Lettre à Monsieur François BAYROU
Ministre de l'Éducation nationale
(28 avril 1994)

 

Nous nous félicitons de la large concertation, dont vous avez pris l'initiative, visant à définir un "nouveau contrat pour l'école".

Nous sommes pleinement d'accord avec vous quand vous déclarez - à la journée d'ouverture de ces travaux - que la première arme de la France est son école et qu'il faut tout faire pour qu'elle soit la meilleure du monde.

Nous souhaitons dire ici - comme nouvelle contribution au débat national - ce qui, selon nous, doit caractériser notre école à l'aube du XXIe siècle.

· C'est une école qui évolue et qui intègre le travail des enseignants qui, depuis de nombreuses années, exploitent pour et avec leurs élèves les apports pédagogiques de l'informatique et des technologies nouvelles.

Il n'est plus possible de faire, dans quelque discipline que ce soit, comme si rien n'avait changé dans la relation au savoir. Les enseignements techniques et professionnels ont déjà largement évolué dans leurs contenus et leurs méthodes, mais beaucoup reste à faire dans l'enseignement général, à l'école, au collège (notamment dans l'enseignement de la technologie) et au lycée. La Charte des programmes en prend d'ailleurs acte.

Chaque discipline est concernée par l'intégration des technologies modernes, mais celles-ci sont également porteuses de démarches transdisciplinaires dont il conviendra d'assurer la cohérence.

· C'est une école qui considère que sa mission est de préparer les jeunes à leur avenir marqué sans aucun doute par le développement considérable des technologies. Sans renier ses missions traditionnelles, l'école doit aussi transmettre de nouveaux savoirs et savoir-faire, proposer de nouvelles attitudes, de nouvelles habiletés dans les approches de la connaissance permises par ces technologies. Ainsi, les "savoirs fondamentaux" ne peuvent plus se limiter aux "lire-écrire-compter", mais doivent inclure une certaine familiarité avec les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication. Celles-ci permettront à chacun, tout au long de sa vie, de recueillir des informations, de les gérer, de les organiser, et lui permettront de construire une partie de ses connaissances.

· C'est une école qui continue de s'ouvrir au monde et qui sait qu'elle n'est plus la seule dispensatrice de connaissances. A cet égard, les nouvelles technologies sont devant nous ; les ordinateurs de cartable, l'ordinateur multimédia intégré à la télévision domestique, les réseaux, les chaînes interactives, les systèmes-experts éducatifs grand public... seront rapidement une réalité hors de l'école dont celle-ci devra impérativement tenir compte. Les futurs enseignants doivent y être sensibilisés et formés dès maintenant.

A plus long terme, tout porte à croire que le système éducatif de la société post-industrielle devra faire résolument appel aux technologies modernes notamment pour démultiplier ses possibilités et faciliter les auto-apprentissages.

· C'est une école qui, tout en assurant une solide formation conceptuelle, notamment dans le domaine de l'informatique et des technologies nouvelles (élargissant ainsi la culture générale des jeunes), considère aussi que l'accumulation des connaissances n'est plus une fin en soi. Une certaine autonomie de l'apprenant doit être recherchée. L'école doit apprendre à apprendre. L'ordinateur et les technologies associées peuvent largement y contribuer.

Parmi toutes les méthodes tendant à améliorer l'organisation du travail intellectuel des jeunes doit figurer, en bonne place, l'utilisation raisonnée de l'ordinateur et des technologies associées (CD-Rom, CDI, ...). L'intérêt évident pour l'élève de telles démarches est un puissant facteur de motivation.

Ajoutons pour conclure que la généralisation des technologies nouvelles dans un monde de plus en plus complexe risque de créer de nouveaux exclus. Aux handicaps liés à la lecture, s'ajouteront ceux liés à la technique mal maîtrisée. L'école démocratique se doit de relever ce nouveau défi.

En espérant que ce courrier retiendra toute votre attention, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos sentiments respectueux et dévoués.

Jacques LUCY, Président

Jacques BAUDÉ, Secrétaire Général

Paru dans la Revue de l'EPI n° 74 de Juin 1994.

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(14 avril 2000)