Télécopie et réseau : le point nécessaire

Alex Lafosse
 

     C'est en Novembre 1989, à l'occasion du Salon SCOLA 2000 à Rennes, que l'Institut Coopératif de l'École Moderne eut pour la première fois la possibilité de confronter sa pratique déjà ancienne de la correspondance interscolaire dite « naturelle » - c'est à dire en réseau - avec le fax, outil à l'époque totalement nouveau.

     En parallèle le CLEMI [1], autour de Jean Agnès et en collaboration avec des structures beaucoup plus officielles, expérimentait au même salon le même nouveau Média.

     Intéressantes à comparer sont d'ailleurs les évolutions des deux expériences qui conduisirent par la suite le CLEMI et l'ICEM, en fonction de leurs natures et de leurs raisons d'être propres, à des applications notablement différentes.

RÉSEAUX PERMANENTS OU OCCASIONNELS

     Autour d'un concept de journal baptisé « FAX ! », le CLEMI a progressivement mis au point une formule originale d'animation de moments de communication autour de manifestations diverses, en France ou à l'étranger. Formule désormais rodée pour fonctionner avec une économie maximale de moyens et d'implications de la part de l'organisme qui la propose.

     À l'occasion d'une manifestation Européenne donc : foire, congrès, salon, rencontre, événement sportif ou autre, (exemple : Année Européenne des Personnes Âgées)... un ou plusieurs organismes ou établissements, souvent en association avec des média régionaux, décident de faire réaliser à partir de « pôles de rencontres locaux », un numéro de journal « FAX ! » ou « FAX ! senior » en une ou plusieurs langues.

     À eux de réunir financements et moyens d'une part, partenaires intéressés d'autre part, avec simple engagement, contre droit d'utilisation du logo, de respecter une charte, fort peu contraignante au demeurant, établie par le CLEMI.

     Au jour dit et en un point donné, des articles faxés de divers horizons parviennent à des jeunes mobilisés pour la circonstance pour effectuer sélection, nouvelle saisie et mise eh page.

     Tirés en grand nombre aux frais des « sponsors » et avec participation éventuelle d'organismes Européens, ils sont ensuite largement diffusés à l'occasion de la manifestation dont ils contribuent ainsi à assurer l'animation et la promotion en lui conférant un label « jeune » assez recherché.

     Même si l'aspect pédagogique n'est pas négligeable, il n'en demeure pas moins limité, ne serait-ce que dans le temps. La formule assurant par contre une remarquable mise en synergie des volontés promotionnelles de chacune des parties prenantes.

     Beaucoup plus discutables s'avèrent, au plan pédagogique en tous cas, d'autres initiatives officielles autour du nouvel outil.

VOLONTÉ DE MISE EN CARTE

     L'expérience l'a montré : lorsque un service du Ministère demande la mise à l'étude d'un projet quelconque, c'est que sa décision en la matière est déjà parfaitement arrêtée et qu'il ne vise plus qu'à se couvrir !

     D'où l'effarement de certains à la nouvelle que la Direction des Collèges avait demandé au service concerné du CNDP une étude sur une possible dotation systématique des établissements en... cartes-fax !

     Pour qui connaît, d'une part les possibilités limitées d'une carte fax par rapport à un fax véritable, d'autre part les contraintes, en établissement, en termes d'accessibilités aussi bien techniques que matérielles d'un outil ainsi subsidiarisé à un autre, l'aberration pédagogique de pareille proposition laisse pantois.

     D'autant qu'aucun argument d'ordre financier ne saurait valablement l'étayer.

ANNUAIRE N'EST PAS RÉSEAU

     Peut-on croire la partie davantage gagnée lorsque certains responsables régionaux décident l'attribution systématique, non plus d'une carte-fax cette fois mais d'un véritable télécopieur à toutes les écoles de leur ressort ?

     Ce serait bien méconnaître les problèmes humains de terrain.

     En France comme à l'étranger sont en train de se développer des « annuaires » de fax à l'école où bien des Nos sont répertoriés, souvent à l'insu même de leurs titulaires, sans suivi sérieux, qu'il soit télématique ou autre [2].

     Les numéros comme les enseignants peuvent changer, les télécopieurs tomber en panne ou être débranchés : rien de valable n'en permettra le suivi. De même pour la coordination des échanges ou d'animations ponctuelles.

     « Bilan "Fax Link" décevant, avertit ainsi notre collègue Yves Tournaire, le 16 Décembre 93 sur la télémessagerie Educazur, les adresses sont périmées, des classes comme celle se Jean-Michel Calvi sont sur le fichier fax link sans le savoir... ».

     Le plus que l'on puisse escompter d'une banalisation du fax à l'école se situe hélas davantage au niveau d'une plus grande commodité des échanges hiérarchiques ou administratifs que d'un désenclavement pédagogique véritable.

     Quand ils évoquent l'utilisation possible de la télématique ou du fax à l'école bien des revues ou porte paroles officiels se montrent incapables d'imaginer une autre utilisation que « pour les élèves en voyage - classes transplantées - ou en stage professionnel » !

     « Dans le modèle traditionnel, souligne ainsi notre ami Patrick Guihot, responsable de 1'unité "Télématique et Éducation" à l'INRP, la télématique communicante revêt généralement un aspect ponctuel : le télécopieur est utilisé à des moments spécifiques », « à l'occasion de situations exceptionnelles, par exemple de manifestations locales ».

A moins de devenir une sorte de « discipline supplémentaire cloisonnée dans un créneau horaire étroit et étroitement contrôlé pour ne perturber que peu les autres » et donc toujours « sans réelle intégration de l'outil »

     Parce que sans volonté pédagogique claire et partagée susceptible de fonder, de la part de chacun des participants, une coordination efficace parce que reconnue indispensable par tous.

     Les annuaires, officiels ou non, n'y changeront rien.

     Sauf à constituer d'astucieuses machines à pomper les subventions, européennes ou autres !...

L'AVENTURE DOCUMENTAIRE

     On pourrait penser que pareil équipement permettrait au moins d'exploiter la dimension documentaire du média à ce jour uniquement explorée au plan pédagogique, en étroite synergie avec le réseau et le CDDP de Vendée [3], par le réseau « TéléCOOPicem » [4].

     La possibilité offerte aux classes du réseau de s'adresser à ce CDDP ou bien, pour tout renseignement d'ordre scientifique, technique ou industriel, à la fondation « Rayon Vert » de Jeunesse et Sports, a ouvert des perspectives toutes nouvelles en matière de documentation scolaire.

     Quel recours, en effet, contre tous les enclavements, que cette possibilité de recevoir dans les deux heures suivant la demande, une documentation illustrée de graphismes ou de photos, adaptée au niveau scolaire du demandeur comme au problème qui se pose à lui ou au projet qui est le sien !

     Documentation que rien n'interdit d'ailleurs aux documentalistes -qui heureusement ne s'en privent point - d'assortir d'encouragements et de conseils amicaux.

     La Médiathèque des enfants de la Cité des Sciences de la Villette, les amis de « La joie par les livres » de la Bibliothèque des Enfants de Clamart, l'I.N.S.E.E. de Nantes et la L.P.O. (Ligue de Protection des Oiseaux) de Rochefort ont aussi proposé leurs services gracieux aux classes du réseau.

     Satellites, câblages de têtes de réseaux et autres autoroutes de données ou trains d'ondes électroniques prétendent bien proposer aux écoles des moyens autrement prestigieux aux yeux des technocrates et hommes d'affaires gravitant autour de l'Éducation nationale.

     Ce même si, au niveau du terrain, bien peu de maîtres ou d'élèves s'avèrent désireux, capables ou à même de les utiliser !

LES ENFANTS RENSEIGNENT LES ENFANTS

     À d'aussi dispendieux parachutages, la formule volontariste et simple représentée par l'expérience documentaire « réseau » propose une réelle alternative. Une alternative douce. Une éco-technologie de la communication pourrait-on même dire.

     En même temps que bien mieux maîtrisables par tous, bien plus efficaces et bien moins dispendieuses, semblables pratiques ont en plus l'avantage, en ces temps de disette, de justifier des emplois. Et même, ce qui ne gâte rien, des emplois passionnants !

     Sans compter celui de permettre le désenclavement d'écoles rurales comme de banlieues qui demeurent autant de « Petites Structures de Communication » [5] à l'écart des autoroutes, y compris électroniques !

     On peut hélas douter que la simple systématisation de l'équipement en télécopieurs de ces écoles entraîne, de la part des jeunes dans les classes, un gros surcroît de demandes de renseignements par fax.

     La démarche pédagogique est un tout et, l'expérience le prouve, le réflexe de se tourner vers le télécopieur pour solliciter une aide documentaire n'est pas si évident à acquérir.

     Par contre, lorsqu'il s'exerce en réseau, le recours documentaire s'inscrit tout naturellement dans la pratique quotidienne d'échanges.

     C'est le propre d'une démarche coopérative. Démarche parfaitement illustrée par exemple par le service « Les enfants renseignent les enfants » proposé par les jeunes de l'école d'Aizenay [6].

     Bien dans la tradition École Moderne, ils se mettent par télécopieur interposé, avec les 1 200 ouvrages documentaires de leur B.C.D. et leur très riche « Bibliothèque du Travail », à la disposition de leurs camarades du réseau.

UNE CORRESPONDANCE PLUS NATURELLE

     C'est cette pratique quotidienne d'interactions coopératives que développent si bien télémessagerie interscolaire comme télécopie en réseau et dont les échanges point à point, traditionnels d'une école à une autre, ne peuvent procurer qu'un assez pauvre avant-goût.

     C'est pourtant à cette pratique aujourd'hui archaïque de la correspondance interscolaire que semblent s'être limités les ambitions d'échanges fax, non seulement de la pédagogie officielle mais aussi de certaines structures locales [7] y compris de mouvements pédagogiques à vocation coopérative pourtant affichée.

     Y compris même de groupes départementaux de l'I.C.E.M. un peu trop repliés sur eux-mêmes et sur une vision réductrice de la correspondance interscolaire par rapport à celle proposée en son temps par Célestin Freinet et ses compagnons.

LA COORDINATION NÉCESSAIRE

     La télémessagerie est seule, pour l'instant, à pouvoir assurer efficacement la coordination et la régulation d'échanges fax en réseau. La formule a d'ailleurs valu au réseau inter-fax TéléCOOPicem le premier prix des Professionnels de l'Éducation en 1991.

     Qu'il s'agisse de télémessagerie interscolaire ou entre enseignants, la démonstration en a été suffisamment faite, plusieurs années durant par les militants Freinet et leurs amis, sur le serveur télématique ACTI.

     La meilleure preuve étant que l'obligation à laquelle ils ont été confrontés d'avoir à changer de serveur et la valse-hésitation d'un an qui a précédé le choix d'un nouveau support a entraîné une crise non seulement au niveau des réseaux d'échanges télématiques mais aussi du réseau « TéléCOOPicem » lui-même. Crise fort loin d'être d'ailleurs complètement surmontée à ce jour.

     Car - et il faut le souligner très fortement - la coordination télématique, indispensable nous l'avons dit pour assurer l'efficacité d'un réseau d'échanges interscolaires assurant une correspondance « naturelle » ou multipoints, n'est pas fournie avec le fax.

     Elle reste soumise à deux conditions essentielles, deux nécessités incontournables : accueil et veille militante d'une part, inter-information d'autre part.

ACCUEIL ET RÉGULATION

     N'importe où que s'annonce un nouveau venu, il faut lui ouvrir la porte, lui montrer les lieux et s'enquérir de ses besoins.

     Ici l'inscrire ou le faire inscrire sur l'annuaire « TéléCOOPicem » sur UNIVA84 et sur EDUCAZUR.

     Éventuellement le renseigner quant au choix ou au fonctionnement de son fax. En tous cas lui ouvrir une boite télématique, lui en indiquer intitulé et mot de passe. Lui faire parvenir un mode d'emploi, le renseigner en cas de problème.

     L'inscrire sur une ou plusieurs listes télématiques et lui en préciser usage et fonction.

     Le présenter à l'ensemble de la liste.

     S'enquérir sur ses demandes : « Des échanges fax en Latin ou en Grec avec la Nouvelle Zélande ? Mais comment donc : tu t'adresses à un tel et un tel.

     Un journal en Catalan en collaboration avec d'autres CM ? mais bien sûr : tu vois Machine Chouette et Machin Chose. Un « cercle des poètes retrouvés » propose par une école de Dordogne ? À répercuter sur un stage de formation continuée d'enseignants en Vendée ? un concours de mots croisés par la ville d'Is, bien connue des cruciverbistes ? Une animation d'expo avec le MRAP à Clermont-Ferrand ? Un prof. de dessin qui veut échanger ? Des maternelles ?

     Une corres. avec la Russie mais en Anglais ? L'École Française de Riyad qui veut échanger en Espagnol ? La collègue de Bordeaux qui cherche un corres. au Japon pour l'accueillir avec ses jeunes lors de leur escale de trois jours au retour de Nouvelle Zélande ?

     Une animation fax avec ta classe au salon du livre de Trifouilly les Minguettes avec l'aide de volontaires du réseau ? L'école des Charbonages de Libreville qui veut des corres. pour son journal ?...

     Autant d'exemples vécus à longueur de semaine.

     Et encore faut-il s'assurer au bout de quelques temps, puis de loin en loin, qu'un tel n'a pas débranché son fax, sait bien relever sa boîte et a bien trouvé corres à son pied...

     Tout ceci, on s'en doute, nécessite non seulement militantisme mais aussi temps disponible. Choses qui vont rarement ensemble.

     Cela représente aussi des frais : courrier, téléphone, fax, connexions minitel qui en viennent à représenter des sommes très vite dissuasives si non prises en charge de façon ou d'autre...

RÉSEAUX DE RÉSEAUX

     Le mot est très à la mode dans notre Éducation nationale qui on tient par dessus tout à paraître « branchée », mieux même hélas : « câblée » !

     Ainsi les « réseaux », mis en place très officiellement par les Inspections Régionales (dites « pédagogiques ») pour la formation continuée des professeurs de technologie. Assurée par des formateurs remarqués par leurs supérieurs pour le zèle avec lequel ils ont mis en place dans leurs classes les Instruction Officielles, on imagine aisément ce que ça peut donner...

     Ou bien les nouveaux non moins officiels R.A.S., Réseaux d'Aide Spécialisée dont le sigle résume parfaitement l'efficience...

     Comme si un réseau humain pouvait se décréter en haut lieu et être mis en place selon une quelconque rationalité verticale ou administrative !

     Obnubilés par le matériel (peut-être par ce qu'on appelle en informatique « réseau local »), ils s'imaginent qu'il leur suffit de décider de brancher untel sur untel pour que « ça » échange.

     Et uniquement les choses prévues par eux !

     Incapables d'imaginer qu'il ne saurait y avoir UN réseau, ni même un réseau de réseaux ; simplement une foultitude de groupes, d'individus ou d'organismes réduits ou importants qui, bien loin de jamais tous se connaître, se croisent et se décroisent et interagissent sans cesse...

     Ainsi, sous le vocable « TéléCOOPicem », imagineraient-ils un réseau national avec des extensions internationales et des « sous-réseaux » régionaux : Vendée, Vienne, etc. L'ensemble contrôlé bien entendu par des responsables impulsant une politique décidée par des instances dirigeantes !

     Incapables d'imaginer qu'on ne saurait jamais et en aucune manière se trouver « à la tête » d'un réseau.

     Qu'on ne peut qu'en être plus ou moins partie prenante pour des échanges réciproques. Au sens plein des termes « synergie » ou « interactivité », c'est à dire de prestations réciproques de services.

     Qu'on ne choisit un réseau que dans la mesure où il vous accepte et réciproquement.

     Qu'on ne bénéficie des services d'un réseau que dans la mesure où l'on se met à son service et vice versa

     Affectivité horizontale à l'opposé de toute logique hiérarchique.

     Ou même marchande ; je repense à ce responsable de service télématique qui m'expliquait : « l'interactivité, c'est quand le client peut passer commande en direct » !

CHASSEZ LE NATUREL...

     On n'ose imaginer le casse-tête que peut représenter aux yeux des hiérarques qui nous gouvernent (ou tout au moins qui essaient !) les classes Freinet fonctionnant en « correspondance naturelle ».

     Classes qu'il nous faut pourtant maintenant évoquer parce que réseau parmi les réseaux au centre - si tant est qu'un réseau puisse en avoir un - du dispositif « TéléCOOPicem ».

     D'autant plus que leur mode de fonctionnement biaise considérablement la précédente évocation d'une régulation décrite comme indispensable à l'efficacité d'un réseau.

     Avec la « pédagogie institutionnelle », animée au départ par un Fernand Oury, la Pédagogie Freinet a connu - et connaît heureusement encore - une très intéressante extrapolation. En très gros autour du conseil de coopé et au niveau de la communication interne à la classe.

     Avec la « correspondance naturelle » elle est en train, autour cette fois de la communication interscolaire, de vivre une expérience tout aussi passionnante même si beaucoup moins théorisée, beaucoup plus basée sur la spontanéité de l'agi.

     Les principes en sont clairs et parfaitement reconnus par ailleurs : pour une Hélène Trocné-Fabre « Il n'y a pas d'apprentissages sans communication » rappelle ainsi Joël Blanchard avant de souligner combien l'apprentissage de la gestion de l'information et de ses sources lui semble une des données fondamentales de la formation des enfants d'aujourd'hui et de demain.

     Et de citer notre amie Annie Bloch : « Nous vivons dans un monde où il est impératif d'apprendre à apprendre à fonctionner en temps saturé et en hyperinformation » (Apprendre autrement-ESF).

... IL REVIENT PAR LE RÉSEAU !

     Des compagnons de Freinet en avaient bien jeté les bases de son vivant mais il fallut attendre, pour la voir enfin s'épanouir tout... naturellement, la vulgarisation, aussi bien entre classes qu'entre enseignants, du formidable outil régulateur représenté par la télémessagerie et ses listes d'adressage.

     Pour la décrire très succinctement, disons qu'il s'agit d'une pédagogie qui place l'échange d'information avec le reste du monde au centre de la vie de la classe, à la source même de tout apprentissage et de toute activité scolaire.

     Que ces échanges soient individuels ou non, amènent ou non des sorties, des rencontres ou des voyages, portent sur des journaux, des dossiers, des listings, des affiches, des rapports d'enquêtes, des cassettes audio ou vidéo, des disquettes, des pages télématiques, des fax ou des colis par voie postale, par télémessagerie, téléconférences ou radios d'amateurs...

     Une bonne cinquantaine de classes élémentaires comme celles - pour n'en citer que deux - de Roger Beaumont à Pollionnay, banlieue Lyonnaise, ou Bernard Collot à Moussac sur Vienne, sont actuellement autant d'effervescents laboratoires d'une nouvelle pédagogie de communication.

     « Bilan réseau « TéléCOOPicem » par contre génial ! poursuivait notre collègue Yves Tournaire, cité plus haut : en 3 mois, 70 fax envoyés et autant reçus. Messages télématiques plus nombreux que l'an passé : 340 reçus et 40 envoyés. Sur le plan qualitatif, c'est tout aussi génial...

     « Pour quelles raisons cela marche-t-il si bien : parce qu'il y, a lien télématique, courrier, journaux en plus des fax ?

     « Parce que les classes qui échangent ont une pédagogie de la communication de type Freinet ? Qu'en pensez-vous ? »

     On comprendra que pour ces classes du réseau « TéléCOOPicem » (entre autres) les problèmes d'accueil, de suivi, de régulation évoqués plus haut soient d'une bien moindre importance.

     Par le biais notamment de la télémessagerie interclasse sur le 3614 « Educazur » [8], les enfants les prennent fort bien en charge eux-mêmes car au centre même du processus éducatif de correspondance naturelle.

PERSPECTIVES

     Le problème de l'indispensable régulation du réseau « TéléCOOPicem » et de son coût, en disponibilité militante comme en frais de communication, n'en demeure pas moins posé.

     Tout le monde ne peut en effet lancer du jour au lendemain sa classe dans la correspondance naturelle.

     Certains n'en ont tout simplement pas la possibilité : ne serait-ce que les enseignants du secondaire, coincés dans des horaires, des programmes et des contraintes qui ne permettent à leurs classes que d'entrouvrir péniblement la fenêtre.

     D'autres, on les comprend, souhaitent seulement, ou en tous cas dans un premier temps, ouvrir simplement leur classe sur le monde sans la précipiter pour autant tout à trac dans le « village global » !

     C'est le cas de nombre de classes rurales qui hésitent à se lancer en correspondance télématique - avec ce que cela suppose, même si c'est souvent exagéré, d'équipement et d'information préalable

     Ceux-là, respectant le fameux conseil de Freinet de « ne point se lâcher des mains avant de s'être bien assurés des pieds », souhaiteront expérimenter auparavant la correspondance fax, immédiatement accessible à tous et particulièrement spectaculaire du fait de son instantanéité et de ses possibilités graphiques [9].

     Pourraient-ils se passer pour autant du dynamisme contagieux de classes engagées plus à fond ?

     Celles-ci pourraient-elles se priver de leur côté d'un dernier lien avec les réalités scolaires comme avec un vivier de nouveaux compagnons d'aventure ?

     Reste posé le problème des moyens à se donner pour leur accueil pour qu'ils aient envie de venir, puis de rester.

     Demeureront aussi à définir ensemble, comme cela le fut en son temps pour l'engagement sur réseau télématique, les droits et devoirs minimum d'une classe et d'un enseignant voulant faire partie d'un réseau d'échanges fax.

     Car il y a aussi des devoirs ; par exemple celui, pour chaque responsable de classe, de se connecter au moins une fois par semaine à la télémessagerie 3614 Educazur pour se tenir au courant de ce qui se passe ici ou là.

     Celui aussi de donner de ses nouvelles : où en est sa classe, sur quoi portent ses échanges - qui peuvent faire dresser l'oreille chez d'autres - quels sont les problèmes rencontrés, les manques, les souhaits mais aussi les réussites et les propositions...

     Ceci à peine, après plusieurs rappels bien entendu, de voir fermée une boîte jamais consultée et radié d'un annuaire abusivement occupé. Toutes prestations pour l'instant gratuites, il convient de le rappeler, mais qui exigent en retour un minimum de discipline coopérative si on veut conserver à l'outil sa fiabilité.

     Le réseau « TéléCOOPicem » étant au surplus tenu, s'il veut survivre et prospérer, de se donner les moyens de faire harmonieusement coexister, coopérer et s'interféconder les deux niveaux d'engagement.

AUTOROUTE DE DONNÉES OU FORUM D'ÉCHANGES ?

     La mode, lancée par Al Gore aux États-Unis, est aujourd'hui à la super autoroute électronique.

     Déjà vécue d'ailleurs comme une menace pour les acquis conviviaux et interactifs d'un réseau comme INTERNET. « Simple système câblé, gonflé aux anabolisants pour visionnaires bas de gamme » dénonce The Village Voice qui redoute un « multimédia » qui rimerait avec abêtissement !

     Ce qui n'empêche pas le Wall Street Journal de plaindre très fort notre vieux continent si en retard en la matière - hors la semi-réussite du minitel français.

     Et de nous apprendre - via le Courrier International - que, sous l'inlassable impulsion d'un Jacques Delors, la Commission Européenne aurait déjà débloqué 700 Millions de Francs à travers des programmes « Impract » ou « Echo » pour redresser la situation.

     Vous en avez entendu causer, vous ?

     En tous cas, selon SVM de Janvier 94, Jacques Delors veut y croire. Et il donne volontiers la priorité au secteur des télécommunications : 150 Milliards d'écus devraient lui être attribué d'ici l'an 2000. Certains ministres des finances auraient d'ailleurs déjà exprimé leurs craintes face à une politique jugée trop dépensière.

     Peut être les Euro-technocrates daigneront-ils un jour prendre garde aux fragiles réalisations des praticiens de terrain...

LES FREINET ENFIN DANS LE RANG ?

     C'est du moins ce que d'aucuns pourraient s'imaginer à écouter leur ministre : BAYROU PLAIDE POUR LES ÉCOLES DU MILIEU RURAL [10] : « Pour une véritable égalité des chances pour les élèves issus du monde rural, je compte beaucoup sur le développement des nouvelles technologies dans l'enseignement » a-t-il déclaré au Sénat.

     Sauf que les siennes ne sont pas tout à fait les mêmes !

     Elles auraient, entre autres, noms câble, vidéo-transmission, chaîne éducative ou télé-enseignement.

     Toutes technologies privilégiant l'image par rapport à l'écrit [11], l'expositivisme « du savoir » par rapport à l'interactivité horizontale.

     Les câblages massifs, parachutés et hyper >centralisés par rapport aux technologies douces, transparentes et réparties.

     L'appropriation des marchés par quelques-uns par rapport à celle des outils par tous.

     Et d'abord par les enfants.

Alex Lafosse

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 75 de septembre 1994.
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BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE

La télématique dans une pédagogie de la communication - Collection « Pourquoi, Comment » P.E.M.F. édit. - 72 pages - 46 F.

« Télécopie et pédagogie coopérative » Document du Nouvel Éducateur n° 219 d'Octobre 1990.

« L'écrit en fax » - Dossiers pédagogiques (éditions École & Collège) du 10 Avril 1991 - L'École Libératrice - revue du S.N.I. P.E.G.C.

« Où va le journal scolaire », « Réseau, espace-temps permanent des lire-écrire » & « La classe, structure de communication ? Ou lire écrire « pour de vrai » - n° 87 de Migrants-Formation - déc. 1991- CNDP édit.

« Vers de nouvelles formes de textualités dans une pédagogie de la communication » in Actes du colloque « Actualité de la Pédagogie Freinet » - Bordeaux - oct 1990 - Presses Universitaires de Bordeaux.

« Réseaux télématiques Freinet » in Bulletin de l'EPI n° 62 & 63 de 1991 (télécharger le début de cet article au format .pdf, 146 Ko ; télécharger la fin de cet article au format .pdf, 110 Ko).

« La vie en fax, journal scolaire et télécopie » in le dossier « Écrire avec les nouvelles technologies » - Cahiers Pédagogiques n° 314 - Mai-Juin 1983.

« Utilisation pédagogique du télécopieur à l'école » par Patrick Guihot - responsable de l'Unité Télématique et Éducation à l'INRP - Revue de l'EPI n° 71 de Septembre 1993 (télécharger cet article au format .pdf, 245 Ko).

NOTES

[1] Centre de Liaison de l'Éducation et des Moyens d'Information, structure dépendant du Ministère (CNDP) - 391, rue de Vaugirard 75016 PARIS - Fax: 33 88 32 98 31 (Pour Jean Agnès).

[2] « Fax-link », pour ne prendre qu'un exemple.

[3] Alain Pallatier et Brigitte Limousin - CDDP 85 - La Roche sur Yon - Fax: 5146 04 97.

[4] Pour tous renseignements sur le réseau « TéléCOOPicem » : Annuaire sur 3614 « UNIVA84 », Mot clé « MIN » (pour Minitel des Enfants), puis « C » (pour Communication) puis choix 7 ou bien, sur 3614 « EDUCAZUR », mot-clé « FAX ». Sur ce dernier service se trouvent également les télémessageries de coordination interclasses (liste « FAXEURS ») ou niveau adultes (liste « FAX » ou listes des réseaux VIENNE ou VENDEE comme par niveaux ou centres d'intérêt du réseau « TéléCOOPicem » de même que la télémessagerie interclasses animée par Roger Beaumont. Pour le réseau VIENNE contact : Bernard Collot, Ecole de Moussac sur Vienne - 86160 Isle Jourdain - Tél/Fax: 49 48 77 41. Pour le réseau VENDEE comme, en général pour le premier degré ou l'aspect documentaire : Joël Blanchard - ci-dessus. Pour le second degré et l'internetioual: Alex Lafosse - Roc Bédière - 24200 Sarlat - Tél : 53 31 11 43 - Fax : 53 59 26 34. COMPTE RENDUS, TEMOIGNAGES, REFLEXIONS, APPROFONDISSEMENIS ET INFOS DE TOUS ORDRES in : E.L.I.S.E. & C.E.LE.S.T.I.N. - Bulletin de liaison du secteur télématique de l'I.C.E.M. - Abonnement à 5 N° de 50 pages par an contre 180 F en chèque à l'ordre de MANUTEC auprès d'Alex Lafosse - ci-dessus. N° 32 à 45 encore disponibles contre 35 F - franco - pièce.

[5] voir « École Rurale, École Nouvelle... » Bulletin des CRESPSC - Centres de Recherches et d'Études Sur les Petites Structures de Communication - 100 F les 5 N° - École Publique - 86320 Persac.

[6] Principalement sous l'égide de Joël Blanchard et de l'École Louis Buton - voir : « La télécopie, un outil au service de la recherche documentaire à l'école élémentaire » auprès de Joël Blanchard - Groupe scolaire Louis Buton - 85190 Aizenay - Tél/Fax : 51 94 62 29 ou, sous le même titre, article dans le n° 72 de la Revue de l'EPI de Décembre 93 (télécharger cet article au format .pdf, 1 200 Ko).

[7] Exemple du CDDP de l'Essonne et de son opuscule La télécopie au quotidien à l'école, c'est possible.

[8] Sur le 3614 EDUCAZUR taper ICEM puis 2 pour réseaux de communication puis 1 : Télémessagerie ICEMAZUR Ou bien s'adresser à Roger Beaumont - École de Pollionnay - 69290 Craponne - Tél/Fax : 78 48 10 60.

[9] Tribune Desfossés du 7/12/93.

[10] Tribune Desfossés du 7/12/93.

[11] Qu'on veuille toutefois ici ne point imaginer de mauvais procès : si la Pédagogie Freinet se rattache directement à la Galaxie Gutemberg par imprimerie à l'école interposée, son département audiovisuel, avec, suite à des Pierre Guérin, des Georges Bellot, des Christian Bertet ou des Jacques Brunet... a toujours su faire leur place à l'image et au son, mais en mettant d'abord micros et caméra entre les mains des jeunes.

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