L'informatique au service des objectifs
de l'Éducation musicale

Vincent Maestracci
 

INFORMATIQUE MUSICALE : se dit des technologies qui, à un quelconque niveau de la génération sonore, utilisent une codification informatique (numérique) des processus d'organisations instantanés ou temporels de la matière sonore. Ainsi, cette dénomination englobera aussi bien les ordinateurs, et les programmes de gestion du son qu'ils mettent en oeuvre, que les synthétiseurs, échantillonneurs, expandeurs, ou autres appareils de traitement du signal, à savoir tous les générateurs de sons ou effets qui ne sont que des ordinateurs spécialisés.

     L'informatique est une technologie polyvalente ; dans de nombreux domaines sa pertinence pédagogique ne fait plus de doute ; assistant l'apprentissage de la musique ou la création musicale, il en va tout autrement... Et pourtant, il faut bien convenir, d'une part, de la place prépondérante prise par les nouvelles technologies dans l'élaboration d'un produit artistique destiné aux circuits commerciaux, d'autre part, de la nécessaire évolution, dans ces perspectives, de l'enseignement musical dispensé dans les établissements scolaires pour qu'il puisse prendre une place essentielle et reconnue dans une formation générale ambitieuse et tournée vers l'avenir.

     Aujourd'hui, force est de constater que les pédagogies les plus novatrices associent presque systématiquement l'informatique à leurs projets, que ce soit pour aider l'enseignant à atteindre ses principaux objectifs ou pour donner une dimension créative, si difficilement accessible autrement, aux cours d'Éducation musicale. Depuis plusieurs années, des initiatives individuelles ou institutionnelles ont permis d'établir un corpus de pratiques dont la diversité est proportionnelle à la puissance des outils dont nous pouvons disposer.

     Il est maintenant avéré que, dans la mesure ou l'enseignant à reçu une formation adaptée, la présence d'outils informatiques dans une salle spécialisée d'Éducation musicale apporte des dimensions supplémentaires à la pédagogie mise en oeuvre et, surtout, donne un commencement de réponse aux difficultés fréquemment rencontrées dans l'enseignement de notre discipline.

     Les lignes qui suivent ont pour ambition, d'une part d'illustrer ces propos initiaux, d'autre part de convaincre le lecteur de l'intérêt d'un équipement informatique spécifique à l'Éducation musicale, de la facilité de sa mise en oeuvre dans un but pédagogique et ce, quel que soit son niveau quantitatif. Alors, plutôt que d'entreprendre une étude technique, et forcément fastidieuse, sur les nombreux matériels qui nous sont maintenant proposés, nous nous situerons dans une salle de musique fictive dont le matériel informatique réduit et simple à l'origine augmente progressivement en quantité. Nous essaierons à chaque étape de montrer les apports concrets de ces technologies aussi bien aux objectifs poursuivis traditionnellement en cours d'Éducation musicale qu'à ceux qui, faute de conditions matérielles et horaires adaptées sont trop souvent laissées pour compte.

     Enfin, clarifions dès à présent cette fâcheuse ambiguïté qui veut faire dépendre la mise en oeuvre d'une telle pédagogie d'un certain type de matériel au détriment d'un autre. L'informatique musicale s'est suffisamment développée depuis une dizaine d'année pour, d'une part obliger tous les constructeurs d'ordinateurs (PC, Apple, Atari, Amiga) à prévoir des extensions hard (interface MIDI) à leurs matériels et ainsi les ouvrir à l'informatique musicale, d'autre part mettre à la disposition des musiciens, sur chaque plate-forme, une gamme de produits logiciels dont l'ergonomie n'a d'égale que la souplesse de mise en oeuvre. Tout dépendra alors du budget disponible et du niveau de cohérence souhaité avec le reste du parc matériel de l'établissement d'implantation : ainsi, un budget de 15 000 F permettra d'acquérir une première configuration puissante, performante et évolutive.

EN QUELQUES LIGNES, COMMENT CELA MARCHE-T-IL ?

     Les matériels participant de l'informatique musicale communiquent entre eux grâce à la norme MIDI (Musical Instrument Digital Interface) ; la midification d'un ordinateur s'effectue par l'ajout d'une carte d'extension ou le branchement d'un boîtier externe ; dans tous les cas cette opération est extrêmement simple ! Mieux, de récents générateurs de sons (synthétiseurs) incluent une interface MIDI bi-standard (Mac et PC) : il ne suffit plus alors que de brancher l'ordinateur (par un port série) sur cet expandeur pour disposer d'une configuration MIDI qui marche (WINDOWS 3.1 et ses extensions multimédia sur PC ou l'Apple MIDI manager sur Mac se chargeant de router les informations vers le port de sortie), possibilité très alléchante pour les heureux possesseurs de portables...

     La norme MIDI répertorie les éléments du langage musical suivant un nombre fini de critères : événements notes, intensité, volume, panoramique, changement de timbres, etc. La plupart des informations MIDI sont codées sur sept bits, le premier bit de l'octet indiquant le statut de l'événement ; du coup, la plupart des paramètres pourront prendre une valeur parmi 128 ce qui, le plus souvent, est largement suffisant (rappelons à titre d'exemple qu'un clavier de piano dispose de 88 notes tandis que MIDI en définit 128...). Le musicien sera a priori contraint par cette standardisation mais, dès lors qu'il aura pris la mesure de sa logique comme de sa rigueur, s'ouvriront des champs d'investigations pédagogiques et créatifs considérables.

     Il existe maintenant de nombreux logiciels permettant d'étudier, d'écouter, de fabriquer, d'analyser, de jouer avec de la musique ; certains permettent de créer des sonorités originales, d'autres de fabriquer des accompagnements ou de travailler le solfège, d'autres enfin, les séquenceurs, sont destinés à organiser temporellement des événements MIDI. Ce sont aujourd'hui les plus fréquemment rencontrés dans les établissements scolaires et chez les particuliers ; pour cette raison, nous en ferons ci-dessous un rapide descriptif.

     Un séquenceur enregistre les informations qui lui parviennent (hauteurs, durées, intensités, timbres..., codés par la norme MIDI) de façon séquentielle (les unes après les autres). MIDI est une interface série dans la vitesse de transfert est suffisamment importante pour éviter tout délai audible dans la transmission des informations (les 10 notes d'un accord seront transmises les unes après les autres sans que notre oreille s'en rende compte !). Gérées sous forme informatique, ces informations enregistrées sont susceptibles d'être transformées considérablement par l'ordinateur ou finement ajustées à l'objectif poursuivi. Toutes les opérations permises sont contrôlées à l'écran grâce à une interface particulièrement adaptée au musicien (grille temporelle d'édition, partition traditionnelle, organisation formelle) ; enfin, de nombreuses manipulations peuvent être effectuées en temps réel ce qui sera essentiel pour une utilisation optimale en classe.

     Ce rapide survol montre bien qu'un séquenceur n'enregistre pas de son mais uniquement les codes qui serviront à les déclencher lors de la lecture ; ainsi, pour qu'un tel logiciel ait un sens, il devra impérativement être raccordé, par MIDI, à un générateur de sons. En la matière, l'offre est aujourd'hui très étendue qualitativement et quantitativement. Le choix d'un générateur dépendra autant de la prise en compte de ses destinations pédagogiques potentielles que des goûts personnels de l'enseignant responsable. Enfin, pour que la classe entende les sons produits par le générateur, il suffira de raccorder ses sorties aux entrées auxiliaires de la chaîne HI-FI ; même si un système d'amplification/diffusion plus adapté améliore sensiblement la qualité d'écoute (les synthétiseurs ont une plage dynamique très étendue), cette solution est bien suffisante pour la plupart des besoins et à l'avantage de la simplicité...

UN UNIQUE POSTE COMPRENANT UN GÉNÉRATEUR DE SONS, UN ORDINATEUR ET UN LOGICIEL SÉQUENCEUR

Chanter...

     Pour l'élève, quel que soit son niveau ou ses difficultés scolaires, sa voix est l'outil privilégié d'une pratique musicale vivante et active. Or, si la chanson est la forme musicale quantitativement la plus répandue aujourd'hui (et la plus entendue par les enfants), c'est paradoxalement dans ce cadre que l'enseignant éprouve les plus grandes difficultés à motiver son public, à s'adapter à la diversité des niveaux et des demandes des élèves. Il y a certainement des causes rédhibitoires (langue, sens du texte, vocabulaire, difficulté d'intonation, etc.) mais aussi d'autres bien plus matérielles qui tiennent à la difficulté de rapporter au piano un accompagnement prévu pour un ensemble de plusieurs instruments. L'informatique musicale peut éliminer ce handicap puis apporter sa puissance au service d'une pédagogie attentive à la diversité des situations pédagogiques.

     Doté d'un synthétiseur polytimbral possédant une polyphonie suffisante (c'est le cas des générateurs les plus récents même pour le bas de gamme, la différenciation se faisant davantage au niveau de la qualité des timbres et des possibilités de transformation), l'enseignant pourra préparer un accompagnement faisant appel à plusieurs sonorités, sans limites polyphoniques ou polytimbrales. Une fois la séquence réalisée, celle-ci ne sera pas figée mais pourra à chaque instant du travail de la classe être aisément modifiée pour satisfaire aux exigences de l'apprentissage.

     Et nous rentrons ici dans la spécificité de l'informatique, ce qu'elle apporte d'unique et de pertinent dans notre travail. Si l'on compare un séquenceur à un magnétophone multipistes, il en garde les avantages et en oublie les inconvénients : toutes les informations y sont indépendantes, peuvent être à loisir regroupées par type, par piste ou dans un espace temporel donné (par exemple 1 000 emplacements verticaux pour 100 horizontaux !) ; l'accès à une de ces régions est instantané ; toutes les manipulations s'y font sans aucune déperdition qualitative ; enfin, la vitesse de lecture (tempo) est indépendante de la hauteur des sons entendus.

     Armé de toutes ces possibilités, et s'il a conçu sa séquence dans une perspective pédagogique, le professeur disposera d'un instrument de travail docile lui permettant d'adapter l'accompagnement du chant aux progrès réalisés ou aux difficultés rencontrées :

  • Transposition à n'importe quel intervalle sans affecter le tempo (travail de la tessiture)

  • Diminution ou augmentation du tempo sans affecter la hauteur (travail d'intonation)

  • Mise en boucle de n'importe quel extrait (répétition)

  • Masque sur une partie de la polyphonie (autonomie de la mélodie chantée)

  • Variation des volumes ou des timbres des différents instruments (instrumentation et mixage)

  • etc.

     Ainsi voit-on que, bien plus qu'un simple play-back, une séquence MIDI d'accompagnement est un outil extrêmement puissant pour la pratique vocale ; mais ses vertus pédagogiques ne s'arrêtent pas là ! Il y a tout d'abord la liberté accrue du professeur dont l'attention est dégagée des tâches d'accompagnement traditionnelles, puis sa disponibilité à l'égard des élèves est bien plus grande : longtemps obligé d'axer sa pédagogie sur une progression de groupe, le voilà capable d'être à l'écoute des individualités qui le constituent... Plaisir partagé à coup sûr !

     Ensuite, il serait bien dommage d'arrêter l'exploitation d'une séquence informatique d'accompagnement à sa destination première ; à travers tout ce qui vient d'être dit, on voit bien la pléiade d'exercices qu'il est possible d'aménager :

  • Identification des instruments par isolement progressif (oreille, audition, timbre)

  • Mise en boucle d'une cellule rythmique caractéristique (rythme)

  • Équilibre timbral (timbre)

  • Analyse formelle (forme)

  • etc.

Écouter...

     Apprendre à écouter, entendre, identifier, reconnaître, nommer les éléments qui constituent le paysage sonore pour mieux l'appréhender, est un objectif essentiel de notre pédagogie. Traditionnellement armé d'une chaîne HI-FI, d'un piano et de sa propre voix, le professeur doit faire appel à la capacité d'abstraction des élèves pour qu'ils retrouvent, jouée au piano, une figure musicale entendue au préalable dans un disque ; or, beaucoup d'enfants sont loin de disposer de cette capacité de dissociation, appréhendant un discours musical comme une entité homogène où tous les éléments se confondent allègrement... Utiliser un séquenceur sera ici aussi se donner les moyens d'une pédagogie plus efficace, plus progressive, permettant de faire apparaître progressivement les différents éléments constitutifs d'une page musicale, d'amener par abstraction progressive à l'analyse rationnelle d'un phénomène sonore :

  • dissocier les timbres en les isolant, les modifiant, les inversant (dissocier)

  • souligner un élément particulier par un changement de timbre, une modification d'intensité (hiérarchiser)

  • mettre en valeur la réitération thématique par les mêmes moyens (organisation thématique)

  • mettre en évidence la forme d'une pièce par une différenciation quelconque (organisation formelle)

  • etc.

     Ces quelques exemples ne sont qu'indicatifs ; ils témoignent uniquement de la puissance considérable qu'offre l'informatique pour l'apprentissage de l'Éducation musicale : le professeur débutant y trouvera un allié solide et fiable à qui il pourra confier des tâches ambitieuses, tandis que l'enseignant expérimenté trouvera un moyen pertinent pour renouveler ou optimiser ses pratiques pédagogiques.

     Mais ces outils peuvent aussi être le moyen d'accéder à des domaines musicaux jusqu'à présent difficilement accessibles. Le timbre est le premier et le principal d'entre eux. Si nous avons vu comment il devenait possible de mettre en évidence l'architecture d'une orchestration grâce à un séquenceur, cette approche s'inscrivait dans le cadre d'un apprentissage traditionnel. Isolé d'un contexte musical, un timbre donné garde ses mystères, envoûte ou hérisse son jeune auditeur sans qu'il puisse en formuler la moindre explication, fait d'autant plus troublant que le critère son prédomine dans l'appréciation qu'ils portent sur les musiques commerciales contemporaines. Remarquons également que, toutes tendances musicales confondues et pour des raisons qui tiennent aussi bien aux développements des techniques de communications (musiques extra-européennes) qu'à la recherche et le développement d'alternatives (avec ou sans nouvelles technologies) au langage musical classique, le vocabulaire du timbre s'est considérablement élargi depuis quelques décennies. Pour cette raison, prétendre ouvrir l'Éducation musicale à ces nouvelles richesses sans disposer des moyens nécessaires à une approche critique, voire ludique, semble vouer à un échec rapide. Ramenons cette remarque à notre propos !

AJOUTONS UN LOGICIEL D'ÉDITION DE SONS À NOTRE POSTE

     La plupart des générateurs de sons récents proposent en plus des sons en ROM, des emplacements RAM qui permettent de stocker des sons créés de toutes pièces ou édités au départ des sons d'usine. La puissance d'un générateur de sons s'évaluera en grande partie à l'aune de ses possibilités d'édition et de stockage. Travailler en classe sur le timbre et la nature du son nécessitera donc un appareil suffisamment puissant (Cf. supra) pour offrir des palettes de travail assez larges. Il devra s'adjoindre un logiciel d'édition de sons qui lui soit dédié, c'est à dire adapté à l'architecture de sa génération sonore. Fort de cet équipement (qui ne diverge du précédent que par le type de logiciel utilisé), nous pourrons étudier des notions élémentaires d'acoustiques, forger les moyens d'une analyse critique d'un document, voire d'un environnement sonore :

  • la notion d'enveloppe (évolution temporelle d'un paramètre)

  • harmoniques, partiels, spectre (perception instantanée)

  • filtre (modification du spectre)

  • fréquence (physique)

  • réverbération, écho, effets (embellissement)

  • etc.

     Au terme de ce travail, qui globalement ne peut que renforcer leur agilité auditive, les élèves disposeront d'un vocabulaire expérimental consistant qui permettra entre autres choses des échanges plus fructueux autour des musiques qu'ils entendent ou bien de celles qu'on leur fait découvrir : « On entend bien que ce que l'on sait nommer... »

AJOUTONS UNE INTERFACE DE COMMANDES ADAPTÉE AU TRAVAIL DE TOUTE LA CLASSE SUR UN SEUL GÉNÉRATEUR DE SONS

     Si l'interface de commandes la plus répandue est sans conteste le clavier, au niveau où nous nous situons, il en existe d'autres particulièrement adaptées au travail scolaire : les interfaces audio/trigger (moins de 4 000 F). Leur fonction est de traduire en codes MIDI (donc susceptibles d'être compris par un synthétiseur ou enregistrés par un séquenceur) les impulsions électriques reçues en leurs entrées. Une telle interface comportera pour nos besoins 16 entrées indépendantes auxquelles seront raccordés 16 capteurs d'impulsions : si un microphone fera l'affaire, il en existe de beaucoup plus simples (piezzo de montre !) que l'on peut aisément faire fabriquer par les élèves en collaboration avec le professeur de technologie. Ces petits capteurs pourront être collés sur des tables, ou positionnés sur des supports adaptés à travers la classe ; chacun pourra commander un son d'une hauteur, d'un timbre et d'une intensité particulière ; les possibilités d'édition du convertisseur permettront d'affecter à tel ou tel paramètre MIDI l'intensité électrique de l'impulsion reçue (par exemple, un capteur correspond à une hauteur mais l'intensité du choc commandera l'intensité du son produit ou, pour une intensité fixe, cette même intensité commandera la hauteur du son produit). Enfin, notons que les informations sortant du convertisseur étant MIDI, elles peuvent être également enregistrées par un séquenceur pour une lecture critique postérieure.

     On imagine alors sans mal la quantité impressionnante de jeux ou d'exercices qu'il devient possible d'envisager et comment cela nous amène sans difficulté particulière de mise en oeuvre à une approche plus créative du langage musical :

  • répétition de cellules rythmiques (travail rythmique)

  • mise en place de polyrythmies (indépendance rythmique)

  • exécutions de modèles de batterie à plusieurs joueurs (indépendance)

  • mélodies éclatées à plusieurs élèves, chacun devant jouer "sa" note au bon moment (audition intérieure)

  • Improvisation sur un timbre, une hauteur, un rythme (création sonore)

  • etc.

     À ce stade de son développement, notre salle dispose encore d'un matériel modeste (ordinateur, séquenceur, éditeur de sons, générateur de sons, convertisseur audio/trigger) mais on voit bien déjà ce qu'il recèle d'innovations et d'efficacité... Si toutes les propositions faites jusqu'à présent n'impliquent pas nécessairement de disposer d'un clavier MIDI, il n'en reste pas moins que sa présence s'avérera souvent indispensable pour faciliter la tâche de l'enseignant. Or, en la matière, il existe de nombreuses solutions pour une gamme de prix très étendue (de 2 000 à 50 000 F) : d'un clavier de 5 octaves, muet (ne possédant aucun générateur de sons), à toucher mou et commandant par MIDI les appareils raccordés à un piano numérique de 88 notes, MIDI lui aussi, à toucher lourd (simulant le double échappement des pianos à queue) et possédant d'excellentes sonorités de pianos échantillonnées (technologie popularisée par le CD-audio). Un enseignant pianiste exigera logiquement une qualité de toucher et une étendue de clavier qui ne renie pas sa formation tandis qu'un professeur non pianiste se satisfera plus facilement d'un clavier dont la parenté avec le piano s'arrête à son apparence... Quoi qu'il en soit, il faudra envisager cet investissement en tenant compte du prix d'un piano acoustique et de son entretien sans oublier la cohérence d'une salle spécialisée appelée à accueillir de plus en plus de matériels d'informatique musicale.

     Évoquons enfin une autre possibilité dont la présence ne pourra que renforcer les avantages de l'outil informatique en classe : agrandir l'image écran pour que tout le groupe puisse en profiter. Deux solutions techniques, d'un coût raisonnable, sont actuellement envisageables :

  • Transposer, moyennant une perte minime de définition, l'image du moniteur sur un écran de télévision, plus grand et face aux élèves ;

  • Utiliser une tablette de rétroprojection et donc un rétroprojecteur en perdant, à moins d'être très riche, l'éventuelle couleur de l'image d'origine.

     Dans l'un et l'autre cas, tout contribuera alors à ce que l'oeil écoute, à ce qu'un travail sollicitant l'oreille s'appuie aussi sur l'évidence de ce qui est vu ! Et puis, si le pas est franchi, comment résister à l'utilisation des produits multimédia (CD-ROM évidemment mais aussi logiciel de présentations) qui voient là, à moindre coup vu les nombreuses applications envisageables, une raison spécifique d'être utilisées.

UN NOUVEAU POSTE DANS LA SALLE D'ÉDUCATION MUSICALE...

     Le professeur n'ayant pas le don d'ubiquité, ce nouvel outil sera nécessairement utilisé par des élèves. N'est-ce pas l'occasion de proposer à travers une démarche rigoureuse, une appropriation par l'élève de toutes ces composantes musicales que nous avons mis par ailleurs en évidence à travers l'utilisation de l'informatique ? N'est-ce pas aussi l'occasion enfin trouvée de donner cette place essentielle qui doit revenir à la création dans le cours d'Éducation musicale ?

     Remarquons à ce propos la conjonction sans doute exceptionnelle qui existe aujourd'hui entre les préoccupations des compositeurs contemporains et les outils de création musicale dont nous disposons, et dont peuvent profiter les élèves dans une perspective identique. Il nous faut malheureusement tempérer aussitôt cet enthousiasme par, cette fois, une évidence : à de très rares exceptions près, les développeurs ont bien d'autres ambitions que de satisfaire les besoins de l'enseignement musical dans les établissements scolaires ; le résultat en est de somptueux outils qu'un adulte motivé maîtrisera sans peine mais dans lesquels un jeune élève de collège aura vite fait de se perdre...

     Cet état de fait heureusement n'est pas rédhibitoire ! D'abord parce qu'il peut rapidement changer si l'on en juge par l'intérêt commercial de plus en plus grand que semblent marquer certains éditeurs à notre égard (jusqu'à 50% de réduction sur des prix déjà en baisse !). Ensuite parce que, à force de recherches, d'échanges entre collègues de plus en plus nombreux, nous parvenons à encadrer par des objectifs spécifiques très précis et des documentations adaptées aux élèves, un travail autonome sur ces logiciels dans une perspective de création musicale et d'investissement individuel.

     Un poste destiné à cet usage sera moins puissant que celui du professeur (PC 286 ou 386, Mac Classic ou LCIII, Atari 1040 d'occasion !) et se satisfera d'un modeste générateur de sons, polytimbral cependant (la présence d'un clavier de commandes MIDI, à l'expérience, n'est pas impératif au regard des possibilités offertes par les logiciels et du rapport difficile qu'entretiennent les élèves avec ce qui, apparence, se rapproche d'un piano !). Muni d'un casque audio, il pourra être utilisé, avec l'encadrement évoqué plus haut, pendant le cours d'Éducation musicale et pendant que le reste du groupe travail avec son professeur. Il nous paraît alors essentiel que le travail effectué sur ce poste marginal puisse être écouté, critiqué, discuté par l'ensemble de la classe ; l'acquisition d'une petite table de mixage (2 000 F) offrira facilement cette possibilité. Dès lors, les voies pédagogiques seront aussi variées que la personnalité des enseignants comme celles de leurs élèves... Mais, ne serait-ce pas là aussi que l'enseignement musical trouve sa spécificité dans l'enseignement général, lieu de surprise, d'apprentissage de l'esprit critique, de positionnement face à l'inattendu, lieu de tolérance et de diversité ?

     Si une telle démarche est entreprise avec un seul poste élève, sa problématique restera inchangée lors d'une acquisition supplémentaire ; la spécificité de l'Éducation musicale ne pourra qu'en être renforcée : plus d'individualités exprimées, plus de diversités, de critiques et de tolérance...

Vincent Maestracci
Collège R. Dorgelès
75018 Paris

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 73 de mars 1994.
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