Simulation en biologie

R. Lestournelle
 

     Les logiciels éducatifs de sciences naturelles sont peu nombreux et certains répondent mal aux objectifs assignés à notre enseignement. C'est pourquoi depuis des années, je me suis attelé, par goût et par nécessité, à la réalisation de logiciels susceptibles d'être utilisés en classe. Dans la plupart des cas j'ai réalisé leur programmation avec des groupes restreints d'élèves, tandis que je me chargeais du travail d'analyse. Deux de ces logiciels sont terminés : l'un (simulation photosynthèse) a été primé au concours IBM de mars 86, l'autre (simulation de l'électrophysiologie d'une fibre nerveuse) a été primé au concours de scénarios de logiciels en octobre dernier. On le voit, la simulation occupe une large place dans mes préoccupations et je voudrais, dans cet article, sur la base de deux exemples cités, livrer quelques réflexions sur les logiciels de simulation en biologie.

La simulation, dans quel cas ?

     La simulation peut constituer un outil pédagogique irremplaçable dans les cas suivants : épargner aux élèves une expérimentation longue et fastidieuse et leur permettre de consacrer la majeure partie de leur temps à la réflexion. C'est le cas de la photosynthèse. L'essentiel de ce phénomène réside dans la production de matière organique par les plantes vertes. L'étude des facteurs qui interviennent dans l'activité photosynthétique fait partie des programmes de 2ème cycle. Elle est généralement menée sur un phénomène accessoire qui accompagne la synthèse de matière organique : le dégagement d'oxygène : les élèves comptent le nombre de bulles qui s'échappent de la section d'une tige d'élodée placée dans diverses conditions expérimentales. Ce travail est long et ne présente qu'un médiocre intérêt, une fois présenté le dispositif expérimental. C'est pourquoi l'idée m'est venue de simuler le phénomène sur machine : les élèves choisissent les conditions expérimentales (lumière, température, teneur de l'eau en CO2), le logiciel leur donne la valeur du dégagement gazeux en tenant compte des variations aléatoires propres aux phénomènes biologiques et des conditions expérimentales précédentes. Mieux encore, le logiciel peut présenter, à la demande, un tableau récapitulatif des conditions expérimentales et des valeurs des dégagements d'oxygène ou un graphique relatif à chacune des 3 variables.

     Les avantages de la simulation sur l'expérimentation réelle sont les suivantes :

  • le gain de temps est considérable, ce qui permet une expérimentation plus complète.

  • l'expérimentation est libre ce qui n'est pas le cas d'une expérimentation réelle pour des raisons évidentes : le temps, les risques matériels et financiers (comment accepter qu'un élève plonge un brin d'élodée, qui coûte 8F, dans de l'eau chaude ?)

  • la discrétion du maître, la confrontation avec une machine donne à l'exercice un caractère ludique qui accroît la motivation. C'est ce que j'ai observé.

  • permettre à nos élèves d'être confrontés à des situations expérimentales que nos établissements ne pourront jamais leur offrir, faute de moyens et qui sont pourtant nécessaires à une bonne compréhension de certains phénomènes. C'est le cas du potentiel d'action. Celui-ci est l'expression électrique de l'état d'excitation des fibres nerveuses. On l'étudie généralement sur la base d'observations réalisées sur le nerf. Hélas ! le potentiel d'action du nerf présente une série d'anomalies dont l'interprétation est difficile et qui rendent impossible la découverte des lois qui régissent ce potentiel. L'utilisation des microélectrodes sur fibres isolées est indispensable mais le coût de l'appareillage est prohibitif.

     C'est pourquoi j'ai tenté de simuler cette expérimentation sur ordinateur. Ce logiciel plus graphique que le précédent se présente comme un tableau de bord sur lequel on peut voir :

  • l'écran de l'oscilloscope

  • les principaux boutons de commande de ce dernier

  • les commandes des paramètres « biologiques » : distances entre les électrodes intensité et fréquence de la simulation, concentrations du milieu extérieur en ions Na+ et K+.

     L'élève choisit les conditions expérimentales, la machine trace les potentiels d'actions correspondants (ou la réponse est enregistrée).

Simulation avec ou sans aide ?

     Il faut se garder de tout dogmatisme. Tout est affaire de cas. Seule la validation du logiciel permet d'apprécier la nécessité ou non d'une aide tutorielle. Dans ce logiciel sur la photosynthèse l'aide se présente sous la forme suivante :

  • des messages d'alerte si les conditions expérimentales choisies sont de nature à détériorer le matériel vivant, empêchant la poursuite de l'expérimentation (température trop élevée par exemple)

  • des messages de correction s'il se révèle qu'au bout d'un certain nombre d'expériences une démarche scientifique répétitivement erronée, conduit l'élève à des résultats non exploitables. La correction prend en compte les erreurs suivantes :

    • le principe « toutes choses égales sauf une » n'a pas été respecté (on obtient alors des courbes dans lesquelles la fonction n'est pas reliée à la variable par une relation simple)

    • l'effet de la variable est testé dans un domaine trop restreint (ce qui implique que d'autres valeurs essentielles ne sont pas testées)

    • l'exploration de la variable est redondante.

     Dans tous les cas, il faut se souvenir que nos élèves ne sont pas des adultes formés (sinon à quoi servirions-nous ?) et qu'une simulation totale risque de conduire à l'impasse et au découragement. Elle n'est pas exclue lorsque cela est possible : je l'ai utilisée dans le deuxième logiciel.

Simulation et après ?

     L'objectif d'un logiciel de simulation de biologie est de permettre à nos élèves de découvrir les lois d'un certain nombre de phénomènes. Le logiciel n'est valable que si ces lois sont effectivement découvertes par la majorité d'entre eux. Pour s'en assurer une validation est nécessaire. C'est pourquoi les deux logiciels cités se terminent par un test. La rédaction de celui-ci n'est pas aisée car il s'agit d'éviter tout à la fois le simplisme de certains textes informatisés et une rédaction de la machine serait incapable d'analyser. En ce qui concerne le premier logiciel la technique était simple : des lois reliant les fonctions aux variables, il suffit de proposer une variable en demandant à l'élève de rechercher la valeur de la fonction. Encore faut-il que les valeurs proposées se trouvent dans le domaine réellement exploré. En effet, si la forme des courbes est toujours la même, en revanche les valeurs affichées peuvent être variables en raison des facteurs limitants.

     Le test du deuxième logiciel particulièrement difficile (même pour les professionnels que nous sommes) propose 16 enregistrements dans lesquels il faut faire un choix (pour chaque question) sans élimination au niveau de la question suivante.

     L'informatique offre une grande souplesse au niveau pédagogique. Il peut être intéressant de ne pas se limiter à l'enregistrement d'une situation. Le logiciel doit permettre d'évaluer le niveau des acquisitions et de proposer, pour chaque cas, une solution adaptée. Deux situations peuvent se produire :

  • les acquisitions sont insuffisantes. Le renvoi à une nouvelle expérimentation est nécessaire. Encore faut-il qu'une situation nouvelle soit créée de manière à éviter le renouvellement des erreurs commises. Le test photosynthèse offre cette possibilité : dans la liste des variables choisies par l'élève lors d'une nouvelle expérimentation, le logiciel va sélectionner des valeurs « opérationnelles », celles qui correspondent à des choix expérimentaux cohérents (« toutes choses égales sauf une » par exemple). Il est alors possible d'obtenir des graphiques significatifs.

  • Le niveau des acquisitions est correct (même s'il n'est pas parfait) : l'élève est renvoyé aux questions du test auxquelles il a mal répondu.

Les travaux pratiques sont-ils condamnés ?

     Cette question justifie les réticences exprimées par certains responsables à l'égard de l'informatisation : pour des raisons de commodité ou des raisons financières, ne va-t-on pas multiplier les logiciels de simulation ? Leur généralisation pourrait condamner les séances de TP avec dédoublement. Ces craintes ne me paraissent pas fondées. Il est des cas où la simulation est irremplaçable. Dans le premier cas (photosynthèse) la simulation complète un TP évidemment écourté. Dans le deuxième (simulation nerveuse) le TP traditionnel sur le nerf est maintenu, de manière à familiariser les élèves avec le matériel et les méthodes qui sont reprises dans le logiciel de simulation. Dans beaucoup de cas les TP ne concernent pas des phénomènes mais des objets (la cellule par exemple) et, dans ce cas, aucune image informatique ne pourra remplacer la réalité.

Et les élèves ?

     J'utilise le logiciel photosynthèse depuis deux ans dans mes cours. Comme je l'ai indiqué, la motivation est grande, sans doute pour deux raisons : l'attrait de la nouveauté sans aucun doute et le fait que le logiciel est assimilé à un jeu de réflexion dont il faut découvrir la solution. Et c'est à ce niveau que les difficultés surgissent car, la pratique des jeux informatiques les conduit à se comporter d'une manière comparable vis à vis de ce logiciel éducatif : démarche anarchique, absence de réflexion organisée, aucun travail « papier ». Inévitablement ce comportement conduit à l'échec au niveau du test de validation. Pour éviter cette perte de temps, j'interviens, en début de séance, pour donner quelques consignes de travail. En ce qui concerne le deuxième logiciel que j'ai testé uniquement en juin dernier avec des élèves de seconde néophytes est les résultats ont été encourageants : les lois les plus importantes ont été découvertes même si leur énoncé a été approximatif.

R. Lestournelle

Pour tous renseignements complémentaires concernant les deux logiciels : « simulation photosynthèse » et « électrophysiologie d'une fibre nerveuse » s'adresser à : R.LESTOURNELLE - 4 place des Quatre Vents. Le Serre-Paix - 05100 BRIANÇON

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 49 de mars 1988.
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