TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION BILAN D'UNE EXPÉRIENCE Pascal BOYRIES
J'ai réalisé l'an dernier, avec les élèves d'une classe de seconde, une expérience qui ressemble beaucoup à ce que l'on appelle les T.P.E. (Travaux Pédagogiques Encadrés), même si le côté interdisciplinaire n'était pas ici systématiquement présent, car non imposé initialement. I. CONTEXTE GÉNÉRAL 1. Contexte historique En septembre 1996, nous avons lancé au lycée Baudelaire de Cran-Gevrier, le projet de réalisation d'un cédérom sur le thème de "l'homme et la montagne" [1]. Globalement, il s'est agi de proposer aux élèves des travaux de recherche sur le thème, par petits groupes ou individuellement, dans plusieurs classes, et dans plusieurs disciplines. Les objectifs pédagogiques étaient :
2. Les rois du "Copier-Coller" Indépendamment des problèmes organisationnels et techniques, la principale difficulté que nous avons rencontrée les deux premières années, a été celle d'obtenir de la part des élèves, des travaux qui soient de véritables travaux de recherche qui utilisent toutes les possibilités actuelles de la recherche documentaire et d'information. En effet, la tentation de certains groupes (et parfois c'est allé bien au delà de la tentation...) a été d'imprimer des pages trouvées en ligne ou sur des cédéroms encyclopédiques, et de les réorganiser en jouant habilement du "Copier-Coller" afin d'obtenir quelque chose de très esthétique... mais parfois vaguement en relation avec le thème de travail : cas extrême, un exposé qui n'était que l'impression des pages sur les parcs nationaux américains d'une encyclopédie numérique (phénomène révélateur : ce groupe n'a pas compris le 2/20 qui est résulté de ce riche travail de synthèse...). Or avec la multiplication des sites internet et des cédéroms, il est impossible à l'enseignant de vérifier si le travail rendu par les élèves sur disquette ou imprimé, est le fruit de leur labeur, ou de celui d'autres personnes. Il a fallu à la suite de ces observations, construire des outils qui :
II. ORGANISATION DES TRAVAUX À la suite de ces deux premières années, nous avons modifié quelque peu nos méthodes de travail. Pour cela, j'ai imposé l'année passée :
1. Le cahier d'enquête Ce ne peut être qu'un cahier grand format. Les classeurs sont interdits, car les pages sont mobiles, le crayon est interdit, l'encre bleue est interdite, et les pages doivent être numérotées en début d'année. Il est lié à chaque groupe. Il est composé de trois ou quatre parties :
2. Découpage annuel du travail Le travail est "borné" sur l'année, les grandes périodes étant :
Pour vérifier le bon suivi du bornage et faire sauter les blocages qui pouvaient apparaître, j'ai organisé 3 à 4 séquences de travail avec chaque groupe. Ces séquences avaient lieu pendant les heures de modules. Les élèves ont été confrontés à un certain nombre de problèmes indépendants de leur volonté, mais qu'il a fallu qu'ils gèrent :
3. Évaluation du travail Le travail a donné lieu à trois formes d'évaluation : Une évaluation formative en cours d'année lors des séquences de travail avec chaque groupe. Cette évaluation me permettait de me rendre compte de l'état d'avancement des travaux, des blocages, du fonctionnement du groupe. Elle me permettait aussi d'effectuer des relances et de faire éventuellement sauter des verrous organisationnels, techniques, ou moraux. Cette évaluation donnait lieu à une note qui n'était pas communiquée aux élèves et n'entrait pas dans la moyenne. Cette note me servait essentiellement de repère. Une évaluation sommative du cahier d'enquête fin mai. Cette évaluation ciblait : les qualités d'organisation du groupe, les qualités de la recherche (simple compilation d'ouvrages ou véritable enquête ou recherche), la capacité à définir une problématique et à rechercher de l'information en liaison avec cette problématique. Une évaluation sommative de l'exposé ciblée sur les qualités de synthèse et rédactionnelles (ce dernier point m'a posé problème avec les vidéos). À cela s'est ajoutée la présentation du travail par chaque groupe devant la classe. Cette présentation consistait essentiellement en un exposé des problèmes rencontrés et des solutions éventuellement apportées. III. BILAN DE CETTE NOUVELLE ÉTAPE DE L'EXPÉRIENCE 1. Le bilan de l'expérience est globalement positif Les élèves ont réalisé des travaux de qualité variable, mais aucun exposé n'a eu les travers signalés plus haut (en I.2). La plupart des groupes ont montré des qualités d'organisation surprenantes, et ont balayé de nombreux champs des possibilités d'investigation : mail, Web, CDI, bibliothèques locales, micro-trottoir, fax, téléphone, courriers... Les travaux de synthèse obtenus sont tous de véritables travaux de synthèse : les exposés sont plus courts que les années précédentes, mais beaucoup plus denses. Les élèves ont bien compris la différence qu'il peut y avoir entre une problématique et un thème de travail, car ils se sont cassés les dents plusieurs semaines sur cette notion de problématique (cf. figure 4). Les supports d'exposés ont été assez variés : copies doubles, disquettes, feuilles imprimées, vidéos (cf. figure 3).
2. Il reste toutefois un certain nombre d'ombres Je n'ai pas commencé les séquences de travail avec les groupes avant décembre, or, à cette date, certains groupes n'avaient pas encore défini leur problématique. Ces séquences de travail ont quelque peu perturbé mes modules. En effet, lorsque j'étais avec un groupe, je ne pouvais pas m'occuper du reste de la classe, il fallait donc que je leur donne un travail à faire en autonomie. Je n'ai pas toujours eu le temps de vérifier l'état d'avancement de ce travail, ni eu toujours le temps de préparer des travaux de qualité qui permettent aux élèves de travailler dans une véritable autonomie constructive. J'aurais aimé, dans certains cas, avoir l'avis de collègues d'autres disciplines, ce qui s'est fait de façon trop ponctuelle. 3. Perspectives Ce travail réalisé avec une classe de seconde m'a pleinement satisfait. Je ne l'ai pas repris cette année dans la mesure où je n'ai pas de classe de seconde, et où j'ai voulu essayer autre chose avec mes premières STT et mes terminales. Si je reprends des secondes une prochaine année, je le remettrai en place avec plus de conviction dans la mesure où c'est un excellent travail de préparation aux TPE. Je resterai, je pense dans un cadre monodisciplinaire, de façon à faire une préparation "douce" aux TPE et à établir une progression vis à vis d'eux. À titre personnel, ce travail m'a permis cette année de réfléchir plus sereinement à la mise en place des TPE à la rentrée prochaine et de mettre au point quelques fiches pratiques [2] sur la recherche documentaires adaptées. SYNTHÈSE Cette expérience, lancée avant que les TPE n'apparaissent, ressemble beaucoup au concept qui semble les caractériser d'après le protocole et la note rentrée, qui les définissent si ce n'est que le cahier d'enquête y porte le nom de "carnet de bord". Elle m'a permis d'observer la motivation et l'investissement des élèves sur des questions qu'ils ont choisies, mais aussi l'apport que peuvent avoir de tels types de travaux. Elle a montré la nécessité de mettre au point un certain nombre d'outils [3] qui permettent de "discipliner" l'utilisation des TIC et d'en faire de véritables outils de travail et de recherche, et non de simples outils de copiage, ce qui est le grand risque. Elle fait bien entendu ressortir le fait que le prof n'a plus les mêmes fonctions que dans un enseignement traditionnel, et que ce nouveau rôle ne s'apprend pas spontanément. Il apparaît aussi que les critères d'évaluation doivent être revus : pas question ici d'évaluer des connaissances sous leur forme traditionnelle, même si celles-ci sont prises en compte : les élèves ne peuvent pas construire une bonne synthèse s'ils n'ont pas assimilé les savoirs sur lesquels ils travaillent. Pascal BOYRIES Professeur d'Histoire-Géographie pboyries@edres74.cur-archamps.fr Paru dans la Revue de l'EPI n° 97 de Mars 2000. NOTES [1]. Sur ce projet, cf : BOYRIES Pascal, KIENER Jean-Marc : "L'homme et la montagne : approche pédagogique double autour de la réalisation d'un cédérom", Revue de l'EPI, n° 92, décembre 1998, p. 177-196. Version expurgée des images consultable à http://perso.wanadoo.fr/pascal.boyries/articles.htm [2]. elles sont accessibles à : http://www.clionautes.org/profs/pboyries/former/tic-hg/demarche/enquete/index.html [3]. Sur ces outils cf. le site ci-dessus. ___________________ |