Communiquer avec Internet

depuis une classe rurale

Jean-Pierre Chevalier

J'utilise Internet dans ma classe avec 19 CP/CE1/CE2 principalement dans une perspective de communication, de correspondance avec d'autres classes, que ce soit par la messagerie et la participation à des listes de diffusion ou par la gestion du site de notre école.

L'utilisation d'Internet permet d'élargir les horizons des enfants de la classe, tout en sachant qu'il n'est pas toujours facile d'y parvenir . Internet permet ainsi l'échange de correspondance, la réponse à des questions envoyées par d'autres classes (dans le cadre de listes) la tenue et l'enrichissement de dossiers, comme nous avons essayé de faire pour le Tamagotchi, la déchetterie municipale, le poney-club, etc. Par l'existence de la rubrique Textes sur notre site, Internet aide des enfants (pas tous certes) à avoir une plus grande motivation pour écrire des textes.

La boîte aux lettres et la visite de sites permettent un questionnement nouveau aux enfants qui se trouvent ainsi reliés à d'autres, récepteurs et poseurs de questions. C'est un peu une boîte à questions permanente qui conduit les enfants à essayer de tenir un peu plus les tenants et les aboutissants de ce qu'ils font. La présence d'Internet génère des échanges et du questionnement dans la classe, même si la représentation des réalités rencontrées mérite d'être affinée (entre autres la représentation des distances, ce qui est réel, virtuel, etc.).

L'intérêt de la mise en page du travail des enfants réside à mon sens dans la mise en relation de leur travail avec celui d'autres enfants, et dans la perspective de favoriser des situations interactives de communication où ils puissent se trouver au sein d'un réseau. Autant dire que si c'est joli en mots, ce n'est pas toujours facile en réalité, car les systèmes de représentation des enfants vont souvent moins vite que nos idées d'adultes. Un autre intérêt que je trouve dans la mise en page de leurs travaux réside dans la trace de leurs écrits communiqués, qui devient moins éphémère qu'une e-mail dont on ne retrouve pas trace.

Cette année, avec un petit peu moins de tâtonnements que l'année passé, mais sûrement un peu plus que les années à venir, nous communiquons avec différentes écoles de niveau comparable de France et de l'étranger. Les communications sont soit ponctuelles (échanges de messages sur une question donnée), ou plus régulières, à l'année ou pour la réalisation d'un projet (échanges de journaux, de devinettes, entre classes du style de ce que permet la correspondance scolaire classique, mais avec une autre dimension). Nous participons à une opération d'échange entre classes francophones de la planète, gérée par des canadiens. Nous commençons à participer à un réseau d'échanges scientifiques autour de la météo, dans le cadre de l'opération La Main à la Pâte de l'INRP. Nous essayons de lancer à plusieurs écoles (des Landes, des Alpes Maritimes, de la Moselle et du Québec) la création d'un conte en ligne à partir de celui du Chat botté.

Dans ma pratique de classe, Internet ne se pose pas en opposition, ni en priorité absolue, par rapport aux autres supports. Internet intervient en complémentarité. Il permet entre autres une communication écrite, avec d'autres écoles, affranchie des contingences de temps du courrier qui met plusieurs jours à venir ; il permet donc ainsi une plus grande rapidité de la communication, à un nombre plus important de correspondants que l'on peut rencontrer simultanément à des distances très éloignées. Il s'agit donc d'un nouveau moyen de communication qui permet de s'ouvrir différemment à l'univers.

Dans ma classe, les séquences sur Internet n'existent pas, du moins pas plus que celles sur la télévision ou le livre. En considération de l'âge des enfants avec qui je travaille, il me semble important d'utiliser les NTIC dans leurs différentes fonctions, plutôt que de faire des séquences à leur sujet ; évidemment, cela n'empêche pas d'essayer de réfléchir avec les enfants sur ce que l'on fait, d'où viennent et vont les messages reçus et envoyés. Car, à mon avis, une des principales difficultés rencontrées en ce domaine avec des enfants de cycle II réside dans les difficultés de représentation claire de ce qu'ils rencontrent. Les enfants ont parfois du mal à saisir la matérialité d'un message, d'un texte, du moment qu'il devient trop virtuel, d'où l'intérêt entre autres de produire des pages et ne pas être de simples consommateurs de pages Internet. Avec de jeunes enfants, Internet est parfois une sorte de Bon Dieu Fourre Tout, même dans nos écoles laïques et républicaines... Il y a donc un long travail d'analyse à effectuer, qui ne peut se mener que dans le temps, par la confrontation régulière à la pratique, un peu comme l'apprentissage de la lecture qui n'est pas fini à la fin du CP, mais se poursuit toute la scolarité sinon toute la vie.

Cette expérience me paraît importante car elle nous permet de sortir un peu de l'isolement de notre petite école de campagne, de rencontrer d'autres collègues. L'utilisation des Nouvelles Technologies ne me semble être qu'une cerise sur le gâteau pour essayer de faire joli ou à la mode ; je pense qu'il s'agit d'un moyen important et d'avenir pour lutter contre le dépérissement de nos petites structures isolées, d'un moyen de mise en réseau par lequel la richesse de la vie de nos petites structures scolaires ne se trouve pas étouffée par l'isolement et la difficulté de rencontres et de contacts.

Jean-Pierre CHEVALIER

AMAILLOUXEc@district-parthenay.fr

École d'Amailloux
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Cet article est paru dans la Revue de l'EPI n° 92, décembre 1998.