POUR UNE HISTOIRE DE L'INFORMATIQUE
DANS L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS
 
PREMIERS JALONS

 
Émilien PÉLISSET

 

     L'informatique est dans une situation paradoxale : née voici près d'un demi-siècle, elle reste néanmoins une « technologie nouvelle » ; son évolution rapide multiplie les techniques de plus en plus sophistiquées mais l'abondant discours qu'elle suscite reste pauvre, imprécis.

     Le catalogue des néologismes en « tique » s'allonge jusqu'au ridicule. L'expression de ceux qui pratiquent et savent est submergée par le raz de marée des propos de ceux qui causent sans savoir mais qui font le spectacle et s'évadent audacieusement du réel pour donner dans le futurisme ; et ils restent sans vergogne alors que leurs prophéties se révèlent farfelues. Avec les progrès de l'informatique progresse d'autant plus facilement la mystification qu'un curieux et persistant oubli social occulte le passé.

     Savoir raison garder nécessite un retour sur ce passé. Il est malaisé car l'histoire de l'informatique en France reste à faire et avec elle l'histoire de l'informatique dans l'enseignement. Celle-ci est d'autant plus difficile que les raisons de l'introduction de l'informatique dans le système scolaire n'apparaissent pas clairement et sont beaucoup plus économiques, voire politiques que pédagogiques.

     Une étude exhaustive est ici impossible, il s'agit, au mieux, de l'ébauche d'un historique. Pour donner des points de repère, il a fallu respecter l'ordre chronologique au risque de répétitions et de lourdeurs fastidieuses. Comme pour le questionnaire, un choix a été fait qui minimise la place de la recherche et des enseignements supérieurs. L'importance des récentes décisions gouvernementales traduites dans le plan « Informatique pour tous » a conduit à prolonger l'horizon jusqu'à la fin de l'année 1985. C'est donc une période de plus de trente années qui est concernée.

1. - Les origines

     On peut les situer au début des années 50. Dans quelques laboratoires fonctionnent déjà des calculateurs électroniques mais leurs finalités scientifiques et surtout militaires en éloignent l'enseignement. Par contre l'utilisation des machines comptables, des machines à cartes perforées (trieuses, interclasseuses, tabulatrices, calculatrices, imprimantes...) pour la gestion administrative et commerciale, crée des tâches particulières nouvelles liées au « traitement automatique de l'information » (analyse, saisie et organisation des données, programmation, exploitation des résultats...). Le développement des métiers de la mécanographie, leur évolution technologique rapide exige des enseignements techniques nouveaux. La « promotion sociale » d'actifs comporte depuis 1944 un brevet professionnel et depuis 1946 un CAP de mécanographie. Dès 1952 au Lycée technique de Mâcon une formation initiale pour mécanographes est en place ; elle est tournée vers l'entretien et la maintenance des matériels (Bull - Gamma 3 - et IBM-604 - se partagent alors le marché de la calculatrice électronique programmable). Pendant cinq ans un diplôme maison y est délivré.

     Les premiers ordinateurs sont installés en France ; si les configurations comportent encore beaucoup d'éléments électromécaniques, si les supports perforés sont partout, les mémoires magnétiques progressent et l'essor de l'ensemble est lié à l'apparition des langages évolués (Fortran à partir de 1955, Cobol à partir de 1957). Les progrès dans les Universités valorisent Algol qui est à l'origine de multiples langages. Dans la première moitié des années 50, une vingtaine d'ordinateurs sont dans des universités, des instituts et des laboratoires (Conservatoire National des Arts et Métiers). Des diplômes scientifiques apparaissent mais ils restent rares.

     Un arrêté du 26 septembre 1957 institue le Brevet de Technicien Supérieur de « la mécanographie à cartes perforées et de ses prolongements électroniques » qui est préparé en lycée technique. Un atelier mécanographique est installé en 1958 dans la nouvelle École de Commerce de Paris créée, Bld Bessières, en 1957 et une douzaine de lycées techniques sur l'ensemble du territoire sont à leur tour dotés d'un atelier mécanographique et délivrent, dans les années qui suivent, le B.T.S. précité. Le brevet professionnel est adapté en 1959 et comporte de l'analyse et une approche de la programmation d'ensembles électroniques. Un enseignement par correspondance aide à la « promotion sociale ». La France est alors en avance de cinq à six ans sur l'étranger pour ce qu'on appellera plus tard l'enseignement de l'informatique de gestion.

     Le mot informatique créé, en 1962, et sans définition fixée, par Philippe Dreyfus, ne se répandra qu'à la fin des années 60. Ainsi, en 1965, le B.T.S. devient B.T.S. « du traitement de l'information ». Les Universités forment des experts en traitement de l'information qui font de l'informatique.

     Dès le début des années 60, par des expériences dans plusieurs lycées techniques, l'enseignement industriel est également concerné (dans les bureaux d'études, les bureaux des travaux, l'informatique progresse liée aux contrôles, aux automates, aux robots...). Cela est manifeste lors des Journées de l'automatisme les 12 et 13 février 1963. L'adaptation des Brevets d'enseignement industriel est entreprise. Analyse et programmation donnent des bases théoriques et une méthodologie à des enseignements jusque-là étroitement dépendants des machines, de leur connaissance et pratique concrètes. L'étude des automatismes conduit à des réalisations nouvelles dans ces établissements pionniers (en pneumatique, en fluidique, en électromécanique et électronique). Dans toute cette période le S.N.E.T. (Syndicat National de l'Enseignement Technique Long qui fusionnera avec le S.N.E.S. en 1966) participe activement à tous les travaux et expériences favorisant ainsi l'évolution des enseignements technologiques.

     Si les réalisations concernent surtout l'enseignement supérieur (création de l'Institut de programmation de Paris) et l'enseignement technique, quelques expériences isolées sont entreprises dans l'enseignement général (dès 1963 à Toulouse et Grenoble ; ainsi en 1966 et pendant deux ans, au lycée Bellevue de Toulouse, l'ordinateur est utilisé pour l'enseignement des mathématiques en 6e).

     Les succès d'IBM (conquête du monopole des études d'armement et ordinateur 1401 ; annonce, en 1964, de la « 3e génération » avec les circuits intégrés et la série des 360), les difficultés de Bull (en 1964, General Electric acquiert la moitié du capital) aboutissent, en 1965, à l'ébauche du « Plan Calcul » pour une informatique française.

2. - Le « plan calcul » et l'enseignement

     Le « Plan Calcul » s'appuie sur la Compagnie internationale d'informatique (convention CII d'avril 1967) et est conduit par la Délégation à l'informatique auprès du Premier Ministre dont l'action est prolongée par les missions existant dans les différents ministères. Les objectifs sont de développer une industrie informatique française, d'organiser les équipements informatiques publics et semi-publics et de promouvoir l'enseignement, la formation. Un Institut de recherche sur l'informatique et les automatismes est mis en place (I.R.I.A. devenu depuis I.N.R.I.A.).

     Des efforts considérables sont faits pour l'enseignement supérieur dans les Universités, les Instituts (Institut de programmation de Grenoble), les Grandes Écoles : licences et maîtrises scientifiques d'informatique, experts en systèmes informatiques... Des départements informatiques fonctionnent dès 1966 dans les Instituts Universitaires de Technologie (I.U.T.) de Grenoble et Montpellier alors que la loi du 7 décembre 1966 ne permet une mise en place officielle qu'en 1967. Ces établissements formant en deux ans des analystes-programmeurs d'études sont orientés vers la gestion, ils sont 12 en 69-70, 16 en 70-71. Comme le fait l'Institut des sciences de l'ingénieur à Nancy-Vandœuvre, des écoles d'ingénieurs intègrent l'ordinateur à l'enseignement scientifique et technique.

     Le baccalauréat de technicien H (techniques informatiques) est préféré à un brevet de technicien au risque d'une formation trop générale, théorique, peu prisée des professionnels.

     Les initiatives foisonnent dans les dernières années de la décennie 60 : expériences dans un cours élémentaire de Bordeaux, avec des élèves de 4e à Marly... ; succès des cours d'informatique générale du C.N.A.M. qui sont télévisés, les exercices étant corrigés par le Centre de Calcul de l'E.N.S. de St-Cloud (système XO) ; à Paris VII (Jussieu) « l'ordinateur pour étudiant » (O.P.E.) est répétiteur en sciences physiques (un IBM 360-30 et une vingtaine de terminaux) ; en 1969-1970, un IRIS-10 de la CII est installé au lycée de la Celle-St-Cloud pour l'initiation informatique d'élèves de Seconde et d'enseignants ; au lycée technique de Vesoul on étudie les implications pédagogiques d'une informatique intégrée à l'enseignement (mathématiques, sciences, automatismes, construction, technologie, bureau des travaux) ; à l'E.N.S.E.T. (École Normale Supérieure de l'Enseignement Technique à Cachan) une section informatique (sous-section des mathématiques A 1) fonctionne de 1967 à 1972 (au total 51 élèves ; elle disparaît faute de diplôme de sortie spécifique) ; les constructeurs d'ordinateurs ont leurs centres de formation, les écoles privées prolifèrent.

3. - L'essor de 1970 à 1975

     Le Plan Calcul, la préparation du VIe Plan et « l'impératif industriel », l'élargissement européen de la perspective informatique (projet UNI- DATA...) constituent un environnement favorable.

a) L'expérience dite « des 58 lycées »

- originalité

     Il est communément admis que l'introduction de l'informatique dans l'enseignement général français trouve son origine dans le séminaire du Centre d'études et de recherches pour l'innovation dans l'enseignement (C.E.R.I. de l'O.C.D.E. créé en 1968) au Centre international d'études pédagogiques (C.I.E.P.) de Sèvres en mars 1970 sur le thème « l'enseignement de l'informatique à l'école secondaire ». Les recommandations du séminaire soulignent l'apport de l'informatique à l'enseignement général (« une des caractéristiques de l'informatique est de créer chez les élèves une attitude algorithmique, opérationnelle, organisatrice, laquelle est souhaitable pour bien des disciplines ») et incitent les pays membres de l'O.C.D.E. à introduire l'informatique dans l'enseignement secondaire.

     La réponse française se trouve dans la circulaire ministérielle 70-232 du 21 mai 1970 (BOEN n° 22 du 28 mai) qui dessine d'ambitieux objectifs : « l'informatique est un phénomène qui est en train de bouleverser profondément les pays industrialisés... (ses applications) en font un outil scientifique, technique et intellectuel unique.

     L'enseignement secondaire tout entier et dès la classe de 4e (sic) ne peut rester à l'écart de cette révolution. Il doit préparer au monde de demain dans lequel ceux qui ignoreront tout de l'informatique seront infirmes. Il doit apprendre la portée de cet outil pour éviter les enthousiasmes excessifs et les scepticismes étroits. Il doit profiter de la valeur formatrice de l'enseignement de l'informatique, de la rigueur et de la logique qu'elle impose. Il doit faire apparaître la portée économique du phénomène et faire savoir ce que l'informatique peut apporter à la vie professionnelle. Enfin, il doit préparer les consciences à affronter les responsabilités nouvelles créées par sa généralisation ».

     Mais l'originalité de l'expérience française tient surtout à l'attitude des responsables, le chargé de mission à l'informatique et le comité pédagogique qu'il anime au Ministère de l'Éducation nationale : les problèmes posés par l'introduction de l'informatique sont pédagogiques, leur solution est affaire d'enseignants ; l'expérience débutera donc par une sérieuse formation informatique d'enseignants plongés dans la réalité industrielle des constructeurs d'ordinateurs. Il sera demandé à ces cobayes d'étudier comment utiliser cette formation et cette informatique dans leur enseignement. Est-ce faire un procès d'intention que de considérer que, chez certains, l'espérance ne dépassait guère la possibilité pour les formés de répandre, à leur retour dans leurs établissements, un certain parfum d'informatique ? Mais c'est la foi déterminée des autres qui l'emporta.

     Le plus souvent, à l'étranger, il en alla autrement ; on tira de l'essor de l'informatique et des ordinateurs, la nécessité d'introduire, dans les établissements scolaires, les informaticiens, leurs machines et leurs programmes.

     C'est ainsi que, dans la région parisienne, à la rentrée 1970-1971, sélectionnés sans qu'on sût comment parmi 1 024 candidats (sic), 80 enseignants, venus de partout, se retrouvent, pour une année scolaire, répartis dans les trois centres de formation des principaux constructeurs d'ordinateurs (40 chez I.B.M., 20 à la C.I.I., 20 chez Honeywell-Bull).

     Très tôt les difficultés de l'entreprise provoquent désarroi, insatisfaction et protestations : stagiaires éloignés de leur famille et questions matérielles, inadaptation et hétérogénéité des stages malgré la bonne volonté et les efforts d'un encadrement par trop habitué aux professionnels de l'informatique, incompatibilité des machines et des langages d'un centre à l'autre, complexité des problèmes nouveaux posés par la mise en cause des démarches pédagogiques ordinaires et des contenus d'enseignements traditionnels, crainte d'une atteinte à la liberté et à la responsabilité pédagogiques, dangers d'ingérence dans le service public de sociétés et d'intérêts privés, incertitude de l'avenir entretenue par des réponses administratives longtemps confuses...

     Dès leurs premières réunions d'ensemble, les stagiaires ressentent la nécessité d'une structure spécifique d'accueil, d'échanges d'informations, de réflexions et qui permette, en toute occasion, leur expression collective indépendante. L'association Enseignement Public et Informatique (E.P.I.) est déclarée le 1er février 1971.

     Ce contexte donne à l'E.P.I. les orientations qui sont restées les siennes. L'éditorial du bulletin n° 1 insiste sur la nécessité de l'information sur l'informatique, le refus du dogmatisme (on ne peut désigner « avec certitude les applications qu'il faut repousser à tout prix et celles qu'il faut encourager »), la vocation pluridisciplinaire due à l'informatique, l'attitude accueillante à l'égard des expériences pédagogiques (informatique comme matière d'enseignement, comme méthode de pensée pour les disciplines existantes, comme outil pédagogique). Il s'achève par un appel à la vigilance : « Membres de l'enseignement public, nous ne devons pas nous laisser déposséder de nos responsabilités. C'est à nous qu'il appartient de dire comment nous utiliserons et comment nous n'utiliserons pas l'informatique. » L'essor de l'association montre qu'elle répond à une attente des collègues : à la fin de 1971 l'effectif a décuplé pour approcher sept cents adhérents ; une douzaine de régionales sont en cours de constitution.

     Alors que la circulaire du 21 mai 1970 envisage un enseignement de l'informatique par les professeurs formés en 1970-1971 « soit à l'occasion de leurs cours traditionnels, soit dans des cours spéciaux pour volontaires, organisés à l'intérieur de l'horaire », le Comité pédagogique donne la place prépondérante à l'outil pédagogique pour les disciplines générales et à la pratique de la démarche informatique (modélisante, algorithmique et organisationnelle). Si l'accord se fait très tôt entre l'administration, les syndicats et l'E.P.I. pour ne pas envisager, pour l'informatique, la création d'une discipline nouvelle d'enseignement général et une catégorie particulière d'enseignants, l'initiation des élèves à l'informatique est encouragée par l'E.P.I. dont les adhérents animent très tôt de nombreux et actifs clubs informatiques.

     Parallèlement, la Délégation à l'informatique passe contrat avec l'École Supérieure d'Électricité pour la définition d'un langage adapté aux besoins de l'enseignement secondaire. Le rapport d'octobre 1971 décrit le Langage Symbolique d'Enseignement (L.S.E.), extension d'un langage français utilisé et développé à Sup-Élec depuis 1968 (à partir du P.A.F. - Programmation Automatique de Formules - de la Société d'Électronique et d'Automatisme - S.E.A. - et d'Algol créés à la fin des années 50) : simple d'usage sans être rudimentaire (procédures, récursivité, fonctions chaînes nombreuses, mode machine de bureau...), conversationnel, en « temps partagé », modulaire... Ce langage est adapté aux mini-ordinateurs alors mis au point (4 à 8 K mots de 16 bits pour la mémoire centrale, disque auxiliaire d'au moins 100 Ko , 8 consoles ou plus...). Ainsi, avec L.S.E. la cohérence de l'expérience devenait possible : échanges de coordination pour la formation, la recherche, l'expérimentation... et à tous les niveaux. Ce n'était pas rien pour des collègues qui avaient pratiqué des langages assembleurs de machines incompatibles et des langages évolués divers (surtout FORTRAN, COBOL et PL/1). Seuls les stagiaires d'Honeywell-Bull avaient rencontré BASIC une semaine ; nombreux sont les collègues qui durent attendre les conférences du C.N.A.M. et le 3e trimestre de 1972 pour le découvrir.

     Dans toute cette affaire « secondaire » doit être entendu comme aujourd'hui on entend « de second degré », incluant tous les lycées mais aussi tous les collèges (les premiers cycles de lycées, les collèges d'enseignement général, les collèges d'enseignement technique d'alors). L'appellation trompeuse « d'expérience des 58 lycées » fut donnée après que collèges et lycées aient été séparés (loi de 1975 sur les C.E.S.). Parmi les stagiaires de 1970-1971 on comptait 19 P.E.G.C., 15 enseignants du « technique » de catégories diverses, 46 titulaires de C.A.P.E.S ou agrégations qui pouvaient enseigner indifféremment dans l'un ou l'autre cycle. Les thèmes d'études retenus pour ses travaux de 1971-1972 par la Régionale E.P.I. de Paris sont : l'appartenance en 6e, la notion de temps en 3e, l'expression de la cause en 4e et la notion de modèle en Terminale. Le niveau « collège » est donc privilégié et cela est très souvent le cas, les élèves du premier cycle étant, peut-être, plus « malléables et disponibles » que ceux du second, vite obnubilés par l'échéance de l'examen.

- Formations

     Les leçons du premier stage tirées, la formation approfondie « lourde » se déroule, à partir de 1971-1972, en milieu universitaire dans quatre centres : I.U.T. de Nancy, de Toulouse, I.M.A.G. de Grenoble et E.N.S. de St-Cloud (ici à mi-temps). Comme l'avait souhaité l'E.P.I., l'encadrement est « panaché » (enseignants du supérieur et enseignants du secondaire, du terrain), le recrutement des stagiaires (98) reste pluricatégoriel et pluridisciplinaire. L'ouverture du centre de Rennes en 1973 n'augmente pas l'effectif annuel qui passe de 90 à 80. Ainsi de 1970 à 1976, 528 collègues sont formés (140 « mathématiciens », environ 200 « littéraires », plus de 40 « économistes »...). Le souci de former des équipes en rapport avec les établissements équipés prévaut sur celui d'une : répartition géographiquement satisfaisante, cela ne va pas sans problème, compte tenu du grand nombre de candidatures.

Dans le même temps, le Centre National de Télé-Enseignement (C.N.T.E.) de Vanves diffuse un cours par correspondance rédigé par un groupe d'enseignants et complété par deux fois deux jours d'applications sur ordinateur. Cette formation dite « légère » concerne plus de 5 000 collègues. Enfin nombreux sont ceux qui se forment « sur le tas », i dans et en dehors de l'expérience.

- Coordination, recherche et expérimentation pédagogiques

     Dès la rentrée de 1971, est créée à l'Institut National de Recherche et de Documentation Pédagogiques (I.N.R.D.P.), la Section Informatique et Enseignement (S.I.E.) comprenant, au départ, trois personnes dont deux des premiers stagiaires. Son rôle est de réunir et de distribuer les informations, d'animer et de coordonner les recherches pédagogiques, d'en valider et diffuser les résultats. Avec des moyens toujours très limités, la S.I.E. a su, par un travail soutenu, considérable, éviter la gadgétisation informatique, assurer la qualité pédagogique comme la cohérence du dispositif, aider et stimuler efficacement les collègues impliqués. Ceux-ci se répartissent en groupes et sous-groupes de recherches disciplinaires et interdisciplinaires comme le groupe « Informatique et Sciences humaines » qui tient deux réunions mensuelles dès le premier trimestre 1971.

     En 1972 débute la publication du bulletin de liaison (15 numéros, des numéros spéciaux, celui d'avril 1973 étant le premier manuel du L.S.E. réédité et complété en janvier 1975). Au total plus de 2 500 pages diffusées sans compter les feuilles d'information adressées par ailleurs.

     Fin 1973 sont diffusés les premiers logiciels produits sous forme de fiches pédagogiques et de rubans perforés pour le chargement en machine (plus de 5 000 seront ainsi dupliqués et expédiés). La banque, peu à peu enrichie, compte finalement quatre cents logiciels pédagogiques. Comme le montre le catalogue de l'I.N.R.P. (juin 80) l'enseignement du premier cycle est largement concerné (par 1/3 des logiciels de mathématiques et d'histoire-géographie, par 90 % des logiciels de lettres, par tous les logiciels de langues...).

     À partir de 1974, la S.I.E. comprend un groupe d'évaluation de six personnes qui étudient le fonctionnement des établissements équipés et les conséquences pédagogiques de l'introduction de l'informatique (observations directes, expérimentations, enquêtes...).

     Enfin la participation aux rencontres internationales et surtout l'organisation de séminaires nationaux chaque année donnent à l'expérience son dynamisme et son rayonnement.

     Comme les bulletins de liaison, les bulletins de l'E.P.I. témoignent de la richesse des activités et de la diversité des sujets abordés (langage d'auteur pour le n° 5 en 1973, docimologie dans le 6, activité modélisante et langage dans le 7 en 1974, lexicologie dans le 10 en 1975...).

- Équipements

     Ce sont les enseignants « formés » qui réclament dès 1971 les ordinateurs sans lesquels la démarche informatique risque d'être ramenée à une forme nouvelle d'abstraction. La demande d'initiation informatique des maîtres comme des élèves « contaminés » par les stagiaires rentrés dans leurs établissements, va dans le même sens.

     La rencontre française de deux mini-ordinateurs (Mitra 15 de la CII et T1600 de la Télémécanique Électrique) et du système L.S.E. assure une compatibilité et une portabilité bien supérieures à ce qu'aurait permis alors toute autre combinaison. Le « temps partagé » est utilisé pour entourer chaque machine de 8 consoles (16 postes de travail avec deux élèves par console) avec une télétype ayant un lecteur/perforateur de ruban. Le coût élevé donc les faibles dimensions de la mémoire centrale exigent une mémoire auxiliaire, disque de 128 Koctets, jugé au départ plus que suffisant et qui s'avère, très vite et partout, bien exigu, ce qui impose le doublement de sa capacité.

     Les quatre premiers lycées sont équipés, à proximité des quatre premiers centres de formation « lourde », en 1972-1973 ; 11 autres en 73-74, 23 en 74-75 et 20 en 75-76. Alors l'expérience devient celle des « 58 lycées » mais 60 % d'entre eux partagent leurs locaux avec un collège et plus de 20 % reçoivent régulièrement des élèves de l'extérieur (enquête d'avril 1977 et supplément au bulletin de liaison n° 14).

     Quels sont les critères de choix des implantations (environ 120 établissements ayant été visités) ? Sans doute l'existence d'une équipe d'enseignants formés ayant des projets pédagogiques est-elle déterminante. Ainsi les moyens attribués à ces personnels (décharges de service) ne nécessitent pas une répartition rigide entre travaux dans les groupes de recherches pédagogiques et activités dans les établissements équipés. L'expérience y gagne en cohérence d'autant plus que le manque d'intérêt des constructeurs pour le L.S.E. amène très vite les enseignants à prendre eux-mêmes en charge l'évolution du langage.

b) Enseignements supérieurs et formation professionnelle

     Les progrès de l'informatique dans les Universités multiplient les licences et maîtrises d'informatique (avec un certificat C4 pour licenciés non informaticiens), les doctorats de 3e cycle, les diplômes d'études supérieures spécialisés (en 1974), les diplômes d'études approfondies (en 1975), les maîtrises d'informatique appliquée à la gestion des entreprises (M.I.A.G.E.). Le succès des I.U.T. d'informatique est rapide (vingt-quatre départements aujourd'hui). Les grandes Écoles d'ingénieurs s'ouvrent à l'informatique (cent heures au moins dans les deux premières années et souvent une option en 3e année). Le C.N.A.M. a créé en 1968 l'Institut d'informatique d'entreprise qui forme des ingénieurs appréciés et il délivre de plus en plus de diplômes d'études supérieures techniques (D.E.S.T.) d'informatique.

     Dans l'enseignement technique les bacs H sont délivrés (mais ils représentent moins de 1 % de l'ensemble des bacs de techniciens), l'informatique pénètre dans les formations tertiaires (bacs G). En formation continue, le brevet professionnel d'informatique (créé en 1969) remplace le BP de mécanographie. En 1971, le projet d'un certificat d'aptitude aux formations informatiques, « label » permettant la poursuite des études et « moralisant » nombre de formations privées, aboutit en fait à la création d'un nouveau C.A.P., le certificat d'aptitude professionnelle aux fonctions de l'informatique ; ce diplôme s'avère, dès l'origine, inadapté aux exigences d'une profession où les embauches se font à un niveau supérieur. En 1980 sera prise la décision de supprimer le C.A.P.F.I. dont les titulaires sont rarement employés en informatique (cette suppression est effective depuis 1983).

     Pour éviter la concurrence entre I.U.T. et sections de Techniciens Supérieures (T.S. des lycées techniques) le B.T.S. « traitement de l'information » est transformé en 1973 et devient B.T.S. « gestion et exploitation des centres informatiques » (G.E.C.I.).

     La rigidité des programmes allant à l'encontre d'une adaptation facile la rapide évolution technologique, les groupes d'études et les missions ayant pour but le développement de l'informatique dans les enseignements industriels n'aboutissent pas à la création de diplômes spécifiques mais beaucoup d'expériences sont conduites dans ce secteur soit dans le cadre des « 58 lycées » (le groupe « Informatique et disciplines techniques Industrielles » est l'un des plus actifs de la Section Informatique et Enseignement), soit grâce au C.R.P.E.T. (devenu Centre d'études pour la rénovation pédagogique de l'enseignement technique, C.E.R.P.E.T.), soit grâce à de multiples initiatives locales.

     Dans les administrations, la formation des personnels à l'informatique se développe parallèlement aux équipements selon un principe nouveau dans l'administration française : la formation informatique n'est pas réservée à des spécialistes, elle est ouverte à l'ensemble des fonctionnaires afin d'éviter les antagonismes entre administrateurs et techniciens. Un arrêté du 3 janvier 1972 institue primes fonctionnelles et avancement adaptés.

     Dans les administrations, l'informatique a été utilisée à des fins de gestion : gestion des établissements (Second degré et Supérieur) mais surtout pilotage - à l'aide de statistiques - par et pour l'Administration Centrale.

     Confrontées à ce nouvel outil, les organisations syndicales des personnels d'administration et de gestion telles que le Syndicat National de l'Intendance de l'Éducation nationale (S.N.I.E.N.-F.E.N.), ont été amenées à porter un jugement souvent favorable (à condition que l'informatique soit mise véritablement au service des personnels).

4. - Le coup d'arrêt de 1976

     En rapport avec la « crise » et les économies budgétaires, l'abandon de la politique du « Plan Calcul » est symbolisé par le « rapprochement » américain (création de CII-Honeywell-Bull). En septembre 1975, le Ministre de l'Éducation nationale supprime brutalement la Mission à l'informatique. Les difficultés économiques entraînent un plan d'austérité et un budget de rigueur pour l'Éducation nationale en 1976. La Direction générale de la programmation et de la coordination (D.G.P.C.), qui a confié la gestion de l'expérience à la Direction des Lycées, supprime les formations et décide l'arrêt des équipements (janvier-février 1976).

     Les syndicats de la F.E.N. concernés, l'E.P.I. et les stagiaires en formation protestent et font des contre-propositions visant à améliorer les conditions de l'expérience. Pour le Ministère, le développement d'une expérience d'une telle envergure ne peut se concevoir que dans la perspective de la généralisation de l'introduction de l'informatique ; l'évolution rapide des matériels et des coûts doit conduire à une autre politique d'équipement ; aussi attendra-t-on quatre ans pour se prononcer, après les résultats d'une évaluation par le groupe de l'I.N.R.P., assisté d'une commission ministérielle d'orientation.

     Toutefois le volume des décharges de service et une partie des postes attribués antérieurement sont conservés ; quelques améliorations techniques facilitent l'usage des matériels en place (notamment lecteurs/enregistreurs de disquettes 8 pouces). Une nouvelle série de cours du C.N.T.E. assortie d'un stage de trois jours est diffusée entre 1976 et 1979 mais elle est payante. Elle touchera moins d'un millier de collègues. Il n'y aura aucune formation approfondie de 1976 à 1981.

     Fin 1976, dans le bulletin n° 14, l'E.P.I. publie ses propositions :

« Pour une généralisation de l'introduction de l'informatique dans l'enseignement »

     Quatre pages sont consacrées aux objectifs, aux moyens (en personnel, en matériel, en logiciel), à la formation des enseignants et à la recherche pédagogique.

     « Mise en orbite d'attente », l'expérience se contracte, perd de sa substance, réduit ses ambitions. L'équipe de l'I.N.R.P. poursuit sur sa lancée avec des moyens de plus en plus limités. Elle s'efforce d'organiser encore des colloques (deux à Toulouse) ; la dernière « réunion de travail » au C.I.E.P. de Sèvres les 25 et 26 mai 1978 fournit la substance du dernier bulletin de liaison en décembre 1978. Le rattachement de la recherche en informatique pédagogique à un département de l'I.N.R.P. nouveau n'apporte guère d'espoirs de développement.

5. - le plan « 10 000 micro-ordinateurs »

     L'informatisation de la société, rapport de Simon Nora et Alain Minc est remis en janvier 1978 au Président de la République qui, en novembre, demande au gouvernement d'élaborer un nouveau plan informatique pour accroître l'efficacité, la compétitivité du système économique. L'avènement des micro-ordinateurs et la télématique permettent une consommation informatique de masse, il faut développer la demande des utilisateurs.

     En février 1979, le Ministère de l'Industrie et la Mission informatique proposent au Ministère de l'Éducation nationale le financement dès 1979, du début d'un plan d'équipement visant à la généralisation des équipements des lycées en micro-ordinateurs ; 10 000 micro-ordinateurs sont annoncés. On redécouvre l'expérience des 58 lycées, toutefois le rapport d'évaluation de l'expérience ne sera remis qu'en mai 1981 et diffusé en 1982 seulement.

     Mais l'intérêt pour l'informatique pédagogique va croissant. 1979 et 1980 sont les années de la prise en considération par tous de l'importance de l'informatique dans la société. Début 1979, l'E.P.I. publie son Manifeste pour étendre et diversifier l'informatique dans l'enseignement : « Nul ne peut ignorer l'informatique dans le monde moderne. Elle nous concerne tous comme travailleurs, comme consommateurs, comme citoyens et elle nous concerne d'autant plus qu'elle a des implications, non seulement dans le domaine matériel, mais aussi dans celui de la pensée et de la communication. En tant qu'outil pédagogique, elle peut s'appliquer à tous les niveaux d'enseignement. Mais elle ne doit pas se limiter à cela. Elle doit aussi devenir un élément de culture générale dont tous les élèves puissent bénéficier. » L'informatique doit être un moyen de démocratisation mis en œuvre dans la scolarité obligatoire, les espaces scolaires défavorisés. Le développement doit intégrer les acquis de l'expérience antérieure ; la diversification des matériels et des langages ne saurait faire abandonner la compatibilité et la portabilité (sauvegarder le travail réalisé - 400 logiciels -, préserver la compatibilité en définissant sur les divers supports une structure unique de fichiers et en conservant le langage L.S.E ») ; il faut « prendre comme critère essentiel les objectifs pédagogiques des enseignants, relancer les formations en donnant priorité à la formation approfondie d'un an, développer la recherche en équipes pluridisciplinaires dans un centre national et des centres académiques, attribuer au moins l'équivalent d'un demi poste pour l'animation des établissements équipés... ».

     Lors de son Congrès, à Bordeaux (du 2 au 6 avril 1979), le S.N.E.S. vote une motion sur « l'introduction des techniques informatiques dans l'enseignement » selon laquelle l'ordinateur est un outil pédagogique parmi les autres ; il ne saurait remplacer l'enseignant et limiter sa liberté pédagogique. Des moyens et garanties sont indispensables pour les formations initiale et continue des enseignants (rétablissement des stages d'un an et des formations légères avec décharges de service effectives) et pour les matériels et les langages qui doivent répondre aux besoins pédagogiques. Le contrôle démocratique des enseignants et de leurs organisations représentatives y est revendiqué.

     La D.G.P.C. crée un groupe de travail ministériel et confie la maîtrise d'œuvre du nouveau plan à la Direction des Lycées. Dans la perspective de la généralisation des équipements des lycées en 1986, les objectifs principaux sont l'utilisation du micro-ordinateur comme outil pédagogique dans les disciplines pour améliorer l'enseignement et la familiarisation des élèves avec l'informatique pour la démystifier et leur faire mieux comprendre le monde où ils vivent.

     Du 24 au 28 septembre 1979, la semaine « Informatique et société », au Palais des Congrès de Paris, consacre cette nouvelle politique ; elle a pour but d'alerter l'opinion publique sur l'importance de la « révolution informatique ». Sollicitée, la F.E.N. participe à sa préparation et intervient sur le thème du développement de l'informatique dans l'enseignement, elle y dit « oui à l'informatique pédagogique ». Les médias mettent l'informatique au goût du jour. Les études foisonnent (Mission Tébéka sur les besoins en informaticiens, Mission Simon « Éducation et informatisation de la société »...). L'Agence de l'informatique, née en janvier 1980, aide à ce développement. Les organisations d'enseignants et particulièrement les syndicats prennent conscience de l'enjeu. Le L.S.E. est adapté aux micro-ordinateurs ; l'E.P.I. rédige le manuel correspondant « L.S.E. pour tous » et reprend son essor. Les 22 et 23 octobre 1980, la F.E.N. tient un colloque « Informatique et éducation permanente » qui traite de l'impact de l'informatique sur l'enseignement lui-même, les relations enseignants-enseignés, l'équipe éducative, la gestion des établissements et la formation des maîtres. L'École Libératrice du 5 décembre 1980 publie un article présentant les différents aspects de l'informatique pédagogique. Dans la série « Études et recherches », le S.N.E.S. publie « L'informatique dans l'enseignement ».

     Le 25 novembre 1980, lors du « mariage du siècle : éducation et informatique », le Ministre de l'Éducation nationale présente le plan : tous les lycées équipés en cinq ans avec huit postes, une « formation intense des personnels » pour l'utilisation de l'informatique comme outil dans les disciplines mais aussi une option informatique expérimentée en seconde. Pour les collèges, une expérimentation visant à la réduction des inégalités (rattrapage, aplanissement des handicaps, options à composante informatique pour l'enseignement de la gestion et industriel en 4e et 3e). Pour les écoles, les jeux et calculettes, la découverte de l'environnement informatique ; le système Logo est cité.

- Les équipements

     La procédure suivie est celle des marchés publics, les cahiers des charges concernent des micro-ordinateurs autonomes avec leur Basic et le L.S.E. (la normalisation en est demandée à l'A.F.N.O.R. par l'Éducation.)

  • 1re tranche (1979-80). 416 machines payées par le Ministère de l'Industrie (LX 500 de Logabax, X1 de la Société Occitane d'électronique) dans 170 établissements (une, deux, quatre ou huit machines par lycée). Un souci de meilleure répartition géographique mais trop de « saupoudrage », une équivoque introduite par l'adjonction tardive d'une expérience d'informatique documentaire dans les Centres de documentation et d'information (C.D.I.) et des difficultés dues aux constructeurs (faillite...).

  • 2ème tranche (1980-81). 800 machines prises en charge pour moitié par l'Industrie et l'Éducation (LX de Logabax et Micral de R2E) ; 8 machines et une imprimante par lycée. Au troisième trimestre commence le remplacement des mini-ordinateurs des 58 lycées par des micro- ordinateurs.

     La Direction des Lycées (D.L.) demande qu'une partie de la bibliothèque de logiciels soit transcrite pour les micro-ordinateurs ; à cet effet un groupe est mis en place au lycée de Sèvres ; il sera en mars 1981 rattaché à la D.L. (« Création, réalisation et expérimentation de logiciels », C.R.E.L.). La diffusion par le C.N.P.D. est envisagée.

- Les formations

     Il est décidé d'accompagner l'équipement des établissements par une « formation légère » donnée sur place pour les volontaires. Les syndicats et l'E.P.I. obtiennent son étirement à deux semaines (le plus souvent 4 séquences de 3 jours) mais doivent attendre 1981 pour que les formations approfondies soient relancées. En effet, à la rentrée de 1979-1980, une trentaine d'anciens stagiaires, prélevés dans le vivier des « 58 lycées », suivent un stage de perfectionnement de trois semaines à Sèvres pour devenir des formateurs pour la nouvelle formation légère. En deux ans elle concerne plus de 4 000 collègues.

     Dans le second trimestre de 1980-81 et pour cinquante-six enseignants, les centres de l'E.N.S. de St-Cloud, des I.U.T. de Nancy et de Toulouse rouvrent enfin.

- Le programme expérimental des collèges

     Dans le programme d'action du Ministère (mars 1981) les objectifs sont nombreux : familiariser avec l'informatique, outil pour l'acquisition des savoirs, aide aux élèves en difficulté, individualisation, soutien, sensibilisation dans l'option technologique en 4e. L'équipement d'une centaine de collèges est envisagé ; neuf collèges auront un terminal dans l'expérience télématique de Vélizy. Pour la formation, on compte sur les Centres de formation P.E.G.C. mais l'appel sera fait également aux Centres universitaires de formation approfondie. Au niveau académique, la sensibilisation des enseignants des collèges est entreprise à l'initiative des responsables informatiques mais l'afflux des candidats en limite la portée (les 36 heures prévues à Versailles sont ramenées à une dizaine car il y a six cents candidats).

- Dans l'enseignement technique

     L'actualisation des diplômes se poursuit : des études sont menées pour transformer le B.E.P. d'agent administratif, au programme vieilli, attirant peu d'élèves, en B.E.P. d'agent des services administratifs et informatiques (A.S.A.I.) visant à former à des emplois polyvalents où la composante informatique prend une place importante. La micro-informatique est intégrée aux contenus du brevet professionnel d'informatique. Dans certains lycées techniques, la formation continue s'enrichit de stages d'automatisation des processus industriels et d'informatique pour les titulaires de B.T.S. Le B.T.S. gestion et exploitation des centres informatiques disparaît, remplacé par un B.T.S. entièrement nouveau. Le B.T.S. « Services informatiques » (S.I.) dès la rentrée de 1981.

     La Direction des Écoles équipe quelques Écoles normales, elle constitue un groupe de réflexion et élabore son plan (équipement d'au moins une École normale par Académie dans les cinq ans). Elle s'intéresse aux calculettes et au système Logo qui est expérimenté depuis plusieurs années avec des enfants de 10 à 12 ans.

6. - Priorité aux « technologies nouvelles »

     L'annonce du « gel » du plan informatique par le S.G.E.N. après audience chez le nouveau Ministre de l'Éducation nationale provoque les interventions des syndicats de la F.E.N., de l'E.P.I. La réaction du Ministère est rapide : le 3 juillet 1981 une mission est confiée à Claude Pair et Yves Le Corre ; le 23 juillet une note annonce, pour la rentrée, l'accroissement des formations et des équipements, la mise en place expérimentale de l'option informatique en seconde (dans douze lycées). Une phase de concertation et de travail sans précédent s'ouvre.

     Le rapport sur « L'introduction de l'informatique dans l'Éducation nationale » remis le 15 octobre accélère les réalisations informatiques notamment dans les lycées, une priorité étant accordée aux Lycées d'enseignement professionnel (L.E.P.). Fin 1982, plus de la moitié des 700 lycées équipés sont des L.E.P.

     Les progrès des utilisations de l'informatique dans le secteur tertiaire (gestion, bureautique...) et dans le secteur industriel (aide au calcul, machine-outil à commande numérique, dessin, conception, fabrication assistés par ordinateur voire centres d'usinage) suscitent de nouveaux besoins dans l'enseignement technique (en décembre 1981 : Plan machine-outil ; début 1982 : rapport Farnoux et « filière électronique ») et en modifient les méthodes (pour les systèmes automatisés, utilisation du G.R.A.F.C.E.T.). En 1981 sont équipés 120 lycées et une trentaine de L.E.P. (une expérimentation est lancée avec 25 L.E.P. et 6 E.N.N.A.) ; en 1982, 140 lycées mais 320 L.E.P. au lieu des 80 prévus (développement des B.E.P. « A.S.A.I. »). En septembre 1982, trois lycées techniques expérimentent une section menant au B.T.S. informatique industrielle. L'équipement des sections « G » est renforcé...

     L'année scolaire 1981-1982 voit la reprise des formations approfondies d'un an en centres universitaires : 11 centres et environ 170 stagiaires (dont une quarantaine pour les L.E.P. et les E.N.N.A.) ; formés, ils assureront les formations légères (environ 100 heures) des enseignants volontaires des nouveaux lycées équipés. En 1982-1983, fonctionnent 15 centres avec plus de 350 stagiaires (dont 46 enseignants de collèges).

     Les structures administratives se renforcent : au C.N.D.P. une mission informatique est installée en janvier 1982 pour la production, la diffusion des logiciels et l'animation informatique du réseau des C.R.D.P. (elle deviendra Unité des Logiciels d'Enseignement, U.L.E.) ; une mission aux technologies nouvelles, à l'innovation et à la formation (M.I.T.I.F.) doit coordonner les actions des directions pédagogiques qui disposent d'équipes informatiques plus ou moins fournies : Département des actions pédagogiques en développement ou D.A.P.E.D. de la Direction des Lycées, Antenne informatique de celle des collèges et équipe de pilotage de celle des écoles.

     Dans les académies, avec les responsables informatiques (souvent des I.P.R.), interviennent les chefs de mission à la formation des personnels, qu'il s'agisse des équipes académiques de formateurs ou des formations informatiques des plans annuels de formation.

     Pour les administrateurs, sont par ailleurs réorganisés des examens de vérification d'aptitude et des stages de formation (pour analystes-programmeurs, chefs d'exploitation...) dans des centres spécifiques. Cela permet de pourvoir, outre les services nationaux, les centres interacadémiques de traitement de l'information (C.I.A.T.I.) puis les 26 centres académiques (C.A.T.I.) en attendant la généralisation des centres départementaux (avec un terminal d'ordinateur).

     Seule l'Université d'été informatique de Luminy réunit, en 1982, sur l'initiative de la M.I.T.I.F. des personnels administratifs et des enseignants de toutes catégories. : Le cloisonnement et la décentralisation ne jouent guère en faveur de la cohérence d'ensemble. Le projet de schéma directeur élaboré par la M.I.T.I.F. en concertation avec les syndicats et les associations n'a pas de suite. Les directions pédagogiques affirment souvent leur originalité.

     Il en est ainsi pour l'expérimentation des collèges : en deux ans (1981-1983), 84 collèges reçoivent un équipement informatique ; chacun d'eux dispose d'un poste (18 heures) pour la gestion de la salle d'informatique, l'animation de l'équipe pédagogique, la mise en œuvre et la production de logiciels, les relations extérieures. La formation est donnée au Centre de formation de P.E.G.C. d'Auteuil, d'abord en quatre stages de cinq semaines puis en stage d'un trimestre pour les animateurs informatiques des 84 collèges. Toutefois 46 stagiaires sont intégrés aux Centres de formation approfondie ; en 1982-1983, 192 collèges ont la promesse de l'attribution d'un micro-ordinateur pour la documentation comme « premier élément d'une configuration à venir ».

     Le plan de 1981 de la Direction des Écoles prévoit l'équipement d'une École Normale par Académie en quatre ans, il entraîne une « formation lourde » pour 22 professeurs d'École Normale en 1981 -1982 et pour 25 en 1982-1983. Il s'agit de cinq stages intensifs de six semaines à l'Institut de programmation de Paris (ce qui permet 4 sessions par an).

     Les administrations des collèges et des écoles semblent encore réticentes, pour le moins prudentes, elles vont vite se trouver en retard. La demande des enseignants, des élèves, de leurs parents se traduit par des équipements locaux très disparates ; beaucoup d'enseignants autodidactes se forment « sur le tas », les expériences « sauvages » se multiplient ; sur fonds propres (notamment grâce à la taxe d'apprentissage dans les établissements techniques) ou par la participation financière des collectivités territoriales, des matériels disparates, incompatibles sont achetés avec des systèmes et des langages empêchant la portabilité des logiciels (ainsi il n'y a pas un basic mais de nombreux dialectes de basic). Le babélisme entrave les progrès pédagogiques.

     Mais surtout, toujours plus favorables aux « technologies nouvelles », les décisions gouvernementales vont produire de brutales accélérations des équipements entraînant l'Éducation nationale dans des efforts considérables d'organisation et de formation.

7. - Une opération ambiguë dans seize départements

     Annoncé par le Président de la République en janvier 1983, le plan d'équipement en micro-ordinateurs « grand public » (6 000 TO-7 livrés en 1983 et 1984) concerne les écoles, les collèges et les L.E.P. de 16 départements (Alpes de Haute Provence, Hautes-Alpes, Ardennes, Ariège, Drôme, Isère, Landes, Loire-Atlantique, Moselle, Nièvre, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Seine-Saint-Denis, Haute-Vienne). Il complique singulièrement le dispositif.

     Le financement est partagé entre l'Éducation nationale et les Conseils généraux qui décident de la réalisation et de la répartition des équipements. L'administration des lycées et collèges faisant peu de place à l'échelon départemental, la direction des Écoles, avec les inspecteurs départementaux, se manifeste plus efficacement : c'est elle qui organise, chaque année, les quatre regroupements d'une semaine des représentants des « départements TO-7 ». Dans chaque département, le chef de projet informatique est soit l'Inspecteur d'Académie lui-même, soit un directeur d'École normale, soit le directeur du Centre départemental de documentation pédagogique (C.D.D.P.)... Tout cela peut expliquer la diversité dans les conditions d'implantation des TO-7, la dispersion des formations, le plus souvent insuffisantes du fait de la forte demande des enseignants et de la faiblesse des moyens en personnel ; les formations s'effectuent de plus en plus hors du temps de service, pendant les congés. Mais surtout le TO-7 et les autres machines de l'Éducation nationale sont incompatibles ; le TO-7 ne fonctionne qu'avec un basic et des logiciels d'un éditeur vendus à la pièce et « protégés ». C'est la fin de la gratuité jusque-là assurée aux activités informatiques dans le service public. L'utilisation des logiciels de la bibliothèque du C.N.D.P. est impossible. Tant bien que mal, une production de logiciels spécifiques est mise en place, notamment par l'antenne de la direction des collèges. Les commandes publiques de L.S.E. et de Logo pour TO-7 n'ont pas encore abouti (à la fin de février 1985!) ; seules des entreprises privées assurent ces fournitures. De toute façon l'intégration de ces petites machines dans le parc Éducation nationale suppose leur connexion avec les machines les plus grosses en un réseau local (nanoréseau).

8. - le plan « 100 000 micro-ordinateurs et 100 000 enseignants formés ».

     Dans les orientations du IXe Plan (1984-1988), approuvé par le Parlement, lors de la session de printemps de 1983, figurent la modernisation de l'appareil industriel, les actions en faveur de l'innovation, la promotion du système éducatif. Pour l'Éducation nationale, cela conduit à l'annonce par A. Savary d'un plan nouveau selon lequel le système scolaire devra disposer en 1988 de 100 000 micro-ordinateurs et de 100 000 éducateurs formés à leur usage. En 1983-1984, 20 000 enseignants doivent être concernés, l'équipement de tous les lycées s'achevant en 1986, celui de tous les collèges en 1988. Alors tous les élèves sortant de l'école élémentaire auront eu une « approche significative » de l'informatique.

     La mission confiée à Maurice Nivat en juin 1982 sur les besoins de formations informatiques aboutit alors au rapport « Savoir et savoir- faire informatique ». Succédant à la M.I.T.I.F., la Mission de la formation et de la recherche pédagogique (M.I.F.E.R.P.) est chargée de développer les formations. Les Centres universitaires de formation approfondie passent de quinze à vingt (dont un centre pour les enseignements industriels) avec environ 500 stagiaires. Si l'on ajoute l'apport des plans académiques de formation, c'est un record : jamais dans le passé de l'Éducation nationale, un effort semblable n'a été fait pour quelque discipline que ce soit. Le succès des Universités d'été augmente le contingent des formés.

     Les équipements s'accroissent rapidement avec la participation de nombre de collectivités territoriales (communes, conseils généraux, régions par les contrats de plan). La Direction des lycées consacre à ses opérations plus de 250 postes et 1 500 heures pour l'animation des établissements équipés, celle des collèges plus de 300 postes (450 postes en 1984-1985). L'option informatique est ouverte dans 38 lycées à la rentrée 1983.

     À la fin de l'année 1983, un grand nombre de manifestations se succèdent qui attestent des progrès réalisés : colloque « Informatique et Enseignement » à l'initiative de l'Éducation nationale sur proposition et avec la participation de l'E.P.I. (21 et 22 novembre), colloque de l'Association pour le développement de l'informatique dans l'administration française (A.D.I.A.F., le 15 novembre), séminaire européen de Marseille sur l'informatique et l'enseignement (du 7 au 9 décembre)... Les prises de position syndicales sont nombreuses et la F.E.N. entreprend sa recherche sur la « révolution informatique et le service public d'éducation » par le lancement de l'enquête et le « suivi syndical » de l'informatisation des établissements ariégeois.

     La Fédération des Conseils de parents d'élèves organise le 3 mars 1984 un colloque d'information et de réflexion sur les technologies nouvelles.

     L'évolution est confirmée en 1984 (cf. Annexe IV). Commandés en plus grand nombre, les micro-ordinateurs sont plus divers : le marché « 4e tranche » s'ouvre à cinq constructeurs ; au marché « nanomachines » correspondent les TO-7.70 et MO-5 de Thomson mais la nouvelle machine annoncée par Matra est encore à l'état de prototype.

Quelques chiffres donnés lors du colloque informatique et enseignement
Paris les 21 et 22 novembre 1983

ÉQUIPEMENT

Universités : recherche et enseignement (réseau de calculateurs, mini et micro-ordinateurs)

 

1979

1980

1981

1982

1983

1984*

Coût

40 MF

39.1 MF

50.6 MF

87.9 MF

139.7MF

211.9MF

   

-1%

+28%

+73%

+59%

+52%

Enseignements primaires et secondaires : micro-ordinateurs et périphériques pour l'enseignement général et technique

 

1979

1980

1981

1982

1983

1984*

Coût budgét.

 

7 MF

33 MF

41 MF

70 MF

177 MF

M.Ind.

Dép.

11 MF

10 MF

4 MF

30 MF

 

10 MF

 

50 MF

M.Ind : Ministère de l'Industrie ; Dép : départements ; * prévisions

FORMATION DES PERSONNELS ENSEIGNANTS (ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES)

 

1981-1982

1982-1983

1983-1984

Coût budgétaire

50 MF

90 MF

200 MF

Nombre d'enseignants formés

4 200

11 000

20 000

Nb de centres de formation de formateurs

11

15

20

M.F. : millions de francs

     Pour les logiciels, la multiplication des sites et la diversification des didacticiels compliquent la diffusion par l'U.L.E. La création d'un Groupement d'intérêt public (GIP) est envisagée pour développer la production et élargir la diffusion par association de partenaires des secteurs publics et privé.

     Dans le schéma directeur « télématique » du CNDP est prévu le téléchargement pour la diffusion directe aux établissements à partir d'un serveur télématique (Serveur universitaire national d'information scientifique et technique ou S.U.N.I.S.T., installé à l'Isle d'Abeau dans les locaux de la Direction des bibliothèques, D.B.M.I.S.T.). Ce schéma directeur intègre les réalisations télématiques de l'Éducation nationale qui ne peuvent toutes être citées ici : Télémédiathèque du C.R.D.P. de Bordeaux, systèmes informatisés de documentation pour l'enseignement de Toulouse (Récolte), Lyon et Grenoble (Sideral), réalisations du Centre d'études, de recherches et d'applications des technologies nouvelles pour la formation et l'information (C.A.T.E.N. de Rennes)... À Lyon, du 3 au 5 septembre se tiennent le premier colloque international francophone et un forum consacrés aux logiciels d'enseignement.

     À la rentrée 84, fonctionnent 27 centres de formation approfondie (dont deux pour les disciplines techniques industrielles à Nancy et Marseille) sans compter les centres de formation à l'enseignement de la technologie introduit dans les collèges. Dans les formations initiales, l'informatique progresse : formation des instituteurs, des stagiaires de C.P.R., introduction dans les D.E.U.G La M.I.F.E.R.P. entreprend une évaluation et met en place des groupes académiques d'évaluation de la formation continue en informatique.

     À côté du dispositif scolaire proprement dit, les stages de formation sont également de plus en plus fréquents : stages des mouvements d'éducation populaire (Ligue de l'enseignement notamment), stages des G.R.E.T.A. (organisés par la C.A.M.I.F. par exemple), Universités et écoles informatiques d'été, centres X2000, etc.

     La rénovation pédagogique fait sa place à l'informatique. Non seulement elle est présente dans la technologie des collèges mais elle entre dans les nouvelles options technologiques industrielles expérimentées en seconde en 1984-1985 dans environ 75 lycées techniques : deux options de quatre heures « Technologie et sciences industrielles » (T.S.I. ou technologie des systèmes informatisés et automatisés) et « Productique » remplaçant l'option lourde de 11 heures qui rebute beaucoup d'élèves au risque de tarir le recrutement des sections industrielles. Expérimentée depuis 1981, l'option informatique « générale » est étendue à 74 lycées et sa « banalisation » est décidée pour 1985-1986.

     Le 21 novembre 1984, M. R. Carraz, Secrétaire d'État chargé de l'enseignement technique et technologique présente son programme pour une grande politique des enseignements technologiques faisant de la culture technique une composante de base de la culture générale dans la formation de tout citoyen. Outre l'introduction de l'informatique dans tous les enseignements technologiques, il évoque les usages de l'informatique dans la vie scolaire (gestion des notes, des absences, de l'emploi du temps, contrôle continu, cahiers de textes...) et annonce l'introduction, dans les enseignements élémentaires, dès la rentrée 1985, d'une initiation scientifique et technique faisant sa place à l'informatique ce qui suppose l'équipement en ordinateurs de tous les établissements.

     Les 8 et 9 décembre 1984, le S.N.E.S. organise son colloque « Technologie nouvelles ». Les 31 janvier et 1er février 1985, à Cachan se tient le séminaire « Construction, informatique et formation ». Du 12 au 14 février des actions de développement et de formation sont préparées par le colloque « Apport de l'informatique à l'Éducation physique et sportive »... La réalisation du plan « 100 000 » est en bonne voie.

LE POINT SUR LE PLAN
(FIN 1984)

1. Enseignements supérieurs

     En matière d'informatique, l'effort fait en 1984 (plus de 210 millions de francs) est maintenu : près de 230 MF dont 90 pour l'enseignement lui-même (40 en 1980, 140 en 1983).

     Ce rythme de la formation des informaticiens (comprise dans le plan « filière électronique ») devait permettre d'atteindre, dès 1986, les objectifs du IXe Plan (de 1981 à 1983, accroissement des 2/3 du nombre des ingénieurs et assimilés formés chaque année, d'un tiers de celui des diplômés du premier cycle).

2. Enseignements scolaires

. Équipements informatiques : 238,5 millions de francs pour 1985 (112 pour les lycées, 78,5 pour les collèges et 48 pour les écoles) contre 167 en 1984, 33 en 1981 et 17 en 1980.

     Les collectivités territoriales ont attribué en plus, 92 millions de francs en 1984 et leur contribution dépassera 100 millions de francs en 1985. Le parc des ordinateurs est passé de 1 700 (fin 1981) à 34 000 (fin 1984), il devait être très supérieur à 100 000 en 1988.

     À la rentrée 84, plus de la moitié des lycées avaient un équipement de l'Éducation nationale (650 lycées et 700 lycées d'enseignement professionnel, L.E.P.).

     L'équipement pour la gestion des établissements a représenté 90 millions de francs en 1984 ; 112 millions sont prévus en 1985.

. Applications pédagogiques :

En 1985 :

  • L'option informatique des lycées sera banalisée c'est-à-dire étendue à tous les établissements en mesure de l'organiser.

  • Des vidéodisques couplés à des ordinateurs seront installés dans les collèges (24,5 millions de francs) et dans les lycées (25 millions de francs).

  • 83,5 millions de francs seront consacrés à la technologie, nouvelle discipline du collège (intégrant l'informatique dans tous ses aspects).

     Le Centre National de Documentation Pédagogique (C.N.D.P.) dispose déjà de 2 000 heures de programmes audiovisuels et à peu près de 1 000 heures d'utilisation de didacticiels. 27 millions de francs seront consacrés à la production de didacticiels en 1985 (10 en 1984, 5 en 1983). La coopération entre le C.N.D.P. et les entreprises sera développée ; des organismes de coproduction seront créés.

     Un schéma directeur est établi au C.N.D.P. pour développer dans l'Éducation nationale, l'usage des moyens modernes de communication à partir de réseaux télématiques.

. Formation des maîtres à l'informatique pédagogique : 25 000 enseignants devraient être formés en 1984-1985 (20 000 l'ont été en 1983-1984).

     Vingt-sept centres universitaires de formation approfondie accueillent plus de 500 enseignants pour l'année scolaire (11 centres en 1981-1982, aucun de 1976 à 1981) sans compter les formations des instituteurs et PEGC dans des centres spécifiques.

     Vingt-sept équipes académiques de formateurs interviennent dans les établissements qui reçoivent un équipement.

     De nombreux stages sont organisés par les Missions académiques à la formation des personnels et, en 1985, plusieurs centaines de points d'appui offriront leurs ressources informatiques et audiovisuelles pour une initiation des enseignants voisins. L'informatique est introduite dans les formations initiales. Le Centre National d'Enseignement par Correspondance (C.N.E.C.) devrait participer en 1985, aux actions de formation.

     Le coût prévu en 1984-1985 est de 240 millions de francs (200 millions en 1983- 1984 et 50 millions en 1981-1982).

     Des efforts particuliers sont faits pour les zones d'éducation prioritaire (Z.E.P.), les zones rurales et l'enseignement technique.

BUDGET 1985 (en millions de F)

 

Collèges

Lycées

Total

Plan machine-outil et productique...

73

195

268

Filière électronique

 

40

40

     Une majoration de crédits de près de 150 millions de francs (pour compenser la faiblesse de la taxe d'apprentissage) ira à l'équipement des L.E.P. et lycées techniques et sera en partie utilisée pour des achats concernant l'informatique, la productique et la bureautique.

     En 1984, 550 sections de B.E.P.-A.S.A.I. (Agents des services administratifs et informatiques) sont en place (27 seulement en 1981). En 1986, toutes les sections de comptabilité et de secrétariat devraient disposer de micro-ordinateurs.

3. Actions de l'Éducation nationale « hors scolarité »

  • Centres de formation des V.F.I., jeunes du contingent qui forment à l'informatique des jeunes chômeurs.

  • Ateliers informatiques de vacances dans les établissements scolaires et Universités Informatiques d'été.

  • Les stages de formation continue et le plan « 60 000 jeunes » approuvé récemment par le gouvernement, comprennent des formations aux technologies nouvelles.

  • Le Ministère de l'Éducation nationale s'est associé à TF 1 et à l'Agence de l'Informatique pour produire les émissions d'initiation informatique de TF 1.

(Extraits du n° 243 de « La famille et l'école » revue de la F.C.P.E)

9. Le plan « Informatique pour tous »

     Préparé au troisième trimestre de 1984, il est présenté par le Premier Ministre le 25 janvier 1985 :

  • Par l'équipement de tous les établissements publics d'enseignement, ce plan a pour objectif d'initier tous les élèves et les étudiants à l'informatique. Ces équipements seront accessibles à tous les citoyens.

  • En 1985, 120 000 micro-ordinateurs seront installés (fin 1985, le parc total des établissements publics d'enseignement sera de 160 000 micro-ordinateurs), 11 000 ateliers seront créés dans 8 000 écoles, 2 300 collèges, 350 lycées et 400 universités. Les 33 000 autres écoles recevront un micro-ordinateur.

  • En 1985, 110 000 enseignants recevront une formation informatique (fin 1984 : 2 500 ont reçu une formation d'un an et 45 000 une initiation.

  • 250 logiciels sont en cours d'adaptation. En septembre 1985, 500 auront été diffusés (400 pour l'enseignement et la formation professionnelle, 100 dans le domaine de l'informatique pour tous).

     Le but est donc de dépasser, dès 1986, l'objectif fixé jusque-là à la fin du IXe Plan (1988). Le Premier Ministre lui-même est engagé ; il confie la responsabilité technique à un délégué aux nouvelles formations (M. Trigano) qui est assisté du chef de la Mission aux technologies nouvelles créée en janvier au Ministère de l'Éducation nationale et qui regroupe la plupart des personnels des équipes informatiques des directions pédagogiques.

     M. Laurent Fabius conclut : « La formation est l'investissement le plus important de la Nation, la clef de voûte de la modernisation du pays. L'informatique va devenir de plus en plus une véritable seconde langue. L'objectif du Président de la République, le nôtre, est de faire de cette génération la mieux formée de notre histoire. Grâce à ce plan, la France va être, dès cette année, un des premiers pays du monde, probablement le premier, dans l'enseignement de l'informatique pour tous. »

 

ESSAI RÉCAPITULATIF

- Nombre total d'établissements en France : 43 000 écoles, 4 900 collèges et 2 500 lycées

- Plan « 100 000 micros » :

* Equipés au 31-12-84 : 1 000 écoles, 1 600 collèges et 1 800 lycées

* Equipés au 31-12-85 : 1 000 écoles, 1 000 collèges et 350 lycées

- « Informatique pour tous »

* équipés en ateliers : 8 000 écoles, 2 300 collèges, 850 lycées et 400 universités

* avec un micro : 33 000 écoles

- Enseignants formés en 1985 : 80 000 (écoles), 23 000 (collèges) 3 500 (lycées) et 800 (universités)

- Coût en millions de francs

* Équipement : 1 130 (écoles), 230 (collèges), 105 (lycées) et 120 (Universités), total 1 585

* Maintenance et fonctionnement : 120 (écoles), 34 (collèges), 16 (lycées) et 56 (universités), total 226

* Formation : 180 (écoles), 52 (collèges) 8 (lycées), 4 (universités), total 226

* Total : 1 430 (écoles), 316 (collèges), 129 (lycées), 4 (universités), total 2 055

(Estimations faites au 15 février 1985)

*
*    *

     Cette histoire témoigne de l'effort continu d'enseignants et d'administrateurs très tôt convaincus de l'avenir et de l'importance de l'informatique dans l'enseignement. Enthousiasme et persévérance leur ont permis de surmonter bien des difficultés dans les années 70. Leur volonté de progrès a été soutenue par l'adhésion de la F.E.N. à leur entreprise et les critiques syndicales visant à développer les moyens jugés insuffisants ont été constructives.

     À partir de 1981, le déploiement de l'informatique dans l'Éducation nationale connaît une constante accélération mais il ne remet pas en cause les expériences passées et conserve leur place aux pionniers. Sans égal dans toute l'histoire de notre système scolaire, l'extraordinaire développement des équipements et des formations est rendu possible par le changement de mentalité de la société française qui, appréciant l'importance de l'informatisation, accepte l'augmentation rapide des dépenses correspondantes.

     En 1985, le plan « Informatique pour tous » constitue un pari exceptionnel. Il n'est pas seulement un nouveau progrès ; il provoque un brutal changement d'échelle : en moins d'un an c'est six fois plus d'ordinateurs, six fois plus d'enseignants concernés et vingt fois plus d'établissements équipés que prévus dans le plan précédent. À la fin de l'année, grâce à 120 000 machines ajoutées aux 40 000 déjà installés, un enseignant sur quatre devra avoir reçu une initiation. En juin 1986, tout élève ou étudiant sortant du système scolaire aura travaillé sur ordinateur.

     Un grand défi est ainsi lancé à tous, constructeurs d'ordinateurs, producteurs et distributeurs de logiciels, formateurs et autres enseignants de qui dépend le sort du plan. Dans la rude compétition économique mondiale, l'indispensable modernisation française passe par le développement des « technologies nouvelles », en particulier de l'informatique. Cela requiert un immense effort de formation et « l'Éducation nationale doit être le fer de lance de la modernisation ». « Informatique pour tous » pousse l'école publique au premier rang et confie aux enseignants une position stratégique.

     La réussite des stages du printemps a dépassé toutes les prévisions tant par le nombre des centres ouverts que par celui des formateurs mobilisés et celui des stagiaires rassemblés. Souligner que beaucoup de candidats aux stages n'ont pu obtenir satisfaction, c'est rappeler que, comme toujours dans le passé en matière d'informatique pédagogique, l'offre de l'Éducation nationale reste inférieure à la demande des enseignants. N'est-ce pas la meilleure preuve que ceux-ci ont bien pris conscience de l'enjeu ?

 

La Celle Saint-Cloud, 1985

Émilien Pélisset
Professeur agrégé
Président de l'association Enseignement Public et Informatique (EPI)

 

Article paru dans Système éducatif et révolution informatique, Collection Recherches, Les cahiers de la FEN, 1985, 192 pages.

___________________
Association EPI
30 septembre 2002

 

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