Soutien informatique en mathématique

Claude Mattiussi
 

     Selon les instructions, le soutien aux élèves en difficulté peut revêtir des modalités d'action très variées. Pour les élèves de sixième et cinquième, il doit être organisé sur une heure-année en mathématique, français et langue, et sur un contingent d'heures spéciales en réponse aux épreuves de l'évaluation à l'entrée en sixième. Il peut également s'effectuer dans le cadre d'une classe effectuant le cycle d'observation en trois ans. En quatrième et troisième, ce soutien concerne les classes à pédagogie soutenue ou à effectifs allégés et les CPPN et CPA aujourd'hui en voie de disparition. Il peut encore se dérouler sur un certain nombre d'heures-année supplémentaires dans certaines classes.

     Suivant les directives ministérielles, ces actions sont organisées dans le cadre du projet d'établissement. Elles dépendent des décisions du Conseil d'Administration qui approuve la structure pédagogique proposée par le chef d'établissement en fonction des moyens disponibles et des choix pédagogiques.

     Du point de vue pédagogique, il existe, en gros, trois formes d'action et deux modes d'organisation pour venir en aide aux élèves en difficulté.

Trois formes d'action

  • le groupe de besoin qui rassemble un certain nombre d'élèves d'une ou plusieurs classes ayant des difficultés sur la même notion ou le même savoir faire pour une action de remédiation ponctuelle et limitée dans le temps.

  • le soutien systématique qui intéresse un ensemble ou une classe d'élèves présentant approximativement le même profil.

  • le soutien systématique plus diffus dans le cadre du travail d'une classe spécialisée : classe à pédagogie renforcée ou à effectif allégé ou encore de sixième et cinquième en trois ans ou CPPN ou CPA.

Deux modes d'organisation

  • le soutien ponctuel sur une ou plusieurs heures.

  • le soutien systématique d'une heure-année qui peut-être soit intégrée à l'horaire normal soit être supplémentaire.

LES DIFFICULTÉS

     Si le soutien ponctuel est assez facile à mettre sur pied, il n'en est pas de même du soutien systématique. La plupart des enseignants éprouvent de réelles difficultés à l'organiser. Pour plusieurs raisons. Ils pratiquent la pédagogie magistrale et n'ont pas été formés à ce type d'activité qui fait appel à une pédagogie différente : méthodes actives, individualisation du travail, suivi et évaluation formative,... Ensuite, l'organisation de ce type de soutien individualisé demande pour être efficace un investissement considérable en temps de préparation et en gestion des résultats (préparation d'un arsenal d'activités spécialisées, corrections supplémentaires et suivi des performances). En fait un véritable deuxième travail. L'enseignant n'a souvent ni la capacité ni le temps matériel de consentir à ce nouvel effort qui se rajoute à sa charge de travail « ordinaire ». Dans ces conditions, la qualité du soutien ne peut que s'en ressentir en devenant souvent une répétition du cours qui ne satisfait ni les élèves ni le professeur. Ce phénomène explique que, malgré de fortes incitations officielles, le soutien demeure le parent pauvre de l'enseignement et que son essor soit limité. De là les doutes sur son efficacité et sa pérennité.

L'APPORT DE L'INFORMATIQUE

     Les expériences menées au cours des années 80 et développées dans la dernière période l'attestent : le recours informatique dans le soutien aux élèves en difficulté apporte incontestablement une aide appréciable. Son efficacité et sa performance découlent d'un certain nombre d'avantages spécifiques, irremplaçables et inégalables en comparaison avec les méthodes traditionnelles, à la condition de respecter les règles usuelles de la pédagogie informatique.

La nouveauté

     À l'évidence, dans le soutien, le recours à l'ordinateur innove dans tous les sens du terme sur la nième répétition de l'enseignement traditionnel. Il apporte cette nouveauté et cette différence qui sont, en soi, des facteurs décisifs pour la réussite d'une activité de remédiation. Mais ce renouveau n'est pas seulement technique et accessoire. Il renouvelle surtout le contrat didactique et la démarche cognitive.

Le transfert didactique

     La pédagogie informatique excelle dans la modification du rapport enseignant-enseigné. Elle évacue tout le contentieux affectif de l'échec accumulé entre l'élève en difficulté et le professeur ou plutôt avec son image de censeur autoritaire ordonnateur du savoir. La relation est distancée et objectivée. L'élève se retrouve avec une machine apparemment neutre et l'aborde en confiance. Il s'enferme dans son dialogue avec elle en ayant l'impression qu'il n'a, à travers elle, de comptes à rendre qu'à lui-même (l'effet miroir). De plus, il n'est plus mesuré à l'aune redoutable et impitoyable du groupe classe qui éclate en autant de postes de travail. Seuls quelques rares élèves s'en trouvent au départ décontenancés et insécurisés.

     L'ordinateur n'est pas vu comme une machinerie magistrale ou une excroissance du professeur. L'élève le considère, en tant que machine moderne qu'il utilise pour jouer, plutôt comme un allié que comme un auxiliaire du professeur (dont l'image traditionnelle est encore plus proche de la craie et du tableau noir que du micro-ordinateur). L'ordinateur bénéficie chez l'élève d'un préjugé favorable.

Une pédagogie de la réussite

     L'ordinateur (avec ses logiciels) est douée d'une infinie patience. Il n'intervient pas dans le domaine de la discipline scolaire. Il ne fait pas de remontrances, ni ne punit. Au contraire il aide, corrige, encourage sans se lasser. Son mode d'évaluation du travail de l'élève est en général plutôt de type formatif. C'est un type d'éducation positive, optimiste, insensible aux états d'âme. Si le didacticiel a été bien choisi, il finit toujours par amener l'apprenant à atteindre son objectif au bout d'un cheminement et d'un temps variables. Il a été programmé pour cela. Au contraire du principe moteur de l'enseignement traditionnel qui juge de la réussite par le non-échec à un niveau et à un moment donnés, la méthode informatique se développe sur la base d'une réussite progressive, étalée, modulée, adaptée en fonction de l'apprenant, partant de l'état d'esprit que tout finit par s'apprendre. Il procède de ce postulat de l'éducabilité cognitive. Son problème avéré n'est que celui de l'expertise du domaine de l'apprentissage qui doit guider la programmation du didacticiel. Cette pédagogie de la réussite, de type behaviouriste, inhérente à l'informatique pédagogique actuelle est particulièrement bien adaptée au soutien scolaire. Certains d'ailleurs peuvent lui tenir rigueur de ne pas être une machine sélective. Cet aspect anti-sélectif est antagonique des pratiques courantes de l'enseignement traditionnel. C'est une des causes de la difficulté de l'introduction de l'ordinateur dans l'enseignement.

L'individualisation du travail

     Tous les praticiens le savent : les élèves en difficulté forment un groupe de niveau très hétérogène. Les profils d'élèves y sont variés et complexes. Chaque élève est un cas particulier, ayant une histoire propre, un itinéraire singulier et des problèmes psychologiques, familiaux et sociaux originaux. Même s'il relèvent du même ensemble de difficultés sociales et culturelles connues, chaque individu est un cas d'espèce complexe non réductible à des généralités. C'est pourquoi l'individualisation du travail est le principe clé du succès d'une activité de remédiation. « The Personnal Computer », le micro-ordinateur est, comme l'indique son nom commun, par nature, une machine qui a été créée pour un travail de type individuel. Sa vocation est bien celle de l'enseignement individualisé. En tant que machine programmable, capable de simuler et de modéliser un processus d'apprentissage, il rend donc possible de traiter les problèmes particuliers de chaque élève et de permettre à chacun de résoudre ses propres difficultés, de suivre son cheminement personnel et d'avancer à son rythme. Avec l'ordinateur, l'activité de soutien peut donc être adaptée à chaque élève. L'ordinateur est l'outil primordial de l'individualisation de l'enseignement.

L'aide au travail personnel

     Ainsi le travail sur ordinateur développe-t-il spontanément, chez les élèves, l'autonomie et la confiance en soi, capacités souvent défaillantes chez les élèves en difficulté, fragilisés et démoralisés par l'échec répété. Guidé patiemment vers plus de réussite, l'apprenant reprend confiance en lui-même, se réconcilie avec l'effort scolaire et intellectuel. Au delà de l'apport cognitif et méthodologique spécifiques, l'élève y gagne en capacité de travail, en ténacité, en volonté et en équilibre.

     Il arrive que certains élèves s'énervent devant leur machine quand ils ne parviennent pas au résultat requis. Mais ce genre de réaction apparaît dérisoire et déplacée pour l'entourage comme pour lui même. L'élève excité se calme assez vite. Et comme il finit par réussir, l'inanité d'un tel comportement caractériel s'impose à lui. L'ordinateur est capable de provoquer et d'aider à une autoré-éducation psychologique salutaire.

     Et, contrairement à l'esprit de compétition qui sévit généralement en classe, notamment face aux contrôles, les élèves, portés par cet engouement de la pédagogie de la réussite, en arrivent à s'entraider facilement d'un poste à l'autre.

La re-motivation

     Dans certaines disciplines de l'écrit, l'utilisation de cet outil moderne, avec un traitement de texte ou la PAO, apporte une grande souplesse et une puissance de travail considérable. Le traitement de texte permet de modifier et de corriger un écrit sans avoir à tout recommencer, et autant de fois que l'on veut. Une aubaine pour la rédaction, la recomposition de texte ou l'élaboration d'exposés. Une aide appréciable pour les travaux toujours lents et laborieux des élèves en difficulté. De plus, l'impression immédiate d'un document de bonne ou même d'excellente qualité typographique, qu'il est possible d'éditer ou de photocopier facilement, est très stimulant et valorisant pour l'élève. Le travail ou la remédiation de l'écrit sur ordinateur est capable de réconcilier ces élèves avec l'expression écrite ; en tous cas de les re-motiver. Le traitement de texte c'est l'imprimerie idéale d'une pédagogie de type Freinet. L'inconvénient, et il n'est pas mince, c'est qu'il demande une formation des élèves au traitement de texte, opération qui peut prendre un peu de temps - mais n'est-ce pas, en elle même, une formation qualifiante -. Et la frappe peut-être lente. La valeur du recours dépend donc de l'enjeu ou de la durée envisageable.

Une meilleure efficacité et productivité

     L'utilisation d'ordinateurs démultiplie et assiste le travail du professeur dans son action de soutien.

     Il permet de pouvoir suivre et aider en soutien un groupe d'élèves plus nombreux. En fait, d'en doubler le nombre. L'expérience montre que si un professeur ne peut s'occuper, en général, en soutien, que d'une dizaine ou d'une douzaine d'élèves maximum, avec un didacticiel performant, le soutien informatique permet de doubler ce nombre et de soutenir sans trop de mal un groupe ou une classe d'une vingtaine d'élèves.

     De plus, l'efficacité de l'action est largement supérieure du fait que le traitement des difficultés est immédiat, plus systématique, et plus fin. Le professeur est libéré des corrections et des aides simples, de niveau élémentaire, qui bloquent souvent ces élèves. Il lui est possible de se consacrer à des interventions plus lourdes, plus approfondies, plus conséquentes et plus longues avec les quelques élèves qui subissent un échec plus sévère.

     L'évaluation faite par le logiciel aide et libère partiellement le professeur de cette tâche ingrate et lourde et d'autant plus complexe que l'individualisation du travail est poussée. En outre, elle est faite instantanément, pour chaque élève, ce que ne peut faire le professeur.

     De surcroît, l'informatique gère aisément le suivi, la progression et les résultats du travail de chaque élève. Le système mémorise, restitue et imprime l'ensemble de ces données et offre de larges possibilités de paramétrage et d'ordonnancement. L'organisation du soutien en est grandement facilitée et son efficacité largement accrue.

     Et si l'on dispose d'un panel de didacticiels suffisamment riche et diversifié, le recours informatique enrichit la palette des possibilités. Il permet de varier les activités, les méthodes et les approches. A l'aide d'un assortiment de logiciels appropriés, il rend possible, à peu de frais et avec un minimum de préparation et d'investissement de la part de l'enseignant, le traitement spécifique du problème particulier de chaque élève.

     Autant d'avantages incomparables et précieux, dont il serait pourtant illusoire de croire qu'ils pourraient s'obtenir spontanément, avec autant de facilité. Comme pour toute utilisation de technologie nouvelle d'enseignement, ils sont les fruits de quelques complications.

DANS LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA PÉDAGOGIE INFORMATIQUE

     Pour être véritablement mis en oeuvre, le soutien informatique se doit de respecter les principes généraux de la pédagogie informatique :

L'intégration

     Pour autant que le soutien soit une activité décalée ou parallèle au cours, l'utilisation de tutoriels ou de logiciels d'exercice dans la remédiation pose le problème de la place et du rôle de cette activité dans le cadre du travail et des objectifs de la classe. Car l'activité informatique a ceci de dérangeant qu'elle se présente en soi comme une activité autonome, indépendante et complète, ayant sa démarche et ses objectifs propres. Un recours aveugle, inconscient ou inconséquent amènerait fatalement à l'échec. Par exemple dans le cas d'une improvisation irréfléchie ou d'une utilisation d'un logiciel inadapté, ou encore par le biais d'une activité gratuite, hors classe, hors normes. Le recours apparaîtrait comme inconsistant et futile et amènerait à la rupture du contrat didactique et donc à l'échec et à l'abandon. Nombre de fiascos proviennent de cette erreur de néophyte ou de ce défaut de maîtrise. Le recours informatique ne vaut que s'il est pleinement intégré dans la démarche générale de l'enseignant. Il doit s'insérer dans le scénario pédagogique général de l'étude d'une notion, bien situé et articulé dans le processus de l'apprentissage.

La pertinence

     L'enseignant se doit de mettre en oeuvre un didacticiel parfaitement adapté au besoin de l'élève. Les approximations et les faux-semblants ne pourraient que compromettre la qualité de l'opération. Le recours informatique doit être judicieux, choisi après comparaison avec les autres artifices didactiques. Particulièrement dans le cas d'une action ponctuelle, il doit être choisi à bon escient. Vouloir faire sur ordinateur un exercice qui marche très bien sur feuille et plus rapidement est une erreur grossière. Pour une activité systématique, c'est l'ensemble du système logiciel qu'il convient d'apprécier en regard des objectifs visés avec ses forces et ses faiblesses. L'appropriation de l'ensemble est plus complexe et demande de l'expérience. Il n'est pas sûr qu'il faille se laisser aller à la facilité du programme d'activités proposé. Celui-ci est modifiable, certes. Mais il faut du temps pour en acquérir la maîtrise et en augmenter les facteurs d'intégration et d'adéquation capable d'en élever l'efficacité générale, .

     En soutien, la pertinence du recours informatique est une exigence et une difficulté d'autant plus délicates que les cas de remédiations sont plus variés et nombreux. Plus cette indispensable adéquation aux objectifs de la remédiation sera forte et fine et meilleur sera le recours informatique.

La performance

     C'est maintenant une vérité admise par tous les didacticiens : l'utilisation de l'ordinateur dans l'enseignement complexifie la tâche de l'enseignant. Ce médium technologique présente une complexité technique et une lourdeur organisationnelle et matérielle inévitables. En regard de ce passif, la mise en place d'une action informatique doit faire la démonstration non seulement de son efficacité mais encore de sa supériorité. Elle doit apporter un avantage incontestable. Sinon à quoi bon se compliquer la vie. Et son rendement final (rapport : résultats/ durée) doit être meilleur que l'action traditionnelle. Une technologie nouvelle d'enseignement doit apporter une performance supérieure ou elle n'a aucun intérêt. Être performant ou ne pas être, voilà la question du soutien informatique.

L'accompagnement et la mémorisation

     Il est faux de croire que la seule activité logicielle, clavier et écran, puisse suffire à la validité du recours informatique. D'une manière générale, la conservation du travail ou de ses résultats est tout à fait indispensable pour la valorisation du travail informatique (comme de tout autre d'ailleurs). La mémorisation est absolument nécessaire. Sinon l'activité est dévaluée, réduite à un espèce d'exercice volatil, futile, hors normes, sans suite. Tout travail sur machine doit être accompagné de fiches de suivi ou de notes sur lesquelles pourront être retranscrites les informations essentielles, les résultats intéressants et les scores éventuels.

     Dans le cas du soutien informatique, la trace écrite ou imprimée est tout aussi utile et vitale surtout dans le cas d'une action systématique. D'autant que le décalage de cette activité avec la leçon ou le contrôle correspondant est souvent grand. Sa mémorisation matérielle, ce vecteur temporel, est indispensable pour aider la mémoire de l'élève et invoquer les acquisitions.

L'évaluation

     Dans le cas du soutien, l'évaluation est toujours double. D'une part les travaux de remédiation sont appréciés ou corrigés sur le champ par le logiciel : c'est l'évaluation immédiate, directe, plutôt de type formatif. D'autre part, lors de contrôles ultérieurs, en classe, il sera possible d'apprécier la qualité de cette remédiation. C'est l'évaluation différée ou indirecte, plutôt de type sommatif, le jugement final, essentiel (au système scolaire).

     Le soutien informatique n'échappe pas à la règle. Rien ne serait plus dévalorisant que de développer des activités informatiques certes intéressantes mais gratuites et inconséquentes. L'évaluation du travail informatique est indispensable. Elle est la preuve, en tant que telle, de la qualité de l'intégration et de la pertinence du recours informatique. La situation ne sera pas la même suivant qu'il s'agit d'une activité ponctuelle ou d'une action systématique. Si dans le cas d'une opération de soutien ponctuelle la sanction de l'exercice pourra intervenir lors d'un contrôle suivant, à brève échéance, il ne peut en être de même dans le cas d'une action systématique. Comment concilier et lier l'évaluation formative systématique donnée par le logiciel avec l'évaluation sommative faite en classe lors des contrôles ? Cette dernière peut-être en effet beaucoup trop différée dans le temps ou décalée dans la progression pour être validante. A mon sens, à condition que cette activité soit justement et correctement intégrée et adaptée, elle doit être évaluée sommativement en tant que telle comme un contrôle, d'une valeur égale.

     Par exemple, dans le cas de l'ensemble logiciel SMAO de Chrysis qui gère très correctement les résultats des travaux des élèves sous la forme d'une évaluation de type formatif, le problème s'est posé de lui donner une évaluation sommative dans le cas d'une utilisation systématique sous la forme d'une heure année dans une classe spécialisée. La meilleure solution a été de donner à cette activité de soutien une note sur 20 équivalent à un contrôle par trimestre. Voici la formule un peu compliquée mais qui tient compte à la fois du volume du travail, de sa qualité et de sa réussite (propre à SMAO), qui a permis de fournir l'équivalence :

NEXE : nombre d'exercices effectués par l'élève dans la période considérée,

NMEXC : nombre maximum d'exercices effectués dans la classe dans la même période,

T%MSR : taux du pourcentage moyen des scores de réussite réalisés par l'élève pour les NEXE exercices,

NTS : nombre total de séquences effectuées par l'élève pour les NEXE exercices.

L'organisation

     Impossible d'improviser en pédagogie informatique active. Tout doit-être prévu à l'avance dans le cadre d'un véritable scénario pédagogique. Depuis le choix du logiciel, la formation du groupe d'élève, la gestion de la durée et du suivi comme de l'exploitation éventuelle ultérieure à court terme ou à long terme, tout doit-être organisé rigoureusement, en prenant en compte les conditions matérielles de la salle informatique, du nombre de postes, du type de machine, sans parler de l'installation des logiciels. Un impératif qui pèse.

     En soutien informatique la contrainte est encore plus pesante quand il s'agit de gérer des groupes divers ou des classes différentes qui utilisent les mêmes machines et les mêmes logiciels, à des périodes différentes. Il ne faut pas tout embrouiller sous peine de désastre. Une gestion qui devient vite lourde et exigeante. Un obstacle non négligeable à l'essor du soutien informatique, mais surmontable.

LE RÔLE DU PROFESSEUR

     On pourrait croire que l'informatisation du soutien pourrait diminuer le rôle du professeur et le ravaler au rang d'un OS de la remédiation, l'essentiel du travail étant pris en charge par l'ordinateur. Il n'en est rien. Lors de l'introduction des machines outils à commande numérique dans l'industrie, leur pilotage avait été confié, dans un premier temps, à de simples ouvriers spécialisés. A la suite de quelques catastrophes retentissantes (la mise au rebut de pièces de plusieurs millions de francs), ce travail apparemment simple et automatisé avait été remis à des compagnons hautement qualifiés, seuls capables de déceler un défaut évolutif imperceptible mais fatal. Il en est de même de la conduite d'une activité de soutien informatique. La facilité et le désoeuvrement ne sont qu'apparence. Outre la préparation et la conduite technique incontournable du système informatique, qui n'est pas un mince affaire et qui demande uns compétence minimale indispensable, véritable « permis de conduire » de l'ordinateur, la gestion pédagogique et organisationnelle est décisive. Un déroulement « en roue libre » ou dilettante, style heure bouche trou, amène inévitablement à la dérive des objectifs et à l'inconséquence dommageable. Dans son rôle de metteur en scène, le travail de l'enseignant est en fait plus complexe et qualifié, à la fois ordonnateur et animateur des séances de soutien informatique et technicien de la machine.

     Il doit s'occuper de l'ordonnancement des séances de soutien, de l'articulation de ces actions avec le travail et les objectifs normaux de la classe. Son rôle fondamental tient dans ce choix des activités informatiques. Compétence sensible qui fait appel à des connaissances et à une expérience qui ne peut-être ni immédiate ni improvisée. Cela suppose qu'il ait une connaissance suffisante des didacticiels pouvant-être utilisés et qu'il ait quelque expérience de leur efficacité et de leur pertinence. Sans oublier aussi la gestion des groupes d'élèves et de la durée. Au fond, son travail essentiel réside dans cette préparation optimale des séances de soutien. Et, en dernier ressort, lui revient-il la responsabilité d'en évaluer l'efficacité, en particulier d'apprécier la valeur du recours informatique.

     Pendant les séances, son action consiste à encourager, à débloquer et à aider les élèves, une aide légère et rapide comme voltigeur ou à l'occasion une aide plus accentuée. Un travail qui n'est pas de tout repos. Cette aide ponctuelle individuelle est typique de l'intervention professorale au cours du soutien informatique.

     Enfin, à la suite des séances, dans le cas du soutien systématique, il faut gérer les résultats, en apprécier la portée et planifier les activités suivantes, assurer donc le suivi.

     Finalement notre professeur doit faire montre d'une maîtrise certaine, qui dépend autant de la formation et de la documentation, que de l'expérience, cette vertu fondamentale et irremplaçable de tout enseignement, si difficilement transmissible.

L'EXIGENCE MATÉRIELLE

     Elle est d'une évidence limpide. Qui dit soutien informatique dit travail individualisé de l'élève. Il va de soi que chaque élève doit disposer d'un poste de travail c'est-à-dire d'un ordinateur. Autant de postes que d'élèves, c'est la règle d'or du soutien informatique. Toute autre pratique relève de l'amateurisme ou du funambulisme. Pour un groupe de besoin, c'est simple : l'effectif du groupe dépend du nombre de machines disponibles. Pour un soutien systématique, cette exigence matérielle est plus embarrassante. Il n'est pas toujours possible de disposer d'une vingtaine de machine à hauteur de l'effectif d'une classe à effectif allégé. Pourtant c'est absolument nécessaire. Qui veut la fin... doit avoir les moyens !

     Inutile de préciser que le matériel informatique doit être de préférence homogène et adapté. Rien n'est plus décevant que de bricoler sur un parc hétéroclite ou obsolète. Comme par exemple de travailler en mathématique sur des écrans monochromes à côté d'écrans couleurs. Ceci affirmé, nul besoin forcément de matériels dernier-cri - encore que cela est préférable, évidemment -. Il est tout à fait possible d'organiser une activité de soutien systématique sur un Nanoréseau d'un nombre suffisant de postes. Avec des logiciels comme SMAO, MAC6, ou TGT, Lirebel, ça marche très bien.

LE RÔLE CLE DU LOGICIEL

     Évidemment plus que le matériel, l'existence et le choix du logiciel sont déterminants. Encore que nombre de logiciels classiques, tutoriels, exercices, quand ils existent, s'avèrent opérationnels. L'EAO banal est assez bien adapté pour la remédiation développée en direction de groupes élèves de faibles effectifs et sous la forme de travaux individualisés ou autonomes. À la condition que l'enseignant ait la compétence et la maîtrise nécessaire à cette adaptation ou ce détournement du didacticiel. L'édition récente de logiciels en mathématique comme SMAO ou LIREBEL de Chrysis et MAC6 ou MAC5 de TNT a opéré un tournant décisif. En offrant une série d'activités systématiques ils facilitent énormément le travail de l'enseignant en lui fournissant un produit prêt à l'emploi pour un travail individualisé. L'on peut seulement regretter que Chrysis, contrairement au MAC du CUEEP de Lille, n'ait pas encore compris le rôle essentiel du document d'accompagnement pour l'intégration, la mémorisation et le suivi. Mais il manque néanmoins toujours des logiciels qui gèrent finement les erreurs les plus typiques, capables d'apporter l'aide adéquate. C'est d'ailleurs le point faible de bien des didacticiels qui se bornent à corriger et à évaluer encore trop sommairement le travail de l'apprenant. Il manque encore et surtout des logiciels qui apprennent à réfléchir, à raisonner, à trouver..., qui donnent des méthodes de travail et des heuristiques.

     En définitive, la grande question qui se pose est celle-ci : pourquoi l'institution scolaire n'a-t-elle pas élaboré le projet d'un ensemble logiciel de soutien systématique dans les disciplines principales ? Ce ne sont pourtant pas les compétences ni les expériences qui manquent. Alors pourquoi ne pas mettre sur pied une vaste mobilisation des énergies novatrices ?

LA VALEUR DU RECOURS INFORMATIQUE

     Une technologie nouvelle d'enseignement, avec la complexité et la lourdeur de sa mise en oeuvre - particulièrement sensible en ce qui concerne l'informatique - ne peut s'imposer que si son utilisation apporte un avantage incontestable et appréciable, comme par exemple la voiture aux déplacements privés. À ce prix seulement est consenti l'effort d'apprendre une technique et de l'appliquer. La valeur du soutien informatique obéit à cette même loi d'airain. Son intérêt dépend de la combinaison des facteurs favorables et défavorables.

     La formule générale suivante permet de donner une idée de la valeur réelle du recours informatique :

Performance : qualité intrinsèque du logiciel à résoudre le problème cognitif.
Pertinence : degré d'adéquation du logiciel par rapport au besoin concret à satisfaire.
Maîtrise : compétences technique et pédagogique du professeur.
Complexité : complications de l'utilisation du logiciel et de l'ordinateur.
Lourdeur : somme des contraintes matérielles et organisationnelles de l'activité informatique.

     C'est la solution pratique de cette équation qui détermine la valeur du soutien informatique. Comme le montre cette formule, les trois facteurs positifs, performance, pertinence ou maîtrise, sont dépendants entre eux. Si l'un des facteurs, est nul, la valeur du recours le sera également. De même, si la complexité et la lourdeur sont excessives, la valeur sera diminuée d'autant. La valeur opérationnelle doit donc se situer au dessus d'un certain seuil à partir duquel s'affirment la supériorité et l'intérêt du recours informatique.

UN ENJEU CONSIDÉRABLE

     Dans la lutte contre l'échec scolaire, le soutien aux élèves en difficulté reste problématique et notoirement insuffisant. Le soutien informatique peut être la chance historique de son essor et de sa réussite. C'est là un des défi qui est posé à l'informatique pédagogique. D'ores et déjà il est possible d'affirmer que cette nouvelle technologie d'enseignement fait ses preuves dans le domaine de la remédiation. À mon sens, l'utilisation de l'ordinateur est capable de révolutionner ce domaine clé de l'enseignement. À la condition de promouvoir une politique de généralisation du soutien informatique avec les moyens en formation, en matériels et surtout en logiciels indispensables.

Claude Mattiussi

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 71 de septembre 1993.
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