VERS UNE LICENCE D'ENSEIGNEMENT EN INFORMATIQUE ?
Quelques éléments de réflexion...
 

1 - LA SITUATION ACTUELLE

     Le développement de l'informatique dans l'Académie, avec le PRIT, le plan IPT et la multiplication des options « informatique » dans les lycées a fait naître des besoins considérables de formation : il a fallu initier les enseignants utilisateurs, prévoir l'encadrement et l'animation des sites, former les professeurs de l'option. La collaboration entre le rectorat, les universités et la région a permis de faire face à la situation grâce à une structure nouvelle : l'ensemble CURFIP, CAFIP et CURFIP.

     Dans le cadre de l'université de Lille I, le CURFIP, épaulé par le réseau des trois CAFIP (Boulogne, Douai, Lille), a formé le socle du dispositif : l'ensemble des formateurs et des professeurs actuels de l'option est issu de ce réseau de centres lourds. Le programme de formation des stages CURFIP est établi en collaboration, par des universitaires (contenu scientifique) et par des formateurs du réseau (contenu pédagogique et professionnel). Ces formations n'ont jusqu'ici donné lieu à aucune délivrance de diplôme, le recrutement des formateurs à l'issue du stage terminal étant assuré par une commission de la MAFPEN.

     Les formés « lourds » ainsi recrutés ont assuré à la fois la formation des animateurs de sites dans les CAFIP (en liaison avec le CURFIP et donc l'université, selon un programme constituant le premier module de la formation lourde), et celle des simples utilisateurs dans les 20 CURFIP de l'Académie.

     Parallèlement à ce cycle de formation, un nombre croissant d'enseignants a commencé à s'inscrire de son propre chef à la licence informatique et, l'ayant acquise, a demandé à s'insérer clans l'équipe des formateurs. Un stage spécifique, axé sur la préparation au métier (aspects pédagogique et professionnel), a donc été mis en place à leur intention par le CURFIP.

     Ce dispositif, sur lequel une évaluation précise est d'ailleurs en cours, a fait la preuve de son efficacité en permettant à l'Académie de Lille de garder sa place d'avant-garde, comme cela ressort des entretiens que les principaux responsables ont pu avoir récemment avec le représentant du ministère, Monsieur Arsac. Toutefois l'évolution rapide de la situation pose un certain nombre de problèmes.

     Tout d'abord nous nous trouvons devant deux types de formateurs également compétents dans leur métier : les titulaires de la licence, et les autres qui ont suivi le cursus CAFIP-CURFIP. Les premiers disposent d'un diplôme reconnu, les autres non ; ces derniers risquent, à plus ou moins long terme, d'être éliminés du circuit, sans que leur compétence et leur savoir-faire soient en cause.

     Une solution consisterait à leur demander d'acquérir la licence : mais dans sa formule actuelle, elle ne répond pas vraiment aux besoins spécifiques de l'Éducation nationale, et de plus elle est très difficilement accessible à ceux qui ne disposent pas d'une solide formation mathématique. La base de recrutement des formateurs et professeurs d'option risque donc à terme de se réduire aux seuls professeurs de mathématique, ce qui est absolument contraire à la pluridisciplinarité voulue en informatique pédagogique.

2 - LES OBJECTIFS

     Il semble donc souhaitable de faire évoluer le système actuel de formation en informatique, en tenant compte d'un certain nombre d'impératifs apparemment difficilement conciliables :

  1. La licence d'informatique doit demeurer au niveau scientifique élevé qui est actuellement le sien : il n'est pas question de dévaloriser le titre.

  2. Pour répondre aux besoins spécifiques de l'éducation Nationale, une licence d'enseignement semble souhaitable dans la discipline informatique. Cette nouvelle licence peut s'envisager par aménagement de la licence actuelle ou création d'une licence spécifique. Si licence spécifique il .y a, elle doit être de niveau équivalent à la licence actuelle. Le choix, pour un postulant, de la licence d'enseignement plutôt que de la licence « pure » ne doit en aucun cas résulter d'une plus grande facilité de l'une par rapport à l'autre.

  3. Cette licence d'enseignement doit avoir un recrutement largement pluridisciplinaire (ce qui signifie qu'aucune discipline n'est exclue, mais également qu'aucune n'est privilégiée).

  4. Pour assurer le haut niveau de l'ensemble de ses modules, il semble souhaitable d'associer à sa conception les universités de Lille I (pour la partie informatique) et Lille III (pour la partie touchant aux sciences de l'éducation).

  5. Il apparaît en outre souhaitable que les formateurs actuellement recrutés et qui ne souhaiteraient pas (ou seraient dans l'impossibilité de) s'inscrire à cette licence voient leur compétence officiellement reconnue au niveau réel qui est le leur (du fait de leur formation initiale et (le leur pratique professionnelle). II serait en effet regrettable de léser ceux grâce à qui le système fonctionne actuellement (le façon satisfaisante, donnant à l'académie de Lille une place de leader dans ce domaine.

  6. Il faut enfin faciliter le renouvellement de l'équipe de formateurs.

3 - QUELQUES PROPOSITIONS

     Pour résoudre au mieux le problème de la formation en informatique en fonction des paramètres énumérés ci-dessus, on peut imaginer un certain nombre de changements.

1) On peut envisager d'associer l'ensemble CAFIP-CURFIP à l'université de Lille I. Il délivrerait un diplôme professionnel d'informatique pédagogique, assimilable à un DEUG ou à un DEUST et donnant qualité de formateur et de professeur de l'option dans le secondaire. La formation ainsi dispensée se structurerait en plusieurs modules (niveau 1, 2, 3) avec validation intermédiaire donnant droit à la qualification d'animateur de site.

     Ce diplôme professionnel permettrait en outre de s'inscrire en licence avec dispense des UV dont le programme aurait déjà été étudié au CAFIP ou au CURFIP (par exemple : programmation).

     Dans cette hypothèse, les formateurs actuellement en fonction pourraient se voir reconnaître le diplôme rétroactivement selon des modalités à définir, et le recrutement pluridisciplinaire d'animateurs, formateurs, et professeurs de l'option pourrait se poursuivre en fonction des besoins du rectorat.

2) Pour faciliter l'accès à la licence des professeurs non matheux, le CAFIP-CURFIP pourrait organiser des modules préparatoires, dont le contenu et les méthodes seraient à définir en fonction des besoins : conceptualisation mathématique, etc.

3) Concernant la licence d'enseignement, on pourrait imaginer une solution de ce type :

  • une structure fondamentalement identique à celle de la licence actuelle : 4 ou 5 modules de base obligatoires (on pourrait éventuellement scinder en deux le module AMI le plus lourd) as sociés à un ensemble de modules optionnels. Aux options actuellement existantes on en ajouterait d'autres, centrées sur les sciences de l'éducation (didactique de l'informatique, informatique et société..., prises en charge par LILLE III) et riches de potentialités pour la pédagogie (systèmes experts et Intelligence Artificielle, logiciels professionnels...).

  • la licence d'enseignement ne se distinguerait de l'autre que par le choix obligatoire d'une ou plusieurs options à orientation pédagogique, et par le module pédagogique pratique suivi dans le cadre du CURFIP (correspondant en gros à l'actuel niveau 3 spécifique aux licenciés).

     On créerait ainsi, entre le cursus universitaire traditionnel (DEUG + licence) et le cursus CAFIP-CURFIP un système de passerelles particulièrement intéressant : un étudiant issu du DEUG et titulaire d'une licence « pure » pourrait en faire une licence d'enseignement en passant les options qui lui manqueraient éventuellement puis en suivant le module CURFIP.

     À l'inverse, un enseignant suivrait d'abord la filière CAFIP-CURFIP, puis passerait en licence, après avoir si nécessaire suivi les modules préparatoires.

     Ce document résulte d'une réflexion menée par un groupe de formateurs de l'académie de Lille.

Claude Baratte
Jean-François Berthon
Michel Binse
Jean-Pierre Dupuis (rapporteur)
Pierre Lespagnol
Renée Letoret               
Patrick Meaux
Jacqueline Polnecq
Renaud Silvestri
Luc Vaissière

Mars 1988

NDLR : Étant donné l'importance de ce texte pour l'avenir, le Bureau national souhaite connaître vos remarques, réactions, suggestions.

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 50 de juin 1988.
Vous pouvez télécharger cet article au format .pdf (105 Ko).

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