L'évaluation de l'expérience des 58 lycées
 

Le rapport d'évaluation de l'expérience dite « des 58 lycées » est terminé depuis la fin du mois d'avril et a été remis le 15 mai au Directeur des lycées. Nous sommes heureux d'en présenter ici une synthèse en attendant une publication que nous espérons prochaine.

Genèse et objectifs

   L'expérience française d'introduction de l'informatique dans l'enseignement secondaire, dite maintenant « expérience des 58 lycées », est née en 1970 de la prise de conscience d'un phénomène de société :

   « L'informatique est un phénomène qui est en train de bouleverser profondément les pays industrialisés et le monde moderne en général. La mise en place de banques de données, la création de réseaux de communication de l'information, la formulation de nombreux problèmes sans relations apparentes dans un langage unique commun, l'approche synthétique de questions complexes que permet l'informatique, en font un outil scientifique, technique et intellectuel unique.

   L'enseignent secondaire tout entier et dès la classe de 4e ne peut rester à l'écart de cette révolution. Il doit préparer au monde de demain dans lequel ceux qui ignoreront tout de l'informatique seront infirmes. il doit apprendre la portée de cet outil, pour éviter les enthousiasmes excessifs et les scepticismes étroits. Il doit profiter de la valeur formatrice de l'enseignement de l'informatique, de la rigueur et de la logique qu'elle impose. II doit faire apparaître la portée économique du phénomène, et faire savoir ce que l'informatique peut apporter dans la vie professionnelle. Enfin, il doit préparer les consciences à affronter les responsabilités nouvelles créées par sa généralisation. »(Circulaire ministérielle n° 70-232 du 21 mai 1970, BOEN n  22, 28 mai 1970)

   Il s'agissait donc de faire entrer une science et une technologie nouvelles dans la culture générale de l'homme du XXe siècle. Cette initiative du ministère de l'Éducation nationale se fondait sur les conclusions d'un séminaire récent de l'OCDE qui s'était tenu au Centre International d'Études Pédagogiques de Sèvres, du 9 au 14 mai 1970, et qui avait eu pour but de définir les objectifs et les contenus d'un enseignement de l'informatique à l'école secondaire, les relations de cet enseignement avec celui des autres disciplines, les méthodes et les moyens nécessaires pour y parvenir et en particulier la formation des professeurs qui auraient la charge de cet enseignement.

   En effet les recommandations finales que ce colloque adressait aux pays membres de l'OCDE, et en particulier celles du groupe de travail n° 1 (L'enseignement de l'informatique à l'école secondaire. CERI-OCDE Paris, 1971, pages 43 et 44.), se retrouvent dans les objectifs assignés à l'expérience française tels que les rappelle dans un article récent le professeur Mercouroff, Chargé de Mission à l'Informatique au Ministère de l'Éducation nationale de 1970 à 1974 (L'expérience des 58 lycées. Revue Éducation et Informatique n° 1, avril-mai 1970, pages 10 à 15).

   Ces objectifs sont essentiellement de deux sortes :

1 - développer une formation de culture générale à l'informatique qui, aurait pour but « non pas d'apprendre l'informatique, mais d'apprendre que l'informatique existe, à quoi elle peut servir, ce qu'elle ne peut pas faire, quelles sont ses limites, quels sont les aspects économiques qui lui sont associés » ;

2 - favoriser par la même occasion une rénovation pédagogique en ouvrant l'enseignement secondaire sur le monde contemporain et en amenant les enseignants à « se poser des questions sur le contenu de leur enseignement ».

   La stratégie choisie pour atteindre simultanément ces deux objectifs a consisté à introduire l'informatique à travers les disciplines traditionnelles au lieu de créer une discipline nouvelle, avec ses horaires et ses programmes, qui aurait par ailleurs surchargé un enseignement déjà taxé d'encyclopédisme. Ce choix se fondait sur l'idée que « l'une des caractéristiques de l'informatique est de créer chez les élèves une attitude algorithmique, opérationnelle, organisatrice, laquelle est souhaitable pour bien des disciplines ». (L'enseignement de l'informatique à l'école secondaire, p. 43)

Les moyens

   Pour réaliser cette approche nouvelle, il est apparu nécessaire de s'adresser aux spécialistes des différentes disciplines et de leur demander comment ils envisageaient l'introduction de l'informatique dans leur enseignement. La première action du Ministère a donc consisté à former un certain nombre d'enseignants afin qu'ils puissent répondre à cette question. Deux types de formation ont ainsi été lancés en 1970.

1 - La formation dite approfondie qui, de 1970 à 1976, a touché environ 530 enseignants de toutes disciplines, avec cependant un léger déséquilibre en faveur des disciplines scientifiques et en particulier des mathématiques (cf. document 1). Ce Stage s'est déroulé la première année chez les constructeurs d'ordinateurs (IBM, CII, Honeywell-Bull) et à partir de la deuxième année dans les centres universitaires (IMAG de Grenoble, IUT de Nancy Université de Rennes, ENS de Saint-Cloud, IUT de Toulouse). Il durait une année scolaire à plein temps (sauf à l'ENS de Saint-Cloud où il n'avait lieu qu'à mi-temps).

2 - La formation dite légère se présentait sous forme d'un cours par correspondance diffusé par le CNTE et était accompagnée de stages de courte durée (deux ou trois jours) qui se sont déroulés d'abord dans des centres de calcul universitaires, puis dans des lycées équipés. De 1970 à 1976, 6 522 professeurs ont bénéficié de cette formation.

1970
1971

1971
1972

1972
1973

1973
1974

1974
1975

1975
1976

Totaux par discipline

Disciplines Artistiques

0

1

3

1

0

0

5

Lettres

9

8

15

13

21

10

76

Langues

10

10

11

10

7

7

55

Philosophie

3

2

3

2

2

0

12

Histoire et Géographie

8

6

6

4

8

10

42

Sciences Économiques

8

5

8

12

6

4

43

Sciences Naturelles

6

6

3

6

6

5

32

Mathématiques

18

23

26

25

22

26

140

Sciences Physiques

13

19

12

16

10

5

75

Techniques Industrielles

1

7

3

3

4

4

22

PEGC - PETT (*)

4

9

0

0

1

10

24

Divers

0

2

0

0

0

0

2

Totaux par année

80

98

90

92

87

81

528

(*) N'ont été comptabilisés ici que les enseignants dont il n'a pas été possible de déterminer la discipline dominante.

Document 1. Répartition des professeurs formés par année et par discipline.

   Suivant les types de formation et suivant les centres de stage, les contenus de la formation ont pu varier. On peut dire qu'on y trouvait cependant, avec des proportions diverses, à peu près les mêmes éléments, c'est-à-dire :

- des notions générales d'informatique (distinction entre syntaxe et sémantique, codage de l'information, analyse et algorithmes, structure des ordinateurs),

- une initiation pratique à la programmation,

- une évocation des diverses applications de l'informatique dans les différents domaines de l'activité humaine, et en particulier dans la recherche scientifique et l'enseignement,

- dans le cadre de la formation approfondie, une première réflexion sur les applications pédagogiques possibles.

   Mais cette dernière activité s'est surtout développée après le retour des enseignants dans leurs établissements. Elle a été facilitée d par l'attribution e moyens spécifiques fournis par le Ministère. Cinquante huit lycées ont été équipés de matériel informatique de 1972 à 1976 : il s'agissait, dans chaque établissement, d'un mini-ordinateur auquel étaient reliées huit écrans de visualisation et un télétype. Un langage de programmation, le LSE (Langage symbolique d'enseignement) fut conçu par une équipe de l'École Supérieure d'Électricité dirigée par le professeur Hebenstreit. Ce langage présente les avantages :

- d'être conversationnel, donc particulièrement bien adapté à l'écriture de dialogues pédagogiques ;

- de posséder de nombreuses fonctions aussi bien sur les chaînes de caractères que sur les expressions numériques, ce qui le rend apte à traiter à la fois des applications scientifiques et littéraires ;

- d'avoir une syntaxe française, donc d'être plus facilement assimilable par les élèves et de ne pas avoir une influence néfaste sur la pratique de leur langue maternelle (Qui n'a pas entendu un informaticien, programmant en Basic, dire en parlant d'un de ses programmes : je le « loade », je le « runne » je le « délète » ?).

   Enfin, des décharges de service ont donné aux enseignants le temps nécessaire pour mener des recherches et réaliser des produits.

Les réalisations

   Les travaux de ces enseignants ont été suivis et coordonnés par l'Institut National de Recherche Pédagogique. Une section Informatique et Enseignement, créée à cette occasion à la fin du premier stage de formation approfondie a animé les groupes de recherche, disciplinaires ou interdisciplinaires, centralisé et diffusé l'information, ce qui, dans un domaine où le support matériel joue un rôle important, est vite devenu un travail énorme : publication d'un bulletin de liaison, de fiches pédagogiques, de feuilles d'information, validation et diffusion des logiciels eux-mêmes sur rubans perforés, puis sur disquettes magnétiques.

   Ces activités de production et de diffusion, qui ne sont pas par elles-mêmes des activités de recherche, ont pris une grande part du temps des membres de la Section Informatique et Enseignement. Elles étaient cependant indispensables, car une recherche sur l'utilisation d'un outil pédagogique ne peut se passer des matériaux nécessaires pour faire fonctionner cet outil.

   Ainsi s'est créée une banque de 400 logiciels pédagogiques qui sont tous le fruit du travail des enseignants préalablement formés et qui ont pu être utilisés par tous les professeurs des établissements équipés qui le désiraient.

L'évaluation

   L'année 1976 a marqué un tournant important dans l'expérience d'introduction de l'informatique dans l'enseignement secondaire.

   Le Ministère de l'Éducation décidait en effet d'interrompre l'équipement des lycées en mini-ordinateurs ainsi que la formation approfondie des enseignants. Il a considéré qu'il n'était pas encore possible de généraliser pour des raisons financières et technologiques. Par contre, le potentiel acquis en matériel et en enseignant formés lui paraissait largement suffisant pour mener une expérimentation approfondie. La Direction des Lycées qui assurait la gestion administrative de cette opération depuis septembre 1975 (date de la suppression de la Mission à l'Informatique) plaçait donc l'expérience « sur orbite d'attente » et confiait à l'INRP une nouvelle mission, celle de l'évaluation, dans l'intention d'utiliser les résultats de cette évaluation pour décider d'une éventuelle généralisation. Citons ici les propos mêmes de Monsieur le Directeur des Lycées : « Toute expérimentation d'envergure n'a de sens que si elle est conçue dans l'optique d'une éventuelle généralisation. Or la généralisation de l'expérimentation entreprise en informatique devrait mettre en jeu des moyens si considérables qu'elle ne peut être envisagée sans une évaluation préalable très sérieuse. -es conditions d'une telle évaluation sont dès maintenant réunies ; c'est à elle que j'ai décidé de consacrer les efforts de la Direction dès les prochaines années. » (Lettre du 9 août 1976 au responsable de la Section Informatique et Enseignement).

   Il nous apparaît comme essentiel, même si la décision de généraliser a déjà été prise (opération « 10 000 micro-ordinateurs), de dresser le bilan d'un travail de dix années. Nous pensons en effet que les observations qui ont été faites et les conclusions auxquelles nous avons abouti peuvent être prises en considération dans la mise en oeuvre de cette généralisation.

   Au sens strict du terme, une évaluation aurait exigé la définition d'objectifs extrêmement précis, de conditions expérimentales rigoureuses (choix de classes témoins par exemple) et d'instruments de mesure adaptés. Or, nous l'avons vu, les objectifs initiaux étaient très généraux. La décision de 1976 ne les a pas précisés davantage. On peut dire seulement que l'accent se trouvait mis davantage sur la notion d'outil pédagogique et que celle de sensibilisation se trouvait placée au second plan par les textes officiels parus à cette époque. (Citons en particulier une note de Monsieur le Directeur des Lycées à Monsieur le Ministre de l'Éducation qui avait pour objet « l'informatique en tant qu'outil pédagogique banalisé ». 12 mars 1976).

   Le domaine concerné était d'autre part très vaste : cinquante-huit établissements, plus de mille enseignants, toutes les disciplines de l'enseignement général, et quelques-unes de l'enseignement technique, toutes les classes de l'enseignement secondaire de la sixième à la terminale et des sujets répartis sur tout le programme scolaire de ces classes, sans compter quelques collèges isolés et d'autres types d'établissements. C'est donc en fait une multiplicité d'évaluations qu'il aurait fallu mener pour rendre compte de l'expérience dans son ensemble. Une tâche de cette importance était impossible, étant donné le personnel limité de la section Informatique et Enseignement qui devait d'autre part continuer à assurer ses tâches de recherche et de diffusion des produits réalisés.

   D'aucuns pourraient estimer d'autre part que l'équipe chargée de l'évaluation aurait dû être composée de personnes extérieures à l'expérience et parfaitement « objectives ». Étant donné la nouveauté de l'approche considérée qui exige une double compétence à la fois en pédagogie de l'enseignement secondaire et en informatique, il semble au contraire que des enseignants participant à l'expérience étaient tout désignés pour remplir cette tâche.

   Nous avons par conséquent choisi de nous limiter à un travail d'observation afin d'aboutir à une description la plus complète et la plus précise possible du dispositif expérimental et de l'ensemble des actions menées. Cette option a été retenue et proposée comme cadre de recherche par la Direction des Lycées : « Tous ceux qui travaillent sur ce sujet pensent compte tenu de la nature de l'expérience et de la variété des données, qu'il s'agit plutôt d'un travail d'observation et de description.
L'expérimentation des programmes produits est extrêmement difficile, l'équipe de l'INRP pense s'orienter plutôt vers :
- un travail d'analyse de la production et de son utilisation ;
- des opérations plus ponctuelles et suivies permettant de tester les prétentions de l'informatique à développer la motivation, le travail de groupe, la progression individuelle, voire l'activité modélisante et la démarche algorithmique. »
(Note d'information de la Direction des lycées, avril 1977).

   Quatre axes de travail ont ainsi été définis :

1 - L'étude du fonctionnement des centres informatiques qui s'est effectuée surtout à l'aide des questionnaires remplis chaque année dans les établissements et éventuellement de rapports et de visites.

2 - L'étude des productions qui a consisté d'une part en une analyse systématique de tous les logiciels publiés et d'autre part en un recensement exhaustif de toutes les utilisations de programmes mentionnées dans le questionnaire des lycées

3 - L'apport de l'informatique aux enseignants a été envisagé à partir de différents documents rédigés par ceux-ci. Huit classes choisies parmi toutes celles des lycées équipés ont permis de créer des conditions favorables à une étude approfondie de la manière dont les enseignants abordent l'utilisation de l'outil informatique.

4 - L'apport de l'informatique aux élèves a été étudié à la fois à parti des comptes rendus des enseignants de ces huit classes et à partir de quelques entretiens et de questionnaires destinés à recueillir leurs réactions face au nouvel instrument de travail qui leur était offert.

Les acquis et les limites de l'expérience

   L'analyse de tous les documents recueillis au cours de ces quatre années permet de présenter un essai de bilan global Il est possible de dire aujourd'hui que la plupart des objectifs initiaux ont été atteints, malgré les quelques limites que nous avons pu observer. Ces résultats ne peuvent être séparés des conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expérience et qui en ont facilité ou entravé le développement.

1 - Les acquis

   Les résultats obtenus sont quantitativement importants : plus de 45 000 élèves, soit un élève sur deux, et plus de mille enseignants, soit un enseignant sur six, ont chaque année utilisé l'ordinateur.

   Une classe sur quatre est une classe du premier cycle, ce qui est relativement important dans une expérience qui s'adressait théoriquement aux lycées.

   Toutes utilisations confondues, les centres informatiques des lycées ont fonctionné en moyenne 32 heures par semaine.

   Une banque de 400 logiciels pédagogiques a pu être constituée à partir du travail des enseignants. On peut estimer que les logiciels qui ont été réalisés et utilisés localement sont au moins aussi nombreux.

   La sensibilisation a réellement eu lieu : Elle a permis de démythifier l'informatique et de faire passer un certain nombre de notions fondamentales. Pour des élèves volontaires, et même parfois dans le cadre de la scolarité obligatoire, elle est souvent allée jusqu'à l'initiation. La plupart des élèves souhaiteraient que cette initiation soit faite systématiquement pendant les cours.

   L'introduction de l'informatique a pu s'effectuer à travers toutes les disciplines même littéraires. Tout en servant de support à la transmission de connaissances proprement informatiques elle a apporté aux différentes disciplines un outil et une méthodologie nouveaux.

   L'expérience dite des 58 lycées représente un exemple d'introduction d'un outil technologique nouveau entièrement maîtrisé par les enseignants puisqu'ils ont précisé eux-mêmes les objectifs en accord avec les directives très larges qui avaient été fixées. initialement, qu'ils ont créé les produits, qu'ils les ont ensuite utilisés et expérimentés, animant et gérant les centres informatiques des lycées sans avoir recours à la présence d'un technicien.

   Les enseignants ont pratiqué la pluridisciplinarité à la fois dans leurs activités pédagogiques et dans l'animation des centres informatiques, évitant ainsi que le matériel soit accaparé par une seule discipline.

   L'utilisation de l'informatique a permis de nouvelles pratiques pédagogiques : analyse précise des contenus, définition des objectifs, utilisation de méthodes de travail cohérentes, modification de la relation enseignant-enseigné.

   Les enseignants ont utilisé l'ordinateur pour mieux connaître les élèves. Ils ont mis au point des outils d'évaluation qui semblent particulièrement efficaces pour mesurer deux types d'acquisition : les « savoir-faire » élémentaires et la mise en oeuvre de méthodes.

   Les élèves ont trouvé dans l'usage de l'ordinateur une source de motivation nouvelle. Cette motivation reste forte même après une utilisation régulière (environ 10 % du temps scolaire). Il y a très peu de cas de rejets.

   Grâce à l'informatique, les élèves ont été plus actifs, ils ont travaillé à leur rythme, plus librement et de façon plus autonome. Ils ont pu prendre connaissance de méthodes jusqu'alors réservées aux spécialistes (simulation - interrogation de banques de données).

2 - Les limites

   Tous les enseignants des lycées équipés ne fréquentent pas la salle d'informatique : cinq sur six n'utilisent pas l'ordinateur, même épisodiquement.

   L'ordinateur n'est pas la panacée pédagogique. Il ne permet pas de résoudre tous les problèmes qui se posent au système éducatif.

   La rénovation pédagogique liée à l'utilisation de l'outil informatique s'effectue lentement.

   L'utilisation de l'informatique n'a pu se faire d'une manière égale dans toutes les disciplines.

3 - Les conditions d'une expérience

a) - Quelques difficultés

   Le poids des contraintes matérielles est important.

   L'expérience a eu à souffrir de conditions défavorables liées aux insuffisances du matériel et du logiciel : nombreuses pannes dans certains établissements ; lenteur des premières entrées-sorties, puis, après l'adoption des disques souples, incompatibilité entre ces supports ; incompatibilité entre les systèmes.

   Le matériel informatique installé dans les lycées ne permet qu'un nombre d'heures de travail limité : en moyenne, chaque élève ne dispose d'un poste de travail que huit heures par an.

   Des contraintes administratives peuvent empêcher les enseignants d'utiliser l'ordinateur quand ils le souhaiteraient il n'est pas toujours possible de concilier le planning de la salle, l'horaire des élèves et la progression pédagogique ; les dédoublements de classes ne sont pas prévus dans toutes les disciplines ni dans toutes les sections.

   Le temps alloué aux enseignants pour le fonctionnement de l'expérience n'a pas toujours été disponible, en particulier lorsque les décharges de service n'étaient pas effectives ou lorsqu'elles parvenaient en retard dans les établissements.

   Au plan national, l'infrastructure nécessaire pour la coordination des recherches, la gestion des logiciels et la diffusion de l'information a toujours été insuffisante (nombre de postes, matériel, crédits).

b) - Un ensemble de conditions favorables

   La plupart des enseignants qui ont animé les centres informatiques des lycées, produit et expérimenté des logiciels avaient bénéficié d'une formation approfondie pendant un an à plein temps ou à mi-temps. Sans cette formation qui a permis de constituer des équipes solides et suffisamment nombreuses dans chaque établissement, le succès de l'expérience n'était même pas envisageable.

   Les recherches disciplinaires et interdisciplinaires ont été coordonnées au niveau national par une équipe pluridisciplinaire (Il s'agissait d'une équipe composée d'enseignants de différentes disciplines, issus de l'ancienne formation approfondie, d'un psychologue et d'une informaticienne, animée par un chercheur de l'INRP).

   L'existence d'une banque de logiciels et leur diffusion gratuite dans les établissements ont permis l'utilisation de l'ordinateur dans le cadre des cours.

   La compatibilité qui existe au niveau du langage LSE a facilité grandement l'échange de ces logiciels entre des établissements possédant des matériels différents.

   Les décharges de service fournies aux enseignants leur ont donné du temps nécessaire pour effectuer des recherches, créer des logiciels, animer les centres informatiques.

Propositions pour la généralisation

   Plus encore qu'en 1970, la nécessité d'intégrer l'informatique dans la culture générale donnée à l'ensemble des élèves apparaît évidente. Cette intégration devrait se faire aussi bien par l'utilisation de l'outil que par l'acquisition d'un certain nombre de connaissances proprement informatiques. Pour ces deux voies, il est possible de proposer les orientations suivantes et d'indiquer les moyens qui paraissent appropriés.

1 - Les orientations

   La sensibilisation à l'informatique devrait aboutir à une véritable initiation comme le désirent les élèves. Afin d'assurer l'homogénéité de cette formation, il serait souhaitable de définir un programme minimal des connaissances nécessaires.

   La meilleure solution paraît être d'intégrer ces éléments dans les différentes disciplines afin de ne jamais séparer l'outil de son domaine d'utilisation.

   L'utilisation de l'informatique dans le cadre des cours peut être développée. Il est en particulier deux domaines où elle montre son efficacité :

- l'acquisition ou le renforcement des mécanismes de base, plutôt adaptés au niveau du premier cycle ;

- l'initiation aux méthodologies que permettent la simulation et le recours aux banques de données et qui concerne plutôt. le second cycle

   L'individualisation que permet l'usage de l'ordinateur rend son emploi particulièrement bénéfique dans le cadre d'une pédagogie de soutien.

   L'informatique étant un outil et un langage communs à toutes les disciplines, il faut veiller, au niveau de la généralisation, à sauvegarder la réelle pluridisciplinarité qui a été un élément moteur pour le développement de l'expérience.

   La recherche pédagogique n'est pas terminée. Un certain nombre de thèmes devraient être explorés ou approfondis :

- efficacité d'une pédagogie de soutien sur ordinateur ;

- mesure des acquis grâce à la conservation et à l'exploitation des résultats que permet l'outil informatique

- utilisation des banques de données, en particulier en liaison avec le développement de la télématique ;

- étude du comportement des élèves face à la machine (variation du degré d'attention, blocages, acquisition de l'autonomie, créativité...) ;

- étude des motivations négatives des enseignants ;

- étude des utilisations pédagogiques de périphériques nouveaux (sorties sonores, tables traçantes, vidéodisques...) ;

- gestion de l'écran.

   Il est souhaitable que cette recherche continue à être coordonnée au niveau national par une équipe pluridisciplinaire.

2 - Les moyens indispensables

Une formation sérieuse des enseignants est indispensable. Elle pourrait se présenter sous deux formes :

- une sensibilisation aux méthodologies informatiques propres à la discipline étudiée et une formation à l'utilisation de l'outil au niveau de la formation initiale pour les nouveaux enseignants, et sous forme de stages de courte durée pour les personnels en exercice ;

- une formation approfondie pour des volontaires qui pourraient ensuite jouer un rôle d'animateurs, de formateurs ou de producteurs de logiciels.

   L'évolution rapide des matériels et des logiciels nécessite en outre une mise à jour périodique de la formation.

L'utilisation de l'ordinateur comme outil pédagogique passe obligatoirement par l'emploi de logiciels. L'existence d'une banque de logiciels pédagogiques suffisamment nombreux, souples et variés s'avère donc indispensable. L'information sur ces logiciels et leur diffusion doivent être développées.

   La production de ces logiciels ne peut être dissociée d'une activité de recherche pédagogique en amont et d'expérimentation en aval. Il appartient donc aux enseignants des différentes disciplines de définir les orientations pédagogiques des logiciels, d'en assurer eux-mêmes la production et d'en tester la validité.

   Dans une activité qui suppose la mise en oeuvre d'une technologie en constante évolution, le poids des contraintes matérielles est très grand. Pour ne pas faire porter ce poids sur les utilisateurs, un certain nombre de mesures pratiques s'avèrent nécessaires : unicité du langage, fiabilité des systèmes, compatibilité des supports, disponibilité des logiciels, réduction du nombre de manipulations.

Les enseignants doivent disposer du temps nécessaire pour assurer les activités d'animation et de recherche. Les activités d'animation devraient être gérées au niveau local et intégrées dans le service des enseignants. Cette animation ne devrait pas être confiée à une seule discipline, mais à une équipe pluridisciplinaire comprenant au moins un enseignant d'une discipline « littéraire » et un enseignant d'une discipline « scientifique ».

   Les activités de recherche et de production pourraient être assurées grâce à des décharges de service à condition que ces décharges puissent être effectives et soient notifiées assez tôt aux établissements. Elles pourraient faire l'objet d'une sorte de contrat entre les intéressés et l'organisme de production et de recherche.

   Pour faciliter l'utilisation des ordinateurs par une demi-classe, il est souhaitable que les classes qui utilisent les machines soient dédoublées ou puissent travailler de façon autonome, par exemple au Centre de Documentation et d'Information.

   Quel que soit le mode d'utilisation de l'ordinateur (cours ou libre-service), il ressort des réponses des élèves aux différents questionnaires que la présence d'un enseignant disponible sera toujours souhaitable pour répondre à leurs demandes.

Les membres du groupe Évaluation.

Georges-Louis Baron
Michèle Bounay
Philippe Dautrey
Josée Gueleucci
Daniel Hebert
Pierre Muller
Monique Schwob
Philippe Tourtelier

Nous remercions Pierre Muller de nous avoir fait parvenir un exemplaire du Rapport d'Évaluation dès sa parution.

Le Bureau EPI

Paru dans le Bulletin de l'EPI  n° 23 de septembre 1981, pages 68-85.

Dix ans d'informatique dans l'enseignement secondaire, 1970-1980. Recherches pédagogiques n° 113, INRP, 4e trimestre 1981, 182 pages.
Archivé en 2007 sur LARA, URI: http://hdl.handle.net/2332/1250
http://lara.inist.fr/bitstream/2332/1250/2/INRP_RP_81_113op.pdf

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Association EPI
Octobre 2010

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