formation des citoyens doit être considéré comme un investissement pour l'avenir. Le développement des NTIC ne se fera pas sans moyens nouveaux ou sans un redéploiement des moyens existants en faveur de ce qui est une priorité. Il ne se fera pas non plus tant que les NTIC seront considérées comme exotiques ou marginales, c'est à dire sans une réflexion de fond au niveau national et la redéfinition des finalités et objectifs du système éducatif à l'entrée du XXIe siècle.

Le salon de l'Éducation qui se tiendra fin novembre à la Porte de Versailles sera l'occasion d'en débattre notamment dans les tables rondes organisées par l'EPI. Mais au-delà des débats et des déclarations, ce sont des actes qui sont attendus par les collègues du terrain et leurs élèves.

Jean-Bernard VIAUD

Président del'EPI

Paris, septembre 1999

Paru dans la Revue de l'EPI n° 95 de Septembre 1999.

NOTES

[1]. Voir la rubrique Documents.

[2]. Voir la rubrique Documents en pages 27-32.

[3]. Voir la rubrique Documents en pages 33-39.

[4]. Voir la rubrique Documents en page 46.

[5]. Voir la rubrique Documents en page 40-42.

[6]. Nous le demandions dès 1980 ! comme le rappelait déjà l'éditorial du numéro 94. 

[7]. Voir extraits en pages 25-26 de la rubrique Documents.

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(8 mars 2000)