QUAND DEWEY "SURFE" SUR LE WEB Robert BIBEAU
1. PORTRAIT DES BIBLIOTHÈQUES SCOLAIRES À l'occasion du lancement de la politique nationale de la lecture et du livre, en mars 1998, la ministre de la Culture et des Communications rendait publics les résultats d'une enquête menée auprès des écoles québécoises. Le sondage avait pour but de tracer le portrait des bibliothèques scolaires québécoises et de déterminer le niveau des ressources mises en œuvre pour assurer l'accès au livre et à la lecture chez les jeunes. Que nous révèle l'enquête ? Que sous certains aspects, la situation de la bibliothèque scolaire s'améliore et que sous d'autres rapports elle se détériore depuis 1988, année du précédent sondage. Elle nous apprend également que les réseaux de communication et l'Internet pourraient bien offrir une solution aux maux qui accablent la bibliothèque scolaire et une source d'enrichissement important de son fonds documentaire, à la condition toutefois que l'on parvienne à surmonter l'anarchie qui préside au développement d'Internet. 1.1 La situation de la bibliothèque scolaire s'améliore Selon les données recueillies en 1997, la quasi-totalité (92%) des écoles possédaient une bibliothèque [2]. Ce taux était de 90% en 1988, donc pas de glissement de ce côté. Plus du quart des écoles avaient conclu une entente de services avec la bibliothèque de leur municipalité. Ce taux était de 19% en 1988. Ces ententes portaient sur le prêt de documents, l'organisation de visites périodiques à la bibliothèque municipale et l'animation. Tous ces taux sont à la hausse depuis 1988. En termes de ressources humaines, 90% des écoles ont un responsable pour leur bibliothèque (96% au secondaire et 89% au primaire). Ce taux a doublé depuis 1988. Pour près de 30% des écoles, le responsable est une bibliothécaire ou une technicienne en documentation. Par contre, dans 30% des écoles, le responsable identifié est un parent bénévole. En fait, presque la moitié des heures consacrées au service de la bibliothèque scolaire sont fournies gratuitement par des bénévoles. Cette proportion atteint même 76% au niveau préscolaire et primaire. 1.2 La situation de la bibliothèque scolaire se détériore Qu'en est-il du fonds documentaire et du financement ? En 1997, les bibliothèques dépensaient en moyenne un montant de 5,20 $ par élève par année pour acquérir des livres ou des périodiques, ce qui constituaient un recul de presque 28% de leur pouvoir d'achat en chiffres absolus et de beaucoup plus si l'on considère les effets de l'inflation depuis 1988 [3]. Comment alors s'étonner que l'on ne compte que 13,1 livres par élève en moyenne dans l'ensemble des bibliothèques scolaires alors qu'on en dénombrait 14,6 en 1988. Deux bibliothèques secondaires sur cinq n'ont pas effectué d'élagage de leur collection (retrait de volumes endommagés, désuets ou périmés) depuis plus de deux ans et le tiers depuis plus de quatre ans. Dans ces conditions, il est agréable d'apprendre que dans sa politique sur la lecture et le livre, la ministre Beaudoin prévoit l'acquisition d'un million de livres par année pendant cinq ans spécifiquement pour les bibliothèques scolaires. Par contre, une bibliothèque sur trois au niveau primaire et deux bibliothèques sur trois au niveau secondaire possèdent des documents audiovisuels et des documents informatiques (logiciels). Une enquête réalisée par la Direction des ressources didactiques du MEQ en novembre 1997 indique que l'on trouve des ordinateurs dans 67% des bibliothèques au secondaire et dans 36% au primaire. La moitié des bibliothèques scolaires au secondaire et le quart au primaire sont reliées à Internet et ces taux sont en croissance rapide. Internet viendrait-il à la rescousse de la bibliothèque scolaire pour enrichir son fonds documentaire ? Assurément, encore faut-il que cette information pléthorique soit harnacher, organiser, indexer et structurer afin d'être questionner et retrouver par les élèves. 2. INTERNET À LA RESCOUSSE DE LA BIBLIOTHÈQUE SCOLAIRE Certains prétendent que le réseau Internet est la bibliothèque mondiale de l'ère numérique [4]. Internet est plutôt un centre de documentation "chaotique" où l'entropie est reine. Cette mine d'information contient non seulement des livres et des articles de périodiques, mais aussi des données scientifiques, des menus de restaurants, des comptes rendus de colloques, des messages publicitaires, des enregistrements audio et vidéo... l'anecdotique et l'éphémère côtoient le sublime et l'essentiel. Nonobstant cet éclectisme des sources et des données, il est indéniable qu'Internet offre de gigantesques gisements de données pertinentes et inédites, des veines de minerais bruts qu'il faut apprendre à affiner pour en extraire ces métaux précieux que sont les connaissances. Il est sage de ne pas confondre données et connaissances ; pour que les données se transforment en connaissances, elles doivent transiter par un processus d'organisation, d'intégration et de mise en perspective culturelle. L'école et sa bibliothèque (CDI) jouent en cela un rôle capital. Il est bon également de ne pas confondre cueillette d'information dans le Net et recherche documentaire. La cueillette d'information vise à rassembler des données inédites, souvent éparses, en utilisant les outils d'investigation et de communication qu'offre Internet. La recherche documentaire vise à identifier et à exploiter des ressources informationnelles déjà traitées et éditées. 2.1 Rôle et mission de la bibliothèque scolaire (CDI) En tant que lieu privilégié de contact avec l'information véhiculée par l'imprimé et par l'électronique, la bibliothèque scolaire est au cœur du projet éducatif de l'école et, pour bien des jeunes, l'occasion d'approfondir les premiers apprentissages formels acquis à l'école. Voici comment nous pourrions décrire son rôle et sa mission. La bibliothèque scolaire est un lieu physique où l'on retrouve, d'une part, des documents sur différents supports : imprimés, sonores, vidéographiques, analogiques ou numériques (didacticiels, logiciels, cédéroms et banques de données dans Internet), et d'autre part, des services bibliothéconomiques (gestion du fonds documentaire, politique d'acquisition-élagage, catalogage, indexation, classement, signalisation, informatisation, etc.). On y retrouve également des services d'animation culturelle et pédagogique (formation aux habiletés d'information). La bibliothèque scolaire est aussi un carrefour où l'on peut accéder à une quantité quasi illimitée de documents et de ressources distantes par la magie des réseaux télématiques et de l'Internet. La bibliothèque devient ainsi un centre documentaire et d'information multimédia (CDI). Il ne suffit plus de compter les volumes pour connaître la richesse d'une bibliothèque-centre documentaire multimédia, il faut maintenant aussi compter les postes équipés d'un lecteur de cédéroms et les ordinateurs reliés par les inforoutes aux autres bibliothèques à travers le monde [5]. 2.2 La mutualisation des ressources locales et nationales Grâce aux réseaux de communication, et malgré l'entropie et la cacophonie du Web, la bibliothèque scolaire n'est plus simplement un lieu, elle est aussi un centre virtuel qui regroupe des ressources locales, "intra-muros", propres à chaque bibliothèque, et des ressources régionales et nationales, "extra-muros", que toutes les bibliothèques scolaires peuvent maintenant se partager grâce aux inforoutes [6]. Au niveau national, on peut imaginer qu'au-delà d'une liste de services et de sites Web fournie à toutes les bibliothèques scolaires du Québec via un site carrefour, une espèce de Toile éducative [7], D'autres listes de sites Web et de services régionaux seront requis. Ces répertoires régionaux pourront ensuite être complétés localement, dans chaque établissement si nécessaire, de façon à amalgamer les ressources locales aux ressources régionales pour ainsi créer une vaste banque nationale de ressources et de services pédagogiques indexés et commentés. Le Consortium des bibliothèques de Saint-Hyacinthe [8] est un bon exemple de cette effort de mutualisation des ressources documentaires régionales par l'entremise d'Internet. Formé de la bibliothèque municipale T.A. Saint-Germain, de la bibliothèque du Cégep régional et du centre documentaire multimédia de la polyvalente Hyacinthe-Delorme, il offre un puissant outil de recherche inter-bibliothèque et un bassin documentaire comprenant 187 000 documents que les élèves peuvent emprunter à distance et même, pour une partie, consulter à partir de leur domicile ou de leur école. Autre exemple, le Centre régional de services aux bibliothèques publiques de Québec-Chaudières-Appalaches et ses vingt bibliothèques affiliées ont mutualisé leurs ressources pour faire de leur site Web un lieu de coopération inter-bibliothèques [9]. 2.3 Le bibliothécaire-internaute Le rôle du documentaliste scolaire n'est pas d'archiver et de conserver cette documentation et ces références pour les générations futures mais de servir "d'interface conviviale" entre l'information et l'élève. Le bibliothécaire-internaute n'est pas un archiviste mais un formateur, aux habiletés transversales et transdisciplinaires [10] les plus cruciales... les habiletés d'information. Pour ce faire, il doit s'appuyer à la fois sur les méthodes bibliothéconomiques et sur celles liées au traitement de l'information propres à chacune des disciplines du curriculum (méthode scientifique, historique, statistique, journalistique, etc.). "Le rôle du documentaliste n'est pas tant d'aider l'élève à répondre à la question du professeur que de l'aider à aborder une masse d'informations constituée de documents de différents niveaux, de différents points de vue, dans laquelle l'élève (l'adulte !) se sent le plus souvent perdu. Le documentaliste s'attachera alors à faire découvrir les tris possibles : genre, nature, niveau de difficulté, afin de sensibiliser à la façon dont les informations sont organisées dans tel ou tel domaine. C'est par ce type d'actions que l'élève va acquérir un savoir documentaire transférable dans toutes les disciplines [11]". 3. FORMER LES ÉLÈVES AUX HABILETÉS D'INFORMATION Parmi cet océan de données, lesquelles sont pertinentes, validées et fiables ? Ces données sont-elles structurées ? Sont-elles mises à jour régulièrement ? Où se trouvent-elles précisément ? Le site Web offre-t-il des outils de recherche, de traitement et d'interprétation des données (analyse documentaire, résumé indicatif ou informatif, indexation à partir d'un langage documentaire, etc.) ? Les sources sont-elles indiquées ? Le droit d'auteur est-il respecté ? S'agit-il d'une version intégrale, parfaitement conforme à l'original ou d'une contrefaçon [12] ? Peut-on utiliser librement ces ressources ? Quel en est le coût d'utilisation ? Voilà quelques-unes des questions qui confrontent l'internaute-apprenant et auxquelles pédagogue, enseignant, bibliothécaire et documentaliste doivent apporter des réponses si l'on souhaite que les élèves naviguent avec bonheur sur les eaux virtuelles du cyberespace. 3.1 Faire apprendre les méthodes de recherche Devant cette information toujours plus abondante, partielle, éparpillée, répétitive, détaillée et difficile à cataloguer, il est essentiel de rendre l'élève de plus en plus autonome en lui enseignant les méthodes et les procédures de recherche et en l'habilitant à utiliser les outils de recherche documentaire disponibles dans Internet (répertoires et moteurs de recherche) [13]. Il faut pour cela créer de véritables centres documentaires multimédias (CDM) [14], lieux privilégiés permettant à l'élève de s'initier à la démarche et aux méthodes de recherche adaptées au Web (flânerie, inspirée, structurée, active) [15] et en relation avec les activités pédagogiques proposées dans les programmes d'études [16]. Chantal Brodeur, bibliothécaire à la Bibliothèque municipale de Verdun, souligne dans un article de l'Index Virtuel [17] : "Ce n'est que depuis très récemment que les producteurs de matériels didactiques ont commencé à s'intéresser aux besoins spécifiques des enfants en matière de recherche d'information. Or, il est actuellement primordial pour les jeunes de posséder des habiletés en matière de recherche et de traitement de l'information et de lecture des médias." Des expériences sur le terrain ont démontré que les élèves éprouvent d'importantes difficultés à repérer l'information et à en évaluer la fiabilité, la qualité et la pertinence que ce soit par le moyen des techniques traditionnelles ou par le biais des nouvelles technologies. L'élève doit d'abord comprendre l'organisation logique de l'information. Pour y arriver, la première étape est de comprendre l'organisation de la collection à la bibliothèque qu'il fréquente : regroupements par sujets ou classification décimale Dewey. Une fois que les élèves ont compris ce concept de classification organisée, ils ont beaucoup plus de facilité à repérer l'information car ils ont consciences que les documents traitant d'un même sujet sont classés au même endroit. Ils apprennent ainsi à butiner dans les rayons. Cependant, cette étape est difficile à franchir pour les jeunes qui sont souvent inaptes à conceptualiser. Qui plus est, ils ne savent que très rarement dans quelle source chercher. C'est pourquoi il est si important de respecter leur rythme de développement cognitif. En ce qui a trait aux recherches sur cédérom ou dans Internet, on remarque que les jeunes s'intéressent davantage aux effets multimédias et à la flânerie dans le Web qu'au contenu des documents. Le manque d'habiletés en recherche d'information chez les jeunes est la principale cause d'échecs et de découragements dans leurs recherches (Fasick, 1995). 3.2 Les quatre stades du développement cognitif chez l'élève Par ailleurs, il est très important que cette formation respecte le rythme de développement cognitif de l'enfant. Carol Kuhlthau (1988) distingue quatre stades de développement cognitif chez l'élève auxquels elle associe des besoins d'information et des compétences à utiliser les ressources documentaires de la bibliothèque. Au premier stade, de 2 à 7 ans, les enfants font l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Bien qu'ils sachent qu'une bibliothèque est organisée, ils ne sont pas encore prêts à être initiés à un système de classification. Le rôle de la bibliothèque - CDI consiste à créer le désir de lire et à le stimuler. Au deuxième stade, de 8 à 10 ans, les élèves sont capables de maintenir leur attention et leur intérêt et ils sont capables de catégoriser et d'apprendre à utiliser un système de classification. À la fin de ce stade, les élèves peuvent apprendre à utiliser les classes du système Dewey et à retrouver plusieurs sortes de documents dans la bibliothèques. Au troisième stade, correspondant à la préadolescence, de 11 à 13 ans, les élèves peuvent abstraire, généraliser ou construire des hypothèses. Leurs besoins d'information est stimulé par le contexte scolaire. Les élèves de cet âge auront plus souvent recours au bibliothécaire. On peut commencer à leur enseigner l'usage des index et d'outils de recherche sur le Web. À l'adolescence, dernier stade du développement cognitif selon Kuhlthau, les élèves cernent beaucoup plus facilement leurs besoins d'information. De façon générale, les élèves de cet âge sont capables de poursuivre une démarche de recherche inductive ou déductive et de rassembler, analyser et sélectionner leurs sources documentaires. 3.3 Les six étapes de la procédure de recherche documentaire Plusieurs documentalistes et bibliothécaires préconisent une démarche de recherche documentaire en six étapes (Léveillé, 1997) [18] :
À chacune de ces étapes de recherche est associé un lieu de travail privilégié, des outils singuliers et une tâche particulière à réaliser. La figure 1 présente les différentes étapes d'une démarche de recherche et de traitement de l'information que nous suggérons aux bibliothécaires-formateurs afin qu'ils initient auprès des élèves un processus d'apprentissage et de construction d'une démarche de résolution de problèmes d'information. Les habiletés d'information constituent selon nous des compétences fondamentales et transversales requises dans toutes les disciplines scolaires. La mise en réseaux des informations et le développement d'Internet n'ont pas créé ce besoin mais l'ont certainement exacerbé. En contrepartie, ces technologies offrent les outils et les services pour répondre de façon appropriée à ce besoin de formation. 4. DE LA NÉCESSITÉ DU TRAITEMENT DOCUMENTAIRE Dans la bibliothèque conventionnelle, la classification Dewey a permis de regrouper de façon simple et précise l'ensemble des ressources documentaires alors que les règles de catalogage en ont facilité la description. Après quelques tentatives, il semble que Dewey "surfe" mal sur le Web et que cette méthode de classification n'offre pas l'outil approprié pour le catalogage des ressources documentaires dans Internet [22]. Des langages documentaires, organisés sous forme de thesaurus, composés de descripteurs regroupés par domaine de connaissance et reliés entre eux par des relations hiérarchiques ou associatives, préfigurant l'hypertexte, auront permis de pousser plus loin le catalogage et d'accroître l'accessibilité aux données. En somme, Internet n'a rien d'une bibliothèque traditionnelle dont on aurait simplement numérisé les documents. Internet ne se développera d'un point de vue éducatif et ne deviendra un nouveau moyen d'éducation que si l'on met au point des services analogues à ceux des bibliothèques traditionnelles pour organiser l'information, la conserver et la retrouver. Même alors, Internet ne ressemblera pas à une bibliothèque conventionnelle, car son contenu restera dispersé. Les bibliothécaires et les documentalistes, qui choisissent, indexent et classent les ouvrages dans Internet, devront être épaulés par des spécialistes en technologie de l'information qui mettront au point des techniques d'indexation et de stockage automatisés de l'information. En effet, pour que l'on retrouve un renseignement parmi les millions de sites Web existants, celui-ci doit avoir fait l'objet d'un traitement documentaire. Loin d'être des carcans, les normes et les règles bibliothéconomiques sont des conditions essentielles aux échanges, et donc à l'ouverture de l'école sur l'inforoute. Faute de connaître ces règles et ces normes, les élèves rencontrent de grandes difficultés et renoncent parfois à chercher l'information. Figure 1 : la recherche d'information
4.1 La silence du Web Aujourd'hui, la recherche plein texte permet de retrouver toute l'information disponible sur un cédérom ou dans Internet. Trop d'informations, la boulimie et la surcharge informationnelle nous menacent : "il n'est pas plus rassurant ni utile de trouver un trop grand ensemble de documents que de n'en trouver aucun" (Durpaire, 1997). Comme le souligne Pascal Lapointe de l'Agence Science-Presse "Davantage d'information n'est plus nécessairement synonyme de progrès (...) cela peut aussi signifier davantage de confusion...". On fait ici référence au problème du bruit et du silence documentaire. Si on interroge un moteur de recherche comme Alta Vista sur le thème de la "météo", il indiquera des milliers de sources d'information (bruit). Si on l'interroge sur le thème de la "météorologie", il en indiquera beaucoup moins (silence). Se pose bien évidemment ici la question des signes diacritiques et du statut des langues vernaculaires dans Internet ! ?... Mais aussi le problème des méthodes et des outils de recherche, de leur efficacité et de leurs modes d'utilisation. Étant donné que l'ensemble de notre démarche pédagogique vise d'abord à former les élèves aux habiletés d'information et à leur faire connaître à la fois les méthodes de recherche et les outils technologiques d'investigation, il est important que le pédagogue informe l'élève à propos des règles et des techniques d'utilisation de ces outils (langage booléen, parenthèses, troncature, frime et signe conventionnel, proximité et "adjacence", majuscule et signes diacritiques, etc.), de leurs potentiels et de leurs limites, mais surtout des stratégies de recherche efficace [23] (du général au particulier, par objet typé, par peaufinage progressif, etc.), de la pertinence et de la validité des informations retrouvées (voir l'annexe 1 sur la technique de la tornade inversée). 4.2 La bibliothèque scolaire à la rescousse d'Internet De nouveaux sites apparaissent chaque jour dans le Web offrant une information en vrac, non-structurée, plus ou moins validée, un océan de données dont il faut extirper quelques gouttes de savoir. Devant cette surcharge informationnelle, l'élève "rapaillé" [24] doit apprendre à choisir les ingrédients de sa formation et à élaborer sa propre diététique de l'information. Il est invité à le faire sur les sites Web des projets form@net [25] et Prof-Inet [26], deux projets de formation conçus par des technologues de l'éducation, des enseignants et des documentalistes dans le but d'apprendre à harnacher le Web et Internet pour en faire des outils didactiques. Devant cette explosion, ce foisonnement et même ce désordre de l'Internet, un effort particulier d'organisation devra être consenti. Pour ne pas être submergée et leurrée par ces vagues d'informations venant de partout et pour permettre aux élèves de tirer parti de ces ressources gigantesques, d'un simple "clic", la communauté scolaire doit prendre conscience de l'importance de former les jeunes aux habiletés d'information et les éduqués aux médias. C'est là une tâche taillée sur mesure pour le bibliothécaire ou le documentaliste, mais il ne la réalisera qu'en partenariat avec ses collègues enseignants et enseignantes de l'établissement. C'est pourquoi le ministère de l'Éducation du Québec et le Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information (CLÉMI) de France [27] et le Réseau éducation-médias [28] sont à mettre sur pied un projet de formation aux médias et de création d'une agence de presse pour les jeunes francophones. Cet Inter@gence jeunesse aura son site Web où les journalistes en herbes apprendront le fonctionnement d'une agence de presse et son processus de cueillette et de traitement de l'information, contribuant ainsi à démystifier les médias et à nous éviter de revivre le syndrome médiatique... "C'est vrai... c'est écrit dans le journal" (Piette, 1996). 5. LES DEUX SE COMPLÈTENT "La primauté des textes imprimés va s'estomper mais l'avenir des supports d'information doit être pensé en termes de complémentarité et non de substitution" (Pilon, 1997). À la bibliothèque ou au centre documentaire multimédia coexisteront livres, périodiques, revues électroniques, cédéroms, logiciels sur disquettes et accès en ligne par Internet. L'inforoute enrichit le fonds documentaire de la bibliothèque branchée, mais jamais la lecture sur écran ne remplacera la lecture exploratoire ou la lecture plaisir au contact de l'objet-livre. La bibliothèque traditionnelle avec ses rayons de volumes et ses présentoirs de revues et la bibliothèque virtuelle avec sa panoplie de ressources numérisées ne sont pas antagonistes, elles sont complémentaires. Si on pouvait dessiner les plans d'une école nouvelle, il faudrait y mettre la bibliothèque - CDI (informatisée il va sans dire) au centre du dispositif et répartir les classes et les salles d'ordinateurs tout autour. Aller en classe ou aller à la bibliothèque - CDI serait identique. Les élèves auraient ainsi le loisir de naviguer d'une source d'information à une autre, tantôt imprimé (romans, albums, encyclopédies, etc.), tantôt numérique (cédéroms, disquettes, Internet) ou analogique (films, diapositives, cassettes, etc.) à partir de scénarios d'activités conçus par l'enseignant ou à partir de projets échafaudés par l'élève. N'allez surtout pas imaginer une école virtuelle où les élèves s'éduqueraient chacun chez eux, par la magie des ondes et de l'Internet. N'allez surtout pas imaginer la disparition de l'école. L'école n'est pas un décor, c'est la condition de l'éducation. Comme le disait un enseignant "J'ai besoin des visages de mes élèves pour enseigner" et l'élève de répondre "J'ai besoin des visages de mes amis et de mon professeur pour apprendre". Robert BIBEAU BIBLIOGRAPHIE L'Association Québécoise Des Professeurs et Professeurs de Français : "L'impact des technologies de l'information et des communications sur l'apprentissage et l'utilisation du français". Québec Français, hiver 1998, numéro 108, p. 54. Bibeau, Robert : L'élève rapaillé. Édu@média, vol. 2, no 5, février 1997. http://www.cssh.qc.ca/coll/paidagogia/rapail2.html. Cartier, Michel : Le nouveau monde des infostructures. Fides, Montréal, 1997, 227 pages. Clifford, Lynch : "La recherche d'informations". Pour la science. no 235, mai 1997, p. 43-50. Desautels, Luc : "Chercher sur Internet et chercher en bibliothèque". Dans Clic, no 22, mars 1998, Montréal, page 5. Dion, Jocelyne : "De la recherche documentaire à la culture de l'information, un concept en évolution au Québec". Dans Comment informatiser l'école ? , CNDP et Les Publications du Québec, Paris/Sainte-Foy, 1996, pp. 163-172. Durpaire, Jean-Louis : Internet à l'école en France. Guide d'usages pédagogiques. 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Pour se faire une idée du nombre d'occurrences d'un mot ou d'un thème, on commence par une recherche dans l'ensemble des documents (titre, texte, liens et images). Par exemple, vous tapez le mot histoir* dans le champ de recherche. On essaie ensuite de limiter la recherche aux titres des documents. Exemple : title : histoir*. Si le nombre de documents est toujours trop élevé, vous pouvez utiliser des opérateurs additionnels. Vous pouvez utiliser l'opérateur near. L'expression histoir* near Canada permettra d'identifier les documents où les deux mots apparaissent à moins de dix mots l'un de l'autre. Dans le cas où vous auriez encore trop de documents, vous pouvez restreindre la recherche à l'information en utilisant les guillemets, nous suggère Pierre-Julien Guay. Par exemple, la recherche des mots "histoire and Canada" indique 10 000 pages disponibles alors que la recherche sur les mots histoire Canada ne rapporte que trois pages disponibles dans l'Internet francophone (avril 1998) et la recherche des mots "histoire Canada" n'indique aucune page de l'Index des sites éducatifs francophones (ISEF). ANNEXE 2 http://www.enssib.fr/Enssib/f_bibliofr.htm NOTE BIOGRAPHIQUE Robert Bibeau a été professeur de géographie et d'histoire au secondaire de 1972 à 1983. Il œuvre dans le domaine des technologies de l'information et de la communication en éducation depuis 1983. Responsable des applications pédagogiques de l'ordinateur (APO) à la société GRICS de Montréal de 1983 à 1985, il a ensuite été coordonnateur de l'édition des logiciels éducatifs et du concours APOLOG, et responsable des licences mixtes au ministère de l'Éducation du Québec de 1985 à 1995. Initiateur de nombreux projets de recherche-action, notamment Le laboratoire d'écriture et L'école informatisée Clés en main, il est aujourd'hui chef du service de l'édition de matériel didactique dans Internet et responsable de la coopération France-Québec sur les inforoutes au Ministère. Il a publié plus de 200 articles sur les NTIC dans une douzaine de revues québécoises, françaises et belges. Né en 1949, Robert Bibeau est Bachelier en Sciences de l'éducation de l'UQAM et Maître es Arts en géographie quantitative de l'Université de Montréal. Paru dans la Revue de l'EPI n° 92 de décembre 1998. NOTES [1] Ce texte est disponible sur le Web à l'adresse http://www.cssh.qc.ca/coll/paidagogia/Dewey.html. [2] Ministère de la Culture et des Communications. Enquête auprès des bibliothèques scolaires du Québec. Analyse descriptive. Gouvernement du Québec, Mars 1998, p. 1. [3] En 1988, on dépensait 7,22 $ en moyenne, par élève par année. [4] Ne trouve-t-on pas dans Internet la bibliothèque virtuelle des périodiques. http://biblio.ntic.org/biblio. [5] À titre d'exemple, on trouvera dans Internet le catalogue des bibliothèques de France. http://www.enssib.fr/Enssib/f_bibliofr.htm. [6] La Vitrine APO de Montréal et l'Académie de Strasbourg offrent l'Index des ressources et des sites éducatifs de toute la francophonie. L'Index est mis à jour régulièrement grâce à un partenariat avec la société Alta Vista. http://isef.ntic.org. [7] L'essai, La Toile éducative présente la problématique et une stratégie pour la réalisation d'un tel site fédérateur. On y trouvera entre autre une typologie des activités pédagogiques utilisant Internet. http://www.cssh.qc.ca/coll/paidagogia/toile.html. [8] Le site Web du consortium des bibliothèques de Saint-Hyacinthe est à l'adresse URL : http://www.biblios.saint-hyacinthe.qc.ca. [9] http://bibliotheques.qc.ca. [10] Transdisciplinaire : approche de l'enseignement qui situe les caractéristiques, les besoins, les intérêts et la démarche de l'élève au-dessus des préoccupations des matières ou des disciplines scolaires. L'approche transdisciplinaire est génératrice d'une nouvelle discipline qui comprend et dépasse la discipline d'origine. [11] Michèle Vérité. Rôle et fonctions des CDI, dans Le CDI à l'heure d'Internet. Les dossiers de l'Ingénierie éducative, n° 25, décembre 1997, CNDP, Paris, p. 6-8. [12] L'Association québécoise des professeurs et professeurs de français recommande dans son document L'impact des technologies de l'information et des communications sur l'apprentissage du français, de "développer chez les usagers un sens de l'éthique en ce qui a trait aux droits d'auteur et aux droits de propriété intellectuelle; sensibiliser les usagers au fait que des modifications ont pu être apportées aux versions originales; inciter les usagers à indiquer clairement leurs sources et à souligner de façon explicite que des modifications ont été apportées (...)". Québec Français, hiver 1998, numéro 108, p. 55. [13] Un répertoire présente les pages Web par thème et sous-thèmes en une structure arborescente. Si le thème de la recherche est trop vague plusieurs rubriques pourront convenir et le bruit documentaire sera très grand. Un répertoire n'est alors pas très indiqué. Les moteurs de recherche permettent une interrogation qui s'apparente à la recherche documentaire par mots clés. Ce sont de gigantesques bases de données d'adresses Web indexés à partir des mots contenus dans les pages. Plus le sujet de recherche est précis et caractérisé à plus les moteurs de recherche s'avère des outils précieux. [14] Le site web de la bibliothèque du CEGEP de Sainte-Foy offre un bon exemple d'un centre documentaire multimédia. http://www.aide-doc.qc.ca/voilier/. [15] Flânerie : recherche sans intention préalable et faite en guise de passe-temps; inspirée : recherche sans intention précise et où l'internaute se laisse guider au gré des hyperliens; structurée : recherche et quête d'information précise dans le cadre d'un projet scolaire par exemple; active ou orientée : le thème de recherche est imposé et les ressources sont en partie déjà connues. [16] "L'AQPF croit qu'une importance prioritaire devrait être accordée aux actions suivantes : former les élèves afin qu'ils utilisent convenablement les technologies visant la diffusion de contenus d'information (habileté à la recherche, habileté au tri et à la sélection de documents pertinents); encourager le recours à des processus de pensée divergente et convergente dans la recherche d'informations" Op. cit., p. 54. [17] L'Index Virtuel est le bulletin de l'Association du personnel des services documentaires scolaires (APSDS). http://rtsq.grics.qc.ca/apsds/BULLETIN/index.html. [18] On trouvera sur le site de l'École de bibliothéconomie de l'Université de Montréal des ressources et des références sur cette démarche de recherche documentaire en six étapes. http://tornade.ere.umontreal.ca/~bernh/secondai/index.html. [19] L'Infobourg. http://www.infobourg.qc.ca. [20] Les internautes Louis-Gilles Lalonde et André Vuillet ont publié un livre sur le sujet aux Éditions Logiques : Internet. Comment trouvez tout ce que vous voulez. Leur site Web complète le volume. http://www.logique.com/lalonde_vuillet/. [21] On trouvera sur le site de la bibliothèque de l'Université Laval les normes bibliographiques relatives à la citation d'un document électronique http://www.bibl.ulaval.ca/doelec. Choisir au menu la section "comment citer un document électronique". [22] Le site Web de Rescol utilise, notamment, la classification Dewey pour indexer les ressources documentaires disponibles dans Internet. http://rescol.ca/francais/adm/biblio /repertoire/index.html. Le site des bibliothèques publiques de Québec-Chaudières-Appalaches présente aussi ses ressources à l'aide de la classification Dewey. http://bibliotheques.qc.ca. [23] Http://bibl.ulaval.ca/vitrine/giri/giri2. [24] L'essai, L'élève rapaillé, propose une approche anthropocentriste pour l'intégration des TIC à l'école. http://www.cssh.qc.ca/coll/paidagogia/rapail2.html. [25] Le site Web Form@net a été créé avec le soutien du ministère de l'Éducation et la collaboration de la commission scolaire de Sainte-Thérèse, de l'École de bibliothéconomie de l'Université de Montréal et du CRDP de Poitiers dans le but d'aider les bibliothécaires et les enseignants à réaliser des activités d'enseignement faisant appel aux ressources d'Internet. On trouvera dans le site des ressources de formation à la méthode de recherche documentaire en six étapes. http://pages.infinit.net/formanet/formanet.html. [26] Le site Web Prof-Inet a été conçu grâce au soutien du ministère de l'Éducation et avec la collaboration de la commission scolaire Chomedey-de-Laval dans le but d'offrir aux enseignants un outil d'auto-apprentissage d'Internet. Les auteurs sont messieurs André Vuillet et Louis-Gilles Lalonde. http://www.cslaval.qc.ca/prof-inet/. [28] Le Réseau éducation-médias vise à promouvoir l'éducation aux médias. http://www.reseau-medias.ca. [29] http://www.doc.gouv.qc.ca. ___________________ |