1 - L'état des lieux La micro informatique, malgré les multiples efforts fournis par les différents partenaires institutionnels, n'a jamais eu la place qu'elle pourrait revendiquer dans l'enseignement primaire. Au début, il y eut le nano réseau. La classe se déplaçait dans une autre salle pour découvrir le temps d'une séance de drôles de machines. Si l'intention était bonne, le contenu des logiciels proposés fut décevant. Le plus souvent, il s'agissait de vérifier les acquis scolaires des élèves. Ces didacticiels de contrôle s'avéraient pour la plupart répétitifs, pour ne pas dire rébarbatifs. On essaya aussi, sans trop de succès, d'initier les élèves à la programmation. Le Logo connut son heure de gloire et beaucoup parmi nous tentèrent de faire construire des carrés à l'aide d'une tortue... Puis, vint le temps des logiciels plus évolués qui proposaient une aide à l'apprentissage. Certains mieux conçus que d'autres, notamment dans le domaine de la lecture, étaient si complexes à installer qu'ils finissaient par dérouter les plus motivés. Aujourd'hui que nous reste-t-il des équipements reçus ? Un Excelvision, curiosité technologique, objet de collection : son utilisation est certainement moins productive qu'une petite machine à écrire. Notre nano réseau a survécu, relique d'une époque révolue. Si la maintenance a été régulière, le parc de logiciels n'a pas été renouvelé. La fréquentation de la fameuse salle Informatique n'est plus, malheureusement, qu'épisodique. Pourtant, chaque année, la puissance des ordinateurs progresse de façon vertigineuse. Les nouveaux supports de stockage, l'accélération des fréquences d'horloge ouvrent aujourd'hui de larges portes au MULTIMEDIA. Mais face à l'outil informatique, les comportements n'ont guère évolué. Partant de ce constat, il m'a semblé qu'il était possible de redonner une place de choix à l'ordinateur en classe. 2 - Objectifs Les écueils à éviter :
L'intrusion de l'outil informatique dans la classe doit susciter de nouveaux comportements :
Le logiciel décrit ici, propose d'aider un groupe classe à se constituer un fonds documentaire. Cette encyclopédie, conçue collectivement est vivante et interactive. A partir de sujets divers sélectionnés en classe, chacun est invité, à partir du fruit de ses recherches, à alimenter la base documentaire. Multimédia, l'encyclopédie est le fruit de productions écrites, sonores, graphiques et animées. Elle évolue dans le temps au gré des différents apports. Sa mise à jour est permanente. A l'aide du logiciel, l'ordinateur traite les données reçues, les gère et les restitue permettant par la suite une navigation aisée à travers l'information.Dès lors, élève n'est plus passif devant le savoir, il le construit pour mieux se l'approprier. Il le fait partager.Le maître consulte les différents apports, les valide et participe à l'élaboration de la base. 3 - Matériel et Méthodes Matériel : Au début de l'année 1994, Apple Computer France décidait d'étendre son partenariat avec l'Education et chargeait son département Enseignement et Recherche d'ouvrir le concours DOCEO. Réfléchissant depuis longtemps à une utilisation originale de l'informatique en classe, je rédigeais alors un projet dans ce sens. Réuni le 25 janvier 1994, le jury du Programme DOCEO décidait de sélectionner mon projet à l'unanimité. J'ai pu donc bénéficier d'un prêt en classe de matériel de haute gamme durant toute année scolaire 94/95.
Méthodes : Réalisé sous HyperCard (générateur d'applications), le logiciel autorise trois niveaux :
On peut ainsi concevoir que le rôle d'expert est dévolu au maître, celui de collaborateurs aux élèves de la classe. Ces deux premiers niveaux nécessitent l'introduction d'un code personnel afin que le logiciel puisse modifier son interface de façon adéquate. Une messagerie interne permet aussi aux différents partenaires de communiquer entre eux. L'expert ou les collaborateurs choisissent les sujets d'étude et créent un dossier. Des mots-clefs sont définis afin de permettre une recherche croisée ultérieure. Les apports se répartissent à l'intérieur de thèmes que l'on peut modifier à tout moment. Pour chaque dossier, l'expert peut consulter les différents apports. Il peut les annoter (y compris oralement), les refuser ou les valider. Il a la possibilité de lister par collaborateur les différents apports effectués quel que soit leur thème. La navigation à travers cette base documentaire s'effectue selon deux modes. Au départ :
Puis à l'intérieur d'un dossier :
Les utilitaires d'impression permettent d'imprimer tout ou partie d'un dossier. 4 - Déroulement Le logiciel, décrit ici de façon succincte, a été élaboré pendant plusieurs mois. Son développement s'est achevé fin juin 1994. L'expérience a pu débuter en septembre 1994 avec le prêt du matériel dans la classe dont j'avais la charge (CM1). L'interface et les fonctions du logiciel ont été optimisées en fonction des comportements et des réactions des élèves au bout d'un trimestre. En juin 1995, un bilan a été établi. L'expérience se poursuit encore aujourd'hui... 5 - Réalisations · A l'occasion d'une séance de poésie, les élèves ont découvert "Le Cancre" de Jacques Prévert. La classe a souhaité en savoir plus sur ce poète et a décidé de créer un dossier. Les élèves ont défini avec mon aide plusieurs thèmes d'études :
Ils ont aussi défini, au fur et à mesure, une liste de mots-clefs : Poésie, Cinéma, Chanson... Puis par groupe ou individuellement, ils se sont mis à la recherche d'informations pour constituer peu à peu un dossier multimédia. à Ainsi certains ont travaillé sur la biographie de Jacques Prévert. Plusieurs textes m'ont été soumis. J'ai alors visualisé chaque production, en est fait la synthèse et l'est validée. Cette synthèse, consultable par tous, reste modifiable.
Les apports sont sans limite, chacun participe à sa mesure, sans obligation de forme ou de taille. A l'heure actuelle, ce dossier a une capacité de 50 mégas octets et contient une mine de documents constituant une véritable encyclopédie sur l'auteur de "Paroles". · CLASSE DE NEIGE Nous avons eu la chance, durant cette année, d'effectuer un séjour à Morzine en classe de neige. Pendant près de trois semaines, les élèves ont découvert la vie à la montagne et les frissons du ski alpin. De retour à Paris, grâce aux différents documents collectés en Haute Savoie, nous avons décidé de réaliser une mini base documentaire sur notre séjour. Des vidéos, des photos, des textes, des interviews sont dorénavant consultables sur l'ordinateur qui, ici, constitue en quelque sorte la mémoire de la classe. D'autres productions ont naturellement vu le jour, certaines ont été menées jusqu'au bout, D'autres sont restées en suspens, faute de temps. Quoiqu'il en soit elles ne demandent qu'à être poursuivies par la suite, étant entendu qu'une expérience comme celle-ci demeure toujours inachevée. L'encyclopédie multimédia devient ici mémoire et témoignage de ceux qui la conçoivent. Les exemples peuvent se multiplier à l'infini, selon les motivations et les intérêts de chacun. Cette encyclopédie virtuelle est en perpétuelle construction, elle induit un nouveau rapport entre élève et la machine. 6 - Bilan et perspectives Contrairement à une idée reçue, l'adaptation à l'outil informatique n'est pas immédiate chez élève, d'où l'intérêt de les mettre rapidement face à une technologie qu'ils devront maîtriser tôt ou tard. Cependant, la convivialité du système Macintosh a permis à l'ensemble du groupe de s'initier très rapidement à l'utilisation du matériel et du logiciel. L'objectif essentiel de cette expérience était de démystifier l'outil informatique, en montrant qu'il était accessible à tous. De plus l'accès à l'ordinateur est resté en libre-service. Les élèves ont acquis dans ce domaine une autonomie impressionnante. Les apports de chacun ont permis l'enrichissement de tous. Enfin, cette expérience qui a retenu l'attention du rectorat de Paris a fait partie du programme de la Science en Fête qui s'est déroulée en octobre 1995. Dans un avenir proche, on peut imaginer que le logiciel créé pourrait aider d'autres classes, de tous horizons, à se constituer un fonds documentaire propre. L'intérêt majeur résidant dans le fait que cette richesse d'informations puisse être partagée, échangée à toute échelle ; d'une école à l'autre quelle que soit sa situation géographique. Le support d'échange devra évidemment s'adapter au volume des données. Simple disquette, cartouche de type Syquest, ou pourquoi pas disque optique compact dont le pressage en petites quantités sera sans doute bientôt à la portée du plus grand nombre. Ainsi, un groupe sur une plus longue période se donnerait comme projet la réalisation d'un tel produit. Lamine Mouldaia Paru dans la Revue de l'EPI n° 82 de juin 1996. ___________________ |